lundi 14 décembre 2015

D' ALCIDAMAS A ALEXANDRE DUMAS ET AU GEANT ADAMASTOR

            D' ALCIDAMAS   A  ALEXANDRE DUMAS
             ET AU GEANT ADAMASTOR: L'ORIGINE D'UN NOM DE                      GUERRE PORTE PAR  UN HOTE DU PANTHEON
                            ET L'ORIGINE    DE   MONTE CRISTO   . 

I  DUMAS : UN « NOM DE GUERRE » (ALEXANDRE DUMAS lui-même).
  Dans Mes Mémoires (chap. II), Alexandre Dumas raconte comment son père alla trouver le marquis Alexandre Davy de La Pailleterie pour lui annoncer « qu'il venait de prendre une résolution.
-Laquelle? demanda le marquis.
-Celle de m'engager.
-Comme quoi?
-Comme soldat.
-Où cela?
-Dans le premier régiment venu.
-A merveille! répondit mon grand-père; mais, comme je m'appelle le marquis de la Pailleterie, comme je suis colonel, commissaire général d'artillerie, je n'entends pas que vous traîniez mon nom dans les derniers rangs de l'armée.
-Alors, vous vous opposez à mon engagement?
-Non; mais vous vous engagerez sous un nom de guerre.
-C'est trop juste, répondit mon père; je m'engagerai sous le nom de Dumas.
-Soit.
  [...]  Mon père s'engagea donc, ainsi que la chose avait été convenue, sous le nom d'Alexandre Dumas. »
  Mais pourquoi parler d'un nom de guerre à propos de ce nom de Dumas, si c'était bien  le nom de sa mère, pourtant esclave  de Saint-Domingue, achetée par le marquis ? Comment, à l’époque, un fils naturel  aurait-il eu le droit de porter accolés les deux noms de sa mère et de son père, comme on peut le voir sur l’acte de son  mariage que produit fièrement Dumas dans les premières pages de ses Mémoires? Sa sœur Marie-Rose  a-t-elle   porté le même nom de famille Dumas ? En principe, aucun esclave ne peut, ni porter, ni s'approprier le nom de famille d'un homme libre. Quel rapport peut-il y avoir entre le nom  de Dumas et Cézette,- une esclave qui n'était même pas  issue d'un  provençal appelé Dumas    et d'une  esclave?  Le  généalogiste normand M. Gilles Henry   a bien  vu qu’il y avait là une  difficulté, pour ne pas dire une impossibilité : selon lui, dans Les Dumas, Le secret de Monte Cristo, avec préface de Didier Decoin, 1999,  Cézette faisait partie du « mas » du marquis mais ce mot provençal est inutilisé aux colonies et surprend de la  part d’un Normand.

II  QUI ETAIT CETTE CEZETTE?
   On retrouve ce prénom  à la Réunion sous la forme Nézette. Le prénom chrétien, Cessette ou Cézette, est l'altération créole de Zite ou Zita (du bas-latin diaetaria ou zetaria, l‘esclave chargée de la maison), sainte bien oubliée aujourd'hui, mais à la mode au XVIIIsiècle (elle avait été canonisée en 1696), patronne des « gens de maison » en métropole et des esclaves aux colonies, fille humble et soumise dont les maximes ne pouvaient que plaire à des maîtres d'esclaves. Telle celle-ci : «Une servante paresseuse ne doit pas être appelée pieuse : une personne de notre condition qui affecte d'être pieuse sans être essentiellement laborieuse n'a qu'une fausse piété. »
    Pouvons-nous, à travers ce que nous dit Dumas de son père, remonter à cette grand-mère afin de tenter de savoir qui elle était? Voici le portait qu’il trace de son père dans ses Mémoires , évoquant « ce teint bruni, ces yeux marrons et veloutés, ce nez droit qui n’appartiennent qu’au mélange des races indienne [non pas africaine et nègre, mais des survivants indigènes de Saint-Domingue] et   caucasique [blanche, par son père]. » On peut en conclure que le père de Dumas n’était pas un mulâtre au sens propre, autrement dit le fils d’un blanc et d’une négresse, mais un zambo, c’est-à-dire le fils d’un  blanc , et d’une Indienne, d‘une autochtone amérindienne, pour reprendre notre appellation actuelle (en fait, essentiellement des Taïnos de langue arawak, comme il y en a d’apparentés, aujourd’hui encore,  en Guyane, et qui nous ont laissé les mots de maïs et de patate).  Peu importe que l’ Indienne  Cézette ne fût pas elle-même pure de tout métissage,  l’essentiel est que Dumas  parle, non  pas d’une ascendance nègre, mais indienne : cette origine  amérindienne représentait, en tout cas à ses yeux,  la vérité, telle que son père la  lui avait transmise  et telle que lui-même y croyait. Nous  reviendrons sur cette origine en cherchant dans quelle région de l’île  on trouvait encore des descendants des indigénes à l’époque, lorsque nous aurons apporté une solution au problème que pose le nom de Dumas.
  De l'esclave Cézette et du maître Alexandre- Antoine Davy de la Pailleterie, un enfant, né esclave,  ne pouvait porter qu'un prénom choisi par le marquis et  non pas un nom de famille, quel que soit celui-ci, et pas plus Dumas que Davy de La Pailleterie. Or, dans la famille du marquis cauchois,  on recherchait les noms grecs plus ou moins rares. Par exemple, une Polyxène de la Pailleterie fut enfermée sur ordre de son mari en 1703 au Couvent de La Flèche, avant de s'en évader à la mort de son mari et d' y être reconduite, à la demande de son père cette fois, par lettre de cachet du 12 décembre 1716.
  D’autre part, un  passage du livre de R. Cornevin  Haïti (Que sais-je? 1982) est intéressant : « Le concubinage est fréquent et les affranchissements nombreux chez les enfants de colons blancs qui, ne pouvant porter le nom de leur père, bénéficient de noms venant de l’Antiquité (Metellus, Brutus, Télémaque ), ou de prénoms (Raymond, Hippolyte, Marcellin, Alexandre, Firmin…) »Le mariage ou la reconnaissance étant interdits, l’affranchissement officiel étant très onéreux, le marquis régla autrement le sort de son fils .Faute d’argent, il n’hésita pas à le vendre, sa tendresse paternelle  se limitant à  introduire dans le contrat une clause de réméré, c’est-à-dire  la possibilité de le racheter.










III  LE PREMIER PSEUDONYME DU FUTUR  THOMAS-ALEXANDRE DUMAS : THOMAS  RETORE.



   M. Gilles Henry, le généalogiste normand que nous avons déjà cité plus haut,  s'est spécialisé dans des travaux de généalogie sur la famille Davy de La Pailleterie en Normandie  et sur la famille Dumas. Grâce à lui (Généalogie Magazine, N° 175, octobre 1998), nous avons rencontré un acte de baptême en date du 5 septembre 1777, à Lisieux, où apparaît, à environ 15 ans et en tant que parrain, le futur Thomas- Alexandre Dumas sous son premier pseudonyme Thomas Rétoré avec, outre sa signature, celle de son père et la mention « fils NATUREL de Monsieur le marquis de Lapailleterie, habitant (c'est-à-dire résidant dans la colonie et y ayant fait souche) à St Domingue, de présent demeurant en cette ville ». Le nom de Rétoré est  la déformation en créole du mot orateur. Ceci nous livre une piste: quel nom d'orateur grec avait reçu du marquis lettré  le jeune esclave?
  Précisément, dans l’œuvre de Dumas, deux allusions étranges à un orateur grec ont piqué la curiosité de savants éditeurs.


  IV  DEUX ALLUSIONS MYSTERIEUSES A ALCIDAMAS.
  1°  Dans son roman Georges (1843), dont l'action se passe à l'Ile de France (l'île Maurice aujourd'hui), voici le passage où est dépeint l'esclave  Laïza, originaire d'Anjouan, aux Comores , au chap. VIII :
  « Laïza, comme Alcidamas, arrêtait un cheval par les pieds de derrière, et le cheval essayait vainement de s'échapper de ses mains. Laïza, comme Milon de Crotone, prenait un taureau par les cornes et le chargeait sur ses épaules ou l'abattait à ses
 pieds.»
   En note, M. Léon- François Hoffmann nous fait part de ses interrogations:
  « Dans Mes Mémoires, Dumas évoque à nouveau Alcidamas, à propos de Boudoux, sorte de braconnier athlétique qu'il avait connu à Villers-Cotterêts.  Boudoux était si fort « qu'il eût pris, comme Alcidamas, un cheval par les sabots de derrière, et lui eût arraché les sabots  » (XXV). De quel Alcidamas s'agit-il? Sans doute pas du rhéteur né à Elée vers 420 avant J.-C. Christ, auteur d'un Art de la Rhétorique cité par Plutarque et d'un Eloge de la mort dont parlent Cicéron et Ménandre. M. Josserand a vérifié que ni Ovide, ni Stace, ni Quintus de Smyrne ne prêtent cet exploit à leur Alcidamas. On pourrait ajouter que ni Aristote (Rhét. I, 13), ni Lucien (Conv., 12), ne le prêtent au leur non plus. Pindare chante bien un Alcidamante, lauréat des jeux olympiques (Ném.VI, 10 et 68), mais il n'est pas mentionné qu'il se soit mesuré à un cheval. Bref, j'ignore où Dumas a trouvé ce personnage. » Notons qu’Alcidamas vient du grec alkè, la force ,  et de damazô, dompter.
  2° Dans Mes Mémoires (projet dès 1847), voici le second passage, annoté par M. Josserand,  où Dumas cite Alcidamas :
«  Boudoux [ … ] eût pris , comme Alcidamas, un cheval par les sabots de derrière, et [… ] lui eût arraché les sabots ; Boudoux […] , comme Samson, eût arraché de leurs gonds les portes de Gaza et [… ] les eût emportées sur son dos ; Boudoux [… ] , comme Milon de Crotone, eût fait le tour du cirque avec un bœuf sur ses épaules, eût assommé le bœuf et l’eût mangé le même jour... »
  Voici l'annotation de M. Josserand :
 « Ni Ovide (Métamorphoses, 7, 369), ni Stace (Thébaïde, 6, 740 et 10, 500), ni Quitus de Smyrne (8, 77) ne prêtent cet exploit à leur Alcidamas...  »
V LA FORCE HERCULEENNE DU PERE.
  Alexandre Dumas avait été étonné par la force de son père : il décrit ses exploits dans Mes Mémoires et les prête à un personnage de son roman Les Louves de Machecoul (1858), Trigaud .Dans  Mes Mémoires, il écrit que  son père « plus d'une fois,  s'amusa, au manège, en passant sous quelque poutre, à prendre cette poutre entre ses bras, et à enlever son cheval entre ses jambes. Je l'ai vu, et je me rappelle cela avec tous les étonnements de l'enfance, porter deux hommes sur sa jambe pliée, et, avec ces deux hommes en croupe, traverser la chambre à cloche- pied [...] Je me rappelle enfin que, sortant un jour du petit château des Fossés, où nous demeurions, il avait oublié la clef d'une barrière; je me rappelle l'avoir vu descendre du cabriolet, prendre la barre transversale, et, à la deuxième ou troisième secousse, faire éclater la pierre dans laquelle elle était scellée. »
  Un ancien compagnon d'armes de son père lui raconte comment il prenait plaisir à regarder « un soldat, qui, entre plusieurs tours de force, s'amusait à introduire son doigt dans le canon d'un fusil de munition, et le soulevait, non pas à bras, mais à doigt tendu.
  Un homme, enveloppé d'un manteau, se mêla aux assistants et regarda comme les autres; puis, souriant et jetant son manteau en arrière :
   -C'est bien cela, dit-il. Maintenant, apportez quatre fusils.
  On obéit ; car on avait reconnu le général en chef.
  Alors il passa ses quatre doigts dans les quatre canons, et leva les quatre fusils avec la même facilité que le soldat en avait levé un seul.
  -Tiens, dit-il en les reposant lentement à terre, quand on se mêle de faire des tours de force, voilà comment on les fait. »
  Dans Les Louves de Machecoul (2e partie, chap. VI), voici les tours de force que le romancier prête au personnage de  Trigaud:
  « Et [ Pinguet], introduisant un doigt de chacune de ses mains dans chacun des canons de fusils, [...] les souleva tous deux à bras tendus.
  -Bah! dit Courte Joie, tandis que Trigaud regardait, avec un mouvement des lèvres qui pouvait passer pour un sourire, le tour de force du Limousin; bah !allez-en donc chercher deux autres!
  Effectivement, les deux autres fusils apportés, Trigaud les enfila tous les quatre aux doigts d'une seule de ses mains, et les fit monter à la hauteur de son oeil, sans qu'une contraction de muscles trahît chez lui le moindre effort.
  Du premier coup, Pinguet était distancé au point d'abandonner à tout jamais la lutte.
  Alors, fouillant dans sa poche, Trigaud en tira un fer à cheval, qu'il ploya en deux aussi aisément qu'un homme ordinaire eût fait d'une lanière de cuir; »
Ou bien:
  « Courte-Joie avait ramassé une pierre et l'avait présentée à Trigaud.
  Celui-ci, sans qu'il fût besoin d'autres instruction, la serra entre ses doigts, rouvrit la main et montra la pierre réduite en poudre.»
  De même, Alexandre Dumas rappelle dans Mes Mémoires comment son père, à cheval, soulève de terre l'un de ses hommes en grand danger et l'emporte « dans sa serre comme un épervier fait d'une alouette. » Pareillement, Trigaud, dans Les Louves de Machecoul, «saisit deux soldats par le ceinturon de leur giberne, les souleva doucement et les tint pendant quelques secondes à bout de bras, puis les reposa à terre avec une aisance parfaite.
  [...]Il avait invité deux autres soldats à s'asseoir à califourchon sur les épaules des deux premiers, et il les avait enlevés tous les quatre avec presque autant de facilité que lorsqu'ils n'étaient que deux. »
  Ainsi, Laïza dans Georges ou Boudoux dans Mes Mémoires lorsqu'ils sont comparés à Alcidamas, sont en réalité comparés, non à l’orateur grec Alcidamas, mais au père d'Alexandre Dumas: si un orateur, comme l'était Alcidamas, est rarement un athlète, en revanche un athlète peut très bien porter le nom d'un orateur, comme le père de notre auteur.
 A une époque où on lisait et où l'on appréciait tout particulièrement  les Vies des Hommes Illustres de Plutarque dans la traduction d'Amyot, un père pouvait choisir  comme prénom pour  son  fils le nom d'Alcidamas, qui apparaît, dans la Vie de Démosthène, comme l'un des maîtres de rhétorique de Démosthène, aux côtés d'Isocrate et d'Isée, plus connus, en particulier le premier.
  D'Alcidamas  abrégé en Damas(diminutif), on est  passé, par tâtonnements et par  jeux phonétiques,  à Adolphe, puis à  Thomas Rétoré (l'orateur), puis à Thomas -Alexandre Dumas.

  VI  ALCIDAMAS ET ADAMASTOR, LE GEANT GARDIEN DE L’ILE DE MONTE- CRISTO.
      Dans Un mot à propos du Comte de Monte- Cristo (repris avec des modifications dans le 1er tome de ses Causeries en 1860, sous le titre «  Etat- civil de Monte- Cristo »  ), Dumas raconte comment l‘idée du titre de son roman lui est venue à l‘occasion d‘une chasse sur l‘île de Pianosa, qu’il fit en 1842, en compagnie du  fils du roi Jérôme : ils avaient tué une douzaine de perdrix, lorsqu’ un homme qui s’était offert pour porter leur gibecière évoqua la perspective d’ une chasse formidable (des chèvres sauvages en réalité) s’ils allaient sur  une île qu’il leur montrait à l’horizon :
 « Et  comment s’appelle cette île bienheureuse?
  -Elle s’appelle l’île de Monte- Cristo.
  Ce fut la première fois et en cette circonstance que le nom de Monte -Cristo résonna à mon oreille.
  […]Monte - Cristo semblait sortir du sein de la mer et grandissait comme le géant Adamastor. »
   L’île italienne de Monte- Cristo, en face d’Aléria, sur la côte orientale de la Corse,  avec ses quelques chèvres étiques ,   est décrite en ces termes par les Instructions nautiques n°731, p. 51 : « Montechristo a 2 milles ¼ de longueur et à peu près deux milles de largeur ; elle  est très escarpée  et fournit un bon point de reconnaissance aux navigateurs venant du Sud et voulant donner dans les différents canaux de l’archipel toscan ; son sommet le plus élevé atteint 644 mètres au-dessus de la mer.. Montechristo n’est pas habitée ; mais ses côtes sont fréquentées par les bateaux de pêche ; le seul point où l’on puisse débarquer est sur la côte Ouest, dans un ravin au nord de Cala Maestra. » . Or,  aux yeux de Dumas, elle  lui apparaît  « avec un magnifique rocher en pain de sucre qui s’élevait à deux ou trois cents mètres au- dessus de la mer »
  Comme le fait remarquer  D. Fernandez, dans son roman  historique Jérémie! Jérémie! :
 «   Mensonge patent […].  Le « pain de sucre » auquel était comparé l’îlot italien renvoyait sans conteste aux cultures de cannes qui avait fait la fortune de Charles [Davy de La Pailleterie, le frère du grand-père de Dumas]. Le nom [de Monte-  Cristo] ressortissait à la partie la plus intime du passé de Dumas. Si intime qu’il n’avait pas voulu la rendre publique. » Pour être plus précis que l’académicien, Dumas projette sur l’île méditerranéenne la montagne  de Montecristi, en République Dominicaine aujourd’hui, dont Moreau de Saint- Méry écrit en 1797 que c’est un « mont fort haut, de la forme d’une tente de campagne »
  En effet, avant même d’avoir un invraisemblable prétexte de ne pas aborder, voilà  Dumas frappé d’ inhibition et paralysé  devant le paradis gardé par ce géant du Cap des Tempêtes, ancien nom du Cap de Bonne espérance au Sud de l‘Afrique: tel est le sens de cette curieuse allusion à Adamastor, le géant créé par Sidoine Apollinaire et repris par Camoëns, et surtout le géant dont le nom évoque un autre géant au non presque semblable, Alcidamas, bâti sur la même racine grecque (dama-) qui signifie dompter, écraser. Alcidamas, celui qui dompte par la force, Adamastor, celui qu’on ne peut dompter, forment dans l‘inconscient de Dumas un « Alcidamastor» qui le renvoie à son père. Le géant couleur de terre, à la chevelure fangeuse, aux lèvres noires et aux dents jaunes dépeint dans Les Lusiades interdit,  dans l‘épopée portugaise, à Vasco de Gama d’aller plus loin et de franchir le cap. Ici, Dumas se voit interdire par son surmoi, symbolisé par le terrible géant, de fouler le sol de l’île et  de révéler les secrets de sa famille,  sous peine des plus graves châtiments.
   Prenant le  prétexte de ne pas avoir à  affronter  la sanction d’une bien étonnante quarantaine étrangement appelée contumace, --    punition en réalité de la transgression qu’il a failli commettre, - Dumas préfère finalement être justement contumace, c’est-à-dire ne pas se présenter  devant le tribunal de son surmoi  en acceptant de ne pas se rebeller et de ne pas fouler l’île aux pieds. Il se contentera de la contourner avec son embarcation, mais il désire, malgré tout,  en relever la position géographique. Le prince Napoléon,  peu enthousiaste,  ne voit là que du temps perdu et dit à Dumas:
  « Soit; mais à  quoi cela nous servira-t-il?
  -A donner, en mémoire de ce voyage que j’ai eu l’honneur d’accomplir avec vous, le titre de l’île de Monte- Cristo à quelque roman que j’écrirai plus tard. »
  Peut-être songe-t-il alors à un projet de roman  d’abord intitule Une famille corse concernant une vendetta entre frères, comme, dans une île lointaine,  celle de son grand- père le marquis contre son  propre frère plus jeune, roman qui deviendra Les frères corses.
  Dumas ajoute ces paroles provocantes : «Et maintenant, libre à chacun de chercher au Comte de Monte- Cristo une autre source que celle que j’indique ici ; mais bien malin celui qui la trouvera. » 
  Or, le généalogiste normand dont nous avons déjà parlé, M. Gilles Henry, a découvert,  le premier, une piste haïtienne pour ce nom.  Dans Monte- Cristo ou l’extraordinaire aventure des ancêtres d’Alexandre Dumas- Biographies, mémoires, correspondances, avec préface d’Alain Decaux (Perrin, 1976), il a révélé que la plantation du frère du marquis,  dite du Trou de Jaquezy,  entre le Cap-Français et  Fort-Dauphin,  se trouvait à environ 24 kilomètres du port  franc alors appelé Monte- Cristo, aujourd’hui appelé Montecristi en République dominicaine : selon M. G. Henry, le nom de Monte- Cristo  renverrait, pour Dumas,  par métonymie, à cette propriété du frère du marquis située à 26 kms, mais nous estimons peu vraisemblable psychologiquement que Dumas ait choisi ce nom comme emblème s’il symbolisait son grand-oncle, l’ odieux négrier dont son grand- père voulait se venger. Selon nous,  le marquis fugitif n’avait pas été bien loin pour mettre une frontière entre lui et ses poursuivants et trouver un  refuge sûr en territoire étranger, neutre ou espagnol,  d’abord dans l’île de Monte-  Cristo située non loin du port de Monte Cristo avec ses trois compagnons, les nègres  Rodrigue et Cupidon et une négresse au doux nom, Catin, puis avec Cézette..
  Or, C’est justement en face de l’île de Monte  Cristo, aujourd’hui isla Cabrita,  dans la sierra de Monte Cristo ainsi appelée par Christophe Colomb,  que l’on trouve les descendants d’Indiens indigènes. Dans cette partie espagnole de l’île, il ne s’agit pas  de nègres,  mais de zambos , c’est-à-dire des derniers individus d’origine indienne et autochtone, plus ou moins métissés depuis longtemps avec des nègres importés de Sierra Leone ou d’ailleurs .Nous lisons, dans Haïti de R. Cornevin,  sur   toute cette contrée frontalière, voire franchement espagnole:  «C’est là que se constitua, par métissage de Noirs et d’Indiennes, le peuple des Zambo. Claude A.Gautier  dans Haïti, Qui es-tu ? , 1977[…] écrit à propos de ces éléments qui vivent dans la région des lacs, à cheval sur la frontière :
« Les hommes sont rudes, jaloux, râblés, maigres et silencieux, avec de grands yeux doux et un sourire placide. Les onégas,  appellation actuelle des filles de type indien des zones frontalières, sont cuivrées, vermeilles, sveltes, rêveuses et infatigables à la tâche. Il y a encore,  même de nos jours,  un fort mélange d’Indiens et de nègres dans les hauteurs de Pétionville, de Kenscoff et de Furcy. Ils ont la figure large, les pommettes saillantes, le nez fin et le menton pointu orné d’une barbiche. » On reconnaît dans le nez fin de ces Indiens  le nez droit attribué par Dumas à son père,  alors que le nez caractéristique des nègres est épaté. Cézette a tout de l’onéga : le marquis a vendu ses trois compagnons et racheté cette indienne qui lui plaisait plus que Catin, même si elle coûtait davantage.
  Où ,d’ailleurs, le marquis de La Pailleterie  pouvait-il chercher refuge pour échapper aux persécutions de son frère et de l’autorité française (il avait imité la signature de celui-ci  pour emprunter une grosse somme),  lorsque, en 1748, il rompt avec celui-ci  et s’enfuit, -entraînant trois esclaves dont l‘un, Rodrigue, pouvait lui sevir de guide-,  sinon en franchissant une frontière très contestée et non gardée (le traité des limites n’aura lieu qu’en 1776) et en allant, d’abord, dans la partie espagnole de l’île, puis sur l’île de Monte-  Cristo d’où il pouvait trafiquer sans crainte avec le port franc voisin du même nom, où les Anglais étaient pratiquement les maîtres ? Moreau de Saint- Méry, dans sa Description de la partie française de Saint-Domingue, 1797-1798,  nous apprend que, pendant la guerre de 1756 entre la France et l’Espagne, Monte- Cristo devint un
« port neutre pour le commerce étranger, cause d’un commerce interlope générateur. Monte-Cristo devint un canal d’abondance pour les lieux espagnols qui l’avoisinaient. » Monte- Cristo était donc une  providence pour le marquis en rupture de ban. Pendant vingt-sept ans, de 1748  jusqu’à  décembre 1775,  il n’est pas resté dans un seul endroit et sa réapparition tardive, fortune faite,  à Jérémie, bien  plus éloignée de la plantation,  ne doit pas faire méconnaître  les autres lieux où il s‘est caché entre-temps, savoir  ceux de la région de Monte- Cristo.
  Au passage, le Trou- Jérémie mérite  une explication: Jérémie rend hommage à un ancien boucanier de l’île voisine  de  la Tortue,  Jérémie Deschamps du Rausset qui, en 1659, céda  ses droits fonciers sur Haïti à la Compagnie des Indes Occidentales. Quant au curieux mot Trou, c’est du créole pour treuil, et c’est l’ancien nom du pressoir à cannes à sucre : le nom signifie donc le pressoir de Jérémie.  Pierre Larousse a ironisé sur  le duc de Trou -Bonbon, les barons du Petit- Trou et du Sale-Trou (peut-être altération d’un sas -trou, type ancien de pressoir où le verjus  était passé dans un  tamis ou sas), Msgr de La Marmelade, le Comte de La Limonade, tout comme Victor Hugo a raillé les titres conférés par l’Empereur Faustin Ier (Les Châtiments, VII) :
     O de Soulouque deux burlesque cantonade,
     O ducs de Trou- Bonbon, marquis de Cassonade…
 C’est donc en territoire espagnol, dans la sierra de  Monte-Cristo, que le marquis a  acheté  Cézette,  la belle onéga d’origine indienne. Nous voyons sur les carte publiées en 1797 par Moreau de Saint- Méry un lieu appelé le Petit Trou dans la sierra de Monte- Cristi, lieu dont nous ignorons le nom actuel, aujourd’hui entre Estero Hondo et  Punta Rucia,   C’est là, selon nous, au Petit Trou, dans les roches de la sierra de Monte-Cristi , sur la partie espagnole  de Saint-Domingue, et non pas au Trou- Jérémie, que naît en réalité le futur général.
  Ce dernier avait l’obligation de mentir sur son lieu de naissance,  car,  pour s’engager dans l’armée, il devait être né sur le sol français, ce qui n’était pas le cas avec une naissance en territoire espagnol, surtout avec une mère sujette espagnole:ceci pouvait lui causer de sérieux ennuis. On voit, dans le livre de G. Henry, Les Dumas, Le secret de Monte Cristo, qu’en juin 1796, à l’Armée des Alpes, Kellermann,  hostile à Dumas, exige avec insistance un acte de naissance que le général est bien incapable de fournir. Pour se sortir de ce mauvais pas, il sollicite le témoignage de la veuve du marquis son père ou de députés de Saint-Domingue qui n’en savent rien. Le juge de paix de la place Vendôme lui délivre ce certificat : «  Le citoyen Thomas Alexandre Dumas […] nous a dit être né à Jérémie, à Saint-Domingue, le 25 mars 1762, fils naturel du citoyen Alexandre Antoine Davy de la Pailleterie […] et de Césette Dumas,  mais il lui est impossible de se procurer son acte de naissance,  la commune de Jérémie étant depuis près de trois ans en possession des Anglais. Cet acte y supplée. »
    Monte- Cristo, appellation française de l’actuel Montecristi dominicain (la finale ne se prononçant pas), est ainsi,  pour Dumas,  le rappel de ce maquis espagnol où son noble grand- père a  résisté aux persécutions de l’autorité, la marque de son ascendance amérindienne et haïtienne, l’allusion enfin à la terre natale de sa grand-mère zambo et de son père qui a réussi à défier l‘autorité. Comme La Lettre volée d’Edgar Poe,  l’évidence masque autre chose. Le nom de Monte-  Cristo, comme celui de Dumas, ainsi que l’écrit Dominique Fernandez dans Jérémie! Jérémie! «  liait fortement Dumas à Saint-Domingue, mais par une complicité secrète, un pacte connu de lui seul, une alliance clandestine. « Dumas », y a-t-il un nom plus français? Il jouait sur l’équivoque. Ses lecteurs pouvaient le prendre, et le prenaient, pour un Français. [… Il se fondait dans la masse des centaines de Dumas, de Dupont, de Dubois, de Durand. »
  C'est ainsi que l’esclave zambo, qui n’était même pas né en terre française, qui était simplement  « libre de savane » puisqu’il ne fut jamais régulièrement affranchi par son père, celui  que la Révolution fera général,  aussi bien que son fils Alexandre Dumas,  ont donné à ce qui n’était, pour eux, qu’un
 « nom de guerre », puis un « nom de plume »,  et  qu’une déformation d’Alcidamas, la plus grande illustration qui fût et ont tous  les deux éclipsé le renom des Davy de La Pailleterie. C’est la même technique que Dumas utilise à deux reprises dans Le chevalier d’Harmental, p.276 et 374, édition Marabout : «Je me suis rendu en Normandie, où j’ai fait signer la protestation de la noblesse [révoltée contre le Régent] : je vous apporte trente-huit signatures, et des meilleures… Vous avez bien fait de mettre cela : signé sans distinction ni différence des rangs et des maisons, afin que personne n’y  puisse trouver à redire .Oui, cela épargne toute contestation de préséance. Bien.  Guillaume-Alexandre de Vieux-Pont, Pierre-Anne-Marie- de la Pailleterie [probablement Pierre, qui épouse en 1694 Suzanne Monginot] de Beaufremont, de Latour- Dupin, de Châtillon, de Montauban, Louis de Caumont, Claude de Polignac, Charles de Laval, Antoine de Chatellux, Armand de Richelieu ». Oui, vous avez raison. Ce sont les plus beaux et les meilleurs, comme ce sont les plus fidèles  noms de France. »
J’ajoute que le nom de Dantès,  d’une ancienne famille créole  alliée aux Chaveneau , se retrouve à Saint-Domingue chez des mulâtres et que Dumas fut heureux de  faire porter ce nompar un sang-mêlé au comte de Monte-Cristo.   
Mais tous ces « misérables  petits secrets » que notre auteur connaissait, il a préféré, comme pour le nom de Monte- Cristo, les laisser découvrir, à leur heure, par des admirateurs et biographes curieux.
                                     Paul Griscelli
                                Ancien élève de l'Ecole normale supérieure
                                Agrégé des Lettres classiques
                                Docteur en littérature française


Cartes et documents pour ceux qui veulent aller plus loin :
République dominicaine Saint-Domingue, Le guide du Routard, 2007.
Moreau de Saint-Méry, Description topographique et politique de la partie espagnole de l’isle Saint-Domingue, avec des observations générales sur le climat, la population, les productions,1796.8°, 2 vol.

Moreau de Saint-Méry, Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l’isle Saint-Domingue, avec des observations sur sa population, sur son climat, sa culture, etc., 1797-1798. Nouvelle édition, revue et complétée sur le manuscrit, 1958. 3 vol. Reproduction de la carte qui nous intéresse sur la partie actuellement dominicaine de l’île, p.165, dans Gilles Henry, Les Dumas, Le secret de Monte Cristo, où l’on voit notamment Le Petit Trou dans la chaîne de Monte-Cristo, l’îlet de Monte-Cristo,  le Terrier Rouge (où se trouvait une plantation des La Pailleterie) etc.

dimanche 13 décembre 2015

La Canterie, le pays de l’orge, préhistoire de Libouville

                                               La Canterie, le pays de l’orge :
                                     Préhistoire de Libouville
Avant les Gaulois, les Ibères.
Les premières populations d’Eure -et- Loir n’étaient pas indo-européennes, mais apparentées  aux Basques.  Deux  tribus ibères l’ont peuplée : les Austriconi et les  Cunésiens. On  retrouve les Austriconi en Corse dans le nom Ostriconi et dans le nom des sauvages Laistrigones  de l’Odyssée (non pas -1000 comme on le dit souvent, mais -11000 avant notre ère selon Bâl Gangâdhar Tilak) , que les Anciens mettaient déjà  en rapport avec un peuple dans la région de Formies au sud du Latium, à la limite de la Campanie.  C’est aussi le  nom d‘un peuple de Sicile au pied de l‘Etna, ainsi qu’en Mauritanie (Austoriani) et surtout dans la région chartraine  peuplée d’Ibères , plus exactement d’Ostricones avant les Carnutes gaulois car l’ancien nom de Chartres était Austricum .
  Une autre tribu des Ibères s’appelle les Cantabres (même mot que Celtibères) que Sénèque qui les connaissait à cause de son origine espagnole identifia à certains Corses lors de son exil dans l’île: «  La Corse fut  possédée successivement par les Ligures et par une colonie d’Ibères;  la conformité des usages ne permet pas d’en douter: on retrouve ici les ornements de tête et les chaussures des Cantabres d’aujourd ‘hui , et quelques mots de leur langue, vu que le commerce des Grecs et des Liguriens a entièrement dénaturé le langage primitif ». Ajoutons que les peintures d’Altamuria datant entre -9000 et - 14000 nous montrent leur antiquité.
Ces Ibères  ont laissé leur nom à Austricum  devenu Chartres, Carnutarum urbs,  à Logron, à rapprocher de Logroño  au nord de l’Espagne sur l’Ebre et au lieu-dit le Coni, près d’Illiers. On peut en rapprocher le nom du  cap Cuneus au Portugal. Le mot latin  cuniculum qui veut dire lapin, connil en ancien français, ne peut s’appliquer ici, le lapin ayant été introduit d’Espagne en Gaule beaucoup plus tard.  Pline l’Ancien cite les îles  Cuniculariae entre Bonifacio en Corse et la Sardaigne, «  les îles des Kunéens ». Ce sont  aujourd’hui les îles Lavazzi , dont le nom est l’ altération  de Laas Trugonée qu’on retrouve en Sardaigne près de la Punta delle Vacche (pointe des  Basques ) , laas étant compris comme la pierre  mais provenant en réalité de Lais ( trugones), grec homérique  Laistrygones. Le nom des îles Cuniculariae (de kun-ik-oidai-ria, avec 3 suffixes dont un suffixe ethnique, -ikos, un suffixe ibère d’appartenance -oida,   un autre signifiant pays en basque,  –herria,   veut  dire,  non pas îles aux lapins,  mais îles appartenant aux  Kunii.
A partir de Ostricones, par  aphérèse, on a le nom de Kunésiens, de Kunii et leurs multiples variantes, comme Coni près d’Illiers. .Le lapin a en latin le nom de cuniculus, que le grec a emprunté et qui vient du nom de cette tribu ibère, les Cunii .
D’où vient ce nom de tribu ibère,  Laistrugones? Il est l’altération de Cantigours, les Ouigours du Serpent (kant), les Keltrigours ou Celtibères (nord de l’Espagne),  dont le nom ne  révèle pas un métissage entre Celtes(Gaulois) et Ibères , ou encore les Cantabres. Nous retrouvons le dieu serpent dans le nom de Nermont, ancien dolmen vraisemblablement, qui signifie l’entrée des enfers (mound) gardée par le Serpent, niger, mot  qui avait le sens de serpent avant de prendre en latin la signification de noir et de nous donner les mots nègre ,négro et noir. En toponymie,  le mot noir (Forêt noire) ou nègre (Cap nègre) renvoient toujours au peuple ibère.  Le nom des Ligures est  l’altération de Ibères, avec attraction sémantique de nigures, le peuple du Serpent. Nermont signifie probablement le mundus ou  dolmen créé par les Ligures.
Un autre nom d’origine basco- ibère dans la commune de Châtillon -en- Dunois est le lieu-dit  la Canterie, qui signifie le pays (-ria de herria , pays en basque) et cant, orge. Il a hérité d’un nom qui désignait toute la région.
Comme Illiers qui vient d’Ilhari, Hilaire, les lieux connus aujourd’hui comme consacrés à Saint-Hilaire (des noyers) remontent à une christianisation de Basi Mari.  De même qu’en Gironde La Chapelle- Basse- Mer est une christianisation de basi Mari altéré en   Basse- Mer, basi signifiant  roi, majesté, et étant parent  du grec basileus, roi, le mot ibère Mari qui désignait la grande déesse- mère  a suscité la verve analogique des prêtres chrétiens  pour lui trouver un écho en latin  : à Mari , succèdent kari signifiant noyer ,à rapprocher du grec karya, ou bien  lari dans hilarius, hilare, avec les nombreux Saint-Hilaire –aux –Noyers qui associe les deux analogies.
Les mégalithes ibères.
Les alignements de la Marque (commune de Lanneray) réservés à l’initiation des jeunes, comme plus tard  les  dolmens de Douy et les menhirs  du Bussard et du château de Thoreau dans la commune de Saint- Denis- les- Ponts et destinés à contribuer magiquement à la bonne pousse des céréales sont la trace des œuvres accomplies par les premiers habitants.
Les lieux d’inhumation des Ibères
 On a repéré,  près du polissoir d’Arrou , un ossuaire qu’on n’a pas étudié.  Mais les populations préhistoriques  nous ont laissé les tumuli du bois des Montgasteau à  Saint- Denis-les- Ponts et les deux enceintes appelées à tort le  Camp romain à  Lanneray (2 levées de terre, voir B.  Robreau et Leroy A., « Les deux enceintes quadrilatérales du Bois des Goislardières à Lanneray (Eure-et-Loir) », in Les Viereckschanzen et les enceintes quadrilatérales en Europe celtique (=Actes du IX è colloque AFEAF tenu à Châteaudun,en 1985), 1989).. Seule la  première est à rattacher aux Ibères, la seconde étant gauloise.
Les  pierres paléolithiques (pierres taillées) et les pierres néolithiques (pierres polies)   et les meules des  Ibères.
La meilleure étude, à mon avis,  sur les pierres taillées et surtout  polies de la région est celle de Henri Leplège,  Lanneray .Ses Châteaux, ses hameaux et lieux- dits, sa préhistoire, 1991, 52 p.
J’ai trouvé, dans la ferme,  un petit biface paléolithique, datant de l’acheuléen ancien,  entre -400000 et—40000,  lourd, avec un tranchant sinueux,  avec patine partielle, analogue à un biface trouvé à Saint- Denis-les- Ponts représenté dans Leplège, op. cit., p. 35, fig.2.
J’extrais de la collection de Robert Ardoin- LeBas quelques pierres paléolithiques et  néolithiques fort belles trouvées à Libouville,  dans sa propriété, les deux plus grosses entre la maison et le hangar, et la plus petite, toute blanche, dans le potager derrière le hangar.
  La première, d’époque paléolithique,acheuléen ancien , datant  entre -400000 et—40000 , est un  biface en silex multicolore de 600 g, longueur 15, 54 cm, largeur 8 cm, épaisseur environ 5 cm. C’est un biface entièrement patiné .  DSC02539.JPG


La seconde, du néolithique , entre 2900 et 2600 av ; J. –C.,  est la plus belle : c’est  une pierre polie blanche avec une tache bleue, de 320 g, longueur 12 cm, largeur 5, 5 /6 cm, épaisseur 3,5 cms. Il s’agit d’une hache néolithique semblable à celle qui fut trouvée par M. Georges Fleury  avec trois autres  fort endommagées à Touchémont (site préhistorique de Lanneray) et qui est reproduite par H. Lelège , op. cit ;, p. 39, fig.6. Le matériau est identique à divers silex des ballastières Paul Marolle de la vallée du Loir, à Saint-Denis- les- Ponts et à Douy.
DSC02529.JPG
   Enfin une pierre blanche de 190 g, longueur 9 cm, largeur 5,5 cm, épaisseur environ 2,5 cm. Ce pourrait être un petit biface paléolithique de tradition acheuléenne, datant due l’acheuléen supérieur, donc de -40000.
DSC02551.JPG
Nous avons trouvé à Libouville trois  meules de type paléolithique, ce qui est très rare, probablement parce qu’on n’y fait guère attention Il s’agit de simples pierres dont le  trou central, suffisamment  large,  constitue le mortier, où le grain était écrasé à l’aide  d’une molette de forme assez étroite pour pouvoir y pénétrer.
Nous en avons vu une autre   de type néolithique  au Musée de l’agriculture de Chartres. La meule néolithique que j’ai trouvée à Libouville  lui est comparable : il s’agit d’une pierre presque plate, une sorte de cuvette très peu profonde, sans trou, sur  laquelle n’importe quel pilon fait l’affaire, mais nous en avons trouvé un assez sophistiqué à côté.
La période  gauloise.
Le royaume gaulois de  Cotuetos .
Le chef carnute Cotuetos avait installé sa capitale près de Logron,   à Thuy  dont le nom  provient  de son nom, comme son père, qui portait le même nom, nous a laissé le toponyme de Douy. Son haras était à Crenne, qui signifie écurie (voir mon article « Jules César et le centre où se réunissaient les druides chez les Carnutes : deux contresens sur la langue gauloise »). Encore en 1756, dans un acte de vente, on trouve la mention  étable  qui signifie à cette époque stalles pour pour chevaux.
Pour féconder leurs champs d’orge, les Gaulois avaient au moins trois gros polissoirs: ceux de Chantemesle, de l’Echarbot (du latin scamnum, escabeau, à cause des marches qui font songer aux stries du polissoir,  et d’Arrou , les Griffes du Diable. Pour la crémation des morts, ils avaient le bois de la Butte, du latin busta,  bûcher funéraire, et sa seconde enceinte.
Les Gaulois de Libouville, leur moulin et  leurs meules.
 A Libouville , j’ai trouvé une petite  meule gauloise  , en grès  de Trizay -lès- Bonneval., le nom de Trizay venant du gaulois  triticac, de tritica, meules , et du suffixe gaulois –ac (cf. latin triticum, froment, broyé, et trius, broyé). La petite meule gauloise qui figure dans la cour du musée de Châteaudun est analogue à cette petite  meule de Libouville.
De la paire initiale, la grande meule  a quitté vers 1990  Grand’ Maison et été transportée dans le voisinage, à la ferme dépendant  de la  Poterie (Lanneray) où elle est devenue d’abord  une table de jardin, le trou central , cimenté, servant glorieusement pour y planter un parasol.. L’ensemble  est aujourd’hui heureusement démonté et se trouve derrière cette  ferme. J’ai pu admirer cette meule gauloise présentant  des sillons à orge gravés, mais avec malheureusement le trou central maçonné.
Les deux meules, la grande et la  petite, étaient installées non loin, à la Haloyère, nom que les gens du cru prononcent halogère, ce qui reflète un ancien halogière, du gaulois halokaria, moulin, à rapprocher des mots grecs  aleuron et alear froment, arménien alam, etc .On a trouvé précisément un fond de cabane gauloise derrière la ferme de la Poterie, précisément à la Haloyère.  . Est-ce trop m’avancer si je dis que la petite meule gauloise aujourd’hui à Grand’ Maison est une meule à orge du temps de Cotuetos, vers- 52, surtout étant donné que le trou central ne garde la trace d’aucun aménagement moderne pour accueillir une manivelle de fer ?
Les Romains : les villas gallo-romaines de Marboué et d’Arrou.
On a trouvé des traces de villas gallo-romaines à Marboué, de mar, pierre, et de bocca donnant bove ou Voves, cavernes, grottes, savoir les anciennes champignonnières,   et à Arrou.  




samedi 24 octobre 2015

A LA RECHERCHE D’UN PEUPLE DE GAULE DISPARU, LES MANDUBII, ET DE LEUR METROPOLE RELIGIEUSE, ALESIA,

A LA RECHERCHE D’UN PEUPLE DE GAULE DISPARU, LES MANDUBII, ET  DE LEUR METROPOLE RELIGIEUSE, ALESIA,

en lançant un  appel aux télépilotes amateurs  de drones pour survoler le site bugeysien d’Alésia sauf , bien entendu, la centrale nucléaire du Bugey , et pour m’expédier les photos .
On a depuis longtemps émis des doutes sur la localisation d’Alésia à Alise-Sainte-Reine et au mont Auxois près de Semur-en-Auxois. Ainsi un expert en stratégie militaire comme  Napoléon Bonaparte, dans son Précis des guerres de César, écrit à Sainte-Hélène sous la dictée de l’Empereur, 1836, a-t-il mis  en doute cette identification. Il y eut par la suite  au moins 8 propositions : Alès dans le Gard, Aluze  près de Châlons –sur -Saône en Bourgogne 
chez les Héduens,  comme Alise-Sainte-Reine,    Alièze près de Salins-les-Bains en Franche-Comté, chez les Séquanes, Alaise dans les Vosges ,  Izarnore, chez les Sedusii dans le Valromey,   Novalaise dans le petit Bugey,  et récemment Syam dans le Jura.  La thèse officielle d’Alise-Sainte-Reine est réfutée dans  Alésia, la supercherie dévoilée, ouvrage collectif sous la direction de Danielle Porte et présenté par Franck Ferrand, 2014,426 pages. Le siège d’Alise daterait de -30 avant J.-C. et il s’agirait d’un de ces nombreux soulèvements gaulois contre Rome. Les Gaulois auraient émis des monnaies  à l’effigie du résistant Vercingétorix.
  Situons  très sommairement  l’emplacement  de l’Alésia jurassienne, moins connue, de André Berthier et de Wartelle (Alésia), hypothèse plus sérieuse en tout cas que celle de l’Alésia bourguignonne, même si nous ne nous y rallions pas non plus. Les deux flumina (fleuves) aux rives escarpées, ripis abruptis selon Florus  enserrant l’oppidum de Chaux, -un éperon barré,- seraient la Sayne (Sequana) et la Lemme, dont le nom signifie marécage en gaulois. Le combat de cavalerie aurait eu lieu dans la plaine de Crotenay, aujourd’hui un terrain d’aérodrome, à 15 kilomètres de l’oppidum. Le grand latiniste Pierre Grimal , ainsi que P. Pouthier qui fut mon caïman de latin à l’Ecole, s’est rallié à cette thèse, ce qui n’est pas rien. Danielle Porte, dans Alésia, citadelle jurassienne, La colline où soufflait l’esprit, brosse un tableau complet du formidable site préhistorique avec dolmens, menhirs, drains et fours (cf. grec kruptè, gaulois cruppellarii, couvert au sens de four  donnant La Chaux –en- Crotenay, au sens de région [de cruttellacum +suffixe–acum] des fours à chaux) ,  à chaux et à gypse ou plâtre qu’est la région de La Chaux, certainement le plus riche de France : mais les mégalithes  me semblent l’œuvre des Ibères plutôt que des Gaulois qui leur succédèrent : la disposition des dalles alternativement de face et de champ dans la constitution des murs est caractéristique de ce point de vue. Le dieu auquel ces mégalithes seraient destinés s’appellerait Alleman (Ahriman).
    Mais l’Alésia de César est au pays des Mandubii. Cherchons ce mystérieux pays des Mandubii et procédons d’abord par élimination.
Les  zones géographiques où le pays des Mandubii ne peut se trouver
1Le pays des Mandubii ne peut se trouver en Bourgogne,  chez  les Héduens.
En effet, César (VII, 90), après sa victoire à Alésia, part chez les Héduens où il reçoit la soumission de leur capitale, Bibracte (Saint -Léger- sous- Beuvray, à une dizaine de kilomètres d’Autun).Il n’était donc pas chez les Héduens, ce qui élimine Alise-Sainte-Reine comme candidate au rôle d’Alésia, malgré le soutien officiel dont elle bénéficie. A lire Victor Revillout,  en 1856, Alaise, Alise : ni l’une ni l’autre ne peut être Alésia, étude critique d’histoire et de topographie ;  Hervé Le Goff, Les grands truquages de l’histoire, Omissions et falsifications, manipulations en tous genre,  p. 152-191 : Alésia : un site historique créé de toutes pièces ; 1983, André Berthier et Franck Ferrand (partisans de Champagnole et de  Syam (de Sedusiavorum civitas,puis SediamSeiam, Siiam, la cité des Sédusiaves ( et non des Mandubii ) près de Chaux-en- Crotenay dans le Jura)  L’histoire interdite.
De plus, César (VII, 77) remarque , alors qu’il fait le blocus d’Alésia , que Vercingétorix ne sait pas ce qui se passe chez les Héduens , ce qui exclut  la situation de l’oppidum d’Alésia en territoire héduen, donc Aluze et Alise-Sainte-Reine.
Autre argument : dans le discours que rapporte César,  Critognat dit aux assiégés gaulois (VII, 77) : « Vous pouvez ignorer ce que sont devenus les peuples éloignés de vous ; mais, d’ici, regardez à vos pieds ( finitimam, superlatif, tout près) cette portion de la Gaule qui, réduite à l’état de  province romaine (Galliam … in provinciam redacta), privée de ses lois et de sa liberté,  courbée sous une servitude démunie de toute espérance, gémit sous la hache des licteurs. »Le texte de César devient chez un partisan d’Alise comme Germaine Roussel (collection 10-18) : « Regardez la Germanie [au lieu de la Gaule, Gallia !] Toute proche qu’ils ont réduite en province » !
 Quel est le sens de  cette expression Gallia provincia chez César et quel pays désigne-t-elle,  puisqu ’Alésia devra obligatoirement en être proche? Théodore Fivel, dans L’Alésia de César près de Novalaise sur les bords du Rhône en Savoie,  1866, p.147,  écrit : « César appelle Provincia le territoire  qui dépendait nominalement de la suprématie romaine depuis les succès de Promptinus en 61 av. J.- C., mais qui n’était qu’une expression géographique comprenant à la fois
-la vieille Province [Provence] de Fabius Maximus, de la mer jusqu’à l’Isère et la Romanche,
-et la confédération des Allobroges, de l’Isère au Rhône.
Quand, au contraire, César veut distinguer la partie conquise  de celle  qui ne l’est pas, la région romaine de celle qui a conservé encore son autonomie, les peuples sujets de ceux qui avaient été récemment pacifiés  et ne semblaient pas encore montrer des dispositions favorables  vis-à-vis du peuple romain,  il se sert, chaque fois, de l’expression restrictive Gallia provincia », comme ici. Le pays voisin montré du doigt à ses  auditeurs  par Critognatus est donc le pays des Allobroges, vaincu, mais libre et frémissant, qu’il présente avec exagération comme entièrement conquis, « départementalisé » par Rome. Pour ce qui nous intéresse, Alésia est donc près de ces Allobroges (Savoie et Dauphiné) théoriquement indépendants et l’on comprend l’ironie cinglante de Th. Fivel, p.151, lorsqu’il écrit : « Restituons à la finitimam Galliam in Provinciam redacta son acception normale et sensée, au lieu de supposer Critognat montrant du haut du mont Auxois [à Alise-Sainte-Reine], à ses compagnons affamés, des plaines éloignées de plus de deux cents kilomètres [les plaines allobroges] ! »

2 Le pays des Mandubii ne peut pas non plus, en réalité, se trouver  en Franche-Comté,  chez les Séquanes, si proches soient-ils des Mandubii.  
César (VII, 90)  ordonne, après la chute d’ Alésia,  à T. Labienus de partir avec deux légions  et la cavalerie chez les Séquanes (en Franche-Comté, peut-être  à Alièze près de Salins-les-Bains). C’est donc qu’Alésia n’est pas chez les Sequani. Le texte grec de  Plutarque,Vies des hommes illustres,  César, 26, doit se traduire par conséquent : « César, levant le camp, franchit la frontière lingonne pour atteindre le territoire des Séquanes, des amis, dont le pays s’étend en face de l’Italie, en avant du reste de la Gaule.  C’est alors [grec entautha au sens temporel, comme le traduit Flacellière, et non au sens  local de là,  en cet endroit, chez les Séquanes] que les Gaulois tombant sur lui et l’encerclant avec de nombreux milliers d’hommes [c’est le combat de cavalerie,- une embuscade] , César, tentant le tout pour le tout [le combat de cavalerie], soutint la lutte et reprit le dessus [à Alésia, chez les Mandubiens]. » Planude confirme cette interprétation du texte grec : « après que César eut fait le voyage vers la Province à travers le territoire des Séquanes… » César lui-même bien compris ne dit pas autre chose : VII, 66,2 : « Comme César traversait l’extrémité du territoire des Lingons pour pénétrer chez les Séquanes  (in Sequanos) … ». César quitte ainsi  les Séquanes pour se rendre chez les Mandubiens, voisins et limitrophes. Ceci nous permet d’éliminer Alaise, Alièze et Syam  près de la Sayne (Sequana), qui se trouve chez les Séquani, en Franche-Comté. Sur Alaise (commune d’Eternoz), lire du Président M. Clerc, Etude complète sur Alaise : Alaise n’est pas l’Alésia de César, 1860.Camille Jullian pensait que César voulut aller vers Genève (en province romaine) , à travers le territoire Séquane,  par la Bresse et le Bugey «  (selon nous , chez les Mandubii par conséquent ), Bugey où se trouve Novalaise..



La région où l’on doit chercher Alésia se trouve ainsi tout près des Allobroges.
A La frontière des Mandubii avec les Arvernes : les Sebusiaves
 Le géographe grec Strabon, au livre IV, nous apprend que « les Mandubiônes,  près de la ville d’Alésia, formaient un peuple ayant une frontière commune  (en grec homoros) avec celui des Arvernes, la ville d’Alésia  étant située sur une haute colline et entourée de montagnes et de deux fleuves. » Nous devons nous pencher sur cette indication géographique, la seule que nous ayons et qui  permette de cerner ou de confirmer  la situation d’Alésia. Où était donc cette frontière avec des Arvernes ? Comme ce ne peut être les Arvernes de Clermont-Ferrand, il nous faut chercher parmi les pagi Arverni, c’est-à-dire les districts ou cantons, détachés de ce peuple et ayant un ou plusieurs noms.  Le géographe grec Strabon, -toujours lui, - nous apprend aussi que les Arvernes formaient une seule race divisée en de  nombreux  pagi :
1 les Segusiavi (qui ont pour capitale la cité libre des Ségusiaves, aujourd’hui Feurs dans le Forez  qui leur doit son nom et pour cité importante Syan, de Sedusiaviorum civitas): c’est eux que César (VII, 75) qualifie de clients des Eduens, mais ils sont de race arverne ;
2 les Segovellaunes (ville de Soyons en Ardèche), les Vellavi (le Velay), les Ruthènes (Rouergue), les  Gabales (Cavaillon de Cavello cf Cabilonum , Châlon- sur- Saône, Avignon, Avennio de avernio et Venaissin : le nom de la jument divine dans certaines tribus était kabalos, synonyme de etana, féminin de equos, etos, cheval mâle, qui nous a donné le français cheval), les  Helviens (cf Helvetii) constituant  le Vivarais actuel, avec la ville de Viviers, du gaulois  Vivares ;
3 les Ambivaretes
 Jacques Maissiat,dans  Jules César en Gaule, 1866, tome 1er, page 81, écrit à propos des Ambivaretes, qui sont toujours de race arverne , mais aussi , selon César , clients des Eduens: « Regardons dans ce pays, aux confins des Sebusiani (Sebusii), la région du confluent de l’Ain et du Suran (de Seburanus ) ; là, à l’endroit où les deux vallées s’abouchent, dans une position avantageuse au versant d’un coteau tourné au soleil, au bord des eaux et de la plaine, nous voyons un village, Varambon (cf Ambonnay )… Nous voyons encore , au nord de Varambon, à mi-distance de Tossiat, le hameau de Vavre, placé sur le vieux chemin qui suivait le pied du Revermont ; et encore , à l’ouest de Tossiat, les deux Vavrettes. » ;




4 les Sebusii (variantes Sebusiavi, Seburani, Segusi etc ), ou Savoyards  .
Ils ne doivent pas être confondus avec les Suèves, ou Souabes Franconiens, dont le nom est parent de Sedusii, Suède, Suethes, Seduni. Ils  nous intéressent plus particulièrement parce qu’ils sont les voisins immédiats des Mandubii et parce qu’Izernore et Nantua se trouvent sur leur territoire. Un autre auteur grec, Ptolémée,  nous parle des Arvernes - Sebusii , nous confirmant leur identité arverne. Ils habitent entre le Rhône et le Doubs et  ont Lyon pour capitale : c’est le premier peuple au sortir de la « Provincia », au sens de la confédération des Allobroges non encore soumise  tout à fait,  une fois franchi le Rhône, et ils se situent après les Allobroges et avant les Mandubii,

B Alésia n’est pas non plus chez les Sébusii, ces voisins de race arverne de Mandubii , et elle  ne peut donc se confondre avec Izernore du Valromey d’origine arverne.
 Jacques Maissiat a voulu localiser Alésia à Izernore dans son livre magistral en  3 tomes,  Jules César en Gaule, 1865  (tome 3 pour Alésia).Dans le même sens, A. Gravot, en 1862, a publié son Etude sur l’Alésia de César, Alise-Izernore, comme Alexandre Bérard, Alésia-Izernore , 1907, et Frédéric Ferréol- Butavand, La vérité sur Alésia, 1930. Mais, si brillantes que soient ces études, nous croyons qu’Izernore ne se trouve pas au pays des Mandubiens, car Izernore se situe au pays des Sebusii, ce qui l’élimine. Par exemple,  Gex, près d’Izernore, vient de Segussiani (Sebusiani).
   Izernore était, stricto sensu, non pas dans le Bugey, mais dans le Valromey  qui tire son nom de Vaurum, Varesimo (cf. le nom des Vaudois ou du Valais), l’ancien nom de toute la région de Nantua. Le nom du Valromey est attesté en 1110 sous la forme Vernumensi, de Vernetonimago, la grande ville  arverne (Vernum), ce qui confirme le voisinage arverne des Mandubii indiqué par Strabon et disqualifie en même temps Izernore pour sa candidature au rôle d’Alésia.
 Il y a deux séries de racines pour les noms de ces peuples :
1 les  peuplades alpines appelées Salassi  sont à l’origine d’une vaste série lexicale : Salsogne  près de Soissons (avec suffixe –on), de salassonia,   Soissons, de salassiones, Saxon  de salassiones .  Sebusia a donné le nom de la Suisse (de se[l] ussia) et  celui de la  Suède (de Seduni.), à partir d’une  racine ibère adusa préfixée et signifiant la rivière ;
2 les mots Arvernes, Ambivarètes,Vivares,Velavi,  Helvii, Segovellaunes,  Vernumensi (Valromey), Nivernais, Nièvre,  Nevers [bonne graphie avec n final et non s : Nevern] qui est chez les Arvernes et non chez les Héduens et dont le nom , à l’ablatif, est  attesté sur une pièce carolingienne : Nevernis, cf Avernis sur une monnaie de Clermont-Ferrand), Aveyron, Morvan, etc. . Ils remonteraient à une autre racine hydronymique ibère qu’on retrouve dans le nom de la Neva slave  ou de la Nive en pays basque.
3 La numismatique gauloise : trouve-t-on  dans la région voisine de celle des Allobroges  des pièces de monnaie mandubiennes ?
La numismatique gauloise est une science très incertaine. D’abord, les pièces sont très petites, 15 millimètres de diamètre en général, et très peu lisibles .Ensuite le travail historique est insuffisant. Quelques exemples : une pièce trouvée à Soissons à de nombreux exemplaires et que je possède porte la légende énigmatique CRICRU (Corcyre). Seule une étude linguistique révèlera qu’elle renvoie au nom de la ville actuelle de Chéry- Chartreuve, voisine de Soissons,   et au nom de Coricorivelites, du nom ibère de la grande déesse  hydre , qu’on retrouvera dans le nom du lac de la Croisille à Alésia (Croisille de Krorilitis) .
De plus, les confusions dues aux homonymies sont fréquentes : un archéologue ayant trouvé à Soissons une pièce marquée Eburones a cru qu’il s’agissait d’Ibiza aux Baléares (Ebusus), alors qu’il peut s’agir,
-soit du peuple des Eburons belges (aujourd’hui Fouron –le -Comte en Belgique [ablatif Furonis de Eburonis],  Hontem,  où eut lieu le massacre des légats romains  Cotta ( Kotten ) et de Sabinus (Schabhem), avec la prise de leur fortin d’ Atuatuca, Atu évoluant en   Oette dans Oettegroven  et en Oudt dans la route d’Oudstraet ),
- soit des Eburons de Germanie (Bonn de buron),
-soit des Eburons Allobroges (région de la Fure près de Grenoble).  
Autre exemple : la rare pièce émise entre   -44 et -43 par  Hirtius au cours de son bref gubernatoriat en Gaule dite chevelue (fraternelle en réalité).
 Voici la description de cette   pièce que je possède,  attribuée à tort aux Rèmes ou aux Carnutes, n°8086 dans Latour, Atlas des monnaies gauloises, n°675-676 selon Thierry Dumez Numismatique , 13 selon le Recueil des inscriptions gauloises de B. Fischer et J. B. Colbert de Beaulieu :
  titulature avers (=face), AOIIDIACI (selon Fischer, alors que S. Scheers, dans son Traité de numismatique celtique  pense que le I final n’existe pas, mais qu’il s’agit d’un trait appartenant au dessin du buste), buste drapé à droite, un torque au cou ), légende devant le visage ;
 titulature revers ,  A. Hirtius, avec lion marchant à droite, la queue entre les jambes, légende à l’arrière et au-dessus ; date 45-30 av. J. C.  
Voici la rectification qu’on est en droit d’apporter à cette  description officielle : AOIIDIACI se lit en réalité GALLIA COMA (TA) ( comata signifie unie, fraternelle, en gaulois ; Gaule fraternelle, et non pas chevelue, ce qui ne voudrait rien dire), Com ou Coma se lit d’ailleurs sur des pièces allobroges.  Aulus Hirtius est l’auteur du VIIIe livre de César et de divers autres ouvrages, dont 9 livres de correspondance (perdus) avec Cicéron : « J’ai ajouté, écrit-il,  aux Commentaires des Gaules ce qui y manquait [le livre VIII] ,  et j’ai relié ces Commentaires  aux écrits suivants (De bello africano, De bello Hispaniensi). En outre, j’ai terminé le dernier, laissé inachevé, depuis la guerre d’Alexandrie (De Bello Alexandrino) jusqu’à la fin, non pas de la guerre civile puisque nous n’en voyons pas le terme, mais de la vie de César ». Cette pièce constitue  le seul et précieux portait que nous ayons de celui qui fut l’homme de confiance de César. A. Hirtius  fut légat en Gaule jusqu’en 54, gouverneur de la Gaule chevelue nommé par César en 45, puis consul, tué devant Modène contre Marc Antoine le 25-27 avril 43.
Nous pouvons donc corriger la date : entre avril 44 (date des Jeux funèbres  donnés par Auguste en l’honneur de César) et le 25 ou 27 avril 43, date de la mort de Hirtius. En effet, la Queue du lion qui figure sur la pièce est l’ancien nom de la Chevelure de Bérénice, la comète ou la pluie de météores qui apparut lors des Jeux. Voici ce qu’écrit Suétone (88) à ce sujet : César fut mis après son assassinat  « au nombre des dieux, non seulement en paroles et par ceux qui prirent le décret, mais aussi dans la croyance de la foule. Ainsi, aux jeux que célébrait en son honneur son héritier Auguste, pour la première fois après l’apothéose de César, une comète [la « Chevelure », caesaries] brilla pendant sept jours de suite (la constellation appelée La  Queue du lion présente sept étoiles visibles selon Hygin, livre II, 24, Le lion, De astronomica, trad. Grantconsultable sur le Net) ; elle se levait un peu avant le coucher du Soleil  (Apollon) et l’on fut persuadé que c’était l’âme de César qui avait été accueillie au ciel. » J’ajoute que la constellation est de nos jours encore visible en avril, ce qui correspond avec la période qui s’est étendue après le 15 mars -44. Ovide dans ses Métamorphoses, 13, vers 844 sqq.,  confirme le fait : « (L’aïeule  de César, Vénus,  transportant l’âme de César) sentit que cette âme s’imprégnait de lumière et s’embrasait. Elle la laissa alors s’échapper de son sein. L’âme prend son vol plus haut que la lune; traînant une chevelure de flamme  qui trace dans l’espace un long sillage, c’est une étoile étincelante (Pégase). »
  Deux Britanniques viennent en 2012 de découvrir un trésor d’une valeur de 13 millions d’euros à Jersey, caché par les Gaulois en pleine conquête romaine, et c’est le deuxième trésor trouvé sur cette petite  île anglo - normande. Il reste beaucoup de pièces enfouies. Mais, même  une fois découvertes, ces pièces n’ont, souvent, pas été identifiées correctement, parce qu’on les trouvait en des lieux où l’on ignorait l’existence de villes gauloises fameuses et qu’on ne faisait pas le lien entre, par exemple, la ville des Mandubii, Alésia, et  Novalaise ou Saint- Genix- sur- Guiers près de Chambéry, puisqu’on croyait qu’Alise –Sainte- Reine était Alésia.
  D’ailleurs, la plus belle preuve nous en est donnée par un « expert » très connu qui, dans son site des gauloises vendues, fait la réclame en ces termes :
 «  MANDUBIENS, MANDUBII, Alesia ? Potin MA, semble le prototype des potins à tête diabolique ; 3,336 grammes, Scheers / Lyon 670 variante, TTB/ R » !
 Diable ! Sur la photo, on voit d’un côté un buste, de l’autre, rien qui, à mes yeux, évoque  le cheval ailé « à tête diabolique » des Turones (dans la région de Tours), plutôt un pot au noir, dans lequel tous les chats sont gris,  et surtout les Mandubii !
 L. Hostilius Saserna, le tribunus monetarius ami de César qui, en - 48, a commémoré dans des émissions monétaires le triomphe de César sur la Gaule, n’a pas choisi d’immortaliser son ennemi Vercingétorix,  mais peut-être de reproduire des effigies de dieux  figurant sur les pièces des Mandubii, comme ce  dieu hydre aux cent bras qu’on prendra pour Vercingétorix ou pour Pavor, le dieu qui inspire la terreur.
César n’aurait jamais autorisé d’émission monétaire à l’image d’un vaincu, la pièce de Aulus Hirtius émise du vivant de César le prouve, et Vercingétorix avant sa défaite ou plutôt avant la défaite des gaulois n’aurait jamais eu le droit de faire une  émission qui aurait suscité la colère de ses alliés et rivaux. Donc, les pièces avec la légende Vercingetorix sont toutes plus que douteuses. Le nom du chef gaulois résistant aux Romains doit être compris comme un emblème menaçant de révolte pour les Gaulois si nombreux qui se révoltèrent encore plus tard,, un peu comme en Nouvelle-Calédonie les canaques indépendantistes d’aujourd’hui arborent sur leur tee-shirt le nom d’Ataï, le chef vaincu en 1878..
Exemple de pièce avec la légende Vercingetorix (collection privée de localisation inconnue).
 Il s’agit d’une pièce en  orichalque, donc d’après -30: au droit  , avec la  légende Vercingetorix figurant à gauche, en face du profil du dieu,  une figure de dieu poulpe aux cent bras  assimilé au Hercule romain , Ogmios (cf. la description d’Ogmios dans l’Hercule gaulois, Herc. du  Grec Lucien de Samosate au II e , siècle ap. J. C.  avec de prétendues chaînes) tourné à gauche,  dont les cheveux sont les bras de l’hydre ou poulpe monstrueux, avec l’un d’eux partant de sous le  nez jusqu’au-delà du menton, avec deux sabots de cheval sur le pourtour symbolisant le sexe féminin ; au revers , une jument  libre tourné à gauche aussi  avec une rouelle,  trois  globules  devant le poitrail du cheval et  ,  au-dessus  ,un  bras du  poulpe  avec des grenetis (les têtes de guerriers tirés avec les chaînes chez Lucien, qui plus tard, servent à empêcher de rogner la pièce, dit-on) , avec un phallus au-dessus du cheval .
















  Au verso, légende  Vercingétorix qu’on peut lire à gauche de la photo, en cercle, épousant le tour de la pièce, postérieure à  – 30 environ, orichalque, trouvée à Alise. Dieu Hydre . Ce serait plutôt Bellerophon avec un bras du calmar colossal.










Au recto, jument, déesse   Epona symbole de la Victoire






















                                                                                                                                      
  





  Notons en passant qu’il ne s’agit pas là d’un faux, comme pour la vingtaine  de statères en or à l’effigie prétendue de Vercingétorix (en réalité : Apollon ou Philippe II de Macédoine, semble-t-il), «  trouvées » en 1852 par un paysan dans le Puy-de-Dôme à Pionsat près de Riom. Le paysan « inventeur » n’a jamais voulu dire combien il en avait « trouvé » : lui ou son fournisseur pouvaient en fabriquer encore…  pour Napoléon III, pour le Cabinet des Médailles, et pour  tous ceux qui voulaient.  Les Gaulois auraient émis des monnaies  à l’effigie du résistant Vercingétorix. Danielle Porte nous  apprend, op. cit. p.308, que les analyses effectuées  par activation aux neutrons rapides de cyclotron  au centre de recherches Ernest- Babelon ont révélé , sans nul doute possible,  que  les six exemplaires  trouvés à Alise et destinés à identifier Alise et Alesia (4 monnaies prétendues en bronze retrouvées au siècle dernier dans les fossés de Grésigny ( ?), interprétées comme frappées durant le siège d’Alésia,  et 2 statères frappés au même type que «  les célèbres monnaies en or  au profil « de Vercingétorix » venues d’Auvergne, qui ont servi de tout temps à assimiler Alise et Alésia ». sont en orichalque (ou aurichalque, différent de l’orichalque de Platon), c’est-à-dire un alliage de cuivre et de zinc, peu fréquent dans le monnayage gaulois et inconnu avant -30. Les Romains non plus  n’ont utilisé l’orichalque qu’à partir de l’époque d’Auguste, en tout cas pas avant -45. Donc la découverte de ces 4 pièces de monnaie ne peut dater du siège d’Alésia qui date de -52.
Trois pièces du Cabinet des médailles trouvées au Bugey avec la légende, en partie restituée,  MANDUBII
Il nous faut  donc chercher des pièces avec une  légende comme : Mandubios {datif gaulois correspondant aux datif pluriel en -ois] ede,   aux Mandubiens la Victoire (gaulois ede), et non des pièces au nom de Vercingétorix. Si l’on trouve des médailles avec la légende Mandubios,  même partielle et peu lisible, dans la région du Bugey, cela nous  fournirait un indice supplémentaire pour la localisation d’Alésia en Savoie.

Première pièce du Cabinet des médailles (Duchâlais, n°33) reproduite dans le livre de Fivel.
Elle provient du petit Bugey, et a été découverte à Saint- Genix -sur- Guiers, Voici la description qu’en donne Fivel, p.99 : « une tête jeune [Bellérophon combattant le dieu- hydre poulpe], imberbe, tournée à droite, les cheveux roulés et ondoyants, un collier perlé au cou. Vis-à-vis le cou, une rose et une étoile, grènetis au pourtour. Légende NIDE [signifiant Victoire dans le dialecte gaulois des Mandubiens]. Au revers : cheval [Pégase]galopant à droite ; devant le cheval, une étoile ; au-dessous, trois roses, une et deux. Légende : V…VBII. » Fivel restitue légitimement MandUBIII, car « si l’on étudie la forme de la première lettre tronquée V, on la voit plus ouverte et plus haute que le V qui suit ; si l’on calcule, par l’espace fruste et les données de la face, quelles sont les lettres qui, seules, pourraient remplir ce vide, on est amené forcément à restituer la légende de cette façon :
                                                M AND VBII.
« Si ma solution de ce problème numismatique était admise par les savants, la question d’Alésia serait aussi résolue par le fait. »
Cette pièce  est cataloguée par Mionnet (Monnaies et médailles, Chefs gaulois, 86) et par Duchâlais (Catalogue des monnaies de la Gaule, 1846, et Monnaies des Allobroges,  33, II, p.17.) Voici un extrait de la  description de Duchâlais, p.17  n°33 : «au droit, vis-à-vis le cou,  un cercle et  une étoile et V… VBI ; au revers, un cheval et,  devant le cheval, une étoile ».  Albanis de Beaumont,  dans sa Description des Alpes grecques ou cottiennes, parle aussi de médailles trouvées en quantité à Saint- Genix , p.212 et 223, planche XXI et suivante.

Deuxième pièce du Cabinet des Médailles (Duchâlais, n° 34).
La n° 34 de Duchâlais  est exactement la même, mais on y a lu avec difficulté la légende IDOI, qu’il faut lire selon moi  Dubios (datif pluriel).


Troisième  pièce du Cabinet des Médailles (Duchâlais, n° 553) …et autres.
On a trouvé aussi dans la même  région d’autres monnaies qui portent pareillement un buste avec une étoile, un cheval galopant et une légende incomplète : … VBIOS pour MANDUBIOS. Ces monnaies sont cataloguées par Mionnet et Duchâlais dans Chefs gaulois, Supplément, X, à la suite des incertaines de la Gaule Belgique.
  Duchâlais donne, p.225, cette description de la  pièce n°553 du Cabinet des Médailles : « tête barbare ; vis-à-vis, un symbole indistinct ». C’est Fivel qui les a identifiées le premier. Il nous indique, p.99, qu’en 1860 dans les ruines de Verel -de- Montbel, on a ramassé « beaucoup de médailles allobrogiques au cheval et à l’étoile et quelques autres  reproduisant certains caractères des monnaies des Arvernes  dont le type se rapproche beaucoup du type allobrogique (Adolphe Duchâlais, Description des médailles gauloises faisant partie des collections de la Bibliothèque impériale, Catalogue des monnaies de la Gaule, 8, III,  etc.). Les mieux conservées de ces monnaies ont été vendues à Genève ; les plus frustes sont dans le médaillier du musée municipal d’Aoste près de Saint- Genix - sur- Guiers ». Fivel nous rapporte encore,  p. 102, que  de nombreuses monnaies, dont certaines en argent, ont été trouvées au voisinage dans les champs de Romagneux (de Romanos, les Romains), d’Aoste, de Chimilin et de Granlieu.
  Autre pièce non localisée, mais d’existence certaine, trouvée au voisinage,  plus tardive peut-être, avec la légende incertaine  D(VBIOS) ?
Voici  , dans Recherches sur les origines celtiques, principalement sur celles du Bugey, par Pierre J. J. Bacon-Tacon, Paris, 1798 ,  la description d’une pièce intéressante : « Après Ambonnay, c’est le bourg d’Izernore qui fournit le plus de médailles et autres vestiges d’une haute antiquité : le citoyen Berlioz, ci-devant curé du lieu, et le citoyen Riboud, secrétaire de la ci-devant académie de Bourg (-en- Bresse), ont eu en leur possession une médaille ou monnaie celtique trouvée à Izernore et que je soupçonne fortement représenter le généralissime Vercingétorix. Cette médaille, selon la description qui en est donnée dans la dissertation du citoyen Chapuy Sur les antiquités d’Izernore, est en petit bronze, assez épaisse, et bien conservée ; elle est moulée, et d’une barbarie singulière ; la face représente une tête casquée et tournée à droite, sans légende ; le revers  représente un cheval très mal dessiné et tourné pareillement à droite ; au-dessous sont deux lettres dont la première paraît être un V ou un D, et la seconde un C , mais qui d’ailleurs sont si mal formées qu’elles n’ont pu donner lieu qu’à des conjectures vagues : la barbarie même de cette médaille démontre qu’elle est antérieure à la domination romaine , en sorte qu’on ne  peut rapprocher son époque plus près de nous qu’en la rapportant à Vercingétorix, le dernier prince celtique qui ait disputé l’empire des Gaules aux Romains Or, la monnaie de ce prince devait avoir cours en Bugey, dont les habitants étaient ses vassaux ou auxiliaires. » la tête prétendument casquée est peut-être composée des bras du dieu- hydre Avec le D initial, est-il possible de rétablir la légende Dubios (datif pluriel gaulois) et comprendre : victoire (symbolisée par la jument Pégase) pour les Mandubii.
                              
                                                 

                                                      
                                                                   Interprétations :
La légende MANDUBIOS
La forme Mandubi os est un datif pluriel gaulois en –os,  cf grec –ois, latin –iis, sanskrit –ais, avestique –aisu, vieux- slave -exa , attesté dans une pièce (Duchâlais,  p .18) portant au droit Nidè, puis au revers  Alabrodios, ce qui signifie : « victoire pour les Allobroges ».
  En ce cas,  les formes en –ubi ou ubii sont à compléter ou à corriger en –ubios, datif pluriel également, « la victoire (nidè) pour les Mandubii »

La légende NIDE, la victoire garantie par Pégase aux Mandubii.
Fivel ajoute en note à propos de cette légende : « Une médaille allobrogique décrite par H. Monin dans la Philologie gauloise porte la légende NIDE  et à l’arrière ALABRODIOS » et il ajoute que Nide pourrait être le nom d’un chef allobroge inconnu. En réalité nidé signifie victoire (de venidè, à rapprocher du prénom gaulois féminin Enide, cf. Erec et Eide de Chrétien de Troyes, du grec nikè, victoire, lituanien nikti), la légende signifiant : Victoire pour les Allobroges ! Allobrodios est un datif pluriel en –os. Pour une pièce du  Cabinet des Médailles, Duchâlais, p.18, donne ces indications : « NIDE,  ALLOBRODIOS, cheval galopant à droite ; au –dessous,  3 globules entourés chacun d’un cercle en grènetis et placés un, deux (Cf Mionnet, Chefs gaulois, n°85) », les 3 globules  rappelant  les 3 roses de  la première pièce légendée et expliquant  pourquoi Duchâlais veut ranger cette première médaille  dans les pièces  allobroges et interpréter VBI comme une altération de Allobrogios !
Le  triangle des 3 « roses »  sous la jument : l’aile de la jument.
Il ne s’agit pas de roses, ni de globules, mais d’ailes triangulaires. La représentation de deux ailes supplémentaires a toujours créé des difficultés aux graveurs gaulois, comme celle du plumage ou de la plume prise individuellement. Sur certaines pièces allobroges à buste de cheval et légende ialikovesi, le symbole qu’on a pris pour un rameau, une tige ou une épée figurant près du cheval est une plume phallique et celui qu’on a pris pour un caducée est  une aile, ces symboles signalant le caractère ailé de la jument. Quant à  IALI KOVESI, iali signifie  ailé ou à plumes,  et kovesi pour pek ovesi, mammifère (pek) volant   (ovesi) : Pégase.
Sur la pièce archaïque,  il y a un triangle  de 3 globules à l’avant du cheval qui symbolisent une aile triangulaire de Pégase, comme les 3 roses.
Le buste divin du revers
Ce n’est pas Vercingétorix, il ne porte pas, semble-t-il, de  casque, mais une chevelure « roulée et ondoyante ». Sur la pièce archaïque, il s’agit du dieu poulpe, équivalent dans la mythologie grecque de la Chimère ou de l’hydre   que Pégase aide Bellerophon à tuer. Les cheveux se tordent comme les bras d’un poulpe géant et l’un des bras part du nez devant la bouche  pour s’étendre sur un phallus représentant l’équivalent du grec  Bellerophon.
Le collier perlé ou torque gaulois  et le grènetis.
Le torque est le symbole de l’autorité : ici il s’agit de l’hydre aux mille têtes  tuée par Ogmios,  nom de l’Hercule gaulois selon l’auteur grec  Lucien (Sur l’Héraklès gaulois), représenté comme tirant des chaînes avec des têtes hilares, entendons un super- calmar divin avec des tentacules munis de ventouses, les 1000 têtes de l’hydre.  Sur certaines pièces prétendues héduennes et rapprochées du quinaire de Litanus, on voit un visage hilare avec le signe de l’hydre- poulpe divin : un bras de poulpe partant du nez. D’Ibérie,  Ogmios-Hercule fonda Alésia avant sa traversée des  Alpes.
L’étoile à 5 rayons du buste : la constellation Pégase.
Fivel rappelle que le blason des princes de Savoie,  ainsi que les armoiries de Chambéry, portent une étoile. Arianhod, en gaulois la roue d’argent, la Couronne d’Ariane, la Chevelure de Bérénice, est  le nom gaulois de la constellation que Romains et Grecs  appellent  la Queue du Lion ou Pégase.
La jument  libre, non bridée,  marquée aussi d’une étoile : Pégase.
Cette jument  ailée  pourrait être un avatar   de la grande déesse gauloise Epona Regina, reine (de là la tête laurée) Cf. Hippo regius , aujourd’hui Bône, en Afrique du Nord ) ou Pégase (Pègasos en grec, de pêk, mammifère, et de adzios, ailé), qui donne la victoire à Zeus lui-même en lui apportant la foudre  ainsi qu’à Bellérophon contre la Chimère et contre les Amazones,  avant d’être transformée en constellation (l’étoile). On trouve sur certaines monnaies en argent  allobroges au  buste de cheval  une légende en caractères lépontiques  (de Leponti Vibères, population alpine du nord de l’Italie) dérivés de l’étrusque,  KASIOS. Le K en étrusque note une sonore, le G, donc Gasios pour Pègasios ou Paagasios.
L étoile à 4  rayons de l’avant de la jument
Sur une pièce  allobroge au cheval galopant, nous voyons,  à l’avant,  une vulve indiquant le sexe de la jument, tandis que, sur la pièce archaïque, une rouelle en forme de croix celtique,  avec globule au centre,  est à l’arrière de la jument, dans la même intention. L’étoile à 4 rayons  a succédé à la rouelle avec 4 bras et cette dernière à la vulve.
Bref, les médailles mandubiennes  se caractérisent au droit par un visage  masculin, celui du dieu -hydre   poulpe  et au revers par une jument ailée, la déesse Epona. Elles s’opposent donc aux monnaies allobroges  qui, au droit, présentent le plus souvent  un buste féminin, celui de Rome ( ?). On peut légitimement se demander si dès le début du monnayage allobroge, donc avant -52, le buste féminin a bien représenté  la déesse Roma et non pas la déesse Reine Epona Regina. Sur la pièce éditée  en -48 par L. Hostilius Sacerna, la déesse en qui on a voulu reconnaître une personnification de la Gaule ou de la Piété, avec ses cheveux flottants, est peut-être Epona  , et ce qu’on a pris pour un instrument de musique gaulois , un  carnyx, dérivé de l’ibère Korkun ou Korkur,  sorte de trompe militaire verticale de 3 mètres à gueule de serpent plutôt que de sanglier  est peut-être un morceau du dieu –hydre poulpe, comme ces sortes de chaînes ou de cordes en  grènetis  dont les replis  traversent obliquement certaines pièces de monnaie. Ce qui confirme mon hypothèse, c’est la présence d’un U ouvert qui représente le sabot à côté du  carnyx.




          Comparaison des pièces mandubiennes avec les monnaies allobroges.
  La typologie  des médailles allobroges dressée par Duroc  divise celles-ci en monnaies dites au cervidé ou au bouquetin, au buste (la moitié avant) de cheval, au cheval galopant,  à l’hippocampe et au cavalier.


1 Les pièces au bouquetin
On a identifié parfois l’animal  à un cervidé. Mais ce serait, selon d’autres, un capridé, un chamois (capra rubra)  ou plutôt  un bouquetin des Alpes (capra rubra)  femelle : son nom est  camox ou  isara (du gaulois  etana, jument, cf. le nom de la ville d’Etana, Yenne aujourd’hui en Savoie,  justement, près de Chambéry  ) et les  noms camox ,  isara  , etana   se retrouvent  dans de nombreux toponymes de la région : Chamonix, Chamoux, Chamand, Eternoz Chamard, Isard , Ezard (de l’ibère isara, altération du gaulois vetara).  Izernore, Izernave, signifient  le lieu du sacrifice (noz, nore, nave,  du gaulois mediolanum, lieu du sacrifice) du bouquetin, izer, izar, eter [cf éterlou, jeune bouquetin mâle et le latin veterina, bêtes de somme, d’origine celtique].
A noter que le mot latin pecunia, argent, dérive du latin pecus, pecudis, petit bétail, chèvres, bâti sur un radical pek  comme  ibex, le nom du bouquetin des Alpes, le latin   berbex, le nom du  bélier, le français  brebis, du latin populaire vervix et le français   bouc, de bucco, de l’ibéro- gaulois  peko. Le nom du  bouquetin ,   justement d’origine savoyarde, venant de boc estaign, est emprunté,  selon certains,   au germanique bock stein, bouc de rocher, mais il vient plus probablement  de bock etana, mammifère (pek) femelle (etana). Il y a 5350 ans, le bouquetin était déjà devenu l’ancêtre de la chèvre domestique comme le montre la momie d’Otzi : l’intolérance au lactose  présentée par cet ancêtre des Mandubii montre que son organisme s’était accoutumé depuis longtemps au lait d’estagne,  de etana, (cf éterlou et éterle, les cabris) le nom de la femelle du bouquetin (cf éterle, jeune femelle, éterlou, jeune mâle, de etana, jument), car ce lait contient peu de lactose. L’homme d’Otzi avait consommé « du bouquetin des Alpes (capra  ibex)  et du cerf cuits » (cervus elaphus) dans son dernier  repas et en utilisait la fourrure pour ses chaussures et ses vêtements. Sa pharmacopée comprenait des bézoards (de ibézoard) de bouquetins  contre les serpents et des polyphores du bouleau contre les infections. Il portait sur lui de l’amadou (Fomes fomentarius), de la pyrite et des éclats de silex pour enflammer son feu. Il connaissait le laiton ou orichbalque  (hache d’apparat).


2 Légendes des pièces dites au buste de cheval (Pégase).
C’est la moitié avant du  cheval qui est représentée, comme dans les monnaies dites à l’hippocampe.
 Sur certaines  pièces figure la légende Cal, pour Gal, Glanum Liviae ,  trouvée justement  à Glanum –Saint-Rémy-de-Provence ; sur une autre pièce, Vooc, ou Vol  pour Volcae  ( cf allemand volk, peuple, région de Nîmes ) Arecomicae, le double o pour distinguer du o bref de Vocuntii (Vallée de la Drôme). Les pièces avec VOL, parmi d’autres,  sont souvent des reproductions « numérotées » ou même des faux (certaines ventes sur Ebay).
3 Les monnaies au cheval libre (Pégase).
J’en ai vu sur le Net, Delcampe,   qui célèbrent la fécondité : la plume est devenue un phallus, le sexe de la jument est indiqué de façon figurative  près de la jument. Certaines d’entre elles, rangées par Duroc dans une division de la classe I des monnaies au bouquetin représentent un animal sans cornes qu’on a pris pour une biche ou un faon, mais qui peut être une jument.
4 Les monnaies dites à l’hippocampe (Pégase).
Ce  sont,  en réalité, non pas des hippocampes, mais  des protomés de cheval ailé, des bustes de Pégase ornés d’une crinière hérissée et avec ailes et plumes caudales à l’arrière.  
5 Légendes des pièces au cavalier (Bellerophon)
Ce cavalier est le dieu Bellerophon, dieu gaulois de Glanum par exemple. Son nom vient du radical ibère avec labio-vélaires  ghwelonadhw  qu’on retrouve dans le grec balanos, gland, le latin glans, glandis, le gaulois beleroph, l’étrusque perep,  Priape,  le grec phallus. C’est un dieu phallique
Certaines pièces portent Ambili Eburo : Eburo se retrouve dans le nom de la rivière la Fure qui traverse Rives-sur-Fure et Tullins-Fures notamment près de Grenoble ; Ambili se retrouve peut-être dans Saint-Arey près de Grenoble. Sur d’autres on lit Bri-Coma  dont le nom survit dans Laffreye près de Grenoble. Coma signifie  fraternelle, cf. César,  VII, 29, discours de Vercingétorix aux Gaulois : « Vercingétorix réalisera la fraternité de la Gaule entière. » Sur d’autres, figurent Durnacus  dont le nom est conservé par Saint -Jean de –Bournay près de Vienne et Auscro, de Auscarum, de  Auscaldunum, ancien nom ibère (la grande basque, cf. Euskalduna) de Vienne.

Conclusion
 N’ayant pas vu de mes yeux les pièces mandubiennes  du Cabinet des Médailles, il me faut montrer une grande prudence. L’article de Duroc (121 p.) datant de 1982, qui fait autorité sur la typologie des médailles en argent allobroges, démontre , par rapport aux médailles allobroges étudiées, l’originalité des  médailles mandubiennes, car les monnaies mandubiennes ne semblent entrer exactement  dans aucune catégorie des monnaies allobroges relevée par Duroc. Peut-être le fait qu’elles puissent être en bronze, voire en petit bronze,  et non en argent, joue-t-il un rôle. Les pièces  mandubiennes légendées, trouvées surtout à Saint-Genix-sur-Guiers ou à Verel- de- Montbel,  pourraient être voisines, sans certitude toutefois, des monnaies en argent  dites au cheval galopant (5 classes), mais  avec les  légendes  NIDE  et MANDUBIOS. Elles constitueraient une  6 e classe supplémentaire très différente, qui n’a pas encore été étudiée, et qui est de nos jours fort rare. Les pièces sans légende doivent représenter une jument  libre avec rouelle et un dieu –hydre poulpe. Peut-être dorment- elles chez des particuliers de Genève ou dans un  musée municipal obscur qui se gardera de jamais permettre leur étude, comme celui d’Aoste en Isère (encore de l’argent perdu comme  à Alise-Sainte-Reine : ce musée  a refusé de me communiquer tout renseignement !). Heureusement que la détection de métaux et Internet vont nous permettre de progresser dans la connaissance des monnaies celtiques, indépendamment des musées.
En tout cas nous croyons avoir démontré que le gisement de  monnaies mandubiennes se trouve au Bugey , grand et petit, ainsi qu’ en Savoie, ce qui était notre but dans cet excursus en numismatique.


4 Le pays des Mandubii se trouve donc au petit Bugey actuel et lui a  laissé son  nom. C’est là qu’il faut chercher Alésia.
Le nom Mandubii , lui, se décompose en man, homme, et dubii (ou dubiônes en grec), à rattacher à une  racine ibère (les prédécesseurs non indo-européens des Gaulois et premiers habitants d’Europe, apparentés aux Basques),  adusa, racine très répandue et qui signifie fleuve (Adour, Doubs,  etc.) ; les Mandubii sont les hommes du fleuve. Le nom du Danube, Danubius, a donné aux Ubii , de Dubii, hommes du Danube, de Cologne leur nom, comme aux  Veromandui, de ver,  oman, hommes, dubii, ou preut-être encore au nom ancien de la ville de Langres, Andemanduum, de ande , man et dubium.
Etymologie de (man) dubii.
 Sans Man, le mot dubii a donné en français Bugey, dont le nom est attesté en 1303 sous la forme Byougesium.
Pour comprendre cette évolution phonétique, iI faut rapprocher le latin duo, grec duo  , bis, archaïque duis, deux fois ,grec dis,  ou bellum, guerre, archaïque duellum, biennium, archaïque diennium, espace de deux ans. De même, dans la région, le nom de Pluton, latin Dis est attesté (certains manuscrits de Pline l’Ancien) sous la forme Bis dans Bis Arar, l’Arar de Pluton.
Le du  de (man) dubium devient bi  bibium , par dissimilation vocalique bubium et par dissimilation consonantique budium: cette dernière forme évolue en biudium, où le di- de la seconde syllabe évolue en gi-, comme , toujours dans cette  région, le nom du Guiers (prononcer le g comme dans mangue) est issu de Disarar, l’Arar souterrain ,  où le g provient,  à une certaine époque, du d devant i . De là Byiougeium écrit avec un s par analogie : Byiougesium, enfin Bugey.
Ce qu’on appelle le petit Bugey est le véritable Bugey originel,le pays des Mandubii,  et c’est là que se trouve notre Novalaise. Citons encore le Bas-Bugey, avec sa capitale- évêché Belley, dans l’Ain,  de Bellici, dont on a voulu à tort dériver le toponyme Bugey, ne sachant pas , comme pour les pièces de monnaie , que le territoire des Mandubiens se trouvait au Bugey.   Alors que Bellovaci est une autre forme du mot gaulois, Welsh, Belga, Celta, de kelgw, Bellici, de duellici, signifie les guerriers tout simplement et renvoie à la déesse de la guerre Bellona, ainsi qu’au rite de déclaration de guerre de la columna bellica, devant le temple de Bellone, contre laquelle il fallait lancer un javelot avant d’entrer en guerre. 
A noter que le mot Savoie, attesté au IVe siècle, vers  354,   chez Ammien Marcellin, lib. XI, cap. XI, sous la forme Sapaudia ,    tout proche, vient  de Sebudia, nom de la patrie  d’une peuplade, les Sebusii ou Sedusii,ou Segusii,  ou Sedusiaves,  qui s’était séparée (préfixe se-) des Mandubiens : à l’origine  de se-dubia, puis se- budia , Sapaudia, Savoie.
 Les Mandubii sont une fraction des Allobroges ; d’ailleurs, le mot Allobroge  se décompose lui-même en alabr- oga, de alabr-ica où - ica est un suffixe bien connu d’ethnonyme et où alabr- vient de la racine adusa, rivière : le d s’est transformé en l et le s a évolué en une cacuminale notée br.
Quant à Novalaise, qui ne signifie aucunement la nouvelle Alésia, le nom comprend deux éléments,  Alésia et le faux- ami  nova .
Alesia, Alisia ou Alixia est un nom d’origine ibère. Il signifie  sacré, propice, qui porte bonheur. La racine isara donne  Versailles  ou Versailleux, de ver (très) silia, Marseille (de mar –silia) et Marseilleux non loin de Novalaise (colonie de Novalaise indiquée par le suffixe) , et elle est apparentée au sanskrit isirah, au grec ieros , dorien iaros (de isaros), à l’étrusque haru (de isara), entrailles réservées aux dieux, comme ta iera en grec; mais , avec une  métathèse destinée à détourner le mauvais sort, la racine isara  devient  arisa, alisa  ou ilesa comme dans le grec  ilaos, de bon présage, propice (de ilasyos), dans le nom de  la ville de Troie Ilion,dans  Eleusis (de ilesia),dans Elysée ou dans Alesia. Alexandre vient de cette même racine.
Le faux ami Nove dans Novalaise.   
 Le gaulois nova  ne veut pas dire neuve, nouvelle, comme l’homonyme latin, mais il désigne le lieu où l’on fait un sacrifice, medhu en sanskrit, qu’on retrouve dans le nom propre Epomeduos, celui qui fait le sacrifice du cheval epo).  Le gaulois (langue indo-européenne)est une langue riche en faux amis : medhuana ,de medhu, sacrifice, avec un suffixe adjectivant -ana, qui signifie (le lieu ) du sacrifice,  d’où dérive  notre nova,  a été compris par Diodore comme par César au sens de qui est au milieu (latin medium, grec meson),  ce qui nous a valu la phrase de César  sur les druides qui se réunissent une fois par an au milieu , au centre de la Gaule chez les Carnutes, alors que son interlocuteur gaulois voulait seulement dire que les druides carnutes  se réunissaient  dans un Meduanum, lieu où se pratique  le sacrifice, le Bois de Moléans , comme les druides mandubii dans le sanctuaire de Novalaise.
Le contresens de Diodore de Sicile est une preuve de plus que nous sommes bien sur la bonne Alesia avec Novalaise, puis qu’elle correspond à l’Alesia que Diodore avait en vue, ainsi que l’indique son contresens sur le centre (medio, nove) .Alésia est, écrit Diodore,  le centre religieux de toute  la Gaule  Celtique : en réalité c’était  tout simplement en gaulois  le   sanctuaire (medhuano)  des Mandubii et, peut-être, de leurs  voisins immédiats, les Sebusii, les Savoyards. L’évolution phonétique a fait de medhuanum  Moléans qui vient medhuanum (le l de Moléans vient du d, comme celui du latin immolare, avec o bref, sacrifier),  Milan, Melun, Neuvy-sur- Loire,  à 60 kilomètres de Nevers, de Novio-dunum et non pas Nevers), Moléans qui vient medhuanum (le l de Moléans vient du d, comme celui du latin immolare, avec o bref, sacrifier), Meung -sur- Loir près d’Orléans dans le Loiret et Neung –sur- Beuvron dans le Loir-et-Cher près de Romorantin,  ce dernier nom illustrant l‘instabilité du m qui se transforme en n dans  les finales de toponymes comme  -nore (Izernore), -noz (Eternoz), -nave (Izernave) ou dans les initiales  comme nova.
 Pour la transformation en –euve,  -ove,  -ave  , -ore et –oz, citons Meuvaines, dans le Calvados, de medhuan,  Meuves en Eure-et-Loir (Saint- Maur -sur -Loir), Mesves-sur-Loire dans la Nièvre près de Cosne, et inventons les  lois de Grimm sur l’identité de v, d, r. , le z venant aussi d’un dh.   
 Novalaise signifie le lieu des sacrifices  (nov, de medhianum, ) qui est favorisé des dieux (Alaise),  la cité qui  est une  métropole religieuse fondée par Hercule –Ogmios et  où se déroulent une fois l’an les cérémonies mandubiennes.
Dans Neuvy-sur- Loire,  à 60 kilomètres de Nevers, de Novio-dunum et non pas Nevers,  Noviodunum ne signifie pas la nouvelle éminence, ce qui d’ailleurs n’aurait guère de sens, ni même la nouvelle forteresse, mais l’éminence où l’on sacrifie.  

Le lieu du sacrifice du cheval des indo-européens et le lieu du sacrifice d’un bouquetin par  leurs prédécesseurs ibères.

Le gaulois étant une langue qui comprenait divers dialectes fort différents, on ne s’étonne pas de voir à Mandeure et plus généralement dans le Doubs la  déesse Eponina de Beauce a, déesse incarnant une jument et les céréales, adorée sous le nom d’Etalan, et présente sous la forme d’une pierre .La déesse Etalan , présente dans les écuries sous la forme d’une pierre, tire son nom de etalana, de etel ou eter, , qui est le  nom du bouquetin sauvage en Savoie et de l’isard dans les Pyrénées. Le nom des  villes du Doubs comme Eterrnoz ou  de l’Ain  comme Izernore  ou Izernave signifient  le lieu du sacrifice (noz, nore, nave,  du gaulois medianum, lieu du sacrifice) du bouquetin. Le bouquetin a pour nom izer, izar, eter , à rapprocher du  savoyard  éterlou, jeune bouquetin mâle ,  de l’ibère wikwser [qui a influencé le nom du cheval en grec  hippos, tarentin ikkos de l’indo-européen ek-w-os,   avec leur aspiration et  leur  vocalisme i  à comparer au sanskrit asvah] . Le cheval s’est substitué au bouquetin dans les sacrifices, ce qui a engendré une certaine confusion dont témoignent les vocables  français étalon et vétérinaire, du   latin d’origine celtique veterina, bêtes de somme.
Seconde partie : en route pour le sanctuaire béni des dieux , l’ Alesia de César (Novalaise) au petit Bugey, chez les Mandubii, les hommes de la rivière, -le Rhône.
César au secours de la Province.
César rassemble toutes ses troupes après le désastre qu’il a subi à Gergovie et cherche à se rendre dans la Province, c’est-à-dire vers la Confédération des Allobroges : « Cum Caesar in Sequanos per extremos Lingonum fines iter faceret, quo facilius subsidium provinciae ferri posset », VII, 355 Comme César continuait son chemin chez les Séquanes en traversant  le  territoire des  Lingons sur ses limites,  cherchant  la route la plus facile pour porter secours à la Province ( le mot Provincia,seul,  soit  le territoire  qui dépendait nominalement de la suprématie romaine depuis les succès de Promptinus en 61 av. J.- C., mais qui n’était qu’une expression géographique comprenant à la fois
-la vieille Province [Provence] de Fabius Maximus, de la mer jusqu’à l’Isère et la Romanche,
-et la confédération des Allobroges, de l’Isère au Rhône.).
 Les partisans d’Alise-Sainte-Reine ont beaucoup glosé sur cette préposition in avec l’accusatif après un verbe de mouvement ; mais dans  l’exemple suivant,  pris chez César parmi d’autres : « Inde, in Allobrogum fines , ab Allobrogibus in Sebusianos exercitum ducit » (I, 13): « de là,  il mena  son armée sur le territoire des Allobroges, puis sur celui des Sébusiens [ des Savoyards], montre que César chemine à travers le territoire des Allobroges jusqu’à en sortir pour prendre pied sur celui des Sébusii », il ne se contente pas de se diriger vers  les Allobroges , il  passe à travers leur territoire ; de même, l’armée de César marche à travers le territoire des Sequani, et non pas en direction de ce territoire sans l’atteindre, comme le voudraient les partisans d’Alise- Sainte -Reine .
Les Lingons à l’armure de bronze dorée,en principe  neutres mais  en réalité  favorables à César .
César traverse leur  territoire, campe à Vosne- Romanée près de Beaune (Vosne de losne, de Lingones, Romanée pour Romanay de Romanici) et Saint –Jean-de – Losne (Lingones).Langres, qui s’appelait encore à l époque de César Andemanduum ou Andemandutunnum, vient de Lingonorum civitas. « Rejoint par Labiénus au-dessous de sens, par les Germains sur le plateau de Langres, César organise la retraite et, traversant la frontièrebextrêmedu,pays des Lingons, il marche vers le paysdesséquaneais, route la plus directe pour sortir de la Gaulevetpour regagner la province », écrit V ; deSaint-Genis.
Sur le territoire des  Séquanes près de la Saône et de l’Ain
César emprunte le riche val de  Saône, appelé ager Sequanicus,  le champ des Séquanes, et il campe  à Romanèche-Thorins près de  Mâcon (Romanèche de Romanicos), enfin à Trévoux, dernière étape avant le combat de cavalerie.
César franchit la Saône pour prendre position entre cette rivière et le Doubs en face de la trouée de Belfort par où vont passer ses alliés,  les cavaliers germains qu’il attend, puis franchit la Saône au-dessus de son confluent avec le Doubs aux environs de Neuville-sur-Saône, à 120 kilomètres environ et campe à Chinay ; puis il traverse le Doubs et fait ce jour-là qu’une étape de 30 kilomètres à cause de ce passage du fleuve.  Il campe à Saint-Vincent, puis à Mâcon, (encore 40 kilomètres). Vercingétorix qui, d’Autun, surveillait la marche du proconsul, traverse la Saône à Châlons, harcèle l’armée romaine avec ses cavaliers, la précédant avec le gros de son infanterie, campant trois fois devant elle, chaque fois à la même distance d’environ10000 pas ou 185 kilomètres ;, assez près pour l’inquiéter  et le surveiller , assez loin pour  éviter une bataille générale.  Fivel a retrouvé à Saint-Martin-en-Bresse, à Préty et à Saint- Didier les fossés circulaires qui protégeaient les trois (trina castra) campements gaulois, fossés dont les reliefs étaient encore bien accusés en 1866.
Je vais maintenant suivre Théodore Fivel dans L’Alésia de César près de Novalaise sur les bords du Rhône (Savoie), avec cartes et plans et dépliables (cartes précieuses pour le plan des palissades de César,  mais très mal microfilmées par Google et donc inutilisables, il faut se référer à l’original), 1866. Un professeur d’histoire, Jules Tessier, l’a abrégé dans deux conférences publiées sous le titre La nouvelle Alésia découverte par M. Th. Fivel. Ce sont tous les deux des enfants du pays et Th. Fivel, géomètre et architecte, l’a parcouru pendant une quinzaine d’années. Je prends parfois des libertés vis-à-vis du texte, que je cite exactement le plus souvent. Voici la bibliographie que j’ai relevée dans une collection du premier trimestre 1866 du Monde illustré : 10 février 1866, n°461, p. 84-85, par Victor de Saint- Genis ; 26 mai 1866, n°476, P. 331-332.
Le combat de cavalerie sur le territoire des Sequanes
C’est entre Trévoux, Sathonay, Miribel et Monluel que se situe le véritable emplacement de la bataille de cavalerie  qui précéda le blocus d’Alésia. Une preuve intéressante réside dans le fait qu’à Trévoux on a trouvé dans l’enceinte du camp de César des poteries romaines sigillées portant le même nom de potier que celles qui ont été recueillies dans les environs de Novalaise et qui sont conservées au musée d’Aoste.
Premier combat sur le plateau de Sathonay
César, en marche sur plusieurs colonnes, sa droite appuyée à la Saône, pivote sur son aile gauche pour obliquer au pied des collines, dont l’une, au nord de Montluel, s’appelle  la Colline sainte (une note de Servius du IVe siècle nous indique que le mot correspondant à sacra  chez les Gaulois signifiait  abominable,maudit ,  dédié aux dieux infernaux)  ; surpris par l’attaque, il se replie ; ses cavaliers germains enlèvent ce que César qualifie de massif très élevé,  summum jugum, savoir le plateau de Sathonay et plus exactement la Croix de Bussy, par un mouvement tournant sur la droite, et arrivent sur les bords du Rhône que traverse en bon ordre l’armée de Vercingétorix.
Second combat aux gués de l’Ain et du Rhône
César laisse alors ses bagages sur une colline toute proche  à la garde de deux légions et se jette à la poursuite de l’ennemi. Il atteint son arrière-garde au passage de l’Ain, à Port- Galland et au passage du Rhône au-dessus de Vernaz à Marseilleux, avec des gués très faciles, et  lui tue trois mille hommes. Les culées et les piles du pont de Port- Galland, sur l’Ain, ont livré des armures lingones de bronze doré et  d’autres  armes gauloises qui figurent au Musée gallo-romain de Saint-Germain –en- Laye. Le confluent de l’Ain et du Rhône était alors un vaste amas d’eau stagnante, entrecoupé de sable et d’îlots, si bien que César a pu croire qu’il n’y avait là qu’un fleuve dont il n’a pas voulu prononcer  le nom : l’Ain, Sequana, parce qu’il était homonyme de la Seine, Sequana aussi. , .
Le nom de l’Ain : Sequana, la Saine.
Strabon, après avoir cité le Doubs (Dubis) et la Saône (Arar), ajoute: « Il y encore un fleuve qui sort également des Alpes, et qu’on nomme Sequana. Il court parallèlement au Rhin, traverse le pays des Sequani, [qui lui doivent leur nom] et va se décharger dans l’Océan. » On trouve au sein même du pays des Sequani l’existence d’un homonyme de la Seine, la Saine aujourd’hui,et,  écrit Maissiat, tome Ier, p.85 ,c’est  « un des premiers et des plus importants affluents de l’Ain. La Saine provient du lac des Rouges –Truites, situé au milieu des monts Jura  que l’on considérait jadis comme des Alpes, longtemps encore après l’époque gallo-romaine : de là elle se dirige au nord-ouest, comme le Rhin, et va se jeter dans l’Ain, près de Champagnole, à Syam [de Sedusiavorum civitas,, puis SediamSeiam, Siiam, la cité des Sédusiaves près de Chaux-en- Crotenay ]» .César qui connaissait cette dernière a reculé devant l’homonymie et préféré passer sous silence le nom du fleuve.
Carte des pays traversés par César  dans sa  retraite sur la province.




Les approches d’Alesia.
A la tombée de la nuit, César campe à 15 kilomètres,  dans les environs de Crémieux et d’Optoz, où l’on voit les fossés d’un vaste camp romain
 Le lendemain, il fait 40 kilomètres, en suivant la vallée d’Amby, pour arriver dans les plaines de Saint- Genix. Le toponyme Genix vient du latin cinis, qui signifie cendre et fait allusion à l’incendie final d’Alésia, comme a fini  une autre Troie (l’historien romain Florus dit dans son Epitome Historiae Romanae,  III,  que César incendia complètement  la ville après sa reddition, urbem captam flammis adaequavit). César parvient alors devant  Alésia où Vercingétorix l’a précédé et il  décide de  commencer le blocus.  « Fermant la plaine,en arrière de collines peu élevées, se dresse la muraille de rochers dont la citadelle d’aAésia (ruines du château de Montbel [mons belli, montagne de la guerre]couronnait l’un des points culminants. Au delà apparaît une seconde crête rocheuse, beaucoup plus élevée ; c’est la chaîne du mont du Chat, de l’Epine et du Signal ; enfin, sur la droite, s’étagent les montagnes ardues du massif de la Grande Chartreuse. ..La chaîne de roches escarpées que César appelle un mur se brise tout à coup par deux cassures profondes (duo radices), gorges étroites et sombres, au fond desquelles deux cours d’eau  se précipitent en mugissant. A gauche, le défilé de Pierre -Châtel [castellum, l’un des 23 fortins de César] et le cours impétueux du Rhône ; à droite, les Portes de Chailly [ de gallis, métathèse du nom du chef gaulois  ver-gasillaun  ?]et l’écume torrentueuse du Guiers. Ces cours d’eau, les duo flumina des Commentaires, fossés naturels de l’Oppidum, forment en avant de la chaîne rocheuse un vaste triangle entrecoupé de collines.
 C’est ce triangle que décrit césar…, depuis la plaine des trois mille pas qui reste en dehors de toutes ses lignes jusqu’au cours d’eau qui alimentait les fossés romains, jusqu’aux hauteurs d’Avressieux que couronnaient les campements des légions. Remarquons ici le soin que prend  César de décrire leb terrain qu’il occupait devant Alésia (ante oppidum), sans se préoccuper du bassin de Novalaise et des montagnes placées en arrière. La topographie de ce coin de Savoie explique aussi les mots  de colles et de murum désignant les collines de la plaine de Saint- Genix et la crête rocheuse d’Alésia, en avant des hautes montagnes qui ferment l’horizon.Plusieurs incidents du siège , tels que la sortie des cavaliers gaulois, la position centrale priseb par césar le jourde l’attaque générale, la possibilité pour Vercingétorix d’échapper aux Romains[Dion Cassius], sont exclusifs d’un blocus circulaire . Une première ligne de 11 kilomètres environ de développement bloque l’oppidum depuis le cours du Rhône jusqu’à la coupure du torrent, le Tiers ; la seconde ligne, s’étendant sur plus de 20 kilomètres, presque parallèle à la première, se dressait aussi du Rhône aux portes de Chailly, et défendait les campements des légions contre les assauts des contingents gaulois convoqués au secours d’Alésia…. Cet immense camp retranché environnait les hauteurs du côté du nord, là où Vergasillaun opéra son attaque de flanc : le chef gaulois  descendit dans la plaine, au levant, profitant de tous les accidents du terrain et variant les travaux de défense suivant la nature des lieux (pro loci natura).
Quatre combats acharnés décident du sort d »4alésia : 1Vercingétorix fait camper en avant de la colline rocheuse qui supportait l’oppidum sa cavalerie et une partie de ses fantassins. César,  pour bloquer en même temps la ville et l’armée, et pour empêcher la jonction des Gaulois avec les alliés en retard, commence ses prodigieux travauxLa cavalerie gauloise essaye de les interrompre ; elle est repoussée avec perte jusque sur les pentes de l’oppidum. Vercingétorix renvoie cette cavalerie qui devient inutile pour l’attaque d’un camp retranché et reste sur la défensive. Sa position au sommet de la crête rocheuse lui permet de suivre tous les mouvements des légions, mais il ne peut descendre dans la plaine sans être aussitôt aperçu ; toute surprise étant empêchée, il attend patiemment l’arrivée des alliés…
2 Cinq semaines s’écoulent… Tout à coup  apparut dans la plaine, ante oppidum, la foule des contingents gaulois ; Vercingétorix fait sortir ses troupes, les range aussi ante oppidum, et l’attaque commence des deux côtés des lignes romaines. César repousse ce double assaut.
3 Dans la nuit du lendemain, nouvelle attaque plus impétueuse encore et plus sanglante ; les Romains, pris entre l’armée de Vercingétorix et l’armée de secours, reprennent les postes qui leur avaient été assignés les jours précédents et résistent avec le même succès ;
3 Une attaque est décidée pour tenter une troisième fois ; Vergasillaun, l’un des chefs alliés, quitte avec soixante mille hommes choisis les hauteurs de Romagneu, occupées par l’armée de secours, et emploie dix-huit heures à ce mouvement tournant ;
4 En même temps que Vergasillaun attaque la colline de Champagneuxx, et que la cavalerie de secours menace les munitiones campestres, Vercingétorix descend de l’oppidum pour rompre la  ligne romaine  César se place sur les hauteurs d’Avressieux ; enfermé dans ses lignes qu’il embrasse du regard, il est au centre du champ de bataille… » C’est ainsi qu’un enfant du pays,  Victor de Saint-Genis,  décrit les opérations ;                                       







 L’  Alesia du Bugey et les ruines de Montbel (mons belli, mont de la guerre)
   Carte en relief de l’oppidum de Novalaise
                                              avec profil sur AB du plan en relief. 
La ligne de contrevallation est représentée par de petites croix. 
La ligne de circonvallation est représentée par des traits et des points.


                                             

Alesia 
Remarque liminaire : le blocus d’Alésia n’est pas un blocus circulaire, et les termes militaires tels que circonvallation  ne doivent pas faire illusion. Tous les événements du siège ont lieu devant l’oppidum, ante oppidum.
Trois romains qui ont marqué la toponymie : César, son  neveu  de César, le légatCaesar et Caius Antistius Reginus  et un Gaulois , Vergasillaun.
1) On a Comba Juli, la combe ou vallée de Jules (Julii) César,  c’est-à-dire la vallée de Saint- Genix par où César est arrivé à Alésia, le Mur de César,  
2) Le nom de la commune de Lucey, de Lucii, vient de  Caesar,  qui était chargé de surveiller les arrières de l’oppidum. « Les cohortes de lucius qui occupaient le pays des Allobroges, écrit V. De Saint-Genis,avant l’arrivée de césar, surbveillaient sans aucun doute la vallée de Chambéry et fermaient les seuls défilés  par où les pauvreset rares habitants de ce pays auraient pu essayer de ravitailler l’oppidum. »
3) les munitiones superiores , opposés aux munitiones campestres de Marc Antoine et de Trebonius. Vergasillaun, l’un des chefs  des Gaulois de secours, quitte avec 60000 hommes les hauteurs de Romagneu (de Romani), occupées par l’armée de secours et emploie 18 heures à ce mouvement tournant qui doit le placer devant le camp de Caius Antistius  Reginius , aujourd’hui encore le camp de Régis (de Caius Antistius Reginus) dans la plaine d’Avressieux, devant le mas de Régis, c’est-à-dire le mur  de Caius Antistius REGInus , mas , du latin maceria, signifiant mur de pierres sèches ) au Château (l’un des 23 castellum ou fortins, de Lès- Avressieux  et devant le camp de Cassinius Rebilus. Vergasillaun avait à parcourir trois lieues (12 kilomètres) seulement, mais de nuit et sur un terrain difficile ; il fallait passer à gué par deux fois le Rhône., après avoir reconnu les lieux
4 Vergasillaun a laissé son nom ;dans les Portes de Chailly, de gallis, métathèse de (ver) gasil(aun).
Les Lingons.
Le lieu-dit  Aux Lingonay, de Lingonici (près de La Bridoire), comme Longerey, de longirici , avec rhotacisme du n, , dans la plaine d’Avressieux où a eu lieu justement le combat de cavalerie renvoie aux  cavaliers Lingones, ces Gaulois alliés de César, si importants pour les combats de cavalerie, notamment lors du combat de cavalerie qui eut lieu près de Monluel à la Colline sainte, à Port- Galland.  On a trouvé, en creusant les fondations des piles et des culées du pont de Port- Galland, sur la rivière de l’Ain, des  armures de bronze doré qui ne peuvent appartenir  qu’aux cavaliers Lingons  qui, associés aux Germains, formaient le gros de la cavalerie de César.  On a recueilli au même endroit des glaives  romains, des fers de lance, des armes gauloises. Ces objets furent achetés sur ordre de Napoléon III et déposés au musée de Saint -Germain-en- Laye. Au livre VII, 63, lors de l’assemblée de Bibracte chez les Eduens , qui domme Vercingétorix et non aux Eduens le commandement  suprême contre César, seuls avec les Rèmes et les Trévires, les Lingons sont absents. Alors que César explique que les Trévires étaient trop éloignés et trop  menacés par les Germains,, il précise que les Rèmes restent fidèles à l’alliance romaine, mais n’éprouve pas le besoin d’expliquer l’absence des Lingons, qui va de soi : ils fournissent de fort contingents de cavalerie à César contre les autres Gaulois et permet à deux légions romaines de prendre leurs quartiers d’hiver chez eux  en 53.(VI,  44).

Le témoignage des lieux-dits.

Les Murailles (Muralia, Montbel), les Muniers (muni[tion]es, rempart ), la Porta, la Mala Porta (Rochefort, le Camp (de César ) à Rochefort,  Vauxserre ( de  valla serrata,  remparts en forme de dents de scie ), Saint- Albin - de-  Vauxserre, Saint-Martin- de- Vauxserre , renvoie à la palissade au-dessus de la levée de terre , comme la Serra, de serrata également (Saint- Béron), la Serra (Rochefort)  la Serraz (Montbel).la Sarra (Ayn).  Les Tours ( 5 toponymes : commune du Pont, de Sainte-Marie- d’ Alvey, Montbel, Ayn, Avressieux),  la Malo (la vallée] maudite), Rotherens (du germanique roth, rouge,  le ruisseau sanglant) et Saint- Maurice -de- Rotherens, le Champ de sang, les Sépultures de la bataille, le Champ de bataille, la Chapotière (de chapoter, cogner , frapper en ancien français),le Bert et le Bard  dans les  communes de Saint-Béron (ber =combat en gaulois) et d’Ayn , le  Bert (commune de la Bridoire ), les Bertières dans la commune de Rochefort, les Barres,  les  Barrières  et le Bret  dans la commune de Champagneuxx, la Taglia (de taille, action de frapper) dans les communes de La Bridoire et d’Ayn ,la Pugnière (de pugna, combat) dans la commune de Champagneuxx, Pignieu (Saint-Genix) ,de pugnosum ;  le Château (castellum, l’un des  23 de la ligne de défense initiale de César) dans la commune de Domessin , Châteauvieux (de castellum) et  un  château  lès- Avressieux dans la commune d’Avressieux , le Vieux Château  sur le sentier entre Chailles et le Pont,  Châtelard. La Ville (Montbel) renvoie à l’emplacement de l’arx ou citadelle d’Alésia, tandis que la Grande Ville (Domessin) renvoie à la ville d’Alésia. Voir, pour les communes,  Relevé des noms de lieux dits dans Fivel., p. 161-164, édition numérique.

Traces de la contrevallation, Fivel, planche V :
1 dans la plaine au pied de la colline de Rochefort, à la Serra  ;
2 au bord nord du Plateau d’Urisse, en face des Molasses ;
3 à 500 mètres à l’est, fossé de 16 mètres ;
4 en face de l’église d’Oressin.
Sept  traces de la circonvallation à Maloz  ( Avressieux ) dans la plaine de 3000 pas , où se superposent trois couches :
1de marne ;
2 de galets et de graviers ;
3 et de galets et de graviers à nouveau, mais avec dépôt de troncs de chênes ;
Restes de tours.
 La plaine d’Avressieux
« Devant l’oppidum  s’ouvrait une plaine d’environ 3000 pieds (soit,  avec 1, 479 mètre  pour le double pas romain, 4 km 5  environ) en longueur [celle d’Avressieux, où se joua le combat de cavalerie avec les Gaulois, a ces dimensions]. Derrière l’oppidum [qui s’étend des ruines de  Dullin à celles de Gerbaix], à une faible distance, s’élevait (VII, 69, 4) une ceinture de collines (colles  pari altitudinis [ablatif de point de vue : en élévation] fastigio)  qui avaient toutes  le même niveau en élévation, à la hauteur de l’oppidum [les 5 collines dont les cotes sont de 666, 668, 665, 646, 681]. La plaine d’Avressieux , de 3000 pas, devant l’oppidum, demeurée en dehors des lignes au début du siège et donc en communication avec le camp gaulois,est différente de la plaine,  plus large , qui s’étendait sur la rive gauche du Guiers  et  elle est aussi différente des petites plaines voisines : elle est entourée d’un étroit cordon de marécages , à quelques mètres de son niveau moyen , tandis que le relief sert de parapet à ce pseudo- marécage issu d’un  fossé rempli d’eau par César. Il s’agit de la circonvallation (le rempart qui protège les Romains contre les Gaulois d’Alésia), suivant la plaine de 3000 pas jusqu’au promontoire de Belmont (de Belli mons, la montagne du combat),  coupant le lit du Tiers qui avait été desséché par la prise d’eau de sa contrevallation et rejoignant aux portes de Chailles, le long du Guiers, les travaux amoncelés en face du gué de Vaulxserre 
  Une vaste coupure part du ruisseau qui traverse Rochefort, près du château de Mont -Fleury, dans la direction du sud au nord, parallèlement aux falaises de l’oppidum d’Alésia. Le ruisseau  descend vers la plaine d’Avressieux, au fond d’une gorge étroite. Cette gorge est coupée par un vieux mur, de 2 mètres d’épaisseur au sommet, fait avec de gros cailloux roulés, avec du mortier. Cet ouvrage fut sans doute bâti pour empêcher toute communication entre la plaine et l’oppidum. Lorsque Vercingétorix donnera l’ordre à sa cavalerie de s’échapper de la place- forte et d’aller chercher des secours, ce fut par cette gorge qu’ils le firent, mais César y pourvut  en barrant la gorge avant leur retour

                                         

                                                      L’oppidum d’Alésia
« L’oppidum lui-même était sur la plus haute des collines, position si escarpée (elato, élevé en général, a,  selon Maissiat,  le sens  d’escarpé  chez les écrivains militaires) qu’il paraissait impossible de la réduire autrement que par un siège en règle. »

 Voici la description de T. Fivel : « Une très haute colline,  coupée à pic [elato traduit par escarpée, loin d’être redondant,  ajoute une précision ] du côté du couchant et se dressant en falaises quasi aussi menaçantes que celles de Dieppe ou de Honfleur, ne se laisse aborder que par quelques pentes raides et étroites et des gorges profondes et sinueuses. Une fois au sommet de la crête rocheuse,  le terrain s’abaisse en pente douce et forme un plateau légèrement incliné au levant, dont le petit lac de la Crusille (desséché en 1806) remplit les dépressions les plus profondes ;  puis,  le plateau se relève pour former cette ceinture de collines aux crêtes de niveau, dont César indique la position autour de l’oppidum. L’altitude de ces points varie de 643 à 727 mètres, tandis que le point culminant est à 871 mètres. On trouve sur  l’oppidum les vestiges, calcinés par l’incendie final,  de maisons rondes de style celtique. La colline de Sainte-Marie est enveloppée de solides ouvrages et de deux camps ; les ruines du Château de Montbel se dressent sur des assises dont la disposition singulière se rapproche des rares débris authentiques de l’appareil gaulois ». « Au pied de la citadelle (arx) et de la ville, sur le chemin de la Crusille, se creuse le lac sacré d’Alésia, lac qui servit à désaltérer  le bétail réparti par Vercingétorix entre ses 80000 hommes afin de ménager le grain. Les Gaulois  pouvaient, sans être vus des Romains, prendre tout  le bois nécessaire dans les forêts épaisses qui couvraient les hauteurs de la Bauche, les collines qui s’étendaient à droite et à gauche de l’oppidum sur la même crête et  les pentes qui s’étageaient sur le revers du côté du lac d’Aiguebelette ».

Les deux fleuves dont parlent César et Florus, avec un passage de Pline l’Ancien et un autre de Lucain.



















Florus (I, 45) évoque leurs rives escarpées,   ripis abruptis, qu’on chercherait en vainn à Alise et qui en font des gorges  pittoresques pour les touristes. . Il s’agit du Rhône et du Guiers. César n’a pas voulu dire le nom du Guiers,  parce que c’était un homonyme du nom de la Saône, Arar. Selon Pline , Le Guiers avait nom Dis Arar, le fleuve infernal.  
                        



Cirque de Saint-Même : résurgence du Guiers Vif
  On voit,  sur cette photo de la source du Guier,  comment il est une résurgence émanant d’une sorte d’énorme grotte qui a passé pour le trou de Pluton , l’entrée  des Enfers  (Dis , Ditis en latin) , de là le nom de Dis Arar, l’Arar de Pluton. Arar désigne aussi la Saône et Disarar peut être aisément confondu par les copistes avec l’Isara, l’Isère, plus connue. De là chez Lucain, chant  II, : [César retire ses soldats de Gaule pour les besoins de la guerre civile]  « Ceux-ci quittent les marécages de l’Isère [erreur, Isarae au lieu de DIS ARAris  qui n’a pas été compris,  marais du Guiers, plus précisément les  marais de Chaudannes ;  les troupes sont cantonnées non loin à Saint- Genis- sur- Guiers. Guiers est le résultat de l’évolution phonétique de Dis Arar, de diar, di donnant gi ] ; …ceux-là quittent … les camps assis sur les roches escarpées des Vosges pour contenir le belliqueux Lingon aux armes dorées. D’autres, sur les bords du Rhône, là où il entraîne l’Arar [non pas la Saône, mais selon moi  le Guiers riche en alluvions] dans sa course rapide… » Grâce à ces vers de Lucain, nous savons que les camps des Vosges sont ceux d’Izarnore et d’Alaise près d’Eternez., en qui on a voulu voir Alésia.
Un peu de géographie sur ces deux  fleuves, le Rhône et le Guiers vif, ainsi que sur le Tiers, qui,  pour les Romains, était un  autre bras du Guiers et servait de déversoir au lac d’Aiguebellette.
Le Tiers, étymologiquement, est le petit Arar, de pitit, petit, et Arar.
Le Guiers , sur 50 Kilomètres, est la réunion du Guiers vif à Saint-pierre d’Entremont et du  Guiers mort à Saint-Laurent ; il débouche en aval de Saint-Genix-sur-Guiers. On dit que les sources du Guiers sont celles du Guiers vif. Il y a 17 kilomètres entre la ville d’ Entre- Deux- Guiers  et celle des Echelles. « Le Guiers  , écrit Aymar du Rivali, dans De Allobrogibus, a deux sources : l’une intarissable , d’où sort le Guiers vif qui devient  le Guiers, l’autre, qui s’épuise par les temps de sécheresse. « Polybe l’appelle le Skorax (du latin scoria,, alluvions) parce qu’il transporte beaucoup d’alluvions et roule des quartiers de roc ou des sapins que le Rhône où il se jette  a le plus grand mal à déblayer. Le Rhône et le Guiers forment, devant Alésia, un triangle  avec la barre de roches escarpées  qui soutiennent l’oppidum. C’est dans ce triangle qu’ont eu lieu la plupart des combats.
Quant au Tiers, moins important, César l’assécha et dériva son cours vers un fossé de la circonvallation (à Champagneuxx, Belvard signifie peut-être la rivière (var) de la guerre (belli), le fossé).
  La circonvallation coupait le lit du Tiers « asséché par la prise d’eau, et rejoignait les portes de Chailles. On s’est étonné que César ne dise pas dans lequel des deux fleuves, du Rhône ou du Guiers ,  il avait puisé pour remplir son fossé, mais il ne le pouvait pas sans entrer dans de longues explications : il a puisé cette eau  dans ce qui était pour lui un bras secondaire de l’Arar ou Guiers.
  En suivant la gorge du Tiers et en débouchant au col de la Bridoire parmi ces escarpements et ces dépressions subites qui tombent de 529 à 490, à 336, puis à 260 mètres, Vercingétorix pouvait amener de fortes colonnes jusque sous les remparts des Romains sans que les sentinelles romaines eussent pu les signaler de bien loin. C’est sur ce point que se retrouvent les marques les plus énergiques de nombreux combats. La gorge où  coule le Tiers est coupée de murs de pierres énormes ; les pentes de droite et de gauche conservent les traces de coupures à angles vifs, dans les grès et les sables ».  C’est à ce lieu que se rapporte le passage suivant de César : « Les Gaulois, désespérants de forcer les retranchements de la plaine, tentent l’escalade de lieux abrupts (loca praerupta).  Ils accablent les défenseurs des tours sous une pluie de projectiles. » Ces lieux abrupts qui gênent tant les partisans d’Alise-Sainte-Reine se situent  au-dessus de Verel -de- Montbel, vers la gorge du Tiers, dont les cotes varient de 260 à 430 mètres. Traduit  malhonnêtement  pour faire cadrer avec Alise : « ils tentent d’escalader les hauteurs »  10-18 ! » Traduction infidèle également  dans la Pléiade parlant pareillement de douce déclivité !
  Le Guiers est, lui aussi, barré par le mur dit de César. Voici en quels termes Victor de Saint- Genis , dans Le monde illustré du 26 mai 1866, nous décrit cette ruine spectaculaire : « A l’autre extrémité de la crête rocheuse qui sépare le lac d’Aiguebelette de la vallée du Guiers, dans une gorge sauvage, un mur, sans cesse ébréché par la pioche des paysans, stupéfie le voyageur de son étrangeté. On dirait un énorme champignon que le moindre coup de vent fait vaciller sur sa base ; c’est le mur des Sarrazins, dit la tradition ; d’autres l’appellent le mur de César. Il a encore cinq à six mètres de hauteur sur un point, et, enjambant le torrent, remonte des deux côtés de la gorge, jusqu’aux rocs inaccessibles du sommet. »; «en taillant dans la mollasse et le grès  la route neuve qui conduit de Saint- Genix (Savoie) à Novalaise par la porte de la Crusille, à deux pas de cet oppidum d’Alésia dont vous avez annoncé la découverte par  Fivel,  les ouvriers viennent de mettre au jour des tombes pleines d’ossements pulvérisés et quantité d’armes en fer oxydées par le temps. Voici le croquis de deux glaives de légionnaires et d’une pointe de javelot…  On tourmente les vieilles gens  pour leur faire raconter ce qu’ils savent de traditions sur le Ruisseau rougi (Rotherens), le Champ du Sang, les Sépultures de la Bataille, etc. »Sur Internet, on peut lire à propos du Guiers vif qu’il « prend son origine dans des canyons étroits et raides avec des murs de pierre. »Pourquoi construire de tels murs  pour barrer une gorge ? . Certes, la construction du   Pont Romain  au débouché des gorges du Guiers vif, à la limite entre Saint- Christophe –sur- Guiers et Saint Christophe –Savoie, se comprend, car il relie les deux rives, mais tel n’est pas le cas, sauf pour des travaux de siège. .
Ci-dessous, le mur de César : restes spectaculaires de la contrevallation de César, coupant le Tiers, plus ou moins asséché par les travaux de dérivation de César.  Mur de 5 à 6 mètres de haut (cf les deux silhouettes sur la droite) près de la Bridoire, avec les trois chutes du Guiers vif , ce qui montre la confusion  du Tiers et du cours inférieur du Guiers vif.  




              




  Voici une autre  description, celle qu’en donne  Th. Fivel, p.98 : « Près de la Bridoire [de gaulois bear , combat , et de tiar, le Tiers ?  ] deux murs de deux mètres d’épaisseur à la base fermaient la vallée au-dessus et au-dessous du village actuel, au lieu-dit le Bert [du gaulois bear, combat, commune de la Bridoire], ne laissant d’accessible que la gorge étroite et profonde, infranchissable alors, par laquelle le Tiers se précipite perpendiculairement au Guiers en longeant les escarpements de Verel- de- Montbel (montagne de la guerre,du latin  belli ) et de Belmont (latin belli, montagne de la guerre). Cette muraille, bâtie en pierre calcaire, sans mélange de briques, porte dans le pays le nom de Mur des Sarrrasins ; elle se prolonge à l’ouest et présente , à hauteur d’homme, des ouvertures de 25 cm² évasées en dedans du côté du Guiers. La voie antique, allant de Grenoble à Novalaise, passait au col de la Bridoire ; l’intérieur du mur est formé par un blocage de maçonnerie ; les faces extérieures sont revêtues par le petit opus quadratum » [on reconnaît bien dans cette expression la marque de l’architecte de Chambéry qui écrit ces lignes en 1866].
  Les pièges (stimuli, puis lis, enfin cippes  disposés par César entre les deux rangées de la circonvallation (fossé de 20 pieds ), le fossé rempli d’eau du Tiers et du fossé de  la contrevallation, puis des pièces de bois fourchues, le terrassement , la palissade et les tours.
Voici ce que césar écrit des piège, VII, 73 : « on coupe des troncs d’arbres avec des branches très fortes qu’on dépouille de leur écorce et dont on aiguise l’extrémité ; on creuse  ensuite des fossés continus  de  cinq pieds de profondeur, on y enfonce des pieux, on les attache par la base pour empêcher qu’on ne puisse les arracher et on ne laisse que les rameaux. Il y en avait cinq rangées, reliées ensemble et entrelacées. On les appelait cippes.




Au-devant, on creuse, en rangées obliques formant quinconce, des puits de trois pieds de profondeur, qui se rétrécissaient peu à peu du sommet à la base. On y enfonce des pieux lisses, de la grosseur de la cuisse, dont l’extrémité supérieure avait été aiguisée et durcie au feu, de façon à ne les laisser dépasser du sol que de quatre doigts. En même temps, pour les affermir solidement, on comble le fond des puits  d’un pied de terre que l’on piétine. Le reste était recouvert de ronces et de broussailles de manière à cacher le piège. Il y en avait huit rangs de cette espèce, distants les uns des autres de trois pieds .  On les appelait lis à cause de leur ressemblance avec cette fleur.
 En avant de ces puits, des pieux longs d’un pied, dans lesquels était fixé un crochet de fer, étaient entièrement enfouis dans la terre et disséminés partout, à intervalles rapprochés. On les nommait aiguillons (stimuli). »
Fivel écrit, p.117 : «  J’ai retrouvé l’emplacement des scrobes (creux , trous d’enfouissement ) en fouillant les fondations de l’église neuve de Saint- Genis [au sud du système] ; on a recueilli des stimuli (aiguillons de fer) ;  mais la nature même de ces défenses ne leur a pas permis de résister à l’action destructive de dix-neuf siècles. »
Le camp gaulois
« Sous le mur [en latin murus, formé par la crête rocheuse qui supportait l’oppidum, sur la colline de Rochefort], à l’est, les troupes gauloises occupaient tout le terrain : ils avaient bâti devant eux un fossé et une muraille de pierres sèches de 6 pieds de haut. »
Les camps romains
Ils occupaient les sommets des plateaux d’Urisse, d’Avressieux, de Belmont et de Domessin.
La colline de Champagneuxx
« Il y avait au nord une colline [celle de Champagneuxx sur les bords du Rhône], que les Romains n’avaient pu comprendre,  à cause de son étendue, dans leurs travaux d’encerclement (circuitus opere) ; les retranchements avaient dû être établis au pied des hauteurs, sur la pente, dans une position désavantageuse. Les légats Caius Antistius Reginus et Caius Caninius Rebilus, avec 2 légions,  obtinrent cette mission «  (VII, 83) 
Le belvédère de César : le Châtelard
Tandis que Vercingétorix observe le déroulement de la bataille du haut de la citadelle, « César, bénéficiant d’un endroit favorable à l’observation, voit ce qui se passe à chaque endroit » (VII, 85).Ce pourrait être le Châtelard (de castellum, nom donné par César à ses  23 fortins initiaux, ave un suffixe péjoratif  tenant à la présence d’un cimetière), un roc isolé, dont le plateau supérieur , inaccessible de trois côtés, est fortifié du 4e , en face de l’oppidum. Il a 507 mètres d’altitude.
  Même une statue du coq gaulois a été retrouvée à Alésia, peut-être emblème  pour sa hardiesse des Mandubiens. C’est donc de notre pays, la Gaule, qu’il s’agit. Nous avons voulu faire connaître ce qui nous semble la vérité sur Alésia  parce que, Français, nous trouvons scandaleux qu’on n’ait guère réfléchi sur ce lieu auguste de notre histoire,   comme sur cette illustre figure  de notre identité nationale incarnée par Vercingétorix, ce saint de la patrie comme on l’a appelé. « Vercingétorix aurait pu  s’échapper, s’il l’avait voulu » par les arrières de l’oppidum, nous révèle l’historien grec Dion Cassius (155-235 de notre ère), dans son  Historia Romana, I, 40, Gallia domita. S’il ne l’a pas fait, c’est qu’il a préféré la patrie à son  salut individuel.  L’arc de triomphe dont les ruines furent  découvertes au lieu-dit Le Champ de Bataille à  Saint – Genix  d’Aoste (Albanis de Beaumont, Description des Alpes grecques ou cottiennes, tome 1er , p. 211-212,avec statue de la Victoire en bronze et entablement en marbre blanc avec cariatide, le tout évoquant le temple gallo-romain de l’Izernore voisine) si mérité fût-il, nous paraissent,bien misérables, à côté du million de morts, du million d’esclaves, prix à payer pour coloniser l’Europe et pour créer la civilisation occidentale : tout ceci  mérite que le site authentique  d’Alésia ne sombre pas dans la négligence et l’oubli, second linceul des morts.

                                Henri-Gabriel Griscelli, ulmien,  latiniste.