samedi 7 mars 2015

Le mystère du modèle grec d’ Apulée élucidé


On a depuis longtemps soulevé à propos du livre d’Apulée, Onze livres de métamorphoses, le problème de son  modèle grec. On avait un texte attribué au Pseudo- Lucien; O Onos, L’Ane, qui est un court roman qu’Apulée suit parfois à la lettre, -aujourd’hui on parlerait de plagiat.

Tentons d’abord de congédier le problème du titre donné par Saint Augustin à l’œuvre d’Apulée, Asinus aureus,  L’Ane d’or, alors que rien dans les deux romans  que nous venons de citer ne justifie cette appellation. René Martin a suggéré  un sens rare de  roux pour aureus.  Lucius avait  les yeux bleus et les cheveux blonds ou roux, donc, peut-on supposer, l’âne  a conservé la couleur rousse. Or, en Egypte, Hérodote nous raconte que les Egyptiens mettaient à mort toutes les personnes rousses. Isis, à la fin du roman (la Pléiade, p. 358),  fait allusion à  la couleur rousse de l’âne en ces termes : « dépouille-toi, dit-elle à Lucius , de ce cuir bestial qui te recouvre et qui me fait depuis longtemps horreur  », commenté par Pierre Grimal de la façon sui vante : « Nous savons par Plutarque que l’âne était un animal détesté par Isis, parce que, prétendait-on, la couleur rousse de son poil rappelait Typhon, l’ennemi d’Isis. » Plutarque, dans Du culte d’Isis et d’Osiris,, 363 B a écrit : » La ressemblance  avec Typhon dont, on l’a dit, souffre l’âne,  les Egyptiens la fondent …sur la couleur de son pelage. » A croire que tous les ânes anciens d’Egypte étaient roux et non blancs comme  de nos jours en Egypte ou bruns comme aux alentours.  La variété  Ragusano  est la plus rousse que j’ai trouvée sur le net. Celle de Malte a les pattes blanches, celle d’Egypte est toute blanche.  Méchant comme un âne roux ou  rouge, dit-on aujourd’hui encore.

  Ne peut-on supposer que quatre mille ans avant J. –C., à l’époque d’Osiris,  certains survivants de l’Homme de Néanderthal,  dont on pense aujourd’hui  qu’il avait les cheveux roux, survivaient encore en Méditerranée et que ce sont eux, sous le nom de Seth  (hébreu Satan) ou grec Typhô, de tuphos, apathie, torpeur,  qui sont en cause ? Chez les Grecs c’est Philoctète, dont le nom signifie curieux, qui  semble bien en être l’emblème. Cet archer, compagnon d’Héraklès, ne parle guère : s’il connaît le secret de l’emplacement du bûcher d’Héraklès et a reçu la demande solennelle de ne pas en dire  le lieu, il viole sa promesse sans parler  en frappant la terre du pied à l’endroit où s’était dressé le bûcher. Philoctète, dit la légende, fut abandonné à Lemnos à cause d’une blessure au pied qui dégageait une odeur insoutenable et le crime des Lemniennes, qui tuèrent tous les hommes de l’île,  même  leurs maris, sauf Thoas,  à cause de leur odeur, comparable à celle de la blessure de Philoctète,  serait  la preuve de ce métissage  en même temps que la transposition mythique des conflits avec les néandertaliens qui auraient été roux. Les Egyptiens, plutôt blonds à l’époque, ont-ils eu peur que leurs  caractères récessifs  ne s’étendent pour prendre une mesure si cruelle ?En tout cas ils ont pris des mesures énergiques concernant l’hybridation des ânes, puisqu’aujourd’hui ceux-ci sont blancs en Egypte.

Nous avons encore une mention énigmatique d’un roman  au titre quisemble identique chez  le patriarche byzantin Photios, ayant vécu au IX e siècle, auteur d’une Bibliothèque, où il nous a laissé un prétendu  « résumé », disonsplutît une simple mention,  d’un livre intitulé  Métamorphoses  dont, semble-t-il, l’auteur serait un Lukios de Patras  pour Patara, on le verra, et alors que Lukios , Lucius en latin, est non pas l’auteur , mais le protagoniste du roman . Voilà  qui semble indiquer que ce bon patriarche  n’avait pas lu ce roman à la réputation d’érotisme  et de magie.

Enfin le fait de prêter le court roman à Lucien vient peut-être du nom du personnage principal, Lucius.

  Mais voilà le nouveau que mon blog prétend apporter et comment il dit avoir élucidé le mystère des modèles de ces deux romans.

 Grâce à un affranchi grec peu connu,  ayant vécu de 150 à 180 ap. J. C.  ,  le mythographe Antoninus Liberalis et grâce à ses Congeries Transformationum (Recueil de métamorphoses),  nous connaissons l’histoire (chapitres 20 et 90)  de Lycios (en latin Lucius)  de Patara en Lycie  (et non de Patras en Grèce). Il  est  le fils de Clinis, un Babylonien.   La Chimère vit à Patara où existe aussi  un célèbre oracle d’Apollon,  fondé par Icadios, fils d’Apollon et de la nymphe Lycia   et né à Patara. Lycios est une épithète d’Apollon qui , dit-on, fait allusion à la Lycie ou aux loups, mais à l’origine lug-ia, est apparenté au radical de daktulos, doigt, tentacule de calmar ,  savoir daktu-   donnant duk , puis luk. Lycios désira contre la volonté d’Apollon Lukogenès (né en Lycie ? plutôt que né d’un loup, mais ce peut être né d’un calmar), sacrifier un âne sur l’autel d’Apollon, comme c’était la coutume chez les Hyperboréens où il avait souvent accompagné son père avec ses frères Ortygios (Délos , chère à Apollon et où il naquit ainsi que sa sœur Artémis, s’appelait à l’origine  Ortygios en l’honneur de la déesse Artio , identifiée à Asrtarté, puis à Artémis ) ,  Harpasos et sa soeur Artémichè, (de Artio, Artémis).Les deux frères  Lycios et Harpasos, au lieu d’obéir au dieu comme leur père, vinrent à l’autel avec l’âne. Mais Apollon rendit l’animal enragé .Il se jeta sur les deux frères et les démembra comme un loup (lukos)  ou comme la Chimère et lorsque les autres membres de la famille accourent au vacarme, il leur réserve le même sort. Mais Apollon, à l’instigation d’Artémis,  finit par avoir pitié et les métamorphosa  tous  en oiseaux . Clinis fut transformé en hypaietos : le mot est un hapasx légoménon et on l’a rattaché à aiétos pris au sens d’aigle ; mais, selon moi, aietos doit se prendre au sens de fronton  d’un temple   et l’oiseau ainsi appelé vit sous (hypo) les frontons des temples, comme les corneilles, coronis en grec , étant  ajouté que Coronis ressemble à Clinis   et  joue un rôle dans la légende. Coronis fut aimée par Apollon et en conçut Asclépios, mais a  lors qu’elle en était enceinte, elle épousa à l’insu d’Apollon, Ischys . celui-ci fut prévenu par l’indiscrétion d’un blanc qui devint tout noir pour le punir de son indiscrétion.  Harpasos (de arpax ravisseur ) fut métamorphosé en rapace , en faucon, dit-on (ierax en grec). Ortygios fut transformé en caille (ortyx signifie caille en grec) ou en mésange, sa sœur  Artémiché en colombe (mis en babylonien signifiant colombe, cf. les noms de Sémiramis et d’Artémis identifiée à Astarté qui avait la colombe pour attributs) et Lycios en corbeau blanc (transformé en corbeau noir à cause de son indiscrétion). La logique voudrait qu’Apollon, par un juste retour des choses, l’ait métamorphosé en âne.

Selon Antoninus, l’histoire avait inspiré deux poètes héllénistiques, Boïeos  ( Le second livre) et Simmias de Rhodes ( Apollo).Dans le roman grec conservé, nous avons (55) Lucius qui déclare : « Je suis un auteur d'histoires et de récits en prose ; lui est un poète élégiaque et un bon devin. Notre patrie est Patras, en Achaïe. » L’auteur de récits en prose, c’est cet auteur inconnu  que nous appelons Lucien. La confusion avec Patara en Lycie vient peut-être de là, étant ajouté que l’auteur cite un sophiste de Patras, Decrios, dont il apporte une lettre au début du roman.

I Pour nous,le premier roman qui relate ce mythe s’intitule Les Métamorphoses de Lycios de Patara : c’est peut-être l’œuvre de Boïeos, mais ce peut être celle de Simmias de Rhodes. Dans le texte prêté à Lucien, la crise de l’âne est brièvement traitée. Voici le texte : « 40. Quant à moi, prévoyant ce qui allait arriver, je songe que le plus important est d'échapper au couteau. Rompant la corde qui me tenait attaché, je bondis et cours dans la maison, où les débauchés dînaient avec le maître des lieux. Aussitôt entré, je renverse tout, lampe et tables, à force de ruades. Je pensais avoir trouvé là un moyen subtil de me sauver : le maître allait aussitôt ordonner de m'enfermer, comme âne indomptable, et me mettre sous bonne garde. Mais cette subtilité me fit courir un danger extrême. Me croyant enragé, ils brandissent contre moi sabres et lances, et se mettent en devoir de me tuer. Voyant la gravité du danger, je cours à l'endroit où mes maîtres devaient dormir. À cette vue, ils ferment soigneusement les portes de l’extérieur. »

Dans notre texte d’Apulée, le passage livre IX, chapitres1 et2  sqq, ,la Pléiade ,  p. 301, l’âne se sauve dans la  salle à manger d’un prêtre de la Déesse syrienne et où il  brise la vaisselle, les tables et les flambeaux , mais un chien enragé s’attaque à des hommes et des bêtes et   les habitants de la maisonnée croient  que l  ’âne est enragé lui aussi : c’est là le  reste de ce premier roman, que le patriarche byzantin Photios, devait  avoir dans sa bibliothèque, mais sans l’avoir lu. .

2 Le roman grec prêté à Lucien, L’Ane, (O Onos) suit ce premier roman et garde la trace de la métamorphose en oiseau, notamment   de Harpasos en faucon   Voici (12) comment est évoquée la transformation de la maîtresse de Palaestra : «  et soudain des ailes lui poussent, le nez devient de corne et crochu. Elle avait désormais tous les attributs et les marques d'un oiseau, et n'était plus rien d'autre qu'un rapace nocturne. Quand elle se vit pourvue d'ailes, elle émit un terrible ululement, comme les rapaces en question, se leva et s'envola par la fenêtre ».De même, chez Apulée, la Pléiade, p.  195, livre,chapitre 21, la maîtresse de Photis se mue en hibou.

3 Nos Métamorphoses de Lucius Apulée  allongent le texte grec précédent, où figure déjà, dans les chapitres 51 et 52, l’épisode des frères mendiants   tandis qu’il figure dans les chapitres 40-48 et 46-53 aux livre IX  et X d’Apulée. Les prêtres de la  déesse syrienne, logés dans le temple d’Isis (Apulée  ne nous dit pas le  nom de la déesse) y volent un canthare d’or  qui est, La Pléiade,p. 361, livre .XI, 9, l’amphore portée par le sixième le prêtre d’Isis dans la cérémonie d’initiation. Le vol de cet objet sacré d’Isis figue déjà dans le  texte grec prêté à Lucien,   mais Apulée le relie à l’histoire d’Isis. A remarquer que  chez Apulée on trouve encore une curieuse mention de ce canthare en or, p. 340, livre X, chapitre 16: l’âne a été acheté par deux frères esclaves, l’un pâtissier, l’autre cuisinier, de situation aisée,à qui il dérobe chaque jour de leurs victuailles. Ces derniers s’accusent mutuellement du vol, ne pouvant soupçonner l’âne, mais leur surveillance finit par démasquer le coupable. Leurs rires amènent leur maître qui passait par là et s’appelait Thiasus (ce nom, différent de Ménéclès, nom  que porte le maître dans l’Ane du pseudo- Lucien,  indique le  cortège d’un initié aux mystères de la déesse syrienne, selon moi)  à désirer faire boire du vin à l’âne : « Rince soigneusement le canthare d’or que voici, remplis-le de vin miellé dans la bonne proportion et offre-le à mon parasite », dit le maître à un esclave. Que contenait auparavant le canthare qu’il faille le  rincer soigneusement ? Pourquoi un canthare en or ?  Ceci est une précision  d’Apulée, car l’auteur grec de L’Ane dit seulement (47) que le maître fait boire du vin à l’âne.

 Ainsi, jusqu’à la fin du IIe siècle après J.-C , il y a eu au moins quatre  livres  sur le même  thème de la métamorphose d’un dénommé Lucius en âne. Coïncidence : Apulée porte le même praenomen , Lucius, que le héros du roman. On ne connaît d’ailleurs  de lui  que deux nomen, alors que les Romains en portaient trois ; dans L’Ane, le manuscrit a une lacune (volontaire ?) au moment où le héros  déclare : « je suis Lucius ». On sépare de notre Apulée un Lucius (praenomen) Caecilius (gentilice) Minutianus (agnomen , premier surnom cognomen héréditaire ,  signifiant tout petit de taille) Apuleius (cognomen, second surnom personnel ) qui est l’auteur d’un traité sur l’orthographe. Outre ses Florida, 23 morceaux choisis de ses déclamations, Apulée est déjà  l’auteur de trois ouvrages sur le monde infernal, sur Platon, sur  le dieu de Socrate, et de divers ouvrages sur la magie et sur la médecine dont on lui dénie la paternité : Hermès Trismegiste ou Esculape, d’une Apologia ou sur la magie, sur les plantes  médicinales, et surtout pour nous d’un ouvrage de philologie, au sujet de l’interprétation (Herménéïa) , qu’on lui dénie. Il est tentant de lui rendre la paternité de tous ces ouvrages, et d’attribuer ces deux ouvrages de grammaire à un seul auteur, le nôtre. Ceci nous fournit peut-être le nomen gentilicium  qui nous manque : Caecilius ?

Les « inadvertances » d’Apulée : l’indice d’un modèle autre que celui consulté par le pseudo-Lucien ?

P. Grimal la Pléiade, p. 207, livre IV,  chap.  11 et  12, parle d’inadvertance lorsque le héros se trouve à Thèbes , loin de la mer par conséquent, et que les brigands ensevelissent deux de Alcimus (Alcinoos)  leurs compagnons,leur chef Lamachos et Alcimus (Alcimos)   dans la mer : cela doit , en réalité, être la trace du roman primitif, Les métamorphoses de Lucius de Patara, qui est près de la mer .De même, p. 301, livre IX, chap.1, Lucius est enfermé en lieu sûr  et  en 2, les portes sont cette fois verrouillées et fermées sur lui  à nouveau. Ce pourrait être le signe  que certains épisodes dont on a pensé qu’ils les avait pris au roman prêté à Lucien existaient déjà dans le roman précédent  qu’il avait consulté, non seulement celui sur la rage, mais aussi d’autres ,  comme celui  de la caverne des brigands et de Thélyphron .

Toutes les religions orientales apparaissent  dans l’œuvre d’Apulée : celle de  la Déesse syrienne, le christianisme, enfin la religion d’Isis dont Apulée est l’adepte.

 

Les prêtres de la déesse syrienne dans le roman

 Ce sont des mènagurtai, agurtai signifiant mendiants et Mènè , féminin de Men,   étant cette  déesse dont le nom ne se prononce pas. Plutarque, dans Sulla, n’avait pas prononcé le nom de cette déesse de Coma     na en Cappadoce , autorisée par Sulla,  et  qu’on identifie, précise-t-il, soit à la Lune, soit à Enyo, soit à Athéna (voir mon blog sur la Déesse syrienne). Apulée n’en fait pars un tableau idyllique, pas plus qu’il ne le fera de la Chrétienne. Ces prêtres sont présentés comme des voleurs et sacrilèges,  qui n’hésitent pas à voler un canthare d’or sacré dans le temple d’Isis.

La religion d’Isis

Le Grec Plutarque  de Chéronée, qui était initié à la religion  d’Isis,   a écrit un traité du culte d’Isis et d’Osiris. Or, Apulée, autre initié à cette religion,  livre I, chapitre 2, le  cite en ces termes dès le début du roman ( livre I, chapitre 2) : « J’allais en Thessalie, - car c’est de là que notre famille maternelle se flatte de  tirer son origine, à partir du célèbre Plutarque et de son neveu le philosophe Sextus. » Sextus de Chéronée est effectivement un neveu de Plutarque de Chéronée,  un philosophe du IIe siècle, qui fut le maître de Marc Aurèle. Pierre Grimal, de l’Académie française,  commente (La Pléiade, p. 1437) : « Ce détail ne semble pas pouvoir s’appliquer à Apulée lui-même, Africain de Madaure [en Algérie, aujourd’hui M’daourouch]. Peut-être vient-il du texte de Lucius de Patras (sic !),  - à moins que cela ne soit une plaisanterie pure et simple, la parenté avec Plutarque étant donnée comme un titre de gloire et servant de garant à un conte fantastique. »

  C’est en tant qu’initié lui-même à la religion d’Isis qu ’Apulée invoque une parenté avec Plutarque, car Plutarque (et peut-être aussi son neveu le philosophe Sextus de Chéronée ) était aussi initié à Isis et il est l’auteur d’un traité sur le culte d’Isis et  d’Osiris. Apulée avait lu l’œuvre de Plutarque. Tout le XIe livre est d’ailleurs consacré à l’initiation à la religion d’Isis et à l’intronisation de Lucius comme prêtre d’Isis.

Apulée  a semé dans son roman divers indices qui ramènent à Isis. Ainsi, trouve-t-on une curieuse mention de ce canthare en or, p. 340, livre X, chapitre 16: l’âne a été acheté par deux frères esclaves, l’un pâtissier, l’autre cuisinier, de situation aisée,à qui il dérobe chaque jour de leurs victuailles. Ces derniers s’accusent mutuellement du vol, ne pouvant soupçonner l’âne, mais leur surveillance finit par démasquer le coupable. Leurs rires amènent leur maître qui passait par là et s’appelait Thiasus (ce nom, différent de Ménéclès, nom  que porte le maître dans l’Ane du pseudo- Lucien,  indique le  cortège d’un initié aux mystères de la déesse syrienne, selon moi)  à désirer faire boire du vin à l’âne : « Rince soigneusement le canthare d’or que voici, remplis-le de vin miellé dans la bonne proportion et offre-le à mon parasite », dit le maître à un esclave. Que contenait auparavant le canthare qu’il faille le  rincer soigneusement ? Pourquoi un canthare en or ?  Ceci est une précision  d’Apulée, car l’auteur grec de L’Ane dit seulement (47) que le maître fait boire du vin à l’âne.

-Les religions à mystères de Lucius.

De plus, p   191, livre III, chap. 15, dans la Pléiade, Photis parle à Lucius du fait qu’il  été initié à un grand nombre de  religions. Lesquelles ?

1Celle des Kabires  est importante dans le Maghreb, chez les Kabyles d’origine berbère comme peut-être Apulée  qui en ont tiré leur nom :  peut-être la belle histoire de Cupidon et de Psychè vient- elle de cette religion : Cupidon est un dieu qui, à l’origine, ressemble à  Pluton  et à  sa femme Perséphone,  mais alors que  celle-ci  quitte  la terre pour les Enfers durant les  six mois de saison froide,  le dieu quitte sa femme  toutes les nuits. Le nom de Cupidon est à rapprocher de  sèpédon, vipère àl a morsure mortelle  , venant lui-même de  persephon, pessinon  et  nous le retrouvons dans le nom d’Erôs, parent  du latin  Eruk-, venant  (avec dissimilation de labio-vélaires) de l’un des trois idiomes  siciliens,  perukw-. Mais avant de devenir un serpent, Le monstre était un calmar colossal ; ses tentacules ont survécu dans son  nom, (kê ) ruk, qu’on retrouve dans Lyk-ios , dans luk, nom des  sabres indonésiens ondulants , luk, ou dans le sceptre chinois fait de deux tentacules enlacées, ru, dans le nom du caducée, kèrukeïon, sanskrit Kâruh. De plus, Erôs apparaît subtilement , la Pléiade, p. 291, livre VIII, chap. 18-21, comme un dragon affreux , dévorant le berger  au cœur tendre, qui s’était laissé tromper  par l’apparence que ce dragon  avait prise d’un vieillard appelant à l’aide (ils avaient été mis en garde par un chevrier , -avatar du dragon,- qui les avait prévenus. L’oracle d’Apollon avait aussi parlé de monstre serpentin.

Le nom  de Psychè, papillon, à rapprocher du nom du mari de Didon Sichée et de Sainte –Marie -Siché en Corse, pourrait venir d’une labio-vélaire à explosion sifflante phs  et de phsich-. L’évolution sémantique du radical est : fraîcheur, puis éventail (de liège), papillon, enfin comme en Corse,  à cause des stries de l’éventail, un mégalithe, polissoir à l’origine.

Frazer interprète les nombreuses légendes répandues dans le monde entier où l’homme détruit  quelque chose qui  appartient à l’épouse (queue de serpent , chez Mélusine, par exemple, voir F. Nodot sur les Lusignan du Poitou) , ou l’inverse, comme le symbole de la révolution entraînée par le  mariage de la société exogamique et de la rupture que ce mariage  entraîne.  Il s’agit alors, soit de sociétés patriarcales où la femme entre dans la famille de son mari  et doit abandonner tout ce qui la relie à sa famille d’origine, comme Mélusine à queue de serpent avec le tabou consistant dans l’interdiction de la voir le samedi  si elle veut  pénétrer dans  la famille de Lusignan,  soit de sociétés matriarcales où le mari est entraîné dans la famille de la femme comme, de façon plus subtile,  avec Eros, qui  congédie son apparence secrète afin de pouvoir épouser Psychè (il y a un mariage en bonne et due forme à la fin de l’épisode). Le mythe d’Orphée, lié à des mystères féminins  où Eurydice ne meurt pas, réalise l’inverse : Eurydice doit abandonner son apparence secrète pour pouvoir suivre Orphée. 

2 Autres religions aux mystères desquelles Apulée aurait pu être initié : celle de Sabazios (proche de celle de Dionysos pour les femmes) et de Zalmoxis (de dia, divin, et de ogmis, cf ogmios, nom de l’Hercule gaulois,  proche de celle d’Eleusis  de el ogsis, réservée aux femmes et de celle d’Attis (où la formule d’exorcisme est Attès gès ;  Attis avec 2 t est une forme attique) et de Cybèle.

 

p. 179, livre II   chapitre 28, le jeune prêtre d’Isis Zatcchlas l’Egyptien ,  vêtu de lin blanc, à la tête entièrement rasée, avec des sandales en écorce de  palmier,comparable à Kalasiris d’Héliodore,  et  les invocations rituelles de ce prêtre initié à Isis, citant les elementa (astres célestes, divinités de l’Enfer, Nature, temple  de Coptos (  situé en Egypte temple dédié à Min, ou Men, assimilée à la Déesse syrienne ,avec selon Plutarque le tombeau d’Osiris avec un des 13 morceaux, la tête qui flotte  d’abord pendant sept jours à Byblos, événement qui se reproduit tous les ans ; à remarquer que selon le Bailly le mot Koptos,  existerait dans l’œuvre de Lucien , et dans celle de Plutarque sous la forme Koptô)  crues du Nil, secrets de Memphis et sistres de Pharos). Tacite, dans ses Annales (15, 44 quos vulgus appellabat chrestianos , ceux que le peuple appelait les chrétiens) ,  et Suétone ( 16,22 : « on frappa de supplice les chrétiens [chrestianos], une espèce d’hommes adonnés à une superstition nouvelle et nuisible  ») ,  nous ont laissé les deux  premières apparitions du mot chrétien, mais là où on attendrait christianos avec un i long , les disciples de Jésus l’oint, christos,  du Seigneur , on a , sur certains manuscrits anciens  de Tacite,   chrestianos, avec un è.  Cette forme  vient de l’adjectif  chrèstos, épithète d’Osiris, le bon, le juste.    la secourable, la bienfaisante.

 Les Coptes ou premiers chrétiens d’Egypte tirent leur nom du sanctuaire d’Isis à Koptos en Egypte, où, selon Plutarque, se trouvait un  tombeau d’Osiris, avec l’un des treize morceaux du cadavre, savoir la tête, même si ensuite le démotique ou copte dut son nom à l’altération du mot Aeguptos.  Tout ceci  démontre la confusion qu’il y avait entre les disciples d’Isis   et les futurs Chrétiens

La chrétienne d’Apulée.
Le  modèle grec d’Apulée ,  déjà, avait traité de l’épisode d’un  boulanger , mais sans avoir  parlé de sa femme « chrétienne », alors qu’Apulée au livre IX, p. 309, chap. 14,  nous présente la  femme du  boulanger , absente du modèle grec,   comme une chrétienne : « méprisant et foulant aux pieds les puissances divines, au lieu d’une religion déterminée, elle faisait profession mensongère et sacrilège de servir un dieu qu’elle prétendait unique, et, sous prétexte de pratiques, d’ailleurs fictives,  elle trompait tout le monde. » Pourquoi Apulée ne l’a –t-il pas nommée chrétienne ? Parce que le mot chrestiana,  dérivé du grec chrestos, secourable, bienveillant (on l’a vu avec Suétone et Tacite) , désignait encore les partisans d’Isis, sur la terre d’Afrique et d’Egypte où l’on parlait grec plus que latin au  témoignage même  d’Apulée.

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