dimanche 13 décembre 2015

La Canterie, le pays de l’orge, préhistoire de Libouville

                                               La Canterie, le pays de l’orge :
                                     Préhistoire de Libouville
Avant les Gaulois, les Ibères.
Les premières populations d’Eure -et- Loir n’étaient pas indo-européennes, mais apparentées  aux Basques.  Deux  tribus ibères l’ont peuplée : les Austriconi et les  Cunésiens. On  retrouve les Austriconi en Corse dans le nom Ostriconi et dans le nom des sauvages Laistrigones  de l’Odyssée (non pas -1000 comme on le dit souvent, mais -11000 avant notre ère selon Bâl Gangâdhar Tilak) , que les Anciens mettaient déjà  en rapport avec un peuple dans la région de Formies au sud du Latium, à la limite de la Campanie.  C’est aussi le  nom d‘un peuple de Sicile au pied de l‘Etna, ainsi qu’en Mauritanie (Austoriani) et surtout dans la région chartraine  peuplée d’Ibères , plus exactement d’Ostricones avant les Carnutes gaulois car l’ancien nom de Chartres était Austricum .
  Une autre tribu des Ibères s’appelle les Cantabres (même mot que Celtibères) que Sénèque qui les connaissait à cause de son origine espagnole identifia à certains Corses lors de son exil dans l’île: «  La Corse fut  possédée successivement par les Ligures et par une colonie d’Ibères;  la conformité des usages ne permet pas d’en douter: on retrouve ici les ornements de tête et les chaussures des Cantabres d’aujourd ‘hui , et quelques mots de leur langue, vu que le commerce des Grecs et des Liguriens a entièrement dénaturé le langage primitif ». Ajoutons que les peintures d’Altamuria datant entre -9000 et - 14000 nous montrent leur antiquité.
Ces Ibères  ont laissé leur nom à Austricum  devenu Chartres, Carnutarum urbs,  à Logron, à rapprocher de Logroño  au nord de l’Espagne sur l’Ebre et au lieu-dit le Coni, près d’Illiers. On peut en rapprocher le nom du  cap Cuneus au Portugal. Le mot latin  cuniculum qui veut dire lapin, connil en ancien français, ne peut s’appliquer ici, le lapin ayant été introduit d’Espagne en Gaule beaucoup plus tard.  Pline l’Ancien cite les îles  Cuniculariae entre Bonifacio en Corse et la Sardaigne, «  les îles des Kunéens ». Ce sont  aujourd’hui les îles Lavazzi , dont le nom est l’ altération  de Laas Trugonée qu’on retrouve en Sardaigne près de la Punta delle Vacche (pointe des  Basques ) , laas étant compris comme la pierre  mais provenant en réalité de Lais ( trugones), grec homérique  Laistrygones. Le nom des îles Cuniculariae (de kun-ik-oidai-ria, avec 3 suffixes dont un suffixe ethnique, -ikos, un suffixe ibère d’appartenance -oida,   un autre signifiant pays en basque,  –herria,   veut  dire,  non pas îles aux lapins,  mais îles appartenant aux  Kunii.
A partir de Ostricones, par  aphérèse, on a le nom de Kunésiens, de Kunii et leurs multiples variantes, comme Coni près d’Illiers. .Le lapin a en latin le nom de cuniculus, que le grec a emprunté et qui vient du nom de cette tribu ibère, les Cunii .
D’où vient ce nom de tribu ibère,  Laistrugones? Il est l’altération de Cantigours, les Ouigours du Serpent (kant), les Keltrigours ou Celtibères (nord de l’Espagne),  dont le nom ne  révèle pas un métissage entre Celtes(Gaulois) et Ibères , ou encore les Cantabres. Nous retrouvons le dieu serpent dans le nom de Nermont, ancien dolmen vraisemblablement, qui signifie l’entrée des enfers (mound) gardée par le Serpent, niger, mot  qui avait le sens de serpent avant de prendre en latin la signification de noir et de nous donner les mots nègre ,négro et noir. En toponymie,  le mot noir (Forêt noire) ou nègre (Cap nègre) renvoient toujours au peuple ibère.  Le nom des Ligures est  l’altération de Ibères, avec attraction sémantique de nigures, le peuple du Serpent. Nermont signifie probablement le mundus ou  dolmen créé par les Ligures.
Un autre nom d’origine basco- ibère dans la commune de Châtillon -en- Dunois est le lieu-dit  la Canterie, qui signifie le pays (-ria de herria , pays en basque) et cant, orge. Il a hérité d’un nom qui désignait toute la région.
Comme Illiers qui vient d’Ilhari, Hilaire, les lieux connus aujourd’hui comme consacrés à Saint-Hilaire (des noyers) remontent à une christianisation de Basi Mari.  De même qu’en Gironde La Chapelle- Basse- Mer est une christianisation de basi Mari altéré en   Basse- Mer, basi signifiant  roi, majesté, et étant parent  du grec basileus, roi, le mot ibère Mari qui désignait la grande déesse- mère  a suscité la verve analogique des prêtres chrétiens  pour lui trouver un écho en latin  : à Mari , succèdent kari signifiant noyer ,à rapprocher du grec karya, ou bien  lari dans hilarius, hilare, avec les nombreux Saint-Hilaire –aux –Noyers qui associe les deux analogies.
Les mégalithes ibères.
Les alignements de la Marque (commune de Lanneray) réservés à l’initiation des jeunes, comme plus tard  les  dolmens de Douy et les menhirs  du Bussard et du château de Thoreau dans la commune de Saint- Denis- les- Ponts et destinés à contribuer magiquement à la bonne pousse des céréales sont la trace des œuvres accomplies par les premiers habitants.
Les lieux d’inhumation des Ibères
 On a repéré,  près du polissoir d’Arrou , un ossuaire qu’on n’a pas étudié.  Mais les populations préhistoriques  nous ont laissé les tumuli du bois des Montgasteau à  Saint- Denis-les- Ponts et les deux enceintes appelées à tort le  Camp romain à  Lanneray (2 levées de terre, voir B.  Robreau et Leroy A., « Les deux enceintes quadrilatérales du Bois des Goislardières à Lanneray (Eure-et-Loir) », in Les Viereckschanzen et les enceintes quadrilatérales en Europe celtique (=Actes du IX è colloque AFEAF tenu à Châteaudun,en 1985), 1989).. Seule la  première est à rattacher aux Ibères, la seconde étant gauloise.
Les  pierres paléolithiques (pierres taillées) et les pierres néolithiques (pierres polies)   et les meules des  Ibères.
La meilleure étude, à mon avis,  sur les pierres taillées et surtout  polies de la région est celle de Henri Leplège,  Lanneray .Ses Châteaux, ses hameaux et lieux- dits, sa préhistoire, 1991, 52 p.
J’ai trouvé, dans la ferme,  un petit biface paléolithique, datant de l’acheuléen ancien,  entre -400000 et—40000,  lourd, avec un tranchant sinueux,  avec patine partielle, analogue à un biface trouvé à Saint- Denis-les- Ponts représenté dans Leplège, op. cit., p. 35, fig.2.
J’extrais de la collection de Robert Ardoin- LeBas quelques pierres paléolithiques et  néolithiques fort belles trouvées à Libouville,  dans sa propriété, les deux plus grosses entre la maison et le hangar, et la plus petite, toute blanche, dans le potager derrière le hangar.
  La première, d’époque paléolithique,acheuléen ancien , datant  entre -400000 et—40000 , est un  biface en silex multicolore de 600 g, longueur 15, 54 cm, largeur 8 cm, épaisseur environ 5 cm. C’est un biface entièrement patiné .  DSC02539.JPG


La seconde, du néolithique , entre 2900 et 2600 av ; J. –C.,  est la plus belle : c’est  une pierre polie blanche avec une tache bleue, de 320 g, longueur 12 cm, largeur 5, 5 /6 cm, épaisseur 3,5 cms. Il s’agit d’une hache néolithique semblable à celle qui fut trouvée par M. Georges Fleury  avec trois autres  fort endommagées à Touchémont (site préhistorique de Lanneray) et qui est reproduite par H. Lelège , op. cit ;, p. 39, fig.6. Le matériau est identique à divers silex des ballastières Paul Marolle de la vallée du Loir, à Saint-Denis- les- Ponts et à Douy.
DSC02529.JPG
   Enfin une pierre blanche de 190 g, longueur 9 cm, largeur 5,5 cm, épaisseur environ 2,5 cm. Ce pourrait être un petit biface paléolithique de tradition acheuléenne, datant due l’acheuléen supérieur, donc de -40000.
DSC02551.JPG
Nous avons trouvé à Libouville trois  meules de type paléolithique, ce qui est très rare, probablement parce qu’on n’y fait guère attention Il s’agit de simples pierres dont le  trou central, suffisamment  large,  constitue le mortier, où le grain était écrasé à l’aide  d’une molette de forme assez étroite pour pouvoir y pénétrer.
Nous en avons vu une autre   de type néolithique  au Musée de l’agriculture de Chartres. La meule néolithique que j’ai trouvée à Libouville  lui est comparable : il s’agit d’une pierre presque plate, une sorte de cuvette très peu profonde, sans trou, sur  laquelle n’importe quel pilon fait l’affaire, mais nous en avons trouvé un assez sophistiqué à côté.
La période  gauloise.
Le royaume gaulois de  Cotuetos .
Le chef carnute Cotuetos avait installé sa capitale près de Logron,   à Thuy  dont le nom  provient  de son nom, comme son père, qui portait le même nom, nous a laissé le toponyme de Douy. Son haras était à Crenne, qui signifie écurie (voir mon article « Jules César et le centre où se réunissaient les druides chez les Carnutes : deux contresens sur la langue gauloise »). Encore en 1756, dans un acte de vente, on trouve la mention  étable  qui signifie à cette époque stalles pour pour chevaux.
Pour féconder leurs champs d’orge, les Gaulois avaient au moins trois gros polissoirs: ceux de Chantemesle, de l’Echarbot (du latin scamnum, escabeau, à cause des marches qui font songer aux stries du polissoir,  et d’Arrou , les Griffes du Diable. Pour la crémation des morts, ils avaient le bois de la Butte, du latin busta,  bûcher funéraire, et sa seconde enceinte.
Les Gaulois de Libouville, leur moulin et  leurs meules.
 A Libouville , j’ai trouvé une petite  meule gauloise  , en grès  de Trizay -lès- Bonneval., le nom de Trizay venant du gaulois  triticac, de tritica, meules , et du suffixe gaulois –ac (cf. latin triticum, froment, broyé, et trius, broyé). La petite meule gauloise qui figure dans la cour du musée de Châteaudun est analogue à cette petite  meule de Libouville.
De la paire initiale, la grande meule  a quitté vers 1990  Grand’ Maison et été transportée dans le voisinage, à la ferme dépendant  de la  Poterie (Lanneray) où elle est devenue d’abord  une table de jardin, le trou central , cimenté, servant glorieusement pour y planter un parasol.. L’ensemble  est aujourd’hui heureusement démonté et se trouve derrière cette  ferme. J’ai pu admirer cette meule gauloise présentant  des sillons à orge gravés, mais avec malheureusement le trou central maçonné.
Les deux meules, la grande et la  petite, étaient installées non loin, à la Haloyère, nom que les gens du cru prononcent halogère, ce qui reflète un ancien halogière, du gaulois halokaria, moulin, à rapprocher des mots grecs  aleuron et alear froment, arménien alam, etc .On a trouvé précisément un fond de cabane gauloise derrière la ferme de la Poterie, précisément à la Haloyère.  . Est-ce trop m’avancer si je dis que la petite meule gauloise aujourd’hui à Grand’ Maison est une meule à orge du temps de Cotuetos, vers- 52, surtout étant donné que le trou central ne garde la trace d’aucun aménagement moderne pour accueillir une manivelle de fer ?
Les Romains : les villas gallo-romaines de Marboué et d’Arrou.
On a trouvé des traces de villas gallo-romaines à Marboué, de mar, pierre, et de bocca donnant bove ou Voves, cavernes, grottes, savoir les anciennes champignonnières,   et à Arrou.  




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire