vendredi 22 janvier 2016


Cold case à la française : le mystère Lapérouse à Vanikoro, ou du nouveau sur la fin de l’expédition. La suite reconstituée du voyage de Lapérouse, de Botany Bay (Australie) à Vanikoro et au-delà, version non officielle et  non autorisée par la Marine ni par l’Assiociation Salomon
Par Henri -Gabriel Griscelli, ulmien, lauréat de l’agrégation docteur (Sorbonne).
A Jean Guillou, en respectueux hommage, ce texte avec lequel il était d’accord et qui, sauf des détails sans grande importance (le mot est de lui) reflétait ses idées.
Trois résumés pour les  lecteurs pressés:
1  Le scénario du naufrage  de Lapérouse selon les insulaires  de Vanikoro.
Le nom des blancs de l’expédition  Lapérouse à Vanikoro : ce ne sont pas des êtres humains, ce sont des esprits (Ngambé, Lambé, Ambi), même s’ils sont comestibles…
« Les insulaires, nous révèle Dillon, ne  regardaient pas les blancs comme des êtres humains, mais comme des esprits, et des esprits malveillants.
« Leur front ou leur nez présentait une saillie d’un pied de long » (Martin Bushart pense que c’était le chapeau à cornes). « Leur nez s’avançait de deux palmes au-delà de leur visage. »
 «  Ils ne mangeaient pas comme des hommes. Un petit morceau de nourriture,  gros comme le bout du doigt, leur suffisait. Après l’avoir avalé,  ils se remettaient sur-le-champ à bâtir leur vaisseau. » Par « petit morceau de nourriture », il faut entendre du biscuit, c’est-à-dire du pain de garde très dur conservé à bord  dans des récipients hermétiques de fer-blanc.
 « Le chef était toujours à regarder le soleil et les étoiles et leur faisait des signes. »Aussi les noms de Rivière des Esprits, de passe des Esprits ne sont –ils pas neutres et ils  nous renvoient toujours à nos naufragés.
1 Pour la Boussole,   le nom de Gnembe Neungge, ou Dean Passage c’est-à-dire la passe des Esprits ou des Blancs, indique le lieu où celle-ci a coulé près de Makalumu (l’écueil des deux pirogues des blancs) et de Noungna.
 Le capitaine Hunter disait que Lapérouse avait dû être victime du calme et des courants.Il avait raison, car  les deux bâtiments  de Lapérouse sont arrivés par le même chemin que prendront plus tard Dillon et Dumont d’Urville vers le havre d’Ocili, sur la grande île. . Or, lisons la déclaration faite par les Ticopiens à Dillon : pendant trois jours, les naturels  avaient aperçu «  deux grands vaisseaux qui  étaient arrivés près de leurs îles (les deux îles composant l’archipel de Vanikoro) ; ils avaient jeté l’ancre, l’un [la Boussole] vers l’île de Vanou (la petite île, Tevanou,toponyme   te- est un aricle),   le second [l’Astrolabe] vers l’ (autre) île  où se trouve  Païou, (îles) peu éloignées l’une de l’autre. Quelques jours après, et avant qu’ils eussent eu communication avec la terre,  une tempête (un fort  coup de sud- est) s’était élevée et avait poussé les deux vaisseaux à la côte. » Il s’agit donc d’une bonace, d’un calme de trois jours suivi d’un coup de sud-est brutal et soudain, avec des courants très puissants.
Selon Wéwo,  « la Boussole essaya de s’engager dans la passe de Makalumu et s’accrocha sur le grand récif. »
Dumont d’Urville, dont la chaloupe suit le grand récif de  l’extérieur, nous dit : « Nous laissons à notre gauche une petite île de sable, nommée Nougna, et plus loin [vers l’est] une seconde nommée Makalumu. C’est près de ces îles de sable qu’un navire s’est perdu il y a longtemps ».Makalumu, qui s’analyse en maka, homme blanc (littéralement rouge), lu qui signifie deux, et mu, récif, signifie le récif des deux [pirogues des] Blancs, l’Astrolabe et la Boussole.   Nougna  signifie l’île (nou-)  qui  est en voie de disparition.
Il existe  une fausse passe en face de Temua,  située entre les îlots Noungna et Makalumou, mais la géographie a changé et  il faut  se reporter aux cartes de Dumont d’Urville ou de B. Brou., car l’îlot Noungna  englobait la fausse passe de Makalumu et se continuait, prenant le nom d’îlot Makulumu au-delà de la passe. Du temps de Dumont encore, existait la fausse passe dite de Makalumu, qui séparait  deux vestiges de terres rocailleuses. On n’insistera jamais assez sur la confirmation d’un  Vanikorien à Dumont d’Urville : « C’est  ici [à Makulumu] qu’a coulé un  bâtiment [la Boussole]. Je ne l’ai pas vu, mais on me l’a dit ».

  La tragédie de la recherche de la Boussole a voulu que, en 1956, le commandant Bonnet, en fonction sur le Tiaré, à une époque où la découverte de l’épave de la faille du récif n’avait pas encore vicié le débat, passe à côté du véritable gisement de la Boussole, sans pouvoir véritablement l’explorer. Il avait  recueilli la tradition  d’un vieil indigène « qui prétendait  que «  l’un de ses ancêtres  avait vu dans son enfance, non loin de Vanou (Tevanou, nom de la petite île), de très grands mâts d’un navire coulé ». L’individu  en question  accepte de leur indiquer précisément l’emplacement, très éloigné du site de la fausse passe du récif où gît l’épave de l’Astrolabe. .  Malheureusement, en cours de route, l’embarcation  chavire et  les  quatre scaphandres autonomes tombent à l’eau. Il ne reste plus au commandant du Tiaré et à ses hommes que quelques masques de plongée pour explorer l’emplacement du naufrage, « à cent mètres environ du sud de l’île Naoun-Ha » (autre orthographe de Noungna, à  ne pas confondre avec l’îlot Nanoun-Ha au nord de l’île).  Les conditions météorologiques étaient défavorables ; depuis la surface, les nageurs remarquent que le massif de corail sur lequel ils sont ancrés a une forme oblongue et régulière .Privé des moyens de mener une fouille plus approfondie, la capitaine  Bonnet est persuadé qu’il s’agit de la coque de la Boussole recouverte de corail et déclare qu’aucun mémorial n’atteindra jamais la somptuosité de cette sépulture naturelle. » (Bonnet,  lieutenant de vaisseau, Rapport de mission à Vanikoro au Commandant de la marine en Nouvelle-Calédonie.)
Pour moi, la cause est entendue. Dès 1985, au Colloque d’Albi du 25-31 mars,  après avoir cité Dillon : « un autre navire, la Boussole,  avait péri près des îles de sable nommées Maka-Lumu », je concluais: « Le mystère demeure entier .Il faudrait qu’une mission aille explorer ce site qu’une tradition obstinée nous indique en vain depuis plus d’un siècle et demi. » En 1990, j’ai demandé au Président de la Société d’Etudes Historiques de la Nouvelle-Calédonie (S. E. H. N.C.),   Bernard Brou,  qui participait à une expédition sur Vanikoro de vérifier l’hypothèse à laquelle je tenais depuis 1985 concernant  l’emplacement de la Boussole. Voici ce que B. Brou écrivit dans le Bulletin de la SEHNC n°90 de janvier1982, ,p.40, à son retour à Nouméa :
 «  L’hypothèse d’un naufrage possible à Makulumu [ou Makalumu] était basée sur l’étymologie du mot qui signifiait : « là où la grande pirogue a sombré » (sic, en réalité deux pirogues des blancs).  Mais nos recherches ont précisé qu’il s’agissait de Makalumu [exact !], donc sans signification particulière (ce qu’a confirmé une exploration sous-marine rapide). » Encore une occasion ratée ! L’Association Salomon  (dans  Le mystère Lapérouse),  désireuse de prouver  que la Boussole gît dans  la faille du récif, émet l’hypothèse qu’il s’agirait d’un navire japonais qui se serait échoué en 1928 et se serait délesté pour se déséchouer. Elle a poussé le scrupule jusqu’à faire remonter des gueuses de fonte (étaient-elles donc invisibles lors de l’ « exploration rapide » ? ou bien n’est-ce pas le même site, mais un site au nord-ouest ?) provenant du navire et à les faire analyser  en 2007 par le laboratoire industriel de fonderie ENSAM CER d’Angers, « afin de savoir si ces gueuses étaient  identiques à   celles découvertes sur les épaves de Lapérouse. » Les résultats étant négatifs, l’Association en a conclu qu’elles  provenaient «  très certainement  du bateau japonais. » Mais d’où vient alors cette « forme régulière et oblongue » aperçue par le commandant Bonnet ?
Un vieillard  déclare : «  Le premier navire [la  Boussole] fut vu échoué sur les récifs [du district] de Tanema … On ne sauva rien du bâtiment… » Ce vieillard avait vu le navire échoué dans le district de Tanema et les  4 hommes  qui en provenaient, mais il n’avait pas vu ceux qui avaient appartenu au navire échoué devant Paiou (l’Astrolabe),  attendu que sa tribu (celle du district de Tanema) était en guerre avec celles de ces districts [de Béu’u, Paukori].

2 Pour l’Astrolabe, la fausse passe du récif où, depuis le début, on s’accorde généralement à voir le gisement de son épave,  s’appelle dans la langue du pays la fausse passe des Ngambé (esprits ou blancs), la baie s’appelle  Ngambé et la rivière voisine s’appelle la rivière des Esprits (Ngambé).
  La tradition orale rapporte que l’Astrolabe, en panne durant trois jours faute de vent  et  poussée par les courants, heurta de nuit,   comme la Boussole,  le récif de Makalumu dont le nom indique bien  la présence de deux (lu) bâtiments européens (maka) sur l’écueil  (mou), - non loin de l’endroit où un  pierrier en bronze de  1/2 livre, pesant 94 livres (48 kgs) et  portant le n°  260,   a été repéré  par l’officier Vedel à bord du Bruhat en 1883. Vedel,  pressentant l’importance de sa trouvaille pour une  localisation future de l’épave de la Boussole, nous a donné ces précisions : il avait fait sa découverte loin du site prospecté par Dumont d’Urville et par l’équipage du Bruhat, savoir loin de la fausse passe de l’Astrolabe, « à plusieurs milles [1852 m] dans l’est de Paiou,  sur le plateau du récif extérieur, à marée basse », dans le district de Tanema, en face de  Temua.Ceci cnfirme le témoignage du Commandant Bonnet.
  Le choc nocturne  a entraîné une avarie dans la coque et la noyade d’une quarantaine de personnes,   comme nous l’indique le nombre de 200 membres de l’expédition donné par Makataï,  qui a compté la centaine de  cadavres de la Boussole qu’il n’avait pas vue et la quarantaine  de l’Astrolabe qu’il n’avait pas vue non plus, auxquels il a ajouté les soixante survivants du bateau de secours.Pourtant, l’Astrolabe,  si mal en point qu’elle soit, réussit à se déhaler du récif de Makalumu et paraissait sauvée ;  mais, poussée par les courants et par un coup de sud-est, elle s’échoue de nouveau,  nous racontent les traditions orales,   dans ce qu’on a  appelé la fausse passe  du récif de Paiou. Il est invraisemblable qu’elle se soit introduite volontairement dans la fausse passe du récif,  sans l’avoir reconnue au préalable, comme le voudrait Dumont d’Urville. 
  La tradition rapporte que les naufragés ont eux-mêmes « démoli le grand vaisseau [l’Astrolabe] qui, autrement, eût pu subsister encore très longtemps » afin de construire le bateau de secours. »  L’Astrolabe II ,ou Lapérouse, comme Makataï prétend que l’appelait l’équipage ,   à l’embouchure de la rivière des Esprits, ne  dépendait pas de  Makataï, le   guerrier ticopien  installé à Ocili, sur la même île   mais celui-ci, jaloux des bonnes relations entre un chef qui était son rival et ces « envahisseurs » blancs ,  sut  capter  la confiance de ces derniers pour mieux les trahir  et mit , de nuit,  un terme  à la destinée du Lapérouse  qu’il incendia : on a retrouvé des traces d’incendie et des ossements carbonisés sur l’épave de la faille du récif , qui est celle du bateau de secours. Le bateau de secours fut, quelques jours après, entraîné par les courants,   au cours d’une marée plus haute que les précédentes,  « vers le sud- sud-est », si l’on en croit le vieux Wéwo,  c’est-à-dire vers la faille du récif : « Quelques jours après le massacre,   [le Lapérouse, qui était à sec à l’embouchure de la Rivière des Esprits] se  remit à flot tout seul, sans doute grâce à une marée plus haute et partit à la dérive. Mais il n’alla pas loin et sombra, sous le regard des indigènes. « Là- bas, nous dit le conteur au bras maigre tendu vers le Sud -Sud- Est [la faille du récif] ». Cette marée haute: dans la rivière des Esprits,  où était construit le Lapérouse  (et non pas près de la Rivière Lawrence ou  Russell à Paiou),  à moins de 100 mètres de l’embouchure, n’est pas pour nous surprendre , bien qu’  il y ait en ce lieu généralement très peu d’eau , mais il peut y avoir quelques 3 mètres d’eau dans les grandes marées. 

 3 Les trois ou même quatre naufrages de la tradition : il y a trois épaves (la Boussole, l’Astrolabe, le bateau de secours ou Lapérouse) et seulement deux gisements retrouvés: celui de la fausse passe (l’Astrolabe) et celui de la faille (le bateau de secours), sans parler de l’embarcation de Laprise-Mouton (le chef Matthew).  
Dumont  écrit qu’au village de Vanou ( près de Paiou ) un guide de la petite île Tevanou  raconta «  qu’outre les deux navires qui avaient fait naufrage à Paiou (l’Astrolabe) et à Vanou (village près de Paiou : il s’agit du bateau de secours) , un autre (la Boussole) avait péri près des îles de sable nommées Maka-Loumou, au sud de l’île, mais qu’on n’avait pu rien en sauver, attendu qu’il avait été sur-le-champ brisé, et s’était englouti le long du brisant. »

  Aucun  indigène de Vanikoro n’a  pu voir   à la fois les deux  bâtiments de Lapérouse. Makataï, le tueur et dévporeur des équipages, n’a vu, semble-t-il,  que le bateau de secours à terre, et il n’a même pas vu l’Astrolabe qui avait déjà était détruite par les rescapés. Si, depuis le début,  le gisement de la fausse passe du récif, celui de l’Astrolabe,  n ‘a jamais créé trop  de problèmes pour son identification, il y en a en revanche  pour le gisement  du  bateau de secours.et  pour le site de la Boussole .


4 Le camp des Français  à  Ambi, à rapprocher de apopalagni, blancs, altération de Ngambé,  à l’embouchure de la Rivière des Esprits (Ngambé).  
La Rivière des Esprits (Ngambé) doit son nom aux Français considérés comme des esprits.  Elle est située bien  à l’ouest de la rivière Lawrence ou Russell de Paiou   et, comme par hasard, juste en face du gisement de l’Astrolabe sur la fausse pqasse diu récif, si bien qu’exceptionnellement les donn ées de la tradition insulaire coincident avec celle de l’archéologie sous-marine. . D’ailleurs,  même A. Conan,   pourtant partisan  d’une   localisation du camp des Français  à Paiou, reconnaît bien malgré lui que « seule la rivière des Esprits, en face de la Fausse Passe, aurait peut-être pu offrir à l’époque des conditions adéquates, mais son embouchure est maintenant inondée et il faut aller loin vers l’intérieur pour trouver un sol sec et assez dégagé. » De même, le commandant de Brossard cité par  François Bellec ,dans Les Esprits de Vanikoro, écrit à propos de ce Camp des Français qu’on situe à Paiou : « Mais un autre emplacement plus à l’ouest  a également été désigné. »

5  L’endroit où l’on a construit le bateau de secours à Béu’u  à l’embouchure de la Rivière des Esprits.
Comme, de toute façon, ni le Camp des Français présumé à Paiou, ni l’endroit où l’on aurait  construit le bateau de secours à l’embouchure de la rivière Russell n’ont livré de restes convaincants, je suis persuadé qu’ils étaient tous deux situés   près de la rivière des Esprits, respectivement à Ambi  et à Béu’u et non près de la Rivière Russell, à Paiou, comme on le fait généralement. La forme du nom Béu’u, prise souvent à tort pour Païou,  nous est donnée par Makataï : c’est l’altération phonétique, l’apostrophe notant un coup de glotte pour k, de Béukou (ri) où l’on reconnaît Paukouri,  Pakaré , qui rappellent   le nom d’une ville polynésienne de Micronésie, Palikori.  .

6 Le bateau de secours dans la faille du récif, à Paiou. 
L’événement le plus important depuis les recherches de Dillon et de Dumont d’Urville  a été la parution, dans le bulletin n°90, janvier 1990, de la Société d’Etudes historiques de la Nouvelle-Calédonie, de la  déclaration  recueillie en 1990 par la SEHNC.  
Déclaration de Makataï recueillie à Monovai.
« Un jour, un guerrier, nommé Makataï [de maka, rouge, c’est-à-dire homme blanc, et de taï, qui mange, le «  mangeur de blancs », altération humoristique  de son nom réel Taumaka !], arriva à Mallikolo [prononciation polynésienne  pour la forme mélanésienne  Vanikoro ;   Makataï réserve le nom de Mallikolo à la petite île  Teanu et à un village situé sur cette île  appelé Vanikoro ou Mallikolo] et trouva quelques indigènes [mélanésiens parlant le teanu, qui se réfugièrent ensuite au nord-ouest de la grande île au nord , à Vanou] qui vivaient sur l’île (la petite île). Il les tua tous et vécut en un  lieu appelé Osiri aujourd’hui de façon erronée par les immigrants [sic, explorateurs européens], Ocili ou Wassili en réalité [il s’agit du havre de Dillon et de Dumont d’Urville, Vanou-Ocili, Tout ceci est vrai car, nous dit Dumont, « naguère  un village se trouvait aussi sur la plage d’Ocili, [sur la grande île] et l’on en voit encore les ruines. Mais les habitants ont été exterminés  à la suite de quelque combat et leur territoire est tombé au pouvoir de la tribu de Tevai sur la petite île Teanu ». Dumont parle encore d’Ocili « dont les habitants ont été récemment exterminés. »  
  « Makataï résidait encore sur l’île [Ticopia] quand un navire [l’Astrolabe] fut jeté à la côte au port de Béu’u [généralement à tort identifié à Paiou, en réalité Peuku, soit Paucouri  ou Pakaré,  près de  Ignama, sur  la Rivière des Esprits). Le navire, appelé Laborouse selon le nom de son commandant [les pièces réutilisables de l’Astrolabe, réemployées dans un bâtiment plus petit,  baptisé Lapérouse en hommage au défunt commandant],  comprenait 200 membres d’équipage [Makataï compte les 60 rescapés de l’Astrolabe, les 104 noyés de la Boussole et les 40 noyés de  l’Astrolabe lorsqu’elle a heurté le récif de Makalumu]. Le navire Laborouse était échoué sur un de ses côtés [il était en cale sèche]. Makataï se rendit à Béu’u [à l’embouchure de la Rivière des Esprits] pour aider l’équipage du Laborouse  qui, lorsqu’il arriva, était en train de  construire un radeau [un train de flottaison de bois coupé] avec des arbres qui se trouvaient à proximité de leur campement. Makataï [avec ses hommes] continua à  aider [pour gagner la confiance de l’équipage], puis après quelques jours se décida  [à trahir] l’équipage.
  « Un soir,  il arriva que tous les hommes à terre [dans le camp des Français] étaient profondément endormis. Il  les tua d’abord, puis se rendit à bord [du Lapérouse] avec l’intention de tuer ceux qui y étaient. Il invoqua les esprits des ancêtres [un  démon qui aurait  la forme d’une anguille noire, appelé Tangaroa]. Il mit le feu au navire [on a trouvé des traces de feu et des ossements carbonisés sur l’épave de la faille du récif, -le bateau de secours, -ce qu gêne les partisans de l’identification de cette épave avec celle de  la Boussole, seule l’Astrolabe ayant connu un commencement d’incendie raconté par Lapérouse lui-même]. Il tua  alors tous ceux qui étaient à bord  [ le pluriel est justifié car on y a retrouvé des ossements de deux hommes(dont Pierre Paris, le compagnon d’Ann Smith), d’une femme , -Ann Smith, -et un  squelette, celui  de Prévost l’Aîné, de l’Astrolabe,  faisant tous partie de ces hommes assassinés  , mais oubliés par Makataï sur le bateau de secours], puis rassembla  des choses du bord telles que cuillers, tasses, assiettes et bouteilles. Il pendit à son cou une étiquette nominative [entendez une médaille du type des 100 médailles  « d’argent ou de bronze,  à l’effigie du roi, avec l’inscription « Les frégates du roi de France, la Boussole et l’Astrolabe commandées par MM. de La Pérouse et de Langle, parties du port de Brest en juin 1785 »] appartenant au commandant Laborouse [en réalité Sutton de Clonard]. Ces articles sont toujours conservés dans une maison coutumière [de Ticopia ou de Monovaï ?].   Un autre Français [l’extrapolation est  logique, mais fausse, puisque Peter Dillon était en réalité  de nationalité britannique] arriva.  Son nom était Dillon. Il découvrit l’étiquette nominative au cou de Makataï, qui lui dit que c’était lui qui avait détruit le navire et tué l’équipage [Peut-être par pudeur,ou parce qu’il a jugé la pièce peu intéressante dès lors qu’il ne pouvait se l’approprier,  Dillon n’en a pas parlé, mais cela.ne veut pas dire que l’insulaire enjolive les faits ] . Dillon demanda à Makataï de venir avec lui, mais Makataï avait peur d’y aller seul  [à cause des fantômes et autres toupapaou] et demanda à quelques hommes de l’accompagner. Ils arrivèrent à Béu’u [Paukouri] et Makataï montra l’épave  à M. Dillon [l’épave reconnue par Dillon, celle de la faille du récif, où Makataï a vu sombrer le Lapérouse après avoir quitté sa cale sèche à l’occasion d’une grande marée], puis ils retournèrent à  Vanikoro [la petite île] ».
  Voici encore  la  déclaration du vieux Wéwo :   « Les (60 cadavres du camp) servirent au plus fastueux des festins de la tribu et aujourd’hui encore, près de deux siècles après le drame, on y chante  cette mémorable journée où l’on a mangé tant et tant (une soixantaine) de Blancs… »

7 Le naufrage devant  Tanema d’un chef polynésien, de l’officier de la Boussole Laprise-Mouton et de Alain Marin qui y trouve la mort : la fin des exploits vanikoriens de deux survivants de la Boussole.
Les démêlés de nos deux survivants,  accompagnés du chef polynésien de Paukori et de ses hommes, sont complexes. Le nom de Mouton de Laprise, Mouton, a été altéré par les indigènes en Matthew  prononcé matau. Il s’associe avec son ami le chef polynésien de Paucori pour lui apporter l’inappréciable secours des armes à feu européennes à plusieurs reprises. 
La vie mouvementée de Laprise-Mouton et de Marin et la mort de ce dernier devant Tanema. .
1 «  Les équipages rescapés construisirent un bateau dans la baie de Saboë (bateau de Mouton-Laprise et de Marin).  « Une large baie plus au sud-est, la baie de Saboe, aurait également pu offrir des conditions adéquates [au lancement d’une embarcation] : la KTC y avait d’ailleurs installé son campement initial, mais la petite rivière qui fournit l’eau douce s’est vite révélée insuffisante pour satisfaire les besoins des naufragés [de l’Astrolabe) ».
2 puis à Ignama.  Legoarant de Tromelin a noté : « Ces Blancs [ passagers rescapés de la Boussole, Laprise -Mouton et Marin]  s’établirent au village d’Ignama, à environ quatre milles au nord de Paiou » (environ 7 kilomètres), plus exactement à Lambé, altération de Gnambé, Esprits, Blancs.
 Selon Galipaud,  depuis Paucori,  à Béu’u (Paukouri), près de l’embouchure de la rivière des Esprits, Mouton aurait lancé des «  pierres chauffées» (boulets) et détruit l’îlot Filimoè en face d’Ignama,  où s’était réfugié le chef rival de l’allié polynésien de Mouton,  parce qu’il avait volé à  l’ami de Matthew la femme que celui-ci convoitait.
3) ensuite à Paiou qui  est également décrit comme le lieu de résidence d’un officier ou d’un savant [Laprise-Mouton] et de son aide [Marin] qui décidèrent de rester dans l’île après le départ de leurs compagnons. »  Le camp présumé des Français prospecté par J. C. Gallipaud pourrait bien être le lieu de résidence de Laprise-Mouton.
4 Selon une   tradition rapportée par Dumont,  20 hommes et 3 chefs en train de piller le bateau échoué à Vanou qui  continuait à brûler  doucement, savoir le bateau de secours, furent tués. Dumont rapporte  encore que,  selon le chef de Teanu,  un  Français  venant de Paiou avait abordé au village de  Vanou, près de Dennemah, en face du lieu où le bateau de secours avait coulé, et avait tiré sur les naturels à coups de sarbacane (fusil) : il en avait tué une vingtaine .Selon Galipaud , 5 chefs et des hommes furent tués, savoir les cinq chefs de Vanou, près de Paiou : Valeco, Oley, Amea, Feto et Tabinga, ainsi que presque tous leurs gens, une quinzaine.
D’après une autre tradition, il  périt dans cette affaire  5 naturels de Vanou, dont 3 chefs et un  homme de Dennemah.
 Dillon rapporte que Laprise-Mouton vint dans sa chaloupe jusqu’au récif près de Dannemah et y tua le chef de ce village qui s’appelait Naourey  près de Murivai (de l’autre côté de la baie de Saboè),  alors qu’il était en train de pêcher tranquillement. Matthew mit un instrument dans sa bouche (le fusil de Mouton est pris pour une sarbacane) et l’on entendit un grand bruit. Le chef Naourey  fut tué et  tomba en dehors de la pirogue et la magie du blanc empêcha qu’on ne  pût retrouver son corps.
7 Tanema et la défaite
Selon N. S. Hefferman, dans Government station Vanikoro, à Mac Neill, Australian Museum, janvier 1926 : « Mon gardien de prison me dit que les pièces de monnaie que l’on découvre constamment au village de Tanema (ou Dennemah, près du lieu d’échouage de la Boussole) ne proviennent pas du navire de Lapérouse [la Boussole], mais d’un autre bateau [l’embarcation de Jérôme Laprise-Mouton, appelé le chef Matthew par les indigènes, qui avait dû laisser sa cagnotte à bord ] qui s’est échoué peu après [un an ou deux] . »
A la mort de Marin, Mouton et son ami le chef polynésien décident d’émigrer : ils vont en Micronésie, passent par Nutt où on a trouvé un canon fleurdelysé, et fondent des « exclaves » polynésiennes à Nukuori (Cf Vanikoro, Palikouri en Micronésie) et à  Kapingamarangi (l’île du Français, -marangi, -à chapeau pointu, -pingi).
La date.
 « Deux hommes blancs restèrent après le départ de leurs compagnons. L’un (Laprise-Mouton)  était  chef (le chef Mathew, altération de son nom, Mouton, par les indigènes), l’autre un homme qui servait le  chef (Marin). Le premier (Marin, ce dernier, mauvaise traduction) mourut il y a  environ trois ans (en 1823) ; une demie année après (en 1824) le chef du canton où résidait l’autre homme blanc (Laprise-Mouton)  fut obligé de s’enfuir de l’île, et l’homme blanc partit avec lui ; le district qu’ils abandonnèrent se nommait Paukori (Béu’u, Pakaré). Mais nous ne savons pas ce qu’est devenue la tribu qui l’habitait alors. » 
  La date est fausse : Dillon a-t-il altéré l’indication du lascar,  désirant montrer la légèreté de son prédécesseur d’Entrcasteaux qui,  selon lui,  aurait pu sauver en 1793 les deux rescapés ? D’ailleurs, le lascar  a déclaré à Dumont  en 1827 que « les deux  blancs étaient morts il y a très longtemps ».Tout ceci jette un doutev sur les déclarationsbde Dillon.
Il serait plus  vraisemblable que  la mort de Marin et le départ de Laprise-Mouton pour la Micronésie aient  eu lieu  en même temps que la migration qui aboutira à Ouvéa (Loyauté ) et qui transportera à Balade des reliques d’un  bâtiment de Lapérouse  et en même temps  que la migration qui finira en Micronésie, donc de 1789 à 1793  environ, sans doute vers  1790, à en croire  James O’Connell, dans A residence of eleven years in New Holland and the Caroline Islands (réédition, p .201). Celui-ci  écrit que,  selon ses calculs,  c’est  environ quarante ans (une génération ou deux) avant son arrivée en Micronésie en 1826, c’est-à-dire vers 1790, qu’un blanc moustachu présenta un couple de poules à un chef de Nutt. Il était arrivé sur un bâtiment à un mât. Pour moi, l’introducteur de ces volailles de Vanikoro à Nutt était l’officier Laprise-Mouton, notre rescapé. A l’appui, Dumont rapporte qu’un  vieillard de Manevai sur la petite île, témoin oculaire étant donné son âge,   confessa qu’il avait vu les deux blancs qui étaient descendus à Paiou ; mais il ajouta qu’ils étaient morts depuis longtemps  et sans avoir laissé d’enfants. De même, le  grand prêtre  Moembé dit  à Dumont : « Tous les blancs [du bateau de secours] qui essayèrent, plus tard, de gagner la terre furent à leur tour tués à coups de flèches, excepté deux pourtant qui se rendirent à Paiou (Béu’u, Paukori), mais n’y vécurent que quelques mois, et, peu de temps après, il se développa une maladie qui fit périr bon nombre de naturels. » On voit que des deux blancs, l’un  avait disparu, l’autre était mort, et que le lascar ne pouvait les avoir rencontrés.
                                           
   Géographie sommaire récapitulative : Géographie sommaire récapitulative :
Petite île : île  Vanikoro, Tevanou  (Te- étant un article ou déterminant) ou Vanou ou Teanou ou Tevai (nom de la tribu de Makataï). Village de Vanikoro


Grande île : appelée Vanou ou, par attraction sémantique, Lovono du nom d’une langue mélanésienne
Côte nord (sans intérêt pour nous, sauf pour éviter les homonymies) Lale (Nama),  Vanou ou Whanou, îlot Nanoun-Ha  (l’île, -nou, - en voie de disparition) .
Côte sud, de l’ouest à l’est: Pakaré, Ignama,
L’Atrolabe : récif des esprits (Ngambé)
Camp des Français : Ambi, Paukori (Pakaré), ou Béu’u,
Lieu de lancement du bateau de secours, le  Lapérouse: rivière des Esprits.
Chaloupe de Mouton-Laprise : Vanou près de Paiou
Mambolé, cimetière de la Boussole notamment.
Epave de la Boussole, Emou, Emoa, Ammah, Temoa (Te- , article),Temua,  passe des Esprits ,Nougna ou Nanoun-Ha (l’île, -nou, - en voie de disparition) , Makulumu ou Makalumu (le récif des deux bâtiments des blancs), Vanou-Ocili




2 Le sort des  quatre rescapés de la Boussole : Collignon,   Mouton de Laprise, Alain Marin et Roux d’Arbaud
Bernard Brou, dans «  Lapérouse, découvreur de la Nouvelle-Calédonie »,Bulletin de l a Société d’Eudes historiques de la Nouvelle-Calédonie n°74 , 1er trimestre 1989, terminait une étude très documentée sur le maïs pré- européen de Tanna par ces lignes : « Le fait que, parmi toutes les îles de la Mélanésie qui étaient dépourvues de maïs, celui-ci soit, à Maré (Loyauté) et à Tanna (Vanuatu), antérieur aux premiers missionnaires ou autres européens, jalonne le parcours de l’expédition scientifique française de Lapérouse en 1788, aux buts de découvertes mais aussi humanitaires. » C’est Colignon, le «  jardinier » rescapé de la Boussole, qui fit cadeau du maïs aux gens de Tanna, comme il l’avait fait précédemment aux gens de  Maré.
La diaspora des quatre survivants de la Boussole : Roux d’Arbaud, Colignon,  Laprise-Mouton et Marin.
Ecoutons  le chef de Temua à Vanikoro en 1826 : «  Quatre hommes échappèrent (au naufrage de la Boussole devant Temua) et prirent terre près d’ici en face du récif des Esprits (des Ngambé, c’est-à-dire des Blancs) : nous allions les tuer quand ils firent présent de quelque chose (une grande hache)  à notre chef qui leur sauva la vie. Ils résidèrent parmi nous (à  Temua) pendant un peu de temps, après quoi ils allèrent rejoindre leurs compagnons à Béu’u (Paukori).»
3 Les rescapés du massacre du bateau de secours, le « Laborouse ». .
  Trois rescapés de la Boussole, Colignon, Laprise- Mouton et Marin  étaient sur le Laborouse, comme l’appelle le guerrier, tandis que le 4e rescapé, Roux d’Arbaud, faisait partie de ceux qui étaient préposés à la garde de  la chaloupe de secours etv sea étudié avec Lavo. .
Des gardiens du Lapérouse,  trois parvinrent à sauver leur vie et gagnèrent Temua, dont le chef, un   rival de Makataï, les avait bien accueillis la première fois.   Ils ont dû se prévaloir de leur amitié avec lui ; ce chef de Temua  a gardé Colignon avec lui et   donné  Laprise- Mouton et son « serviteur » Marin au  chef polynésien allié de Païou- Paukori.
Etudions maintenant  les aventures de ces  trois  survivants de la Boussole :
1)      Les deux protégés du chef polynésien de Paiou-Paukori : Laprise-Mouton et Alain  Marin, dont le nom est altéré en Mara.
Nous avons brièvement traité de leur cas plus haut
2 Le «  jardinier « Nicolas Colignon :   le chef mélanésien de Temua parlant le teanu,  fuyant Makataï, emmène Colignon avec lui dans une  migration au Vanuatu  jusqu’à Tanna, île où l’on parle le  keanu, c’est-à-dire une parlure proche du teanu.
Colignon  était vicomte et le pied de chandelier armorié trouvé par Dillon, avec une couronne de vicomte,   lui appartient vraisemblablement.  Le thermomètre qui servait à un autochtone d’ornement  nasal   avait été embarqué, avec un second également retrouvé dans la faille du récif, sur l’épave du bateau de secours, pour mesurer la température afin de contrôler la germination des plantes.
C’est Colignon qui  donna  le maïs aux men-tanna , en même temps qu’un couple de poules,  avant , nouvel Empédocle, de demeurer près du mont Tukosmeru , nom qui signifie le volcan du magicien , Meru  signifiant volcan cf. le nom d’un volcan à Ambrym, Merum,qui a donné son nom à l’île d’Ambrym (Merum),  et tuk, sorcier (cf. toghi ou papou douk-douk).   Les naturels en firent  un roi -magicien (tuko) et un génie (jon) qu’ils appelèrent Kerapenun (de Kolakenon, altération de Colignon).
  Un siècle plus tard, un insulaire   prétendit être la réincarnation  de Colignon sous le nom de Jonfrum, le génie (jon) Colignon (frum est l’altération de Krum,  contraction de Kerapenum, Colignon). Le prénom de mon ami le député de polynésie John French Teariki n’est pas la traduction de jean-François, mais le souvenir de jon, génie, french , altération de Frum, de Krum, de Colignon. Le prophète  annonçait un nouvel âge d’or, avec retour du dieu Colignon le 15 février (pourquoi cette date ? Peut-être celle de la mort de Colignon,) et redistribution des biens « volés (sic).par les blancs ». Il devint l’âme du Cargo Cult de Tanna, appelé jonfrumisme par les sociologues.
  Il est intéressant de remarquer que le cargo cult (culte de la cargaison ) a pris naissance dans des sociétés de l’âge de la pierre pratiquant le cannibalisme et  voyant un blanc  civilisé pour la première fois, que ce soit avec Colignon à Tanna ou  avec Lavo à Lavongaï , île qui fut   le centre du cargo cult Johnson (les habitants, influencés par le mot jon qui, pour eux, signifie génie,  voulaient voter pour Johnson, le Président des Etats-Unis, et croyaient qu’il accepterait de venir les présider à Lavongaï !) De même, une délégation de Tanna en 2014 se rendit à Londres (et aux véritables  Hébrides !) pour savoir du duc d’Edimbourg si les papayes étaient mûres, c’est-à-dire si le jour prévu approchait. Mais le duc d’Edimbourg répondit que le temps était trop froid en Angleterre !


3 Le chirurgien-major Lavo : les cinq survivants qui gardaient une embarcation de secours. Quatre survivants de l’Astrolabe,   Blondela et son domestique Joseph Hereau, le chirurgien –major  Simon Lavo,    Joseph Richebecq , Guillaume-Marie Gaudebert, et un   rescapé de la Boussole, Roux d’Arbaud.

  En 1791, des ceinturons français et des morceaux de drap rouges et bleus de facture européenne  ont été aperçus dans les îles de l’Amirauté, entre Manus et la Nouvelle- Hanovre. Or, la Nouvelle- Hanovre a aujourd’hui un nom «  indigène » : Lavongaï, l’île (ngaï) de [Simon] Lavo et  nous avons connaissance,  grâce à Jean Guillou, de l’odyssée de Simon Lavo, chirurgien- major à bord de l’Astrolabe doué pour l’astronomie et pour les langues vernaculaires. 
   En 1844, Thomas Jefferson  Jacobs, dans son livre paru à New York  sous le titre Scenes, incidents and adventures  in the Pacific Ocean, or The islands of the Australasian seas, during the cruise of the clipper Margaret Oakley under Capt. Benjamin Morrell,  évoque aussi  (p. 83) l’existence de survivants du drame de Lapérouse, Simon Lavo et ses enfants, à l’île Riger, au nord de la Nouvelle-Irlande, à 2 250 km de Vanikoro. « Riger  was first settled by a Frenchman named Laveaux, a surgeon in the exploring squadron of La Perouse », c’est –à- dire «  l’île Riger   fut d’abord colonisée par un Français  nommé Laveaux, chirurgien de  l’expédition d’exploration de La Pérouse ». « This  island  is sometimes called  … the island of  Lavoo »,  p. 103, «   cette île est parfois appelée l’île de Lavoo », Lavongaï. Les polémiques  contre Morrell n’atteignent  pas le livre de  Jacobs -dont Edgar Poe s’est inspiré dans Aventures d’Arthur Gordon Pym-,  et ne peuvent rien contre ce fait de l’existence d’une île qui perpétue aujourd’hui le nom de Lavo.
 Morrell orthographie Lavaux (« les enfants Lavaux ») comme sur l’Etat des équipages publié par Millet-Mureau en 1797, qu’il a pu facilement consulter facilement en bibliothèque. Jacobs, pour sa publication de 1844,  a dû exécuter ou faire exécuter  des vérifications complémentaires à Brest et y  trouver que  Lavo,  qu’il orthographie Laveaux,  était chirurgien  de l’Astrolabe. .Sur l’Etat du personnel de Brest, on peut déchiffrer la même orthographe que Morrell et Jacobs utilisent, Laveaux (la dernière boucle du v a été lue comme un e),  et la même simple mention « chirurgien », alors qu’en Eure-et-Loir la tradition  orthographie Lavo avec un o comme sur l’acte de naissance et qu’on parle de lui comme d’un « chirurgien-major ». Lorsqu’il était à Londres, en 1837, Morell a pu se rendre à Brest pour y faire un contrôle..
  Jean Guillou,  après avoir, en juin 2006,  exécuté un voyage en Papouasie, envoie à la SAEL son compte rendu  d’exploration dans Navigateurs d’Eure-et-Loir dans les grandes expéditions des XVIII et XIX e siècles, de la Boussole et de l’Astrolabe à la Méduse,  de l’expédition de Lapérouse (1785) à la mission au Sénégal (1816),  Société Archéologique
d’ Eure -et- Loir (SAEL), décembre 2006 , « Sur les pas de Simon Lavau, chirurgien de l’Astrolabe », p.165-177 et p. 407-506 .
Le conseil municipal de Germigonville en Eure-et-Loir a  décidé  de dédier à Simon Lavo un parc fort coquet, ainsi que d’apposer une plaque sur sa maison natale.  J’ai ainsi assisté, le 28 mai 2011, à cette inauguration  en présence Jean Guillou qui n’avait  rien perdu de sa fougue malgré ses 95 ans (il venait de sortir un dernier livre Lapérouse … Et après ?),  de descendants  de Simon Lavo qui  arboraient fièrement leur arbre généalogique .  Malheureusement, depuis, celui qu’on surnommait l’Amiral est mort,  le 22 août à Nouméa, après avoir déclaré : « J’ai essayé de résoudre le mystère Lapérouse, j’ai cru le résoudre un jour [c’était  la version officielle : la Marine, solution Conan, Association Salomon], mais la vérité n’est pas là. »Nous verrons où est la vérité ci-après.


Les rescapés.
 A Vanikoro (Salomon), une chaloupe de secours de 20 tonneaux avait survécu au naufrage. Cinq personnes au moins étaient préposées à sa  garde,  savoir  Blondela et son domestique Joseph Hereau, Simon Lavo,  Joseph Richebecq , l’officier-marinier Guillaume-Marie  Gaudebert, et  Roux d’Arbaud. Ils réussirent à sauver leur vie  en  mettant à la voile dès le début du massacre nocturne par les insulaires de Makataï.
1) Simon Lavo, chirurgien de l’Astrolabe, « Pepe Lavo » pour les indigènes de l’île Riger.
 Nous connaissons, grâce à Alain Denizet (dans Navigateurs d’Eure-et-Loir, SAEL, p 103-161 ), le chirurgien- major de l’Astrolabe,  Simon Lavo,qui  naquit le 17/02/1755 à  Germignonville en Eure-et-Loir .Sa famille tenait son nom (orthographié Lavo ) du fief et de la seigneurie de Lavo (qui signifie la vallée) attesté dans les archives en 1570-1759 (E 1457) et 1776-1799 (E 1466).
 On le trouve cité dans une mélopée indigène citée par Jacobs en langue  tungak  p. 150 :
                                             E-rin go-lu-rin go-lar
                                             E-rin go pi tang ar-r
                                             Re-gare o bu, Pepe Lavo,
                                             Re-gare Darco, or go Aroo .
 On  remarque le Pépé Lavo, très affectueux, -peut-être une marque de reconnaissance pour les soins que le chirurgien  a dû prodiguer aux indigènes.

2)  Héreau, Aroo, pour les autochtones.
Le chant nous livre le nom de Joseph Héreau,  altéré sous la forme Aroo (dans go arroo, c’est-à-dire chantons Héreau, oo notant ou ; le mot gou signifie chanter, cf .le vocabulaire de Nyappa recuelli par Dwight  et le nom du  cagou calédonien, l’oiseau qui chante), qui était  originaire de Tours et qui  était domestique de l’enseigne de vaisseau   Blondela sur l’Astrolabe. 
3) Richebecq, alias Pongaracopoo pour les natifs.
Jacobs nous révèle encore, p. 85, que Darco a un demi-frère nommé Pong Aracoopo,pong (o) était le surnom de Richebecq, et où Aracoopo dissimule  le nom du père de ce métis,  un gabier de l’Astrolabe,   Joseph Richebecq, mal vu des indigènes qui finirent par le décapiter : il  appartenait à une famille de marins  installée à Roscoff
4)  Le contremaître Gaudebert, appelé Wonber par les natifs, présenté comme un cousin métis de Darco :
5) Roux d’Arbaud,  rescapé de la Boussole, Darco pour les indigènes. .  
Parmi les 4 rescapés de la Boussole, il y a  Roux d’Arbaud.  Le nom de  d’Arbaud  est devenu  Darco dans le récit de Jacobs: n’ayant pas de b,  la langue locale a utilisé un groupement consonantique voisin , QBW avec labio-vélaire proche de b, donnant Darco.
 En 1826,  Valle, le chef mélanésien de Temua, déclare : « les hommes blancs avaient coutume de regarder le soleil au travers de certaines choses que je ne puis ni dépeindre ni montrer, parce que nous n’avons aucune de ces choses.» Qui étaient ces astronomes survivants ? Nous pensons à Law de Lauriston et à  Roux d’Arbaud. M. Gaëtan d’Aviau de Ternay a publié, dans un numéro du Journal de bord d’Albi, des indications intéressantes sur ce condisciple de Napoléon Bonaparte à l’Ecole militaire, notamment ces compliments de Lapérouse sur ses connaissances  astronomiques dans une lettre du 27 septembre 1787 : « M. Darbaud a aussi parfaitement secondé M. Dagelet » (qui avait été son professeur à l’Ecole militaire).
6) Blondela ?
Y avait-il d’autres passagers à bord de la chaloupe, en particulier le maître de Héreau?
Le nom de l’île Amakata [qui signifie l’île où l’on a mangé (taï), du blanc (amaka)] ne doit pas nous laisser d’illusion sur la fin des  autres passagers éventuels. La présence de Héreau, domestique de Blondela  à bord de l’embarcation, est un argument pour voir en son maître un passager supplémentaire, ainsi que les morceaux de  drap rouge ou bleu, couleurs de l’uniforme des officiers.   
 Avec leur   chaloupe de 20 tonneaux, les rescapés pouvaient espérer regagner l’Europe par Manillle  en longeant la côte ouest de la Nouvelle -Irlande., mais leur embarcation fut détruite par un tsunami devant Lavongaï, ne leur laissant qu’un esquif qui leur ôtait toute  espérance de regagner leur patrie.
Voici le récit de Jacobs : « Au matin du quatrième jour (après la fin d’un  tsunami), les habitants des montagnes de Nyappa (l‘île voisine de Lavongaï,  aujourd’hui selon moiTingwon) aperçurent avec effarement un monstre nommé « Pongo »
([le pierrier], qui était à mi-chemin entre leur île et celle de Lavongaï  »  Pongo signifie ordinairement  pointu, recourbé, en forme de corne,  et fait alors allusion aux bicornes de l’équipage , mais ici  il désigne le canon d’un   pierrier « pointu »,  monté , non pas sur l’embarcation  de secours de 20 tonneaux naufragée au cours du tsunami,    mais  sur une dernière petite chaloupe qu’ils ont réussi à sauver . Il était nécessaire pour nos survivants  de  faire une razzia sur l’île la plus proche afin de se procurer de la nourriture avant de retourner sur l’île de  Lavongaï à laquelle ils étaient parvenus, alors inhabitée et donc sûre. La description de la chaloupe, de ses pierriers et espingoles,  est intéressante : « Le monstre avait de nombreuses têtes pourvues d’une longue corne (pongo) noire, braquée sur eux et protégée par le feu, ainsi que des yeux énormes animés par la colère et des bouches d’une considérable largeur qui laissaient voir des dents gigantesques… A côté de chaque bouche, partaient des flammes de feu qui tuaient les ennemis à une grande distance ».
Les insulaires désirent que Lavo ait un héritier masculin qui règnerait après lui. Mais Simon Lavo n’a qu’une fille. Pour pallier cette carence, ils ont recours à la procédure du mariage coutumier pidiriLa fille de Lavo et le fils de Roux d’Arbaud  contracteront, à la  mort de Lavo,  un mariage  pidiri, qui n’a rien d’incestueux en réalité. En effet, l’inceste entre frère et soeur est odieux aux Mélanésiens: pidiri (langue de respect) désigne un homme  adopté comme son frère par une femme qui devient ainsi sa « sœur »  dans une procédure  destinée à obtenir un chef mâle.   Le nom va de pair, bien entendu, avec cette adoption et c’est pourquoi son mari devient Lavoo junior  En réalité, c’est  la femme de Lavoo junior qui  est la fille  du chirurgien- major Simon Lavo et d’une princesse de Nyappa, tandis que son mari Lavoo junior est le fils aîné de Roux d’Arbaud  (dont on peut supposer qu’il a donné à son fils la couleur de cheveux qui avait valu leur nom à ses ancêtres italiens) et d’une autre princesse de Nyappa. Comme la tribu désirait avoir pour chef un héritier mâle  de Simon Lavo et qu’il n’en existait pas, elle a demandé à la fille de Simon Lavo de procéder à une adoption pidiri, de façon que leurs enfants héritent des qualités de Simon Lavo et que l’un d’eux  puisse devenir le roi de  Lavongaï. .


                Fin du résumé : développement

  Nous allons entreprendre de raconter ici la survivance de quelques membres de l’équipage de Lapérouse. Pour ceux qui parleraient d’invraisemblance et de roman, je rappellerai que  « Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable »; un ami de mon père s’était mis en tête de demander la médaille des évadés et fut fort dépité de recevoir un refus, au motif que ses évasions étaient du roman et qu’il n’en avait pas de preuves écrites. Je le vois encore me disant : « Du roman, des preuves? Je n’allais pas demander aux gendarmes italiens  une attestation ! »
  En effet, nous avons du nouveau :
-la découverte,  par Jean Guillou (cité  dans l’ouvrage de J.-C. Galipaud et V. Jauneau, Au-delà d’un naufrage, Les survivants de l’expédition Lapérouse (1,  p. 232), dans les archives de la Société de Géographie de Paris, d’une lettre du gouvernement concernant le chirurgien de l’Astrolabe,  Lavo, en 1837 ;
-le livre ,découvert aussi par Jean Guillou,  de Thomas Jefferson  Jacobs , paru à New York en 1844 sous le titre Scenes , incidents and adventures  in the Pacific Ocean, or The islands of the Australasian seas, during the cruise of the clipper Margaret Oakley under Capt. Benjamin Morrell (2),   où est confirmée  (p. 83) l’existence révélée en 1837 au gouvernement d’ un survivant du drame de Lapérouse, Simon Lavo, à l’île Riger , au nord de la Nouvelle-Irlande , à 2 250 km de Vanikoro;
-l’apposition, en 2011, en présence de Jean Guillou (3) et de la Présidente de la Société Archéologique d’Eure-et-Loir Madame Juliette Clément, du représentant de l’Association Lapérouse d’Albi, M. Jacques Baudin,  et du professeur agrégé d’histoire et de géographie Alain Denizet (4 et 5), d’une plaque commémorative  à Germignonville en Eure-et-Loir sur la maison natale de Simon Lavo, mentionnant son décès en Papouasie ;
 -surtout l’existence , dans l’archipel Bismarck ,en Papouasie-Nouvelle-Guinée, Province de Nouvelle-Irlande (îles Morrell), d’ une île appelée Lavongaï (parfois  nommée Nouveau-Hanovre), l’île de Lavo, correspondant en tous points,à l’île Riger de Jacobs : « This  island  is sometimes called  … the island of  Lavoo » (2),  p. 103, «   cette île est parfois appelée l’île de Lavoo », Lavo -ngaï. ;
- la confession de Makataï, l’auteur du massacre de l’équipage (6) . Il faut faire tabula rasa de tout ce qui a été écrit d’autre sur le naufrage ; .
- la découverte, par  Jean Guillou également (   Lapérouse … Et après ? 2011 (8), de l’existence  d’un canon fleurdelisé en Micronésie,  confirmée par le texte du Capitaine de corvette Joseph de Rosamel, Pohnpei Micronésie 1840,  Voyage de circumnavigation de la Danaïde, édité par Pierre de Rosamel et Jean-Christophe Galipaud,   Société des OcéanistesParis, 2005, excellente édition (7), 
-l’existence,  apprise grâce aux enquêtes socio-linguistiques faites à Vanikoro par J.  C. Galipaud,  du survivant de la Boussole appelé le Chef Mathew (altération, selon moi,  de Jérôme Mouton, sieur de  La Prise, né à Brest le 24.05.1756,  lieutenant de frégate).
Il faut faire tabula rasa de tout ce qui a été écrit d’autre sur le naufrage.
Jean Guillou a effectué un voyage dans les îles Vitu en octobre 2008 pour tenter d’obtenir des indices sur place. Parmi ses aventures, il a, dans sa pirogue, entre deux îles, assisté à la naissance d’une petite fille !
-l’existence d’un boulet tiré par les survivants. .Le roi métis  de Lavongaï  a   revendiqué comme gage  d’une force irrésistible, la  maîtrise  d’un boulet tiré par  un rescapé de l’Astrolabe surnommé Pongo, savoir Richebecq , la pierre de Pongo,  contre les habitants de Nyappa et transféré postérieurement,  lors d’une migration   , à Lavongaï  comme un nouveau  palladium Un natif des îles Vitu a d’autre part récupéré plus  récemment, sur le rivage,  un boulet de canon tiré par le Margaret Oakley lors de son 4 e voyage, qui avait été placé dans une grotte appelée Pitar, à mi-hauteur de l’ïle,  et  considéré comme une pierre magique par les indigènes.   En tout état de cause, ces boulets anciens, surtout le premier,  attestent qu’il s’est bien passé dans ces îles peu connues.quelque chose de nature à ébranler les sceptiques européens .
  Mon intérêt pour le naufrage de Vanikoro fut éveillé en 1965 lors d’une exposition en Nouvelle-Calédonie,-j’étais alors un jeune ulmien, - où un ami de mon père, le conservateur du musée, Luc Chevalier, me montra la photographie d’une  cloche signée Bazin m’a fait en m’expliquant  que Bazin était un fondeur de Brest et que cette trouvaille indiquait qu’il s’agissait de la Boussole, qu’on en avait ainsi la preuve formelle. Mais lorsque je lui demandai s’il y avait des archives qui témoignaient du fait que Bazin était un fondeur de Brest (c’était en réalité un fondeur nantais, et c’était  une  cloche fondue en 1779 pour le   Dragon) , et qui  prouvent que la cloche avait été posée sur la Boussole ou sur l’Astrolabe, il se montra outré devant  tant de scepticisme. Jules Verne ,  dans Vingt mille lieues sous les mers, au chapitre XIX,où  il  suit le récit de  Dumont d’Urville ,   parle de la découverte d’ « une cloche en bronze portant cette inscription : « Bazin m’a fait », marque de la fonderie de l’Arsenal de Brest vers 1785. » De même, l’amiral Brossard dans Voyage de Lapérouse écrit, p.410, que Dumont d’Urville récupéra «  des pierriers et diverses pièces qui furent identifiées, grâce aux numéros des tourillons. On sut ainsi qu’il s’agissait de l’Astrolabe. » C’est aller un peu vite en besogne : il n’y aurait plus qu’à s’incliner .Mais la Marine considère comme sa chasse gardée l’histoire de Lapérouse et elle nourrit aussi  le préjugé  que, - noblesse (ou grade) oblige, - le vaisseau amiral, la Boussole,  n’a pu que s’échouer  et être retrouvé en premier, alors que peu importe le grade pour les tempêtes. .  En 1984, je m’aperçus de ces incohérences et décidai de faire un inventaire critique et scientifique  de tous les objets découverts à Vanikoro : je confiai mon texte à la SEHNC pour une publication, qui eut lieu  en mon absence de Nouvelle-Calédonie sous les signatures de B. Brou, de  A. Conan et de moi-même (12).Dès l’époque, cet article modifié ne reflétait pas du tout ma position. Les hypothèses (savoir, que seule l’épave de la Boussole a été retrouvée, alors que c’est, on le verra, le contraire qui est vrai) sont fausses, seul l’examen des vestiges y est valable et il devrait être repris et corrigé depuis 1989 jusqu’à nos jours, avec un sort particulier fait aux  objets retirés de la faille du récif et une attribution éventuelle à l’Astrolabe et à la Boussole.
De Botany Bay (Sydney)  (9 mars 1788)  à  Vanikoro (anciennement Manikolo ou Malikolo, aux  îles Salomon) en passant par les Tonga (anciennement îles des Amis) et par  la Nouvelle-Calédonie
De Botany Bay, le 7 février 1788, Lapérouse écrit : « Je remonterai aux îles des Amis, et je ferai absolument tout ce qui m’est enjoint par mes instructions relativement à la partie méridionale de la Nouvelle-Calédonie, à l’île de Santa Cruz … »  Il avait prévu d’appareiller le 15 mars. Mais nous savons qu’il est parti le 9 mars. Que s’est-il passé pour qu’il précipite ainsi son départ ? Lapérouse  a cédé aux demandes d’aide maçonnique de deux échappés du pénitencier   australien et a préféré appareiller le plus rapidement possible afin d’échapper aux investigations éventuelles..
A Botany Bay, deux  convicts d’origine française et politique qui s’étaient échappés du bagne de Port- Jackson à peine installé firent jouer l’appartenance familiale au rite  maçonnique écossais  auprès de Lapérouse. Il s’agit du Français  Pierre  Paris et de sa compagne Ann Smith, d’origine écossaise (cf. Jean Guillou, L’odyssée d’Ann Smith), nièce de Adam Smith, le célèbre fondateur du libéralisme. Tous deux avaient combattu pour l’indépendance de l’Amérique et contre l’Angleterre .Ils embarquent sur l’Astrolabe avec un uniforme anglais dont on retrouvera un bouton à Vanikoro : on retrouvera l’os du bassin de l’infortunée Ann à Vanikoro. En effet, l’Association Salomon et une équipe de chercheurs australiens du Queensland Museum de Brisbane ont remonté  27 fragments osseux de l’épave du bateau de secours qui gît dans la faille. Examinés par l’Académie de médecine australienne, ils furent déclarés appartenir à deux hommes, âgés de 18 à 25 ans, mesurant entre 1,63 m et 1,74m. Ils présentaient des signes de fractures graves, causées selon moi  par Makataï et par ses guerriers. Ils sont aujourd’hui à Albi dans l’urne du monument élevé à la mémoire de Lapérouse. Chose très étonnante, a  été conservé, en Australie, un os de femme qui ne peut être qu’un os d’Ann Smith. Tout ceci bien avant la découverte du  squelette entier de Prévost l’Aîné . Des os humains carbonisés et de  nettes traces de feu sur l’épave achèvent de confirmer le récit de Makataï qui déclare avoir mis le feu au bateau de secours.

Tonga
  Le retour sur Tonga est surprenant, puisque Lapérouse venait déjà d’y passer. Mais le séjour de Lapérouse dans l’archipel, n’ayant jamais fait l’objet d’études,  demeure obscur,  surtout que son  journal n’est guère  précis.   Il s’explique, peut-être, par le massacre de Naouna Samoa  dans l’archipel des Navigateurs (Samoa ) qui occasionna la destruction des chaloupes capable de transporter les ancres de touée et par conséquent de faire des recherches  en toute sécurité sur l’île Saint-Bernard et sur l’île de la Belle-Nation de Quiros .Les Instructions royales prescrivaient de  rechercher l’île de Saint-Bernard, découverte par Quiros le 20 août 1596, savoir Puka-Puka aux îles Cook du Nord, Quiros, Histoire de la découverte…p.64,  et l’île de la Belle-Nation  (Isla de la Gente Hermosa, les beaux Indiens, nom donné par Torquemada à Rakahanga aux îles Cook , découvertes  le 2 mars 1606,  par Quiros, p 231 dans Quiros, Histoire de la découverte….).  Les Instructions enjoignent à Lapérouse ,  p 25, de faire « route dans le nord-ouest,  pour se mettre en latitude de l’île Saint-Bernard de Quiros, vers 11 degrès » , mais sans sortir de  certaines limites géographiques . «  Il prendra alors sa route dans le sud-ouest,  pour traverser, dans cette direction, la partie de la mer située au nord de l’archipel des îles des Amis….Il serait à désirer qu’il pût retrouver l’île de la Belle-Nation de Quiros [de Torquemada en réalité]…et successivement les îles des Navigateurs (Samoa) de Bougainville, d’où il passerait aux îles des Amis (Tonga) pour s’y procurer des rafraîchissements. »Or, le journal de Lapérouse (dans D. Le Brun, La malédiction Lapérouse, p. 519) qui  n’a pu trouver ni  les îles du Danger de Byron, corresponddant aux quatre îles de Saint Bernard, ni celle de  la Belle-Natione en raison des vents ,conformément aux Instructions, le déplore et il n’est pas interdit de supposer que Lapérouse a désiré tenter à nouveau de les repérer. .
  Lapérouse, de Botany Bay, reprend ainsi la route en sens inverse, passant probablement à nouveau par Norfolk, où il n’avait pu mouiller à l’aller, à la différence de Cook,
Lapérouse a-t-il ensuite passé aux îles Cook du nord, à l’île de Saint-Bernard (Puka-Puka) et à l’île de la Belle Nation (Rakahanga) ? Nois n’avons aucun témoignage, mais cela n’a pas été recherché. Il  fait voile ensuite  vers l’archipel des Amis (royaume de Tonga),  passant devant Tonga -Tapu, île à laquelle, dit-il dans son Journal, il a fait (au cours du voyage précédent ) une courte visite.  Il n ‘y  parle pas d’Anamouka.
Dumont d’Urville nous donne une  description qui  se rapportae  peut-être à ce premier passage devant Tonga-Tapu, mais avec confusion de Anamuka et de Tonga-Tapu :(trois   jours la première fois au lieu de dix au second passage grâce aux chaloupes reconstruites à Botany Bay, sans débarquer) (13 a), p. 802 : « deux autres grands vaisseaux étaient arrivés devant l’île d’Anamouka ou Rotterdam [Tonga -Tapu en réalité, premier passage ?], mais n’avaient pas jeté l’ancre et étaient restés en panne, ayant à terre des canots pour trafiquer. Quand l’officier qui dirigeait les échanges débarqua [confusion avec le second passage aux Tonga ?], il traça comme démarcation un carré au milieu duquel il se tenait ayant de chaque côté de lui une sentinelle armée. Cet officier portait des lunettes, et les naturels lui donnèrent le nom de Louage (ou Laouae), altération du nom d’un officier de l’Astrolabe, Freton de Vaujuas.  Peu de temps après que les échanges avaient commencé, M. Laouage troqua avec un insulaire un couteau contre un oreiller de  bois ; mais après que le sauvage eut reçu le couteau, il s’empara de son oreiller de bois et prenait la fuite, quand M . Laouage saisit un pistolet qu’il avait à sa ceinture et étendit cet homme mort sur la place. C’était un jeune chef nommé Coremoyanga. En le voyant tuer de la sorte, les naturels prirent de l’épouvante et s’enfuirent dans les bois. M. Laouage et ses gens retournèrent à bord de leurs vaisseaux .Le lendemain, les insulaires se hasardèrent à pousser au large et les échanges recommencèrent. Ils reçurent divers présents des européens et tout se passa d’une manière amicale. Deux hommes de l’île voulurent partir sur les vaisseaux [Confusion avec le second passage]  Les Français  mirent à la voile le jour suivant et depuis on n’en entendit plus parler ».
  Nous avons une autre description se rapportant cette fois au second passage aux Tonga, à Namouka ou Anamouka cette fois (dix jours et débarquement)  (13), p.112 :« Deux grands navires …, avec des canons et beaucoup d’Européens, avaient mouillé à Namouka  où ils étaient restés dix jours. Leur pavillon était tout blanc et non pas semblable à celui des Anglais. Les étrangers étaient fort bien avec les naturels ; on leur donna une maison à terre où se faisaient les échanges. Un naturel, qui avait vendu, moyennant un couteau, un coussinet en bois à un officier, fut tué par celui-ci d’un coup de fusil pour avoir voulu remporter sa marchandise après en avoir reçu le prix. Du reste, cela ne troubla point la paix, parce que le naturel avait tort en cette affaire ; les vaisseaux de Lapérouse furent désignés par les naturels sous le nom de Louadji ». Lapérouse embarqua, sur leur demande, deux naturels. On peut supposer qu’ils désiraient aller à Tonga-Tapu et que Lapérouse avait décidé de débarquer  dans cette île devant laquelle il était déjà passé en décembre 1787.
 « L’interprète… me dit aussi que Touitonga … avait eu en sa possession deux plaques d’étain avec des inscriptions provenant des vaisseaux de M. Laouage, mais que ces objets ayant été employés au service des dieux avaient été considérés comme sacrés et inhumés avec Touitonga…  » S’agit-il de deux pièces en bronze  avec l’inscription « Les frégates du roi de France, la Boussole et l’Astrolabe commandées par MM. de La Pérouse et de Langle, parties du port de Brest en juin 1785 », faisant partie des cent emportées par Lapérouse ? Il est intéressant de remarquer qu’elles ont été enterrées avec leur propriétaire, coutume  qui explique pourquoi on n’en  retrouve guère.
En résumé, Lapérouse passe à nouveau  (second passage) par Norfolk, les îles Cook  et   Namuka et Tonga-Tapu aux Tonga.




La Nouvelle-Calédonie, la côte ouest, le sud et l’île des Pins, la découverte de Maré, la découverte de Lifou, Pouébo. .
Les Instructions, p 25, prescrivaient à Lapérouse : « En quittant les îles des Amis (Tonga), il viendra se mettre par la latitude de l’ïle des Pins, sitruée à la pointe sud –est de la Nouvelle-Calédonie ; et après l’avoir reconnue, il longera la côte occidentale qui n’a point encore été visitée ; et il s’assurera si cette terre n’est qu’une seule île, ou si elle est formée de plusieurs. »   Lapérouse réalise, non la lettre, mais  l’esprit de ces Instructions, peut-être à cause du vent,  en longeant d’abord   la côte ouest de la Nouvelle-Calédonie du nord au sud  et en s’assurant ainsi qu’elle n’est qu’une seule île. . Son minéralogiste, le Père Mongez,  a  ramassé vers Gomen,  goumen signifiant  les blancs,  les échantillons verts de dolérite ou péridotite verte  qu’on a  retrouvés à Vanikoro.
Lapérouse arrive au sud de la Nouvelle-Calédonie,  mouille à l’îlot Amere, comme Cook, et reconnaît  l’île des Pins, puis  reconnaît le sud –ouest de la Nouvelle-Calédonie.


Les graves incidents au cours du second passage à l’île des pins.
Lapérouse  retourne ensuite à l’île des Pins, où se produit un  incident meurtrier avec les insulaires, que nous connaissons grâce à  Jules Garnier (novembre 1869, Bulletin de la Société de Géographie). Celui-ci a interrogé un indigène de Gadgi (au nord de l’île des Pins) : ses ancêtre auraient aperçu, un matin,  pour la première fois, deux grands navires qui étaient mouillés à l’îlot Amere. Un peu plus tard, les deux grands vaisseaux vinrent à nouveau mouiller dans les mêmes parages.  Les rapports entre les indigènes enhardis et les marins se terminèrent mal, à la suite de vols d’armes et d’outils. Jusqu‘au départ règne la panique. «  Le tonnerre éclatait sur les côtes ». En 1856 (eodem loco, 1858) Bouquet de la Grye avait déjà recueilli des  déclarations identiques auprès du fils du grand chef Ti Toorou, savoir Ti-ote : « …Aussitôt mouillés, plusieurs canots s’en détachèrent , chargés de monde,  et se dirigèrent vers la côte. Les naturels saisis de frayeur avaient fui sur le plateau supérieur : quelques-uns,  plus braves, accostèrent les étrangers qui avaient eu quelque peine à descendre à cause de la houle. Les témoignages d’amitié qu’ils en reçurent encouragèrent leurs camarades qui, mêlés dès lors aux matelots, ne songèrent qu’à s’emparer d’eux et de leurs richesses (wandu, outils, armes et médailles).
Les médailles de Lapérouse
 Parmi les médailles, je citerai celle en argent avec bélière à l’effigie de Henri IV gravée par le médailler Duvivier et sa famille, comme l’ont été toutes les médailles emportées par Lapérouse.Aucune autre médaille n’a été retrouvée en Calédonie ou aux Loyauté, peut-être parce qu’elles ont été enterrées avec leur propriétaire.
Etant donné que les médailles ne sont qu’un marqueur du passage de Lapérouse, et non un moyen d’identifier une frégate, il n’y a pas d’étude sérieuse sur les médailles emportées par  Lapérouse. Milet-Mureaux écrit : « il lui en avait été remis environ cent, tant en argent qu’en bronze , dont 1 en or réservée au roi, 25 en argent, et 74 en bronze , et 600 autres  de différentes espèces », .et  l’Inventaire (13A), p .120, parle de «  cent médailles d’argent ou de bronze, à l’effigie du roi, avec l’inscription portant le nom des bâtiments et l’époque du voyage, les unes avec (bélières et ] des chaînes de même métal, les autres sans chaînes [ni bélières; 600 autres médailles , en argent et en cuivre, portant l’effigie du roi. ».
Or, dans le premier  type, nous avons la médaille décrite par le chef Makataï, avec buste  de Louis XVI et datée 1778, et l’inscription : «  Les frégates du roi de France la Boussole et l’Astrolabe commandées par MM. de La Pérouse et de Langle parties du port de Brest en juin 1785 ».
Dans le second type entre la médaille qui fut offerte au général de Gaulle à Port-Vila,  commémorant la naissance en 1781 du Dauphin, avec à l’avers « LVD. XVI D. G.  FR. ET NAVAR.  REX  et MARI. -ANT.  AUSTRIAE REGINA FRANCIAE », Louis XVI par la grâce de Dieu  roi de France et de Navarre et Marie -Antoinette d’Autriche reine de France, et au revers, sous l’inscription  « FELICITAS  PUBLICA », (que le Dauphin soit une promesse  de) félicité publique »,   la France présentant le royal enfant au monde, ou encore la médaille,   identique, en cuivre aussi, trouvée par le Néo-Zélandais  Discombe à 100 mètres du gisement de la faille. En 2008 dans le gisement de la faille du récif on en trouva une pareille : on en avait trouvé aussi sur l’autre gisement et sur celui-ci.  Dans l’inventaire de la campagne de 90, on lit (7), p21 : « deux médailles (avec portrait du Dauphin ? Inscription 1785) », avec  p.44, la photographie de ces deux médailles de cuivre, montrant des bélières, mais illisibles.  On a également trouvé  une  médaille à l’effigie de  Louis XVI (1776) avec branches d’olivier, médaille  qui a été prise pour une  monnaie  ou pour un  jeton (17), p. 324.
Enfin citons une soixantaine de médailles en argent,  sans bélière,   à l’effigie de Louis  XV, avec  au revers Sit nomen domini benedictum, que le nom du Seigneur soit béni !et un écu ovale entre deux branches d’olivier
Toujours dans ce second type, la médaille, à l’effigie de Henri IV le fondateur de la dynastie et le premier Bourbon  fut trouvée dans le sol à Prony où elle fut perdue par les vainqueurs de l’île des Pins originaires du sud. En somme, Henri IV, Louis XIII, Louis XIV, Louis XV et Louis XVI ont dû être représentés (on n’a pas trouvé de Louis XIII et de Louis XIV).
Le moment du réembarquement fut choisi comme signal de l’attaque ; mais, surpris par le bruit, nouveau pour eux, de la mousqueterie, ils s’enfuirent  dans les bois, abandonnant trois morts et plusieurs blessés. Les blancs, de leur côté, après une recherche d’eau douce infructueuse [et d’un  précieux graphomètre qui leur avait été volé], retournèrent à leurs vaisseaux qui, après « un coup de tonnerre », disparurent bientôt dans la direction de la Grande Terre. »
  Le graphomètre.
Le vol d’outils comprend certainement le vol d’un  graphomètre à boussole et à pinnule destiné à faire des relevés à terre (l’île des Pins n’avait pas été suffisamment relevée par Cook.)  C’était l’un des « quatre théodolites, ou graphomètres, à lunette et sans lunette, pour mesurer les angles à terre, et lever les plans » indiqués par l’Etat des instruments, p. 122 (13 A). .Un communard déporté à l’île des Pins , puis amnistié le 20 octobre 1877  et rentré en France par le navarin,  l’a retrouvé avec son étui à fleur de lis dans une case canaque de  la tribu  aujourd’hui disparue de Nimbo, située à l’embouchure de la Dumbéa (Nimbo, comme Doniambo, qui signifie la vraie presqu’île,  est le même mot que Dumbéa  ou Nouméa, et signifie également  la   presqu’île,  désignant ici à la fois l’île située à l’embouchure de la Dumbéa, rongée par l’érosion, et la terre ferme devant cette île). François Bellec pense qu’il s’agit plutôt de la baie de Nimbo près de Ducos, parce que cette presqu’île reçut des communards condamnés à la déportation en enceinte fortifiée, mais ce  n’était nullement le cas de Bonnemaison. Qui avait séjourné à l’île des Pins.  Mais il n’y eut jamais, semble-t-il,  de case canaque à Nimbo sur la presqu’île Ducos. . Les derniers survivants  de cette tribu de Nimbo demeurent aujourd’hui  à la Conception : ce sont les descendants de Madame Scolastique Pidjot, la  femme de l’ancien  député.  Le graphomètre leur avait peut-être échu au cours d’une opération d’échanges entre l’île des Pins et ses vainqueurs du sud,   bien qu’on puisse se demander si ce n’est pas à l’île des Pins que le graphomètre a été trouvé par Bonnemaison , à  Ouameo, l’une des 5 «  communes », dont le nom, peu connu, fut altéré en Ouambo.  Coincidence qui n’en est peut-être pas une :Bonnemaison était né à Albi,ce qui l’a peut-être amené à accorder de l’intérêt à son compatriote Lapérouse, né aussi à Albi et à un indice de son passage : le graphomètre. 
  Longeant la côte est à partir du sud,  Lapérouse est le véritable  découvreur   de ces  Loyauté qui n’ont pas encore de nom : d’abord, Maré (Nengoëné), puis Lifou (Dréhu)
La découverte de Maré par Lapérouse  en 1788, cinq ans  avant le britannique Raven en 1793.
Lapérouse  découvre   Maré (Nengoëné). En 1887, le Maréen Louis Saiwene déclare que,  peu  avant un navire britannique  (le Britannia de Raven en 1793, que les Maréens  appellent Betischo  par altération du mot anglais British),   Lapérouse  « laissa dans l’île une hache (fao,du français fer), des graines d’orangers   et quelques grains de maïs qu’il apprit aux indigènes à mettre en terre»,ceci  vers Tadine. Le mot signifiant maïs en langue de Maré, kele ou kedre, le dr notant une cacuminale, vient  probablement du nom du botaniste de la Boussole, Collignon.  L’expédition avait, en effet, été pourvue de diverses variétés de maïs, selon Milet- Mureau (p. 237).Les gens de Maré font remonter au don de Lapérouse  l’introduction de cette plante qui, sans leur affirmation, pourrait venir de Tanna, où, ce qui avait fort intrigué Bernard Brou, un survivant de Lapérouse, le botaniste   Colignon  (voir mon blogcoldcasefrance@gmail.com,)  en avait apporté.  Lapérouse  a-t-il offert aussi aux Maréens une poule plus grosse que ces poules indigènes  qui venaient de l’île voisine de Tanna ?

La découverte de Lifou (Dréhu) en 1788 avant Hunter.
Averti par l’incident survenu à l’île des Pins, Lapérouse n’approche qu’un de ses vaisseaux, l’autre restant mouillé au loin, prêt à intervenir. Une chaloupe de l’Astrolabe avait été endommagée à l’île des Pins  et il fallait un espar pour la réparer. C’est donc l’Astrolabe, commandée par de Clonard, qui mouille à Chépénéhé, mais on peut supposer qu’elle avait embarqué Colignon, le botaniste de la Boussole, dont nous retrouvons encore  le nom, à peine altéré,  dans celui du village de Kedegne qui fut fondé à cette époque et nommé ainsi en son  honneur. Il avait, semble-t-il, apporté avec lui des graines d’orangers et de mandariniers. A Lifou existent des traditions sur le premier navire aperçu, traditions que le professeur australien  D. Shineberg , récemment décédée, a  justement rapportées à Lapérouse., sur la base du  rapport du santalier Simpson . Le santalier, en 1844, fit escale à, Lifou et y recueillit le souvenir du premier navire européen passé à Lifou. Selon les gens de  Lifou, le navire  fut aperçu près de Chépénéhé ; il était très grand ; il avait deux ponts, de grands canots et beaucoup d’hommes, -des officiers français, -portant des chapeaux à cornes, avec  des vestes rouges et bleues (la langue lifoue n’avait pas de terme pour désigner le bleu). Ce ne peut donc pas être la gabarre britannique la Fancy qui passa devant Lifou en 1796. Ils avaient des boucles à leurs souliers et ils portaient des gants. Le navire était resté à l’ancre pendant 2 jours à environ un mille à l’intérieur de la pointe sud. L’équipage coupa un cocotier avec un instrument en fer (encore fao, qui désigne la hache dans beaucoup de  langues calédoniennes), et les gens de Chépénéhé montrent aujourd’hui encore la base de ce cocotier qu’ils regardent comme étant le souvenir des premiers blancs qu’ils aient jamais vus.
 Il  se dirige ensuite, depuis Lifou, vers le nord de la Nouvelle- Calédonie ; le grand récif , à la hauteur de l’embouchure de la Tiouandé, s’appelle Mangalia, ce qui signifie deux (lua) bâtiments) européens (maga). Il  s’arrête à Pouébo et non à Balade comme Cook. Il y  fait escale  trois jours,  fait provision de bois de chauffage sur l’îlot Poudioué et se ravitaille en eau. Il y laisse des pieds de pommiers malaques (Syzigium malaccense) appelés pommiers canaques par les Calédoniens, tandis que les autochtones de la côte est les appellent les pommiers des blancs ou apopaleï, popalagni. A Pouébo, Lapérouse  offre une médaille qui n’a pas été retrouvée non plus.  
Les débris de Balade trouvés en 1793: une planche peinte en rouge .
    Des débris provenant d’un bâtiment de Lapérouse découverts à Balade en 1793 (un morceau de bois peint en rouge et une planche rabotée et vernissée ) nous renvoient à Vanikoro, puisqu’ils  viennent  de la partie polynésienne d’Ouvéa, où  on  savait que des Polynésiens  étaient arrivés vers la fin du XVIIIe siècle .On peut maintenant préciser le lieu d’origine de ces Polynésiens (ainsi que des Wallisiens et Futuniens qui viennentn aussi de Tonga à l’origine) : Vanikoro et sa colonie Utupua,  ainsi que leur date d’ arrivée : entre 1788 et 1793, puisque ce sont des objets du naufrage de  Vanikoro, dont Utupua est une colonie.

L’épée dite de Lapérouse.
Quant à l’épée de Lapérouse annoncée par F. Paladini comme découverte par lui à Païta, est-ce  la même que celle que décrivit  Jules Garnier ? Ce pourrait être une épée anglaise ayant appartenu à l’officier britannique Stewart (descendant en Nouvelle-Calédonie) qui, avec 10 autres convicts échappés (Hambilton, Williams, etc.),  volèrent  la chaloupe d’un navire appartenant au capitaine Walker.  Jean  Guillou raconte leur passionnante odyssée dans La Pérouse… Et après ? p  93-95.   On a trouvé leur  trace à l’îlot Lord Howe où ils sont responsables de la quasi extinction du grand râle, à  Erromango (1 convict abandonné), à Walpole (4 morts), où l’on a trouvé un squelette et des boutons de veste d’uniforme de marine,  à l’île des Pins, à  Tonga (1 convict mort) et à Ticopia (5 convicts que Dillon y  retrouva).   L’épée aurait pu être  « perdue » à l’île des Pins avant d’arriver à Païta par le jeu de la conquête ou des échanges. F. Paladini a dû  en être informé, ce qui explique pourquoi il n’a pas donné suite à son annonce dans les journaux. Mais l’épée décrite par Jules Garnier est-elle   la même ?
  Pour la discussion de ces indices, il est impératif de consulter le spécialiste du sujet, Bernard Brou (11),  « Lapérouse, découvreur de la Nouvelle-Calédonie. »

En route pour Vanikoro. Mais pourquoi Vanikoro ?
Lapérouse à la recherche de Manikolo ou Vanikoro et de son destin.
Lapérouse s’était vu fournir, parmi les livres de voyages qui devaient l’accompagner, l’Histoire des navigations aux terres Australes en deux volumes du Présient Charles de Brosses .Or, au tome I, on trouve, p.339, dans la bouche du chef Tamai, originaire de Taumako, la mention d’une « grande région [habitée] qu’il appelait Manikolo, c’est-à-dire aujourd’hui Vanikoro.  La « grande région » est une mauvaise traduction pour un archipel composé  de deux îles. Il nous est précisé que Vanikoro est à deux journées (de pirogue) de Ticopia et à cinq de Taumako, ce qui est vrai  .En partant, écrit de Quiros, p.340, j’enlevai quatre naturels, dont le quatrième, qui resta, fut baptisé  et nommé Pierre (Pedro) », voir la requête 24 où l’on trouve d’intéressants détails confiés dans la suite par Pedro sur Taumako: « j’ai touché depuis à ce pays  que (Tamai) appelle Mallicolo » ,  -erreur pour Taumako ».   Le texte de Quiros, qui est connu par la traduction qu’en a donnée AnnieBaërt, agrégée d’espagnol, docteur en études ibériques et professeur à l’Université de Papeete, sous le titre Histoire de la découverte des régions australes : Iles Salomon, lMarquises, Santa Cruz, Tuamotiu, Cook du Nord et Vanuatu,  confirme les dires du Président de Brosses, p.238 : « une très grande terre qui s’appelle Manikolo ».et p.240  « cette grande  terre ».
  De la Nouvelle-Calédonie, les Instructions du roi  prescrivent  à Lapérouse, de « gagner les îles de la  Reine-Charlotte », parmi lesquelles se trouvent  l’île de Sainte-Croix [Santa Cruz, Nendo aujourd’hui] que le Portugais Quiros,  naviguant pour l’Espagne et pour Mendana, a le premier , en 1595, visitée,  citant le nom des îles voisines de  Vanikoro , celle-ci  vue seulement de loin, et de Taumako, toutes deux jamais visitées depuis deux siècles, ce qui a dû intéresser Lapérouse : tel est le mobile qui a poussé Lapérouse vers Vanikoro. 
Le passé de Vanikoro et sa découverte par Mendana en 1595.
En 1595, l’almiranta Santa Isabel, qui faisait partie de   l’expédition de Mendana, se perd dans le brouillard près de Santa Cruz et disparaît dans les parages  de Taumako  ou 
d’ Anuta (Anouda ou Cherry, près de Vanikoro).  Quiros recherchera le galion perdu et dix ans après,   le 7 avril 1606,  touchera à Taumako au cours desaseconde expédition.
Un   survivant de la Santa Isabel y était peut-être vivant.à l’époque. « Un autre Indien s’approcha alors, écrit-il, et, l’air épouvanté, regardait les nôtres (craignait-il d’être arrêté pour désertion ?), qui le regardaient à leur tour avec la même cuuriosité : comme il avait le teint fort blanc et les cheveux et la barbe vermillons, ils l’appelèrent le Flamand : son nom était Olan. » L’obserevation de Quiros (op. cit, p .238 est confirmée par deux autres récits du voyage : ceux de Munilla et Prado. D’autre part, p. 242, « il y avait encore, sur une petite place, des morceaux de bois, certains peints en rouge, pour lesquels les Indiens avaient un profond respect et auxquels ils avaient accroché des toiles, des nattes et des cocos. On pensa que c’était la sépulture de l’un de leurs notables ou bien l’endroit où leur parle le diable. » S’agissait-il d’un morceau de la Santa Isabel ? De plus, non seulement on  trouve à Taumako des chiens de type européen, mais encore des poules qui étaaient tabouées.
   En 1801, le Capitaine Roger Simpson, à bord du brick, le Nautilus, découvrit à Taumaco les restes d’ « de la partie inférieure d’un  très grand mât près de la quille », avec du bois très pourri. Il en déduisit qu’il s’agissait d’un grand navire espagnol qui avait fait naufrage longtemps auparavant. J. C. Galipaud écrit, p.251 : Simpson « pense qu’il a observé l’épave d’un ancien navire espagnol. Aucun naufrage espagnol n’est pourtant signalé dans la zone entre le passage de Quiros et celui du capitaine du Nautilus. En revanche on peut se demander si cette trace à Taumako ne serait pas celle d’une chaloupe pontée qui aurait quitté Vanikoro auparavant. » Il n’a pas songé que le navire espagnol datait d’avant Quiros, de Mendana.
  En 1971, l’archéologue Roger Green fit quelques fouilles et trouva un morceau de poterie et quelques vieilles ferrailles à Kakua, sur l’  île de Taumako.
Robert Langdon, dans The lost caravel (15), détaille le trajet de la Santa Isabel : son capitaine attendit en vain les autres bâtiments à San Christobal (à Pamua). Il décida de partir ensuite pour les Philippines ou de retourner au Pérou, mais ne dépassa pas les îles Ellice (Vaitupu) et au sud-est Taumako et Anouda. Le bateau avait 50 personnes à bord à l’origine, mais  40 étaient mortes de faim et de soif avant d’atteindre Tamako. Les autres,  7 hommes très blancs,  un autre qui était brun, trois femmes blanches, aux cheveux longs et blonds, couvertes de la tête aux pieds d’un voile, bleu ou noir, devaient mourir par la suite,  sauf cet  Olan.dont nous avons parlé et quelques autres rescapoés éparpillés dans les îles. Aux îles Gilbert, sur l’atoll Beru, un esquif avec un blanc  était arrivé et l’homme y avait fait souche. A l’ïle Utubua  (Edgecombe ou Ourry de Carteret), proche de Vaniloro,   la tradition rapporte qu’un bateau européen aurait été incendié il y a très longtemps et qu’un popalangui (espagnol) rescapé  y aurait été enterré.  De même, aux îles Banks, à Gava,  Quiros rencontre deux blancs qui avaient les yeux bleus, et  un troisième, aux cheveux et aux poils de barbe rouge vermillon, crépus et assez longs,  leur parla d’un  Martin Cortal comme habitant une autre île
Le guerrier qui incendiera l’Astrolabe sera inspiré par ces événements lointains.
Le nom du blanc espagnol : tahitien popaa  mélanésien popalangui, apopaleï, polynésien poure (de paloni) et tongien aolei (de paloni)
Aux Salomon, sur l’île de Malaïta, une tradition rapporte qu’un blanc à longue barbe blanche arriva sur une planche (popalangui , qui  est interprété comme signifiant planche du ciel, alors que le mot est l’altération de hispaniola, plus exactement de sa  métathèse [his]paloni)Ce blanc fut honoré, dit-on, comme un dieu par toutes les tribus. Or, nous avons, chose intéressante,  la version espagnole de ce mythe : le 11 avril 1564, le chef pilote de l’expédition de Mendaña, Hernan Gallego, accompagné du maître de camp Pedro Ortega Valencia, embarquent sur un petit bateau construit sur place appelé le Santiago, une brigantine que les naturels appelleront planche du ciel (popalangui).Les Espagnols visiteront l’île sauf le nord et seront obligés de faire feu sur les insulaires.
Nous nous sommes attardés sur le naufrage de la Santa Isabella à Taumako ou à  Utubua près de Vanikoro, parce qu’un guerrier dont les ancêtres étaient originaires de Tamako et qui tirait son nom de cette île, Taumakau ou, par métathèse,  Makataï, voudra renouveler l’exploit de ses aïeux contre les Blancs et attaquera les rescapés de l’Astrolabe de Lapérouse.

Le nom des blancs de Lapérouse à Vanikoro : ce ne sont pas des êtres humains, ce sont des esprits (Ngambé, Lambé, Ambi [de langui, de  paloni, de la métathèse de  Hispanioli, palinio), même si ces Esprits  sont comestibles…
« Les insulaires, nous révèle Dillon, ne  regardaient pas les blancs comme des êtres humains, mais comme des esprits, et des esprits malveillants.
« Leur front ou leur nez présentait une saillie d’un pied de long (Martin Bushart pense que c’était le chapeau à cornes). « Leur nez s’avançait de deux palmes au-delà de leur visage. »
 «  Ils ne mangeaient pas comme des hommes. Un petit morceau de nourriture,  gros comme le bout du doigt, leur suffisait. Après l’avoir avalé,  ils se remettaient sur-le-champ à bâtir leur vaisseau. » Par « petit morceau de nourriture », il faut entendre du biscuit, c’est-à-dire du pain de garde très dur conservé à bord  dans des récipients hermétiques de fer-blanc.
 « Le chef (Sutton de Clonard, Blondela ?) était toujours à regarder le soleil et les étoiles et leur faisait des signes. » Aussi les noms de Rivière des Esprits, de passe des Esprits ne sont –ils pas neutres et ils  nous renvoient aux naufragés.
La localisation des épaves : il y a trois épaves (la Boussole, l’Astrolabe, le Lapérouse ou bateau de secours) et seulement deux gisements connus : celui de la fausse passe (l’Astrolabe) et celui de la faille (le Lapérouse ou bateau de secours ).
Dumont (13 A) , p. 1017, écrit qu’au village de Vanou , un guide de la petite île Teanu  raconta «  qu’outre les deux navires qui avaient fait naufrage à Paiou (l’Astrolabe) et à Vanou (village près de Paiou : il s’agit du bateau de secours) , un autre avait péri près des îles de sable nommées Maka-Loumou, au sud de l’île, mais qu’on n’avait pu rien en sauver, attendu qu’il avait été sur-le-champ brisé, et s’était englouti le long du brisant. « 
   Pour la Boussole,   le nom de Gnembe Neungge, ou Dean Passage c’est-à-dire la passe des Esprits ou des Blancs, indique le lieu où celle-ci a coulé près de Makulumu (l’écueil des deux pirogues des blancs) et de Noungna.
  Pour l’Astrolabe, la fausse passe du récif s’appelle dans la langue du pays la fausse passe des Ngambé (esprits ou blancs), la baie s’appelle  Ngambé et la rivière voisine s’appelle la rivière des Esprits (Ngambé), où naturellement avaient été installés  le camp des Français, à Ambi, altération de Ngambé, et le lieu de construction du bateau de secours.
Les naufrages nocturnes de Vanikoro.
 Le capitaine Hunter disait que Lapérouse avait dû être victime du calme et des courants.  En somme, c’est ce scénario que Dumont d’Urville a vécu, mais avec cette fois  une fin heureuse,  en 1827,  à Tonga  (13), p.108 sqq. : « La corvette L’Astrolabe [de Dumont d’Urville], poussée par une brise du sud- est, donna dans la passe de l’Est. Une ou deux heures encore, et elle  atteignait le mouillage [du lagon] ;   mais le vent ne s’y prêta point, il mollit jusqu’au calme plat, livrant ainsi le navire au jeu des courants dans un chenal hérissé de récifs. L’Astrolabe [de Dumont d’Urville], drossée par l’action des eaux, alla donner contre les brisants du nord. Une prompte manœuvre l’en releva aussitôt ; mais le vent, revenu au sud- sud- est, tint la corvette drossée contre ce mur de coraux sous-marins, véritable rempart vertical, aux acores duquel on ne trouvait point de fond à quatre - vingt brasses... Des ancres à jet furent élongées ; mais le tranchant des coraux eut bientôt coupé les câbles, et les menues ancres furent perdues. Les deux chaînes seules  résistèrent pendant trois jours et trois nuits ; qu’un seul de leurs anneaux cassât, et l’Astrolabe, broyée par ces récifs, livrait ses lambeaux comme une proie facile aux cupides insulaires…Les chaînes avaient déjà cédé , et, dans les profondes oscillations de la houle, le flanc droit du navire allait s’abattre à cinq ou six pieds du mur de coraux .Trois ou quatre heurts contre cette masse auraient suffi pour briser l’Astrolabe ; la coque eût été fendue et dispersée en lambeaux, la mâture elle-même n’eût pas tenu devant le choc ; en supposant un désastre de nuit, le nombre des victimes était incalculable. »
 L’incident se répète pour Dumont (13A) devant Vanikoro : « A 5 heures et demie,  nous eûmes un calme plat et des grains. Nous n’étions pas à plus de trois milles des brisants,  et l’on sent bien que c’était une perspective peu rassurante que d’avoir à passer  une nuit obscure de douze heures, dans un pareil voisinage et livrés à l’action des courants. Aussi commençai-je à concevoir quelques inquiétudes quand, à 6 heures et demie, il s’éleva une petite fraîcheur qui me permit de faire très lentement deux ou trois milles de plus. Tout le reste de la nuit, nous eûmes calme plat.. »

Les deux bâtiments  de Lapérouse sont arrivés par le même chemin que prendront plus tard Dillon et Dumont d’Urville vers le havre d’Ocili. Lisons la déclaration faite par les Ticopiens à Dillon : pendant trois jours, les naturels  avaient aperçu «  deux grands vaisseaux qui  étaient arrivés près de leurs îles (les deux îles composant l’archipel Vanikoro) ; ils avaient jeté l’ancre, l’un [la Boussole] vers l’île de Vanou (la petite île, Tevanou, te- est un aricle),   le second [l’Astrolabe] vers l’ (autre) île  où se trouve  Païou, (îles) peu éloignées l’une de l’autre. Quelques jours après, et avant qu’ils eussent eu communication avec la terre,  une tempête (un fort  coup de sud- est) s’était élevée et avait poussé les deux vaisseaux à la côte. » Il s’agit donc d’une bonace, d’un calme de trois jours suivi d’un coup de sud-est brutal et soudain, avec des courants très puissants. Un vieillard  déclare : «  Le premier navire [la  Boussole] fut vu échoué sur les récifs [du district] de Tanema … On ne sauva rien du bâtiment… « Ce vieillard avait vu le navire échoué dans le district de Tanema et les  4 hommes  qui en provenaient, mais il n’avait pas vu ceux qui avaient appartenu au navire échoué devant Paiou (l’Astrolabe),  attendu que sa tribu (celle du district de Tanema) était en guerre avec celles de ces districts [de Béu’u, Paukori] »

Selon Wéwo,  « [la Boussole] essaya de s’engager dans la passe de Makalumu et s’accrocha sur le récif. »
Dumont d’Urville, dont la chaloupe suit le grand récif à l’extérieur de celui-ci, nous dit : « Nous laissons à notre gauche une petite île de sable, nommée Nougna, et plus loin [vers l’est] une seconde nommée Makalumu. C’est près de ces îles de sable qu’un navire s’est perdu il y a longtemps ».Makalumu, qui s’analyse en maka, homme blanc (littéralement rouge), lu qui signifie deux, et mu, récif, signifie le récif des deux [pirogues des] Blancs, l’Astrolabe et la Boussole.   Noungna  signifie l’île (nou-)  qui  est en voie de disparition, qui n’existe plus (négation gna).
Il existe  une fausse passe au droit de Temua,  située entre les îlots Noungna et Makalumou, mais la géographie a changé et  il faut  se rapporter aux cartes de Dumont d’Urville ou de B. Brou., car l’îlot Noungna  englobait alors la fausse passe de Makalumu et se continuait, prenant le nom d’îlot Makulumu,  au-delà de la passe. Du temps de Dumont encore, existait la fausse passe dite de Makalumu, qui séparait  deux vestiges de terres rocailleuses. On n’insistera jamais assez sur la confirmation d’un  Vanikorien à Dumont d’Urville : « C’est  ici [à Makulumu] qu’a coulé un  bâtiment [la Boussole]. Je ne l’ai pas vu, mais on me l’a dit ».

La tragédie de la recherche de la Boussole a voulu que, en 1956, le commandant Bonnet, en fonction sur le Tiaré, à une époque où la découverte de l’épave de la faille du récif n’avait pas encore vicié le débat, passe à côté du véritable gisement de la Boussole, sans pouvoir véritablement l’explorer. Il avait  recueilli la tradition  d’un vieil indigène « qui prétendait  que «  l’un de ses ancêtres  avait vu dans son enfance, non loin de Vanou (Tevanou, nom de la petite île), de très grands mâts d’un navire coulé ». L’individu  en question  accepte de leur indiquer précisément l’emplacement, très éloigné du site de la fausse passe du récif.  Malheureusement, en cours de route, l’embarcation des Français chavire et  les  quatre scaphandres autonomes tombent à l’eau. Il ne reste plus au commandant du Tiaré et à ses hommes que quelques masques de plongée pour explorer l’emplacement du naufrage, « à cent mètres environ du sud de l’île Naoun-Ha » , autre orthographe de Noungna,à  ne pas confondre avec l’îlot Nanoun-Ha au nord de l’île).  Les conditions météorologiques sont défavorables ; depuis la surface, les nageurs remarquent que le massif de corail sur lequel ils sont ancrés a une forme oblongue et régulière .Privé des moyens de mener une fouille plus approfondie, la capitaine  Bonnet est persuadé qu’il s’agit de la coque de la Boussole recouverte de corail et déclare qu’aucun mémorial n’atteindra jamais la somptuosité de cette sépulture naturelle. » (Bonnet,  lieutenant de vaisseau, Rapport de mission à Vanikoro au Commandant de la marine en Nouvelle-Calédonie.)
Pour moi, la cause est entendue. Dès 1985, au Colloque d’Albi du 25-31 mars,  après avoir cité Dillon : « un autre navire, la Boussole,  avait péri près des îles de sable nommées Maka-Lumu », je concluais: « Le mystère demeure entier .Il faudrait qu’une mission aille explorer ce site qu’une tradition obstinée nous indique en vain depuis plus d’un siècle et demi. » En 1990, j’ai demandé à  Bernard Brou qui participait à une expédition sur Vanikoro de vérifier l’hypothèse à laquelle je tenais depuis 1985 pour l’emplacement de la Boussole. Voici ce que B. Brou écrivit dans le Bulletin de la SEHNC à son retour à Nouméa :
 «  L’hypothèse d’un naufrage possible à Makulumu était basée sur l’étymologie du mot qui signifiait : « là où la grande pirogue a sombré » (sic). Mais nos recherches ont précisé qu’il s’agissait de Makalumu [exact !], donc sans signification particulière (ce qu’a confirmé une exploration sous-marine rapide). » Encore une occasion ratée ! Mais l’Association Salomon  (dans  Le mystère Lapérouse),  désireuse de prouver  que la Boussole gît dans  la faille du récif, émet l’hypothèse qu’il s’agirait là d’un navire japonais qui se serait échoué en 1928 et se serait délesté pour se déséchouer. Elle a poussé le scrupule jusqu’à remonter des gueuses de fonte (étaient-elles donc invisibles lors de l’ « exploration rapide » ?) provenant du navire et jusqu’à les faire analyser  en 2007 par le laboratoire industriel de fonderie ENSAM CER d’Angers, « afin de savoir si ces gueuses étaient  identiques à   celles découvertes sur les épaves de Lapérouse. » Les résultats étant négatifs, l’Association, en conclut qu’elles proviennent très certainement  du bateau japonais. » Mais d’où vient alors cette « forme régulière et oblongue » aperçue par le commandant Bonnet ?

Géographie sommaire récapitulative :
Petite île : île  Vanikoro, Tevanou  (Te- étant un article ou déterminant) ou Vanou ou Teanou ou Tevai (nom de la tribu de Makataï). Village de Vanikoro


Grande île : appelée Vanou ou, par attraction sémantique, Lovono du nom d’une langue mélanésienne
Côte nord (sans intérêt pour nous, sauf pour éviter les homonymies) Lale (Nama),  Vanou ou Whanou, îlot Nanoun-Ha  (l’île, -nou, - en voie de disparition) .
Côte sud, de l’ouest à l’est: Pakaré, Ignama,
L’Atrolabe : récif des esprits (Ngambé)
Camp des Français : Ambi, Paukori (Pakaré), ou Béu’u,
Lieu de lancement du bateau de secours, le  Lapérouse: rivière des Esprits.
Chaloupe de Mouton-Laprise : Vanou près de Paiou
Mambolé, cimetière de la Boussole notamment.
Epave de la Boussole, Emou, Emoa, Ammah, Temoa (Te- , article),Temua,  passe des Esprits ,Nougna ou Nanoun-Ha (l’île, -nou, - en voie de disparition) , Makulumu ou Makalumu (le récif des deux bâtiments des blancs), Vanou-Ocili




Dans l’hypothèse aujourd’hui  généralement adoptée, qui élimine totalement  « Vanou » au profit de Paiou., il ne subsiste plus rien des déclarations unanimes des Vanikoriens sur le naufrage d’un des deux bâtiments à « Vanou. »  Il y a énormément d’homonymies et de pièges dans la toponymie mélanésienne : non seulement  Mallikolo, le terme utilisé par Dillon pour Vanikoro, peut désigner aussi  une île des Nouvelles-Hébrides (Vanuatu), mais il désigne encore  un village sur la petite île appelée Vanikoro., sur l’archipel que nous nommons Vanikoro.
 Voici ce que Dillon  dit de sa signification (13A), P .937 : « Le nom de Mallikolo n’appartient proprement qu’au côté du vent [encore appelé le côté au vent, celui d’où souffle le vent] de la grande île. Le côté de sous le vent (le côté opposé à celui d’où souffle le vent, le côté à l’abri du vent, à l’abri de la brise de terre, c’est-à-dire venant de terre)  se nomme Whanou. Ce sont comme deux grands districts contenant plusieurs villages qui ont un nom particulier. D’après cela, lorsque Whanou est cité comme le lieu où il y eut des combats entre les insulaires et les naufragés, il faut entendre les différents villages du côté sous le vent de l’île. » Et Durville (13 A), P.1022 : « Dans les deux villages [de Tevai et de Manevai, sur la petite île Teanu ou Tevai ou Davey], les naturels se sont accordés à désigner spécialement sous le nom de Vanikoro l’île du nord-est sur laquelle se trouvaient le village de ce nom [Vanikoro] et celui de Tevai. Mais ils n’ont point de nom collectif pour la grande île, et ils l’ont divisée en districts dont les principaux sont Tanema, Paiou et Vanou. En conséquence, pour nous conformer à la désignation des peuples voisins, le groupe entier, suivant nous, portera le nom d’îles Vanikoro, la grande île gardera le nom de la Recherche que lui avait imposé d’Entrecasteaux, la petite sera l’île Tevai, de son principal village .    Mais Vanou peut aussi désigner un  village situé au nord-ouest,  que des émigrés de l’autre île ont fondé pour fuir Makataï. Vanu veut dire terre, par opposition à mer. Mallikolo, Manikula,  Vanikoro ou Vanu ont le même sens et signifient à l’origine la terre  (vanua, cf tahitien fenua) du Serpent enroulé. Le Vanou du nord n’intervient jamais dans notre scénario.  Il reste donc seulement 3 sites de combats à ne pas confondre, si l’on veut bien mettre de côté ceux de Laprise-Mouton : Ignama, îlot  Filimoè, Lambé, Paukori (Pakaré), ou Béu’u,
Vanou près de Paiou
Baie de Saboë, construction d’une  chaloupe par Laprise-Mouton
Naufrage de Mouton: Murivai, Dennemah  ou Tanema.
1 à l’est,  Temua, en face de Makulumu, près de Mambola (le « cimetière »), le site de la Boussole ;
2 (le village de) Vanou, dont le second  chef est Valie,  devant un lieu nommé Ambi où fut installé le camp des Français (Ngambi, signifiant  Esprit) » en face de la Rivière des Esprits (blancs).  C’est le site où avait coulé l’Astrolabe, sur la fausse passe du récif : « il ne restait plus que des objets en fer, cuivre ou plomb. Tout le bois avait disparu [pour être réutilisé sur le bateau de secours]…La  disposition des ancres faisait présumer que quatre d’entre elles avaient coulé avec le navire, tandis que les deux autres avaient pu être mouillées. »
3 Paiou : c’est le site du bateau de secours, sur la faille du récif,  près de la rivière des Esprits ;


 Le choc nocturne final de  la Boussole devant Temua
Il faut faire attention à ne pas confondre Tanema et Temua devant lequel a coulé la Boussole.  La  dérive des cadavres confirme cette localisation. Voici la déclaration du chef de Temua : « il vint à la côte plusieurs cadavres qui avaient les bras et les jambes mutilés par les requins ».Les   cadavres qui avaient dérivé de la Boussole ont  été rassemblés à Mambola par les Mélanésiens de Tanema (sans pouvoir être mangés) :   ce lieu est situé entre Temua et Tanema.  Déclaration du vieux Wéwo (12), p. 54, à propos de la déception des gens de Tanema: «  lorsque les corps, dans les jours qui suivirent (le naufrage de la Boussole),  furent rejetés sur le rivage, les indigènes les ensevelirent sous un tas de pierres (pour empêcher les morts de revenir importuner les vivants) Non pas par piété certes, mais parce qu’ils n’étaient plus comestibles. » C’est ainsi qu’a dû finir, à Mambola (nom qui signifie le lieu qui sent mauvais –bole-avec la décomposition de 104 cadavres de la Boussole  +40 cadavres de l’Astrolabe, plus ou moins épargnés par les requins),  l’infortuné Lapérouse.


 La diaspora des objets : les rares vestiges hypothétiques  de l’arrière de la Boussole
Il n’est pas possible d’identifier les frégates d’après leurs objets, car les survivants ont très bien pu repêcher les objets utiles ou appartenant à des disparus pour les mettre à l’abri dans le bateau de secours. De plus, à terre, les Polynésiens de Temua, lieu de naufrage de la Boussole, ont rapidement émigré vers Paukori à l’ouest. Enfin, le nombre des objets ne doit pas nous en imposer, car il y avait un lest abondant. Par exemple, les 16 ou 17 ancres remontées au total, quand chaque frégate était censée n’en avoir que 14 au départ de Brest  et les 7 corps de pompe en bronze  remontés des deux sites, alors que chaque frégate en comptait 4, ne sont pas des preuves suffisantes en raison du lest.
Prenons l’exemple du paratonnerre. Lapérouse  a indiqué que seule la Boussole en portait un sur son mât. Mais, comme l’indique François Bellec (Les Esprits de Vanikoro, p.79), « la raison pour laquelle [l’Astrolabe] n’en était pas dotée  est difficile à comprendre ; c’était une grande nouveauté. Lorsque les deux frégates furent armées à Brest, M. Le Roy, de l’Académie des sciences, venait de surveiller la mise en place de 140 paratonnerres sur les édifices du port. Il avait laissé des instructions techniques pour que M. Billaux, constructeur agréé par l’Académie, pût guider l’installation de paratonnerres à bord des navires.. Fleuriot de Langle était trop intéressé par les sciences pour passer à côté de cette invention. D’aileurs l’Astrolabe avait emporté une chaîne, puisqu’un fragment a été retrouvé dans l’épave et déposé au Musée de la Marine en 1828.Peut-être avait-on profité du carénage de Cavite [Manille] pour l’installer. Cet appareillage simple  consistait en un paratonnerre en tête de mât, et en une chaîne de barreaux de cuivre descendant le long des haubans, fixée à la coque au-dessous de la flottaison. En tout cas, le matériel était à bord. »
  Dillon trouve à Ammah (Temua), en face  du site d’échouage de la Boussole,  à la porte d’une maison ,  une  meule du  moulin à blé destinée à faire de la farine pour le pain , qui se trouvait à l’arrière de chaque  bâtiment .  Chaque frégate possédait 4 meules et 2 moulins, mais de Langle donna un moulin de l’Astrolabe lors  d’une escale avec au moins une  meule, peut-être deux. .
Il y avait donc à Brest 8 meules, puis 7 ou 6. Or, on en a retrouvé 6. On a trouvé  3 meules sur la faille auxquelles il faut joindre la  meule rapportée par Dillon et 2 meules repêchées  sur la fausse passe de l’Astrolabe, soit 6 meules au total. Pour avoir de la farine fraîche, les rescapés ont dû installer un ou deux  moulins sur le bateau de secours avec  quatre  meules récupérées sur les deux bâtiments. Ainsi seuls doivent être pris en compte les objets retrouvés dans le site de la fausse passe comme éléments de l’Astrolabe. Ceux du second site, celui de la faille du récif,  du bateau de secours, sont mixtes.
Les rares   vestiges  qui peuvent appartenir à  la Boussole ou à  l’Astrolabe.
 1 Une arcasse de poupe et un morceau de bois avec des guirlandes entourant un écusson (orné des trois fleurs de lys dorées de l’arcasse), rapportés par Dillon d’Ammah (Temua) , donc supposés venir dela Boussole.
.D’autres   éléments de  poupe ont peut-être été retrouvés sur la côte australienne, à Mackay près de Temple island dans le Queensland, car, en 1803, le navigateur Flinders qui longe cette côte a vu, jetée à la côte, un morceau d’arcasse de poupe près du cap Palmerston.. Les planches seraient du chêne européen, les trous des chevilles seraient des trous précreusés, comme ceux d’une chaloupe préfabriquée.
  Jean Guillou s’est vivement intéressé à cette épave  dans son roman historique Moi, Jean Guillou, second chirurgien de l’Astrolabe,  remarquant  que ces trous destinés à recevoir des chevilles rappelaient ceux des embarcations préfabriquées qui étaient à bord des bâtiments et dont les parties s’assemblaient de cette façon. De plus, sur un banc de sable situé
 à 1 kilomètre et demi du lieu du naufrage de leur bâtiment, les marins de Flinders ont découvert un morceau de poupe.
Mais l’indice le plus  important est, selon moi, une  hache indigène fabriquée avec du fer provenant des épaves de Vanikoro : cet indice évoque  des insulaires qui, comme ceux d’Ouvéa (Loyalty), auraient émigré de Vanikoro et auraient fait naufrage  sur la côte australienne. .
2 La cloche et le canon signés Bazin Nantes : à l’origine lest de l’Astrolabe ?
On a trouvé deux fois le nom de Bazin : une fois sur un pierrier en bronze (17), p. 282, trouvé dans  la faille du récif, avec «  Fc (fecit) J(ean) Bazin à Nantes 1779 Dragon »  et une autre fois sur une  cloche « Bazin m’a fait ». Le Dragon est le nom d’un bateau corsaire anglais capturé dans la Manche en 1781 et transformé en corvette par la Marine royale. Il était percé pour 20 canons et 4 obusiers ou pierriers. En 1782, et le 11 décembre 1787, il est à Brest d’où il part pour Saint-Domingue où les Anglais l’attaquent. Son épave a été fouillée par le Musée de la Marine et François Gendron.
  Le scénario qu’on peut imaginer est que Bazin fond le canon à Nantes en 1779 ainsi que la cloche (et non à Brest) et  que la Marine les lui achète  en 1781 pour le Dragon, mais comme il n’y a de place à bord que pour quatre obusiers elle reprend son pierrier et sa cloche et les remise  à Brest : le Comte d’Hector les fournit en lest  à l’escale de Lapérouse.
Bazin est le nom d’une famille de fondeurs de cloches et de canons  nantais [voir (12) p.41 pour ma bibliographie] : Jean père et Jean fils qui de 1774 à 1778 est listé comme fondeur de la ville de Nantes et en 1779 fond une cloche pour une église de Vendée. Son père avait  inventé une pompe à double corps en bronze.
Cette cloche, de 18 kgs sans le battant, pesant 10 kgs de moins que les cloches ordinaires, rapportée par Dillon,   a pu être remisée en réserve à l’arrière de l’Astrolabe, étant donné que c’est sur la faille du récif, donc sur l’épave du bateau de secours principalement construit avec des éléments de l’Astrolabe, que le pierrier a été trouvé.
3 Un  canon fleurdelisé (« canon  de 2 pouces avec fleur de lys » rapporté par Dillon, voir discussion  p. 31. (12), auquel  il faut   ajouter celui qui a été trouvé  à  Ponhapé en Micronésie, également  « avec fleur de lis » ;
2) Le naufrage de l’Astrolabe : le site de la fausse passe de Paiou.
Le second bâtiment, l’Astrolabe, en panne durant trois jours faute de vent  et  poussé par les courants, heurte de nuit,   comme la Boussole,  le récif de Makalumu dont le nom indique bien  la présence de deux (lu) bâtiments français (maka) sur l îlot disparu (mou, écueil),  non loin de l’endroit où un  pierrier en bronze de  1/2 livre, pesant 94 livres (48 kgs), portant le n°  260,   a été repéré  par l’officier Vedel à bord du Bruhat en 1883. Vedel,  pressentant l’importance de sa trouvaille pour la localisation de l’épave, nous a donné ces précisions : il avait fait sa découverte loin du site prospecté par Dumont d’Urville et par l’équipage du Bruhat, savoir la fausse passe de l’Astrolabe, « à plusieurs milles [1852 m] dans l’est de Paiou,  sur le plateau du récif extérieur, à marée basse », au-delà de Tanema, au droit de  Temua.
Le choc a entraîné une avarie dans la coque et la noyade d’une quarantaine de personnes,   comme nous l’indique le nombre de 200 membres de l’expédition donné par Makataï qui n’a  vu, ni  la Boussole, ni l’Astrolabe.L’Astrolabe,  très mal en point, est déhalée du récif de Makalumu  et paraît sauvée, mais, poussée par les courants, elle s’échoue de nouveau, nous racontent les traditions orales,   dans ce qu’on a  appelé la fausse passe  du récif de Paiou. Il est invraisemblable qu’elle se soit volontairement introduite dans la fausse passe du récif sans l’avoir reconnue au préalable, comme le veut Dumont d’Urville. Le nom de fausse passe des Esprits, Ngambe, de baie Ngambé doit nous interpeller, ainsi que celui de la Rivière des Esprits (des Blancs).
   Il y avait sur chaque frégate 12 canons dont 6 en réserve. On  a trouvé  6 canons  sur ces 24 :   deux canons de 1, 63 m de long dont un chargé ont été  repêchés par le Bruhat en 1883  dans ce gisement de la fausse passe  et sont aujourd’hui au monument d’Albi, 3 canons de plus d’une tonne repêchés par Reece Discombe , enfin une bouche de canon dont le reste s’est cassé dans le site de la faille du récif, -entendez du bateau de secours .On  n’  a retrouvé aucun canon de la Boussole, ce qui n’est pas étonnant.

  Après le naufrage des deux bâtiments,  les rescapés se comptèrent ; ils appartenaient tous  à l’Astrolabe, ils étaient environ 70 et n’avaient aucune nouvelle de la Boussole (les quatre rescapés de ce bâtiment, sans nouvelle de leurs compatriotes eux non plus, ne les rejoindront que plus tard). C’est dire qu’ils étaient beaucoup trop nombreux pour tous prendre place  sur l’embarcation de secours de 20 tonneaux qui leur restait. Il ne faut pas confondre cette embarcation de secours sur laquelle voyageront  Lavo et ses compagnons   avec le « bateau de secours » beaucoup plus grand, un deux- mâts,  construit sur cale sèche près de l’embouchure de la Rivière des Esprits   à partir des débris de l’Astrolabe principalement.   Aussi étaient-ils obligés de tenter de bâtir un navire  suffisant pour  pouvoir reprendre la mer tous ensemble,  vaille que vaille, grâce à  tout ce qu’ils pourraient récupérer sur les deux épaves. Les Vanikoriens disent qu’ils sont restés entre 5 et 7 « lunes  », soit 5 ou 7 mois, après mai 1788.
  Les gens de Tikopia racontèrent à Dillon (13), p. 398,  que « le vaisseau qui échoua à Paiou (l’Astrolabe) fut jeté sur une plage de sable (un bas-fond près du récif). Les naturels accoururent,  et lancèrent leurs flèches … ; mais les gens de l’équipage eurent la prudence de ne pas répondre par les armes à cette agression [on  a néanmoins trouvé, dans la fausse passe, deux  canons de 6 chargé pour se défendre contre les insulaires, mais Sutton de Clonard n’a pas donné l’ordre de tirer]. Au contraire, ils montrèrent aux assaillants des haches, de la verroterie et d’autres bagatelles comme offrandes de paix, et ceux-ci cessèrent leurs hostilités. »
Autre version, assez confuse et inexacte, du vieux Wéwo (12) : « Les gens de la tribu qui habitait le sud de l’île  poussèrent leurs pirogues à l’eau, firent force de pagaies au travers du lagon ( vers la fausse passe) et tombèrent sur les Blancs à coups de sagaie et de massue. Au carnage  ne pouvaient échapper que ceux qui se jetteraient à la mer pour fuir à la nage. Mais leur sort n’en serait  guère meilleur car ils ne pouvaient finir que par la noyade. » Les Français promirent  des cadeaux, et les indigènes cessèrent leurs hostilités. « Aussitôt que le vent eut un peu diminué, un vieillard poussa au large dans une pirogue et aborda le vaisseau. C’était un des chefs du pays; il fut reçu avec des caresses, et on lui offrit des présents qu’il accepta. Il revint à terre, apaisa ses compatriotes, et leur dit que les gens du vaisseau  étaient des hommes bons et affables ; sur quoi plusieurs naturels se rendirent à bord, où il leur fut offert à tous des présents. Bientôt ils apportèrent en retour à l’équipage des ignames, des volailles, des bananes, des cocos, des porcs,  et la confiance se trouva établie de part et d’autre. L’équipage du vaisseau fut obligé de l’abandonner. Les hommes blancs descendirent à terre, apportant avec eux une partie de leurs provisions. Ils restèrent quelque temps dans l’île, et bâtirent un petit vaisseau avec les débris du grand. »
L’Astrolabe avait trop de prises d’eau, et son équipage  a été contraint de bâtir « un petit vaisseau avec les débris du grand»,  comme l’ont dit les gens de Ticopia à Dillon. Pour cela, ils pouvaient récupérer  suffisamment de bois sur l’épave et à terre. Peter Dillon (13 A), p. 831, écrit : « le bâtiment qui avait naufragé à Paiou avait d’abord été retiré de dessus le récif  et halé au large, mais il avait échoué de nouveau. L’équipage l’avait mis en pièces pour construire un bâtiment à deux mâts ». Si l’on ne peut  retrouver aucune infrastructure de bois, ni sur le site de la fausse passe, ni sur le site d’échouage définitif du Lapérouse, sur  la faille,  c’est parce que l’équipage  a  tout récupéré sur le premier gisement et que, sur le second,  Makataï l’avait fait brûler plusieurs  jours durant.
  Du bois de la Boussole (tableau de poupe, peut-être les  planches trouvées  à Balade) put pourtant  être récupéré par les autochtones. Les naufragés aussi  purent aller récupérer,  les premiers temps du moins,sur l’épave de la Boussole à Makalumu les pièces dont ils avaient besoin pour construire le Lapérouse comme l’appelle Makataï,  et’il ne faut pas s’étonner d’en retrouver parmi les objets,  relevant majoritairement de l’Astrolabe, qu’on découvre sur le gisement de la faille où a fini le Lapérouse .C’est avec les débris des deux navires que les naufragés ont réparé leur bateau de survie, même s’ils ont surtout  utilisé les restes de l’Astrolabe. 

3) Le camp des Français, à Ambi (altération de Ngambé) et  le lieu de lancement du bateau de secours  sur la Rivière des Esprits (Ngambe)
 Même Conan (17), p.241, partisan pourtant de la  localisation du camp   à Paiou, reconnaît que « seule la rivière des Esprits, en face de la Fausse Passe, aurait peut-être pu offrir à l’époque des conditions adéquates, mais son embouchure est maintenant inondée et il faut aller loin vers l’intérieur pour trouver un sol sec et assez dégagé. »  De même le capitaine de vaisseau de Brossard après avoir évoqué le site de Paiou pour le lieu du campement des Français écrit (17), p.125 : « Mais un autre emplacement plus à l’ouest a également été désigné. » En face de Paiou nous avons simplement la Lawrence (ou Russell) ou  Paiou river.
4) Le sort final du bateau de secours  qu’on a cherché en vain ailleurs, l’Astrolabe II ou Lapérouse,  et son incendie par Makataï : la faille du récif.
La tradition orale rapporte que les naufragés ont eux-mêmes « démoli le grand vaisseau [l’Astrolabe] qui autrement, eût pu subsister encore très longtemps » afin de construire le bateau de secours.  L’Astrolabe II ,  à l’embouchure de la rivière des Esprits, ne  dépendait pas de  Makataï, le   guerrier installé à Ocili,   mais celui-ci était  jaloux des bonnes relations entre un chef qui était son rival et ces « envahisseurs » blancs ; il sut  capter  la confiance de ces derniers pour mieux les trahir  et mit , de nuit,  un terme  à la destinée du Lapérouse, qui fut , quelques jours après, entraîné par les courants ,   au cours d’une marée plus haute que les précédentes,  « vers le sud- sud-est », si l’on en croit le vieux Wéwo,  c’est-à-dire vers la faille du récif : « Quelques jours après le massacre,   [le Lapérouse, qui était à sec] se  remit à flot tout seul, sans doute grâce à une marée plus haute et partit à la dérive. Mais il n’alla pas loin et sombra, sous le regard des indigènes. « Là- bas, nous dit le conteur au bras maigre tendu vers le Sud -Sud- Est [la faille du récif] ».  Dans la rivière des Esprits (Ngambé, Blancs), où était construit le Lapérouse et où était installé le Camp des Français (et non pas près de la Rivière Russell),  à moins de 100 mètres de l’embouchure, il y a généralement très peu d’eau, mais il peut y avoir quelques 3 mètres d’eau dans les grandes marées.  C’est  là, dans un enfoncement de la rive ouest de la rivière  des Esprits  que fut construit et  que devait être lancé  le bâtiment de secours, le Lapérouse. Là se trouvait aussi le camp des Français :
 Le gisement de la faille du récif est bien celui du nouveau bâtiment,  le Lapérouse, fait à partir de l’ancien, l’Astrolabe.  En témoignent une fourchette qui appartenait au commis aux vivres,  décédé accidentellement en 1787, Jean - Marie Kermel,  et une fourchette armoriée appartenant à Fleuriot de Langle , tué en 1787 , tous les deux sur  l’Astrolabe
  Mais les survivants ont pu récupérer également des objets à bord de l’épave de la Boussole,  instruments de navigation ,  objets personnels et  collections , comme le sextant dont se servait peut-être le survivant  Roux d’Arbaud, lui qui, sur la Boussole,  faisait « des prodiges en matière d’astronomie » aux dires de Lapérouse.  Ils ont pu récupérer les affaires auxquelles ils tenaient, les souvenirs de leurs  compagnons disparus, sur la Boussole comme sur l’Astrolabe,  et ils ont pu les remiser au même endroit sur le bateau de secours (vaisselle du Père Receveur, de l’Astrolabe,  mort à Sydney).
 Mais l’hospitalité accordée par les Polynésiens va exciter , au bout de cinq ou six  mois, la haine d’un guerrier polynésien. Il faut citer ici la déclaration capitale, publiée par B. Brou, celle de Makataï (7),  « homme fort » polynésien installé à Ocili et chef de Teanu.

Déclaration de Makataï recueillie sur une petite île appelée Monovai, en 1990 (7).
« Un jour, un guerrier, nommé Makataï [de maka, rouge, c’est-à-dire homme blanc, et de taï, qui mange, le «  mangeur de blancs », altération de son vrai  nom , Taumakau !], arriva à Mallikolo [prononciation polynésienne pour la forme mélanésienne  Vanikoro ;   Makataï réserve le nom de Vanikoro à la petite île  Teanu et à un village situé sur cette île  appelé Mallikolo ou Vanikoro ] et trouva quelques indigènes qui vivaient sur l’île [ et qui se réfugièrent ensuite au nord-ouest de la grande île , dans la Vanu du nord ]. Il les tua tous et vécut en un  lieu appelé Osiri aujourd’hui de façon erronée par les immigrants [sic, explorateurs européens], Ocili ou Wassili en réalité » [il s’agit du havre de Dillon et de Dumont d’Urville,  Whanu-Ocili].  [Tout ceci est vrai car, nous dit Dumont, « naguère  un village se trouvait aussi sur la plage d’Ocili, et l’on en voit encore les ruines. Mais les habitants ont été exterminés  à la suite de quelque combat et leur territoire est tombé au pouvoir de la tribu de Tevai sur la petite île Teanu ». Dumont parle encore d’Ocili, (13A), p.1046 « dont les habitants ont été récemment exterminés.  
 «  Makataï résidait encore sur l’île [Ticopia ?] quand un navire [l’Astrolabe] fut jeté à la côte au port de Béu’u [généralement identifié à Paiou, en réalité Peuku  , soit Paucouri ] ou Pakaré en face de Ignama). Le navire, appelé Laborouse selon le nom de son commandant [les pièces réutilisables de l’Astrolabe, réemployées dans un bâtiment plus petit, peut-être baptisé Lapérouse en hommage au défunt commandant],  comprenait 200 membres d’équipage [Makataï compte les 60 rescapés de l’Astrolabe, les 104 cadavres de la Boussole et les 40 cadavres de  l’Astrolabe lorsqu’elle a heurté d’abord, elle aussi,  le récif de Makalumu]. Le navire Laborouse était échoué sur un de ses côtés (en cale sèche). Makataï se rendit à Béu’u  pour aider l’équipage du Laborouse  qui, lorsqu’il arriva, était en train de  construire un radeau [un train de flottaison du bois coupé] avec des arbres qui se trouvaient à proximité de leur campement. Makataï [avec ses hommes] continua à  aider [pour gagner la confiance de l’équipage], puis après quelques jours se décida  [à  tuer et manger] l’équipage.
  « Un soir,  il arriva que tous les hommes à terre [dans le camp des Français] étaient profondément endormis. Il  les tua d’abord, puis se rendit à bord [du Lapérouse] avec l’intention de tuer ceux qui y étaient. Il invoqua les esprits des ancêtres [le dieu qui a la forme d’une anguille noire, Tangaroa]. Il mit le feu au navire [on a trouvé des traces de feu sur l’épave de la faille du récif, -le bateau de secours, -ce qui gêne les partisans de l’identification de cette épave avec la Boussole,  l’Astrolabe seule ayant connu un commencement d’incendie raconté par Lapérouse lui-même]. Il tua  alors tous ceux qui étaient à bord  [les deux hommes dont les Australiens ont retrouvé des ossements en 1986, parmi lesquels peut-être Pierre Paris,  sa compagne Ann Smith dont les mêmes ont trouvé un ossement, et le squelette de Prévost ( ?)   retrouvés dans la faille], puis rassembla  des choses du bord telles que cuillers, tasses, assiettes et bouteilles. Il pendit à son cou une étiquette nominative [entendez une médaille du type des 100 médailles  « d’argent ou de bronze,  à l’effigie du roi, avec l’inscription « Les frégates du roi de France, la Boussole et l’Astrolabe commandées par MM. de La Pérouse et de Langle, parties du port de Brest en juin 1785 »] appartenant au commandant Laborouse [Sutton de Clonard ?]. Ces articles sont toujours conservés dans une maison coutumière [de Ticopia ?].   Un autre Français [extrapolation logique, mais Peter Dillon était en réalité  de nationalité britannique] arriva.  Son nom était Dillon. Il découvrit l’étiquette nominative au cou de Makataï, qui lui dit que c’était lui qui avait détruit le navire et tué l’équipage. Dillon demanda à Makataï de venir avec lui, mais Makataï avait peur d’y aller seul  [à cause des fantômes et des toupapaous] et demanda à quelques hommes de l’accompagner. Ils arrivèrent à Béu’u  et Makataï montra l’épave  à M. Dillon [l’épave reconnue par Dillon en sa compagnie est celle de la faille du récif, où Makataï a vu sombrer le Lapérouse après avoir quitté sa cale sèche à l’occasion d’une grande marée], puis ils retournèrent à  Vanikoro [l’île de Teanu] ».

Biographie de Makataï
Makataï est un sobriquet  pour un homme qui n’est pas un chef coutumier, mais un simple guerrier et qui  s’appelait Borey Thamaca, Thamaka indiquant que ses ancêtres venaient de l’île voisine de Thaumako  et qu’il appartenait au clan Tamako de Ticopia, comme ses descendants,  le chef de Tevai (ou Davey) Rathéa, le chef Gaspa (rd).mort en 2006 et l’actuel chef Stefen. Dillon (13 A), p. 910, nous en dit plus sur lui : il habitait à Ticopia et avait l’habitude de venir à Vanikoro, mais il n’y était pas au moment du naufrage ;  il y vint bientôt après. .Dillon (13A) p ;864 écrit que tous les objets qu’il avait obtenus à Ticopia y avaient été apportés par ce chef nommé Thaumaca, grand navigateur et grand guerrier , qui avait fait, dans le cours de sa vie, dix voyages à Vanikoro, d’où même il avait amené deux naturels à Ticopia. Il y a quelques années qu’étant parti pour l’île d’Anuta ou Cherry près de Thamako, il ne revint plus, et l’on supposa qu’il avait péri en mer. » Après sa mort, les gens de Vanikoro soufflèrent, n’ayant plus à craindre « les flottilles de cinq, dix et quelquefois vingt pirogues avec lesquelles il venait faire des descentes sur leurs côtes. »
Ce guerrier mystique avait souvenance des traditions sur les divins papalangui, mot qui signifie Espagnols , Blancs, et qui   est interprété comme signifiant planche du ciel, alors que c’ est l’altération de hispaniola,ou plus exactement de sa  métathèse his)paloni,((po)palangui. Il s’agit de Mendana qui, le 7 septembre 1595, voguait devant le volcan Timakula dont l’éruption lui fit perdre de vue l’un de ses trois autres vaisseaux, l’Almiranta Santa Isabel.   Le Santa Isabel se perdit.vers Utubua,  Anouda ou Taumako.  
Où a disparu la Santa Isabel ? A Taumako ou plutôt à Utubua,  très  vraisemblablement. .Si je me suis  étendu ci-dessus sur la perte du Santa Isabel, c’est que le guerrier Tamaka pourrait bien avoir tenté de faire renaître  le culte des popalangui divins et de renouveler l’exploit de ses ancêtres en incendiant leur vaisseau comme il fut fait à Utubua deux siècles plus tôt, , en les tuant par traîtrise et en les mangeant. Chose curieuse, le même phénomène de cargo cult  s’est  reproduit :îles Duff avec Vanikoro demandant en 1980 leur rattachement à Hawaï, Tanna (Collignon), Micronésie (Laprise-Mouton) ,   partout sur un arrière-fond de vaisseaux espagnols naufragés au XVII e siècle. B. Brou faisait remarquer que les sauvages de Vanikoro saluaient les blancs en faisant le baise -main,  qui peut avoir été hérité des Espagnols ou des Français.
 Une soixantaine de têtes coupées et desséchées ont longtemps orné la maison des esprits de Vanou (non  pas au nord-ouest, comme on l’a cru, mais à Whanu- Ocili, le havre de Dumont) : selon J. Guillou (8), p. 68, un vieux bossu  appelé Ta Faou  , qui , après avoir longtemps vécu à Vanikoro, vivait à Tikopia en 1827 et dont la mémoire était encore intacte,  affirmait avoir vu soixante têtes coupées dans la maison des esprits de Whanou –Ocili  [sur la grande île].  Ceci est confirmé par le Révérend Patteson, p.276,  qui  a vu à la fin du XIXe siècle, dans la maison des Esprits de  la petite  île Teanu, 60 crânes de blancs  ainsi que les restes cuits dans un four traditionnel d’un adolescent.
   Quelle raison a poussé le chef à cette agression ? Selon moi, c’est, outre la xénophobie, le désir de goûter une  chair inconnue, celle des blancs, et le désir de s’affirme, comme le révèle la  déclaration du vieux Wéwo,  recueillie en 1959 par Reece Discombe (12) : « Les (cadavres du camp des Français) servirent au plus fastueux des festins de la tribu et aujourd’hui encore, près de deux siècles après le drame, on y chante encore cette mémorable journée où l’on a mangé tant et tant (une soixantaine !) de Blancs  


Les deux «  cimetières » de l’île, à Mambola et à Ocili. .
A part la tombe de Marin,  il n’y a que deux « cimetières » de Français à Vanikoro : le plus grand à Mambola pour 140 personnes environ, soit 104 noyés de la Bousssole , dont vraisemblablement Lapérouse ,  Lepaute d’Agelet , et Duché de Vancy, plus 40 noyés de l’Astrolabe , et l’autre à Whanu-Ocili sur la grande île pour la soixantaine de rescapés de l’Astrolabe dont les cadavres ont été transportés, depuis le  camp de la rivière des Esprits,  pour le festin funèbre organisé par Makataï. 
                                           Les survivants
La diaspora des quatre survivants de la Boussole : Roux d’Arbaud, Colignon, Marin et Laprise-Mouton.
Comment ont-ils pu s’échapper à deux reprises?
 La première fois, écoutons  le chef de Temua, Valle, en 1826 : «  Quatre hommes échappèrent (au naufrage de la Boussole) et prirent terre près d’ici (à Temua) : nous allions les tuer quand ils firent présent de quelque chose  à notre chef qui leur sauva la vie [une grande hache]. Ils résidèrent parmi nous (à  Temua) pendant un peu de temps, après quoi ils allèrent rejoindre leurs compagnons à Paiou (Bé’u).»
La seconde fois, lors du massacre,  trois rescapés de la Boussole, Colignon, Laprise-Mouton et Marin  étaient sur le Lapérouse, tandis que le 4e rescapé, Roux d’Arbaud, faisait partie de ceux qui étaient préposés à la garde de  l’embarcation de secours .Les passagers du Lapérouse étaient quatre au moins ; trois parvinrent à sauver leur vie et gagnèrent Temua, dont le chef,   les avait bien accueillis la première fois.   Ils ont dû se prévaloir de leur amitié avec lui ; ce chef de Temua  a gardé Colignon avec lui et   donné  Laprise-Mouton et son « serviteur » Marin  au  chef polynésien allié de Paukouri.  
Quel était l’infortuné qui n’a pas réussi à sauver sa vie et  dont on a retrouvé le crâne et le squelette oubliés  par  Makataï sur le Lapérouse ? La méthode par élimination, appliquée aux résultats des  recherches de reconstitution du visage à partir du crâne par ordinateur,  nous permet de sélectionner Guillaume Prévost, l’Aîné, dessinateur pour la botanique, de  l’Astrolabe.
1) Le  botaniste Nicolas Colignon :   le chef mélanésien de Temua parlant le teanu   l’emmène dans une  migration au Vanuatu  jusqu’à Tanna, où l’on parle le  keanu, c’est-à-dire un dérivé du teanu.
 Les Colignon sont une famille lorraine de haute extraction, les comtes Colignon de Ville  Ils tirent leur nom de la seigneurie de la Ville- sur- Illon, à 12 km de Mirecourt dans les Vosges. Ils étaient alliés  aux ducs de Lorraine, souche de la maison d’Autriche de nos jours,  aux comtes de Vendôme et aux ducs de Bourgogne et fournirent des femmes à la maison de Hainault, de laquelle sont issus les empereurs de Constantinople : vers 1500, un Nicolas de Ville fut le bienfaiteur du chapitre de Remiremont. Un Colignon Ier, seigneur de Ville, baron et bailli des Vosges en 1470 à Remiremont, épouse sa cousine Mahaut de Ville de laquelle il eut  plusieurs enfants (branche IX d’André Ier), dont notre botaniste et jardinier (jardinier : « celui, dit Littré, qui entend bien l’ordonnance des jardins et en donne des dessins »).Il était membre de l’Ordre royal écossais de saint Andrew.
Il était vicomte et le pied de chandelier armorié trouvé par Dillon avec une couronne de vicomte, attribué parfois à Fleuriot de Langle,mais non reconnu par son descendant,  lui appartient vraisemblablement (12), p. 17 et 18.   Dillon, p. 916 (13 A)  parle aussi  d’un thermomètre lui appartenant : « l’un des [naturels] avait passé transversalement,  dans le trou dont ces insulaires percent la cloison de leurs narines, un morceau de tube de verre… Ce morceau de tube avait près de trois pouces de longueur et paraissait être un fragment de celui d’un thermomètre. » Il l’avait trouvé sur l’épave du bateau de secours, dans la faille du récif , sur l’épave du bateau de secours .Puis Dillon en achète un  second (13A), p .925: « un morceau de tube de verre bleu, de trois pouces de long, qui était exactement le même que celui que nous nous étions procuré la veille et qu’un des insulaires avait passé transversalement dans le cartilage de son nez,»  C’était les « deux thermomètres à mercure, gradués suivant Réaumur, pour être placés dans les caisses de plantes vivantes, afin de diriger le jardinier sur leur culture », indiqués  p. 112  dans l’Etat des objets nécessaires au jardinier pendant son voyage (13 A)
A Tanna,  la présence , comme à Maré, de maïs pré- européen avait intrigué B. Brou qui l’avait rattaché à l expédition de Lapérouse (12) : c’est Colignon qui, de même qu’il a laissé à Vanikoro des manguiers, des jamelonniers (Syzigiyum) et des cultivars  d’ arbres à pain (il y avait déjà à Vanikoro une espèce locale avec graines),  leur apporta ce cadeau bien utile, en même temps que des calebasses et des  mangoustans signalés par Dillon , des graines de  mandariniers et  d ‘ orangers, et des pieds de pommiers malaques , variété blanche, tabouée par les  indigènes : si on en mange, on devient tout blanc et c’est pour avoir mangé de ce fruit défendu que Colignon,  le prophète,  était devenu tout blanc ! Colignon finit ses jours  près du mont Tukosmeru, nom qui signifie (la demeure du) magicien français, Meru  signifiant Français,  comme Farani en tahitien, Marangi en micronésien, ou  Amarin en tanema à Vanikoro, et tuk, sorcier, comme duk- duk en Papouasie.   Les naturels en firent  un roi -magicien (tuko) et un génie (jon) qu’ils appelèrent Kerapenun (de Kolakenon, altération de Colignon).
  Beaucoup plus tard, un indigène appelé Mancheri  prétendit être la réincarnation  de Kerapenun sous le nom de Jonfrum, le génie (jon) Colignon (frum est l’altération de Krum,  contraction de Kerapenum) ou de Jonfrench à Moorea. Mancheri  devint l’âme du Cargo Cult de Tanna, Santo et autres îles, sous le nom de guerre de Jonfrum. Il est intéressant de souligner que le cargo cult a pris naissance dans des sociétés de l’âge de la pierre pratiquant le cannibalisme et qui voyaient un blanc  civilisé pour la première fois, que ce soit avec Lapérouse aux îles de Taumako près de Vanikoro , avec  Colignon à Tanna ou  avec Lavo à Lavongaï , île qui fut   le centre du cargo cult Johnson : les habitants, influencés par le nom du Président américain,le «  fils de Jon(frum) », avec sa syllabe jon qui, pour eux, signifie génie,  voulaient voter pour Johnson, le Président des Etats-Unis, et croyaient qu’il accepterait de venir les présider à Lavongaï, comme le duc d’Edimbourg à Tanna . 
  Le prophète prétendait annoncer un nouvel âge d’or, avec retour du fils ressuscité du dieu Colignon le 15 février et redistribution des biens « volés par les blancs » (sic). On croit encore aujourd’hui à la prophétie dans l’île de  Tanna : elle  a expédié deux cents ans après, en janvier 2014,  des représentants de ses  quatre tribus à Londres (et aux véritables  Hébrides qui avaient donné leur nom aux Nouvelles-Hébrides devenues Vanuatu ) pour tenter de voir Philippe, duc d’Edimbourg et d’apprendre de lui « si les papayes étaient mûres », c’est-à-dire si le temps était venu pour que Philippe d’Edimbourg ou son successeur accepte de venir régner à Tanna et y apporter l’âge d’or. Le duc d’Edimbourg les a reçus en audience privée et leur a répondu qu’il faisait encore trop froid en Angleterre pour que les papayes mûrissent.  Les hommes de Tanna ont été surpris du grand âge du duc : ils pensaient que leur dieu était nanti de l’éternelle jeunesse


Les deux protégés du chef polynésien de Paiou-Paukori : le premier pilote Jérôme Laprise-Mouton et  Alain Marin
Les démêlés avec les insulaires mélanésiens  de nos deux survivants,-de rudes gaillards tous les deux, -  accompagnés du chef polynésien de Paukori et de ses hommes, sont complexes. Le nom du chef blanc,  Mouton, a été altéré par les insulaires  en Matthew  prononcé matau. Il apporte à son protecteur et  ami,  le chef polynésien de Paucori,  l’inappréciable secours des armes à feu européennes à plusieurs reprises. 
La vie mouvementée de Laprise-Mouton et de Marin et la mort de ce dernier devant Tanema.
1) «  Les équipages rescapés (Mouton-Laprise et  Marin) construisirent un bateau  dans la baie de Saboë.  « Une large baie plus au sud-est, la baie de Saboe, aurait également pu offrir des conditions adéquates [au lancement d’une embarcation] : la KTC y avait d’ailleurs installé son campement initial, mais la petite rivière qui fournit l’eau douce s’est vite révélée insuffisante pour satisfaire les besoins des naufragés ».
2) Le bâtiment une fois  construit, ils s’installent à  à Ignama.  Legoarant de Tromelin a noté : « Ces Blancs [de la Boussole, Laprise -Mouton et Marin]  s’établirent au village d’Ignama, à environ quatre milles au nord de Paiou » (environ 7 kilomètres), plus exactement à Lambé, altération de Gnambé, les deux Esprits, les deux Blancs.
 Selon Gallipaud,  depuis Paucori,  à Béu’u (Paukouri), près de l’embouchure de la rivière des Esprits, Mouton aurait lancé des «  pierres chauffées» (boulets) et détruit l’îlot Filimoè en face d’Ignama,  où s’était réfugié le chef rival de l’allié polynésien de Mouton,  parce qu’il avait volé à  l’ami de Matthew la femme que celui-ci convoitait.
3) Ensuite il choisit  Paiou comme base  de ses opérations : Paiou est  décrit comme «  le lieu de résidence d’un officier ou d’un savant [Laprise-Mouton] et de son aide [Marin] qui décidèrent de rester dans l’île après le départ de leurs compagnons. »  Le camp présumé des Français prospecté par J. C. Gallipaud pourrait bien être le lieu de résidence de Laprise-Mouton.
4) Selon une   tradition rapportée par Dumont,  ils tuèrent,  grâce à leurs armes à feu,  3 chefs et 20 hommes  en train de piller le bateau échoué à Vanou, savoir le bateau de secours de la faille du récif. Dumont rapporte  encore que,  selon le chef de Teanu,  un  Français  venant de Paiou avait abordé au village de  Vanou, près de Dennemah, en face du lieu où le bateau de secours avait coulé, et avait tiré sur les naturels à coups de sarbacane (fusil) : il en avait tué une vingtaine.  Selon Galipaud, 5 chefs et des hommes furent tués, savoir les cinq chefs de Vanou, près de Paiou,  savoir Valeco, Oley, Amea, Feto et Tabinga, ainsi que presque tous leurs gens, une quinzaine. D’après une autre tradition, ils tuèrent  5 naturels de Vanou, dont 3 chefs et un  homme de Dennemah.  C’est une autre version du  même fait d’armes.
Dillon rapporte que Laprise-Mouton vint dans sa chaloupe jusqu’au récif près de Dannemah et y tua le chef de ce village qui s’appelait Naourey  près de Murivai (de l’autre côté de la baie de Saboè),  alors que le chef était en train de pêcher bien tranquillement . Matthew mit un instrument dans sa bouche (le fusil de Mouton est pris pour une sarbacane) et l’on entendit un grand bruit. Le chef Naourey  fut tué et  tomba en dehors de la pirogue et la magie du blanc empêcha qu’on ne pût retrouver son corps, emporté par des diables ou esprits..
5  La défaite devant Tanema et la mort de Marin.
Selon N. S. Hefferman, dans Government station Vanikoro, à Mac Neill, Australian Museum, janvier 1926 : « Mon gardien de prison me dit que les pièces de monnaie que l’on découvre constamment au village de Tanema (ou Dennemah, près du lieu d’échouage de la Boussole) ne proviennent pas du navire de Lapérouse [la Boussole], mais d’un autre bateau [l’embarcation de Jérôme Laprise-Mouton, qui avait dû laisser sa cagnotte à bord ] qui s’est échoué peu après [un an ou deux] .

La date.
 « Deux hommes blancs restèrent après le départ de leurs compagnons. L’un (Laprise-Mouton)  était  chef (le chef Mathew, altération de son nom, Mouton, par les indigènes), l’autre un homme qui servait le  chef (Marin). Le premier (ce dernier, mauvaise traduction ?) mourut il y a  environ trois ans (en 1823) ; une demie année après (en 1824) le chef du canton où résidait l’autre homme blanc (Laprise-Mouton)  fut obligé de s’enfuir de l’île, et l’homme blanc partit avec lui ; le district qu’ils abandonnèrent se nommait Paukori (Béu’u, Pakaré). Mais nous ne savons pas ce qu’est devenue la tribu qui l’habitait alors. » 
  La date semble fausse : Dillon a-t-il altéré l’indication du lascar,  désirant montrer la légèreté de son prédécesseur d’Entrecasteaux qui selon lui,  aurait pu sauver en 1793 les deux rescapés ?Il serait plus  vraisemblable que  la mort de Marin et le départ de Laprise-Mouton aient  coïncidé avec la migration qui aboutira à Ouvéa (Loyauté ) ,  transportant  à Balade des reliques d’un  bâtiments de Lapérouse, avec celle des Vanikoriens qui se terminera près de Temple Island (restes découverts en 1801) et avec  celle qui finira en Micronésie , donc entre 1789 et 1793  environ, sans doute vers  1790, à en croire  James O’Connell. De plus, le lascar Joë  dit lui-même à Dumont que les deux  blancs étaient morts il y a très longtemps
 De même, le  grand prêtre  Moembé dit  à Dumont : « Tous les blancs [du bateau de secours] qui essayèrent, plus tard, de gagner la terre furent à leur tour tués à coups de flèches, excepté deux pourtant qui se rendirent à Paiou (Béu’u, Paukori), mais n’y vécurent que quelques mois, et, peu de temps après, il se développa une maladie qui fit périr bon nombre de naturels. » On voit que des deux blancs, l’un  avait disparu, l’autre était mort, et que le lascar ne pouvait les avoir rencontrés.
Le deux  rescapé de la Boussole  et ses compagnons polynésiens quittèrent Vanikoro sur cette défaite de Tanema, à bord d’une biscayenne probablement, et émigrèrent  en Micronésie, vers Nutt et Pohnapé, puis vers Nukuoro et enfin vers  Kapingamarangi.  .
Une  trace de l’odyssée de Laprise-Mouton : l’île de Nutt en Micronésie.
James O’Connell, dans A ressidence of eleven years in New Holland and the Caroline Islands (réédition, p .201) écrit que selon ses calculs c’est  environ quarante ans (une génération ou deux) avant son arrivée en 1826, c’est-à-dire vers 1790, qu’un blanc moustachu présenta un couple de poules à un chef de Nutt. Il était arrivé sur un bâtiment à un mât. Pour moi, l’introducteur de ces volailles de Vanikoro à Nutt était Laprise-Mouton, notre rescapé.
Un autre indice : un canon fleurdelisé  trouvé à Pohnapéï.
 E n lisant La Pérouse … Et après ? de Jean Guillou (8) p.137   j’appris la présence  en Micronésie d’un canon fleurdelisé: après son escale à Nutt, sur le chemin de  Kapingamarangi, l’embarcation portant le rescapé de la Boussole ,  le chef polynésien et  6  de ses hommes fut envoyée par un sérieux coup de vent sur le récif entourant Pohnapéï et  Laprise-Mouton réussit   à sauver un canon fleurdelisé , en cuivre,    ressemblant à celui que Dillon  avait  rapporté (« un canon de 2 pouces avec fleur de lis »,  (12), p.31.Edmond Jurien de La Gravière,  dans son Voyage en chine (1854) ,  mentionne la présence  à Pohnapeï, d’après Rosamel,  d’ « un petit pierrier de bronze frappé d’une fleur de lys  » que l’amiral  supposait provenir du navire de secours construit par les rescapés de l’expédition Lapérouse ».  Un  héritier de l’amiral, Chales Jurien de La Gravière, fit  des recherches sur ce canon. Ne trouvant rien dans les papiers familiaux, il  eut l’idée de consulter les archives d’un arrière-petit-neveu de Rosamel et y découvrit le manuscrit de Joseph de Rosamel, catalogué sous le nom anglais de Pohnapeï (île de l’Ascension  prise pour l’île homonyme de l’Atlantique). J. C. Galipaud a donné, en 2005,  une excellente édition de ce manuscrit  (6). 
En 1840, Rosamel (6) p.35 avait pris ses informations auprès du Français  Louis Corgat, qui vivait avec une Micronésienne et avait aperçu  le canon à Kiti sur l’île de Pohnapé.  « Un [des passagers] descendit à terre à la nage tenant un pierrier (bouche à feu, ancien mortier de marine) d’une main et nageant de l’autre ; il maniait cette arme comme un fusil. C’est ce pierrier ou canon de cuivre qui fut porté dans l’intérieur et taboué par les indigènes. Le capitaine Dudoit le vit en 1834 et 1835. La corvette anglaise le Larne qui vint à Bonnebey [Pohnapeï] en janvier 1838 le fit transporter à bord et l’emporta. Le canon avait eu la culasse sciée par les naturels, la chambre pouvait avoir un diamètre double de la bouche et une fleur de lys, mal gravée, était sur  le bourrelet de la culasse qui n’avait pas été enlevé. ».
 Autre trace : le nom de Kapingamarangi, l’île du  Français à chapeau pointu, une « exclave » polynésienne en Micronésie.
Le chef de Paukori continua sa route avec 6 autres Polynésiens et son « captif » vers  une autre  île  de Micronésie, voisine de  Nukuoro,  nommée Kapingamarangi,  où l’on peut reconnaître le mot signifiant Français,   marangi (Farani en tahitien, altération du mot  Français,marang à Vanikoro), ka signifiant celui qui,  pinga signifiant  en forme de  courbe et faisant allusion au chapeau au bicorne d’officier).
 Ces  îles sont les seules  « exclaves» polynésiennes en Micronésie et les linguistes rangent leur langue  dans un  sous-groupe  comprenant Ouvéa (Loyalty), Futuna du Vanuatu et Wallis et Futuna. Kapingamranangi  se trouve  dans l’Etat de  Pohnapeï dont une ville  s’appelle Palikir. Dans ce dernier toponyme  on reconnaît une forme voisine de Paukori, le nom de l’endroit de Vanikoro d’où est parti le  chef polynésien  :  Palikir  signifie le pays  du serpent (likir cf. le nom de l’île Riger) enroulé en entonnoir (comme les engyralis australis de Lifou ou les Morelia viridis de Papouasie, pythons sacrés ayant la curieuse habitude de tendre un piège aux oiseaux dont ils se nourrissent en recueillant l’eau de pluie dans une sorte d’entonnoir qu’ils forment en se lovant pour les attirer). Le nom de l’île, Nukuoro est d’ailleurs  un emploi métaphorique  du nom de ce serpent  (Nigoro),  formant un  entonnoir plein d’eau, utilisé  pour désigner un atoll avec  une  lagune circulaire au centre, comme précisément l’atoll de Nukuoro.


Un autre bâtiment européen, deux siècles plus tôt : le naugrage de la  Santa Catalina en 1595
Dans la nuit du  10 au 11 décembre 1695, la frégate Santa Catalina, de l’expédition de Mendana et Quiros , toutes voiles hissées, avec le cadavre de Mendana et les hommes d’équipage morts et décomposés pour la plupart (est-ce une généralisation à partir du cadavre de Mendana ?), échoua à Ponapé en Micronésie. Ceratains rescapés, des Péruviens et des femmes, selon Langdon, s’échappèrent aux îles Truk.Interrogeons O’Connell sur les restes européens qu’il a pu connaître à Ponapé.
« Le sujet d’un autre chant était une figure de poupe d’un vaisseau qui fit naufrage et qui fut conservé dans le hangar à bateaux de Nutt. C’était le buste   d’une femme » auprès de laquelle on voyait  un bras brisé.    La figure de poupe  peut être celle de sainte Catherine et appartenir à la Santa Catalina ;  lorsque Rosamel écrit, p. 36 : « Il y a trois ans [en 1837], l’étrave de cette jonque existait encore dans la maison d’un chef de Métaloline,  elle a été détruite dans un incendie de cette case », le  déplacement est intervenu après 1836 , car le naufrage de la Santa Catalina s’est produit devant le port  de Ronkti, Lohd ou Rohr ou Lohn Kiti,  nom signifiant le chien (kiti) qui aboie (rohr) et renvoyant à l’anecdote rapportée par O’Connell qui évoque un chant célébrant l’aboiement d’un chien à bord d’un vaisseau européen : les chiens indigènes n’aboyaient pas, et les aboiements des chiens européens ont surpris les natifs.  Cité par les éditeurs de Joseph de Rosamel, savoir  J. C. Galipaud et Pierre de Rosamel, Hambruch parle  d’habit noir, de crucifix en or, de pièces de monnaie espagnoles en argent  et d’un cercle en argent trouvés à Métaloline et qui appartenaient à la frégate..
Dans Pedro Fernandez de Quiros, p. 140, il est question d’un homme  dans un petit canoë qui s’appoche du galion à Ponape et, montrant du doigt l’endroit d’où il venait, rompait quelque chose de blanc qu’il avait dans les mains, puis levait des noix de coco comme s’il en buvait.Etait-ce une allusion au sort de la Santa Catalina, le morceau blanc étant un morceau de voile ?
Quoi qu’il en fût, le rescapé de la Boussole  et ses compagnons polynésiens reprirent  leur route, de Kiti où le canon a   été trouvé,  vers Nukuoro et enfin vers  Kapingamarangi.  .
2) « Allain Mazrin » ou plus exactement (erreur de lecture, la boucle finale du ayant été prise pour un z) Alain Marin, de Quimper.
Jean Guillou (8), p.95 nous précise que l’un des deux survivant (Marin) « était mort à Paiou  et  que son corps  avait été  jeté à la mer, tandis que l’autre était parti dans une île  avec le chef qui jusque –là l’avait protégé », on devrait dire : les avait protégés.  Jean Guillou  précise  que «  ce renseignement est douteux, car, à Vanikoro, il était de coutume d’enterrer les morts et non de les livrer à la mer ». Mais la vieille tradition « océanienne » utilisait la technique du pourrissement des chairs  par immersion dans l’eau de mer. Le capitaine Dillon  nous rapporte cet usage en ces termes, p. 394  (13) : «  quand un ennemi tombe entre les mains (des Vanikoriens),  il est tué immédiatement ; son corps est déposé dans de l’eau de mer et y est conservé jusqu’à ce que les os soient complètement dépouillés.  Le squelette est alors retiré : on gratte les os que l’on coupe de diverses manières pour former les extrémités aiguës des flèches et des lames. » L’eau boueuse et habitée des mangroves fait très bien l’affaire. Les bras et les jambes sont seuls mangés. Les autres ossements servent, une fois polis, à faire des pointes de flèches, etc. On a montré à l’expédition Salomon, à Lalé  un morceau d’humérus de 16 cm aux deux extrémités cassées, mais non fendu dans le sens de la longueur (p. 27, bulletin de la SEHNC n°90) : appartenait-il à Marin ?  
Ce rescapé de la Boussole avec ses amis polynésiens et avec Laprise-Mouton a péri  devant Tanema lorsque leur chaloupe a été assaillie, puis il a été mangé. C’était le matelot Alain  Marin,   originaire de Quimper, dont le nom, estropié sous la forme Mazrin, se retrouve sous la forme Mara dans le nom de la tombe [entendons  le pourrissoir, le lieu de décharnement]  de Mara, de Marin,  redécouverte dans les palétuviers en 1990 par l’Association Salomon et située justement sur le territoire de Tanema. Lorsque Dillon, puis Dumont d’Urville interrogèrent les indigènes polynésiens  sur le  nom mara, ils répondirent (13A) p. 1045 : « il a été impossible à Valiko de me donner l’origine du nom mara qu’ils assignèrent aux Français ; seulement, il dit que quand on demandait à ceux-ci d’où ils venaient, ils répondaient : Mara [France]… Avant ces deux navires, ils n’avaient jamais entendu parler des papalagui, mot qu’ils ont adopté de la race polynésienne pour désigner tous les blancs. »  Mara vient, non de marin, mais de France, Français…Le nom propre  Marin est un  paronyme de Mara (n), Français, cf le tahitien Farani. B. Brou raconte (7), p. 28  et 51,  qu’un  crâne et une dent, -ceux de l’in fortuné Marin, - y ont été retrouvés près d’un polissoir de basalte. Les  vainqueurs ont emporté à Lalé  certains os, l’humérus notamment,   pour les manger.
De Roux d’Arbaud, un noble doué pour l’astronomie.
Nous le retrouverons avec Lavo sur l’embarcation de secours. Qui était ce Roux d’Arbaud dont nous ignorons le prénom? Si l’on en croit l’Indice delle famiglie nobili del Mediterraneo, il s’agit du lointain  descendant d’un noble napolitain nommé  Carlo Rosso, seigneur  de Corbaria et de Palizzi, mort entre 1341 et 1346, chambellan de la reine Jeanne de Naples et impliqué dans l’assassinat de son mari. Rosso   fut  obligé de s’exiler :  sa famille  francise alors  son  nom  en  Roux ; elle s’installe dans la région de Gap et de Digne  : on trouve un Onorato Roux, podestat de Digne et seigneur de la Peyrusse , qui épouse Marguerite de Foissart , dame de Saint- Jeannet , à Digne le 26/10/ 1597, puis un  Antonio Roux, seigneur de la Peyrusse,  né vers 1608, mort à Digne le 12/06/1682,  qui ,  en 1631 , épouse Françoise d’Arbaud , enfin un Antoine de Roux d’Arbaud, seigneur de la Peyrusse vers 1695 qui doit être le grand-père du nôtre. Le nom du fief de la Peyrusse ou la Peyrouse (du latin petrosa, [plaine] pierreuse) pourrait être à rattacher aux actuels Rochers de la Peyrouse dans l’Isère près de Chichilane. La paronymie de la Peyrouse et de la Pérouse a pu rapprocher Lapérouse et  notre garde volontaire.

 En 1826,  Valle, le chef mélanésien de Temua, déclare : « les hommes blancs avaient coutume de regarder le soleil au travers de certaines choses que je ne puis ni dépeindre ni montrer, parce que nous n’avons aucune de ces choses.»
Quelles étaient ces « choses inconnues » ? Probablement  le quart de cercle mobile de trois pieds de rayon fait par Langlois en 1756 (Etat des instruments au Ier avril 1791, par Cassini IV) avec le Nota bene suivant : « Cet instrument a été prêté à M. d’Agelet pour le voyage de Lapérouse autour du monde. Il n’y a plus d’espérance de  le revoir jamais. «  Or, Lepaute d’Agelet étant embarqué sur la Boussole a dû périr avec la plupart des autres membres ; mais son précieux appareil avait  été récupéré et rangé sur le bateau de secours .On l’a retrouvé en 1990  dans l’épave de  la faille du récif, c’est-à-dire dans l’épave du bateau de secours en construction, ainsi qu’un  morceau de  quart de cercle « Langlois Paris Galleries du Louvre 1756 » (p.  21, N° 90 du bulletin de janvier 1992 de la SEHNC), ainsi qu’une plaque de cuivre avec un soleil entre trois fleurs de lys et l’inscription « Langlois, Ingénieur du Roy, Paris aux Galleries du Louvre, fecit [m’a fait] 1756 ».
 Qui étaient ces astronomes survivants ? Nous pouvons penser au jeune Law de Lauriston, passager de l’Astrolabe, dont les compétences en matière d’astronomie sont louées par Lapérouse,  et à Roux d’Arbaud dont Lapérouse nous dit dans ses lettres qu’il « était un prodige en matière d’astronomie » (Catherine Gaziello, thèse sur L’expédition La Pérouse : une réplique française à l’expédition de Cook, publiée en 1984 sous le titre L’expédition de Lapérouse (1785-1788).

  Le départ en catastrophe  de l’embarcation de secours (différente du bateau de secours, qui était bien plus grand), avec le lieutenant de vaisseau  François Michel Blondela ( né le 17 .05.1761 à Saint-Malo , 27 ans)  et son domestique Joseph Héreau,  le chirurgien-major Simon Lavo,  le matelot Joseph Richebecq , né à Roscoff, le 12.12.1766,  (14), tous les quatre rescapés de l’Astrolabe,  et  l’officier Roux d’Arbaud, rescapé  de la Boussole.
B. de Lesseps nous renseigne, Journal de bord d’Albi, N° 59, « La vie à bord de l’Astrolabe », sur le nombre d’embarcations à bord, savoir cinq sur chaque frégate et au moins autant en réserve : une « lourde et forte chaloupe  qui marchait mal et dérivait beaucoup,  un grand canot et un petit dont nous n’avions eu qu’à nous louer,  n’ayant qu’un tolet , avec des estropes (cordages en forme d’anneaux qui servent à retenir les avirons et les empêchaient de déborder ),  une biscayenne (détruite au Port des Français et reconstruite à Botany Bay) et une yole: L’embarcation de secours de 20 tonneaux , probablement le grand canot avec le petit canot et la yole, était ancrée en eau assez profonde dans la rivière  des Esprits .  Cinq personnes étaient préposées à sa  garde,  savoir  Blondela et son domestique Joseph Hereau,  Simon Lavo,  Roux d’Arbaud et  Joseph Richebecq. Ils réussirent à sauver leur vie  en  mettant à la voile dès le début du massacre au camp.
1) Nous avons déjà parlé du rescapé de la Boussole, Roux d’Arbaud,  dont le  nom est devenu  Darqo dans le récit de Jacobs: n’ayant pas le groupement consonantique  RB, la langue locale a utilisé un groupement voisin QBW avec labio-vélaire donnant Darqo, écrit Darco par Jacobs.
2)  Blondela ( ?)
C’est le passager dont l’identité est la moins certaine. L’enseigne de vaisseau Blondela assurera le commandement jusqu’à son assassinat à Amakata en Papouasie. Il a son domestique avec lui, Héreau.  
3) Nous connaissons , grâce à Alain Denizet  (2 et 3), le chirurgien- major de l’Astrolabe,  Simon Lavo, originaire de Germinonville en Eure-et-Loir, où il naquit le 17/02/1755 dans une maison sur laquelle une plaque a été apposée. Sa famille tenait son nom orthographié Lavo du fief et de la seigneurie de Lavau (la vallée) attesté dans les archives en 1570-1759 (E 1457) et 1776-1799 (E 1466). Il était fort intéressé par les langues indigènes. 

 On trouve,  dans une mélopée indigène en langue  tungak citée par Jacobs (2) p. 150 :
                                             E-rin go-lu-rin go-lar
                                             E-rin go pi tang ar-r
                                             Re-gare o bu, Pepe Lavo,
                                             Re-gare Darqo, or go Aroo
On y  remarque le Pépé Lavo, très affectueux, - marque de reconnaissance pour les soins que le chirurgien  a dû prodiguer aux indigènes.
4) Le chant nous livre le nom de Joseph Héreau,  altéré sous la forme Aroo (dans go arroo, c’est-à-dire chantons Héreau, oo notant o), qui était  originaire de Tours et qui  était domestique de l’enseigne de vaisseau   Blondela sur l’Astrolabe.
5) Jacobs nous révèle encore, p. 85, que Darqo a un demi-frère nommé Pong Aracoopo, où pong (o) était le surnom de Richebecq, et où Aracoopo dissimule  le nom du père de ce métis,  un gabier de l’Astrolabe,   Joseph Richebecq, mal vu des indigènes,  qui finirent par le tuer et  qui appartenait à une famille de marins  installée à Roscoff (14).

L’odyssée de l’embarcation de secours,  depuis son  départ de Vanikoro jusqu’à sa destruction par un tsunami devant Lavongaï, l’abandon par les rescapés de toute espérance de regagner l’Europe par Manillle et leur installation définitive à Lavongaï..
 Ticopia : première escale ?
Bien que Dillon ait affirmé que le bâtiment en question était le Barnwell en 1798, les Ticopiens racontent que,k bien avant le passage du Hunter  en 1813, trois bâtiments leur avait déjà rendu  visite et qu’un bâtiment inconnu s’était présenté en vue de l’île, mais qu’ils pensèrent qu’il s’agissait de mauvais génies venus pour les détruire. « Ce bâtiment [le bateau de secours] mit son canot à la mer et s’approcha de terre, mais les habitants assemblèrent toutes leurs forces pour s’opposer au débarquement ; les hommes du canot firent plusieurs tentatives pour débarquer, mais sans effet, et ils retournèrent à  bord de leur bâtiment, qui appareilla aussitôt, et qui fut bientôt hors de vue, à la grande joie des Tikopiens. »

Un témoignage sur  une  escale méconnue de l’embarcation de secours à Santa Cruz : le témoignage de  d’Entrecasteaux déniché par Jean Guillou.
En 1793, d’Entrecasteaux aperçoit  sur la côte nord, au-delà de l’entrée de  la Baie Graciosa , des pendants d’oreille faits de verroterie, ainsi qu’une hache faite d’un morceau de cercle de barrique.  D’Entrecasteaux réputa que ces objets venaient du passage de Carteret  en 1766, mais Jean Guillou (9) pense à juste titre qu’il s’agit de l’embarcation  de secours qui réussit  à s’approvisionner en eau et en nourriture auprès des naturels de l’île Santa Cruz et il parle d’ « occasion perdue » pour d’Entrecasteaux. A l’appui de son hypothèse, nous trouvons dans Dumont d’Urville (13A), p. 1046  que les insulaires « savaient que trois bâtiments de cette nation [française] avaient passé devant les côtes de Nitendi [Santa Cruz] sans y toucher… L’Astrolabe [de d’Urville]  a été le quatrième navire [français] qu’ils aient vu », savoir le bateau de secours,  les deux  frégates de d’Entrecasteaux et l’Astrolabe de Dumont d’Urville.  Le navire battant pavillon anglais anglais de Peter Dillon avait été celui qui précéda l’Astrolabe.de Dumont d’Urville. De plus, p.939, Dillon raconte comment trois navires étaient venus  près de l’île Indeni (Santa Cruz), et que les naturels avaient lancé des flèches sur les canots de ces bâtiments. Il en était résulté un combat dans lequel  plusieurs insulaires avaient été tués. » Ce ne peut être les deux  navires de d’Entrecasteaux : c’est donc bien du bateau de secours qu’il s’agit.


Trois   témoignages concordants sur la même région (îles Amakata et Mau), dans le canal Saint- Gorges : l’attaque d’un esquif, l’assassinat  de Blondela ( ?)  et le passage du commandement à Lavo.
Un premier témoignage sur les indigènes d’ Amakata  et sur leur contact avec les Européens : celui du capitaine Hunter en mai 1791.
Dans l’édition  Milet- Mureau ,  p. XLVI, nous apprenons que Hunter ,   en mai 1791,   près de l’île du duc d’York (la petite York, Amakata),  à l’ouest de la Nouvelle- Irlande , aurait aperçu  une pirogue montée par des naturels qui lui avaient paru revêtus d’uniformes de la marine française. Selon Magon d’Epinay, plus précis, Hunter aurait en réalité aperçu deux piroguiers avec des baudriers européens en  drap rouge  et en drap bleu. L’uniforme de la marine royale de l’époque comprenait pour les lieutenants et les capitaines de vaisseau une veste bleue et une culotte, cuissard ou « baudrier » rouge dont les indigènes auraient pu se servir, en particulier pour se faire des ceintures d’apparat. Blondela de Taisy était lieutenant de vaisseau. Le collègue de Magon,  Préaudet,  ajoute la possession de rasoirs.  
 Robert Langdon a fait remarquer qu’il y a là un contresens sur l’expression anglaise « French habits » qui ne signifie pas habits français, mais habitudes françaises, manières françaises.  Georges Pisier écrivait dans le bulletin 22 de la SEHNC : « Il y a lieu de se reporter au Journal du capitaine Hunter. On sait [par Milet- Mureau] que Hunter, passager à bord du navire marchand hollandais Waaksambeyd,  aurait, après avoir passé le canal Saint- Georges [entre la Nouvelle-Bretagne et  la Nouvelle-Irlande], aperçu, en mai 1791 des indigènes des îles de l’Amirauté [en réalité, l’île Amakata] qui portaient des habits européens ayant l’apparence d’uniformes français. A Batavia (Djakarta) il aurait raconté le fait à deux capitaines de navires français, Magon de l’Epinay et Préaudet,  qui s’empressèrent d’en aviser M. de Saint- Félix, commandant la station navale de l’Océan Indien à l’île de France (île Maurice), afin qu’il avertisse  lui- même l’amiral d’Entrecasteaux , envoyé par la Convention à la recherche de La Pérouse en décembre 1791 , qu’il avait vu les débris du bâtiment de secours  de l’expédition  flottant sur les eaux et que les naturels connaissaient les Européens et l’usage du fer. Le commodore Hunter…a vu,  près des îles de l’Amirauté… des hommes couverts d’étoffes européennes et particulièrement d’habits qu’il a jugés uniformes français » (9 novembre 1791) .
« Un ou deux jours après avoir franchi le canal Saint-Georges,  [le commandant Hunter et ses officiers] ont vu de grand matin deux des îles de l’Amirauté et s’en sont trouvés très près… . On a remarqué que deux des hommes qui étaient dans ces pirogues avaient des ceinturons pareils à ceux que portent les officiers en Europe….Plusieurs d’entre eux avaient sur leurs habits des morceaux de drap rouge et bleu qui prouvent qu’ils ont eu connaissance avec des européens.. Comme ,  avant son départ de Botany Bay, le Capitaine Hunter,  commandant le Sirius, avait appris de M. de La Pérouse lui-même que son projet était de prendre le canal Saint-Georges, les officiers de cette frégate sont bien persuadés qu’il aura inopinément rencontré ces îles sur lesquelles il se sera perdu. Je soussigné certifie cette relation conforme à ce que j’ai recueilli de différentes conversations avec les officiers de la frégate le Sirius arrivée à Batavia après le naufrage de cette frégate, sur un petit vaisseau hollandais, avec lesquels je m’y suis trouvé dans la moitié d’octobre [1791].»
Dans son Journal, Hunter ajoute une précision :
« L’un de ces indigènes tenait quelque chose dans sa main avec quoi il se rasait souvent les joues et le menton ;  cela m’induisit à conjecturer que quelque Européen eût été récemment parmi eux et je pensais qu’il ne fût pas improbable que ce fût Monsieur de La Pérouse en route vers le nord depuis Botany Bay. »  
D’Entrecasteaux  qui, en 1793, a eu connaissance de tous ces témoignages, a fait des gorges chaudes de ces gestes pour se raser, rappelant  que les indigènes se rasaient avec une coquille coupante et que cela ne prouvait rien. Il a prétendu aussi que les baudriers (dont il fait de simples  ceinturons) ne sont que la peau noirâtre des insulaires et ajouté que Saint- Felix, Magon et Préaudet lui ont fait perdre son temps.
Le nom d’îles de l’Amirauté ne doit pas faire illusion et il faut se fier pour la localisation au général Milet- Mureau qui nomme l’île du duc d’York,  entendons la petite York ou Amakata (de amaka, rouge, nom du blanc, et taï, manger, cf. Makataï).
En réalité, le témoignage du journal de Hunter  porte sur des rasoirs vus entre les mains des indigènes de l’île Mau,  qui sont la trace d’une escale pacifique dans cette île. En revanche le baudrier d’uniformes d’officier  a  été arraché à un  officier (Blondela) massacré dans un esquif de secours près  d’ Amakata. A partir de ces escales d’Amakata  et de Mau on peut déduire que nos rescapés longent la côte ouest de la Nouvelle -Irlande.
Un deuxième  témoignage concordant : celui du capitaine Bowen, de l’Albermarle , en  décembre 1791 : l‘attaque d’un canot à Amakata .Latitude  9 °sud et 159° de longitude méridien de Londres selon Bowen.
Dans son  discours préliminaire au voyage de Lapérouse en 1797,   le général Milet -Mureau (p. XLVIII), nous apprend que Bowen a aperçu , sur la côte de la Nouvelle- Géorgie (Nouvelle-Irlande) ,  les débris du vaisseau de M. de La Pérouse (un seul vaisseau, l’embarcation de secours) et dans les  Tableaux historiques, politiques et pittoresques de l’île de France , de Ferdinand Magon de Saint- Elier (p. 234) , nous apprenons que Bowen avait déclaré devant le juge de paix  de Morlaix qu’« il a aperçu lui-même, sur la côte de la Nouvelle- Géorgie, ainsi nommée par Shetland (les Salomon de Mendana) [la Nouvelle-Irlande], des débris du vaisseau de Lapérouse , flottant sur l’eau ; car il croit qu’ils sont provenus d’un bâtiment de construction française. Il ajoute qu’il n’a pas été à terre, mais que les naturels du pays sont venus à son bord, qu’il n’a pu comprendre leur langage, mais que par leurs signes il avait appris qu’un bâtiment avait abordé dans ces parages ; il dit que ces naturels connaissent l’usage de plusieurs ouvrages en  fer, et que leurs pirogues sont supérieurement travaillées [par des instruments en fer]. Lorsque les naturels du pays étaient à son bord, il n’avait eu encore aucune connaissance de ces débris ; mais qu’en suivant la côte, il les aperçut à l’aide d’un grand feu allumé à terre [par les natifs pour défricher?] le 30 décembre à minuit ». Selon Bowen Bougainville [avec sa Louisiade], le lieutenant Shortland [avec sa Nouvelle -Géorgie], qui avait sous ses ordres l’Alexandre et le Friendship, Lapérouse et lui, Georges Bowen, étaient, dit-il, les seuls européens qui eussent navigué dans ces parages ; il a reconnu en la possession  des Indiens des filets de pêche dont les fils étaient de lin, et dont la maille était de fabrique européenne. Bowen ajoute qu’il a conservé un morceau de filet, par curiosité, d’après lequel il sera facile de juger que la matière et la main d’œuvre proviennent d’un vaisseau européen. Le climat de cette contrée est très chaud ; les Indiens vont nus, et par leurs signes on s’est assuré qu’ils avaient vu des vaisseaux. »  .Les débris aperçus sont ceux d’une partie du canot  attaqué, où se trouvaient Blondela et son serviteur Héreau qui réussit à sauver sa vie.  
  Langdon avait déjà noté dans la région les filets de pêche de façon européenne, mais il les rattachait aux vaisseaux espagnols du XVIIe siècle. Toutefois la connaissance du fer indique que l’embarcation de secours, après l’attaque dont Blondela fut la victime sur le canot à Amakata, s’est arrêtée quelque temps chez eux à Mau et qu’il y a eu des cadeaux divers, comme les rasoirs.
Un troisième  témoignage : celui de Hobbs : l’attaque du canot en décembre 1788 par les indigène  et  les trophées conservés   dans leur île à  Simbo (île Amakata.)   
D’Entrecasteaux, en 1793,  a eu connaissance de ce qui suit,  qui pour lui est une tromperie.
 Extrait du journal de James Hobbs, premier officier du navire l’Union,  de Calcutta, capitaine John Nichols, destiné pour Pinang (en Malaisie), 14 avril 1811, communiqué à Dumont d’Urville à Hobart –Town (Tasmanie) le 20 décembre 1827 (13), p. 400 : « Comme nous étions en calme sur la côte de la Nouvelle- Géorgie [Nouvelle-Irlande] ou îles Salomon [de Mendana], j’allai dans le canot avec quatre lascars  et un matelot anglais, afin de  me procurer quelques fruits pour l’équipage, sur une île située  par 8°18’ lat. Sud, et 156 °30’ de long. Est [île Amakata ou Simbo], ne pensant pas qu’elle fût habitée, attendu qu’elle paraissait fort petite. Nous étions beaucoup plus loin de terre que je ne le croyais, et, avant d’y être rendus, le navire fut hors de vue. Quand nous fûmes près du rivage, l’île nous parut traversée par un chenal à marée haute ; au milieu de ce passage, je pus observer très distinctement un grand espars [poutre employée comme mât ou vergue] ou bien un mât planté droit debout, avec quelque chose qui me parut être le gréement [ensemble des cordages et poulies servant à la tenue et à la manœuvre de la voilure et de la mâture] pour le soutenir .Une pirogue montée par un homme et huit ou dix jeunes gens s’avança, en nous montrant une branche d’arbre pour nous inviter à descendre à terre avec eux. Ils semblaient très bien disposés, et je désirais me rendre à leurs vœux. [Mais l’équipage de la chaloupe, méfiant et   terrorisé, refuse absolument d’obéir à ses ordres.]Durant ce temps le rivage s’était couvert de naturels ; ceux-ci voyant que les vieillards et les jeunes gens ne pouvaient réussir à nous amener avec eux, une femme s’avança seule dans une pirogue. Les hommes du rivage voyant que toutes leurs sollicitations étaient sans succès, et le canot étant tout près de la terre, en quelques minutes nous fûmes environnés par quarante ou cinquante pirogues, qui contenaient chacune depuis un jusqu’à vingt naturels. Alors la femme témoigna par signes le désir que je fisse connaître à ses compatriotes si j’étais un homme ou une femme, ce que je fus obligé de faire, et ils en furent très réjouis. Les hommes de mon canot étaient tellement dominés par la frayeur qu’ils avaient à peine la force de tenir l’embarcation au large des rochers. Le navire était encore hors de vue ; mais,  à notre satisfaction, il survint un grain violent, et quand le ciel se fut éclairé, le bâtiment se montra à nos regards, ce qui redonna la vie à mes hommes, et nous forçâmes de rame vers le navire. Quand nous  nous en approchâmes, je crus sa perte assurée, attendu qu’il était entouré d’un grand nombre de pirogues et que son pont était si complètement couvert de naturels que je ne pouvais pas même distinguer un seul des hommes de l’équipage. J’accostai en hâte, et je m’empressai de dégager le pont ; mais je dus recourir à la violence, même en blessant au bras un homme qui avait volé tout le fer des pompes. Au même instant un rocher de corail se montra sous le navire, mais heureusement nous ne touchâmes point. Nous étions alors six milles environ au sud-est de l’île du nord –ouest [Mau].  Quelques naturels portaient des morceaux de fer, des barres de ce métal, et des étoffes rouges [uniforme de Blondela] dont ils semblaient faire un grand cas. Très peu parmi eux avaient apporté des armes. Ce sont de grands voleurs ; quand ils réussissent à dérober quelque chose, ils sont enchantés et se sauvent en sautant à la mer par dessus le bord. JAMES HOBBS. »
D’Entrecasteaux a raillé ce qui n’était, selon lui, qu’un arbre avec une branche effeuillée. Pourtant, il y a beaucoup de chances pour que ce soient les trophées remportés par les indigènes au cours de  leur rencontre avec le petit canot des rescapés : les insulaires ont tué Blondela,  ils ont abattu le mât du canot et son  gréement qu’ils ont emporté triomphalement avec eux dans leur île d’Amakata. Ils y ont découpé son uniforme dont ils ont pu tirer des morceaux de drap bleu et de drap rouge. Le nom de celle-ci (l’île où l’on a mangé, -taï,-du blanc, amaka) ne doit pas nous laisser d’illusion sur la fin de l’infortuné officier : il a été mangé.  Quant aux latitude et longitude indiquées par Hobbs, elles étaient très incertaines à l’époque : ainsi pour l’île de Bouka Bougainville donne-t-il entre 158° 37’et 159°4’ de longitude est et  9°7’ de latitude sud-est, ce qui est faux, mais cohérent avec les coordonnées de Hobbs  pour l’île d’Amakata et avec  mon identification de Mau.
 A la mort  de Blondela,   Simon Lavo prend le commandement  de l’embarcation, décidant de suivre la côte ouest de la Nouvelle-Irlande et conservant l’espoir de gagner les Philippines, car il a perdu un esquif seulement.

Les témoignages sur Lavo
1  Le  témoignage d’un « baleinier »,   plus exactement d’un phoquier anonyme : la découverte de médailles et de la croix de saint Louis de Blondela  en « Louisiade » et en « Nouvelle-Irlande ». 
Vers 1825, le vice-amiral Thomas Manby  transmet au Ministère de la Marine le rapport d’un baleinier anglais ou américain datant de 1820 (10), p. 396, qui découvrit, sur une île « longue et basse, environnée d’écueils innombrables, entre la Nouvelle-Calédonie et la Nouvelle-Guinée » des indigènes portant en guise de boucle d’oreille une croix de saint Louis, des épées arborant le mot Paris, et des médailles à l’effigie de Louis XVI , d’argent ou de bronze,  avec l’inscription « Les frégates du roi de France, la Boussole et l’Astrolabe commandées par MM. de La Pérouse et de Langle, parties du port de Brest en juin 1785 . Précision sur le lieu : « entre les mains des sauvages de la Louisiade et de la Nouvelle- Calédonie » (s’agit –il d’une confusion pour la Nouvelle- Géorgie ?).
 La Louisiade en cause, ainsi nommée par Bougainville, n’est pas la Louisiade actuelle : c’est vraisemblablement un archipel  situé dans le canal Saint- George entre la Nouvelle-Bretagne et la Nouvelle-Irlande et  comprenant l’île Mau, où l’on a trouvé ces médailles.   La Nouvelle- Géorgie où la croix de saint louis de Blondela a été repérée n’est pas la Nouvelle- Géorgie actuelle non plus, c’est,  à côté du canal Saint-Georges,  la Nouvelle-Irlande avec des îles comme Amakata.
a)      Pouvons-nous tenter de percer l’anonymat de  ce baleinier ? Les renseignements de Jacobs sur le chirurgien de Lapérouse, nous dit-il, viennent de « de plusieurs sources ». Or, son commandant,  le Capitaine Morrell, qui avait été phoquier,  était déjà passé dans ces îles et c’est peut-être lui qui, en 1823, sur la Wasp,  avait trouvé  la croix  de saint Louis et quelques  médailles : celles-ci l’avaient renseigné, sans doute possible,  sur l’origine  française des rescapés.  De plus, Jacobs peut avoir eu recours aux témoignages de Bowen, de Hobbs et de  Hunter. Mais comment a-t-il su en 1844, à New York,  que Lavo,  qu’il orthographie Laveaux,  était chirurgien ? Morrel a pu, lorsqu’il était à londres en 1837et avant d’écrire au gfouvernement français, se rendre à l’arsenal de Brest pour y consulter le rôle des équipages .Sur celui-ci, on peut déchiffrer la même orthographe que Jacobs utilise, Laveaux (la dernière boucle du v a été lue comme un e),  et, comme chez Jacobs, la simple mention « chirurgien »
b)      En 1833, le capitaine Morrell , de retour d’un voyage dans le Pacifique , informe le ministère de la Marine du fait qu’il a découvert les enfants Laveaux et le ministère propose au premier ministre de « visiter cette île (Ridger) et de voir s’il n’existerait pas quelques papiers entre les mains des enfants Laveaux. », car « si leur père est mort seulement en 1834, il a dû leur apprendre le français et leur donner des renseignements précieux sur le sort de l’expédition. » Mais le ministère ne donne pas suite. Ce texte prouve en tout cas que, bien avant la publication de Jefferson en 1844, l’existence de Lavo était connue. Toutefois on peut douter de la date de 1834 (cela ferait à Lavo 79 ans) figurant dans une copie des archives de la Société de Géographie de Paris.

c)       Qui, sur l’Astrolabe, pouvait porter cette croix de saint Louis ?  Blondela, qui avait participé à la guerre d ‘Amérique et dont un frère avait reçu le même prestigieux ruban, portait le cordon rouge de saint Louis. . Je n’ai pu trouver la date  d’attribution de l’ordre de saint Louis à Blondela, mais les listes sont fort incomplètes et ne comprennent ni Lapérouse ni Sutton de Clonard. La présence de Héreau, domestique de Blondela  à bord de l’embarcation, est un argument pour voir en Blondela l’un des deux officiers tués par les indigènes.
c) La région est en réalité, semble-t-il, celle qui avoisine les îles  Amakata (croix et cordon arrachés) et  Mau. (médailles distribuées).

2 La parole est maintenant à Jacobs : quatre jours après un tsunami : le témoignage  de Jacobs (p.96) sur un canot (et non plus l’embarcation de secours) entre Lavongaï et Tingwon (alias Nyappa).
  A.  Denizet (3),  p. 151, écrit qu’avant la naissance de Darqo junior  qui a environ 44 ans en 1834, donc qui est né vers 1790,  « les îles ont été frappées pendant trois jours par une épouvantable tempête et par un séisme », disons  par un tsunami, avec raz-de-marée et tremblement de terre,  fréquents dans ces parages volcaniques : l’embarcation de secours y a été détruite. « Au matin du quatrième jour (après la fin du tsunami), les habitants des montagnes de Nyappa  aperçurent avec effarement un monstre nommé « Pongo », qui était à mi-chemin entre leur île et celle de Riger (Lavongaï). »  Pongo signifie ordinairement  pointu, recourbé, en forme de corne,  et fait alors allusion aux chapeaux à cornes de l’équipage , mais ici  il désigne  le canon d’un   pierrier « pointu »,  monté , non pas sur l’embarcation  de secours de 20 tonneaux naufragée au cours du tsunami,    mais  sur une dernière petite chaloupe qu’ils ont réussi à sauver . Il leur était nécessaire de  faire une razzia sur l’île la plus proche, Nyappa, afin de se procurer de la nourriture avant de retourner sur l’ île voisine de Riger- Lavongaï à laquelle ils étaient parvenus, alors inhabitée et donc sûre. La description de la chaloupe, de ses pierriers et espingoles,  est intéressante : « Le monstre avait de nombreuses têtes pourvues d’une longue corne (pongo) noire, braquée sur eux et protégée par le feu, ainsi que des yeux énormes animés par la colère et des bouches d’une considérable largeur qui laissaient voir des dents gigantesques… A côté de chaque bouche, partaient des flammes de feu qui tuaient les ennemis à une grande distance ». Les  boulets tirés par le pierrier ont  été interprétés  comme les pierres  magiques  de Pongo qui concentrent en elles  toute sa force maléfique.
Un peu de géographie : l’identification de l’île de Riger, aujourd’hui île de Lavo (Lavongaï) et de celle de Nyappa (aujourd’hui Tingwon, 30 Kms à l’ouest de Lavongaï, archipel Bismarck en Papouasie-Nouvelle-Guinée). 
 Jean Guillou identifie l’île de Riger à celle de Narage et celle de Nyappa  à Bali ou Unea dans les  îles Vitu.  Or, nous avons une base ferme pour l’identification de l’île de Riger : c’est l’emplacement, à 250 Kms de la localisation  proposée par J. Guillou, de l’actuelle  Lavongaï, toponyme signifiant  l’île de Lavo, dont Jacobs nous fait un dessin page 79 en  précisant que le sommet,   avec un décrochement bien net,  est de 2000 pieds environ, soit 610 mètres.  Le point culminant de Lavongaï  s’élève à  960 mètres, au lieu des 610 mètres attendus d’après Jacobs, mais cela  peut convenir pour une estimation à vue.  J. Guillou n’indique pas  la hauteur du sommet unique de Narage.  Le dessin de Jacobs de l’île  Riger (ci-dessous à gauche) et la photo de J. Guillou de l’île Narage ci-dessous à droite (page de couverture arrière de Navigateurs d’Eure-et-Loir (5) ne coïncident pas du tout.

        
                                                                                     Crédit photo : cliché Jean Guillou, avec                            
                               les aimables autorisations de J. Guillou et de  la SAEL                                                                                                            
 
  La langue parlée à Lavongaï appartient à la famille mélanésienne lavongaï- nalik : c’est le
Tungag qui est parlé dans cette île,   comme   dans l’île Tingwon à 30 kms à l’ouest de Lavongaï, île qui pourrait bien être la Nyappa recherchée. La langue mélanésienne est très volatile : lavongaï est déformé dans les noms de dialectes  lovongai, toangai .Le nom de la langue tungag  vient   de toa-ngag (toa dérivé de Lavo) Quant au nouveau nom de Nyappa,  Tingwon, parallèle à Lavongaï, ce toponyme  a subi l’attraction de Johnson en raison du cargo cult Jonson et peut venir de tungag jon.
   Selon Jacobs,  Nyappa, a trois sommets dont le plus haut culmine à 6000 pieds, soit 1829 mètres et il  nous  donne   un croquis de Nyappa (p.88,) ci-dessous,   où l’on aperçoit plusieurs sommets (trois et une colline).

                              

 Or, à Unea ou Uneapa ou Bari  (il en existe plusieurs) il y aurait quatre sommets dont le plus haut culminerait à 1033 pieds ou 300 mètres environ selon J. Guillou (53, p.174, ce qui est six fois moins élevé que le sommet de Nyappa selon Jacobs (1829 mètres). De plus Unea est à 250 Kms de la Nouvelle-Irlande, donc trop loin de Lavongaï.  Selon moi, l’île serait aujourd’hui Tingwoa.
L’île Lavongai ou Mogabee-ngai (l’île du guerrier blanc) : l’installation définitive
  Jacobs nous dit, p. 83, que « Riger  was first settled by a Frenchman named Laveaux, a surgeon in the exploring squadron of La Perouse », l’île Riger (son nom chez ses premiers occupants) fut d’abord colonisée par un Français  nommé Laveaux, chirurgien de l’escadre d’exploration de La Pérouse. Il ajoute : « This  island  is sometimes called  Red Men’s island, or the island of  Lavoo,  the Red chief », p. 103, «  cette île est parfois appelée l’île des hommes rouges (blancs, il y en avait donc plusieurs)) ou l’île de Lavo (la graphie oo note le son o), le chef rouge (blanc) ». La race est connue  comme celle du guerrier  rouge de Riger, celle de Mogabee  (le guerrier –bee ou by,- rouge, -moga), nom du père de Darqo,  Roux d’Arbaud, qui succéda à Simon Lavo après  partage des royautés :
-Nyappa pour le fil cadet de Roux d’Arbaud,  le Darqo qui fut emmené en Amérique par Morrell ;
-et Lavongaï pour la descendante de Lavo et de son mari, le fils aîné de Roux d’Arbaud et d’une autre princesse.
Or, l’île de Lavo existe bien : c’est l’île Lavongai, ngai signifiant  île. Cela est un argument de poids pour l’authenticité du récit de Jacobs que cette rencontre avec la réalité, confirmée
qu’elle est par le nom du père de  Darqo, savoir Roux d’Arbaud, surnommé Mogabee, le chef blanc, car Lavongai était aussi Mogabee-ngai, l’île (ngaï ) du guerrier (bi ) rouge (moga), c’est –à- dire du chef blanc  .
Le nom du blanc et de l’officier de marine dans le Pacifique
.   Le blanc est toujours appelé l’homme rouge, avec, pour rouge, un  mot qui désigne le sang : ainsi ka madja, le rouge, c’est-à-dire le blanc à Lifou., moga à Nyappa, d’où moga bee [prononcer bi] le guerrier rouge, c’est-à-dire blanc.   D’autre part, le blanc est soit espagnol (apopaleï, popalangui), soit français (farani, mara). L’officier de marine est celui qui porte un chapeau à cornes recourbées, un bicorne,  pongo, le chapeau à double pointe.
La coutume pidiri et la couleur rousse de Lavoo junior ou les complications d’une  généalogie papoue.  
  Lavoo junior avait une chevelure rousse flamboyante : il nous faut, pour le comprendre, expliquer le mot mélanésien pidiri (qui signifie frère) et mettre en valeur le nom de Roux d’Arbaud. .
 L’inceste entre frère et soeur est odieux aux Mélanésiens. Ici se pose un difficile problème de traduction : pidiri (langue de respect) ne désigne pas la sœur ou le frère germains (rha et mou en Lifou, à traduire par l’enfant du même sexe ou de l’autre sexe par rapport à celui qui parle), mais un homme  adopté comme son frère par une femme qui devient ainsi sa sœur  dans une procédure coutumière destinée à obtenir un chef masculin et des enfants qui aient l’hérédité de la femme lorsqu’il n’y a pas d’enfant mâle..Le nom va de pair, bien entendu, avec cette adoption et c’est pourquoi son mari devient Lavoo junior  En réalité, c’est  la femme de Lavoo junior qui  est la fille  du chirurgien- major Simon Lavo et d’une princesse de Nyappa, tandis que son mari Lavoo est le fils aîné de Roux d’Arbaud  (dont on peut supposer qu’il a donné à son fils la couleur de cheveux qui avait valu leur nom à ses ancêtres italiens) et d’une autre princesse de Nyappa. .Comme la tribu désirait avoir pour chef un héritier mâle  de Simon Lavo et qu’il n’en existait pas, elle a demandé à la fille de Simon Lavo de procéder à une adoption pidiri : celle-ci  a adopté pour « frère » le  fils métis et roux de d’Arbaud (Darqo senior) et l’a  épousé en lui donnant son nom de Lavoo de façon que leurs enfants héritent des qualités de Simon Lavo et qu’ils puissent devenir roi et reine de Riger ou Lavongaï. .
Rappelons que Darco est la transformation de d’Arbaud. Le second fils de Roux d’Arbaud est  issu d’une autre femme de Nyappa, c’est Darqo junior, dit Telun,  le roi de Nyappa : il y a eu partage des royautés entre les deux demi-frères, avec octroi pour lui d’un  nom pidiri dérivé de Lavo, Telum, mot qui est, dans la langue de respect,  une métathèse de Lavo.
 De plus, Darqo junior, fils de Mogabee, savoir de  Roux d’Arbaud et d’une autre femme,   a un demi-frère nommé Pong Aracoopo, fils de Richebecq et de la veuve de d’Arbaud, la mère de Darqo junior.
Simon Lavo est le père « naturel  » de la femme de Darqo fils appelé Lavoo junior et le père pidiri de ce  « Lavoo » junior, Roux d’Arbaud est le père «  naturel »  tant de Lavoo junior  que de Darqo junior,  Richebecq le père « naturel »  de Pong Arocoopo. Voici, en résumé, cet arbre généalogique compliqué :
-Simon Lavo se marie à une fille de chef d’où une fille, qui se marie avec le fils aîné  de Roux d’Arbaud  (Darqo Mogabee). Celui-ci devient roi de Lavongaï sous le nom pidiri de Lavoo qui ne reflète aucunement sa filiation naturelle.
-Le fils cadet de Roux d’Arbaud et d’une autre princesse est le Darqo capturé par le baleinier et il est le roi de Nyappa , lui qui  déclare emphatiquement : « Je suis Telum (=Lavo) -by-by (le grand  guerrier )Darqo (junior), le fils de Mogabee (Roux d’Arbaud), le roi de Nyappa. ».
-Richebecq épouse une  veuve de Roux d’Arbaud qui était la mère de Darqo ( le roi de Nyappa emmené par le baleinier)  d’où un fils dénommé Pong Aracoopo.

La vie de Simon Lavo à Lavongaï  avec Roux d’Arbaud, Héreau et Richebecq après le naufrage de leur embarcation de secours : leurs femmes, leurs enfants, la maladie et la mort.
  Même l’embarcation  de secours une fois détruite par le tsunami, Simon Lavo  disposait encore,  après son  installation avec Roux d’Arbaud, Héreau et Richebecq sur l’île  Riger- Lavongaï, d’un canot avec une ou   plusieurs espingoles ou pierriers et des boulets venant de Vanikoro. Cela leur permit de résister aux raids des insulaires voisins et  de faire eux-mêmes des razzias sur l’île voisine de Nyappa où ils enlevèrent successivement quatre princesses au moins, les épouses de Lavo, de Roux d’Arbaud et de Richebecq, femmes dont Lavo au moins apprit la langue, appelée aujourd ‘hui  le tungag.
   A la mort de Roux d’Arbaud, Richebecq prend sa seconde veuve et en a un enfant,  demi-frère de Darqo junior, qui fait partie de la garde personnelle de celui-ci et qui est nommé,  d’après le surnom pingo de  son père, Ping-arocoopo
 La vie n’était pas facile sur l’île : il y a les maladies, il s’y produit  un autre tsunami, ainsi que nous l’apprend une des deux descendantes actuelles de  Lavoo  (et de Roux d’Arbaud) retrouvées sur une des îles Vitu, à Goro, Madame Alios Kantouré (3), p.  177 : lors du deuxième raz- de- marée,  Lavoo junior et sa femme pidiri,  précise-t-elle (ce qui rappelle qu’il ne s’agit pas d’un mariage incestueux), ont été sauvés en s’accrochant à des lianes (probablement des racines aériennes de banian du Pacifique).

La fin
Simon Lavo mourut de maladie foudroyante.  On ne sait rien de la mort de Roux d’Arbaud ni de celle d’ Héreau. Quant à Richebecq, qui avait pris pour femme la  veuve de Roux d’Arbaud,  il   fut décapité quelque temps après par des jumeaux venus tout exprès pour cela  de Nyappa. Tous  reposent dans cette île de Lavongaï. La princesse qui était l’épouse de Simon  Lavo  voulut avoir des funérailles « à l’ancienne », c’est- à- dire avoir ses os et son crâne enfouis quelques années puis exhumés et lavés rituellement (variante de la coutume de l’enterrement secondaire).

 Ainsi, Dumont d’Urville n’était pas loin de la vérité lorsqu’il écrivait que les survivants avaient dû disparaître sur la côte est de la Nouvelle-Irlande, - en réalité ils ont suivi la côte ouest de la Nouvelle-Irlande jusqu’au nord, à Lavongaï. J’ai voulu seulement ouvrir ici des pistes de recherche. A d’autres de les affiner. L’oubli est le vrai linceul des morts, dit-on : c’est bien vrai pour cette quintessence de la civilisation européenne que représentait l’expédition Lapérouse, tombée au milieu d’une société qui était anthrophagique et à l’âge de la pierre polie, et qui n’a pas utilisé ce formidable facteur possible de progrès et s’est contentée d’en faire une religion, le jonfrumisme.  Une conséquence du naufrage de Lapérouse pour les populations de Vanikoro a été la prééminence des nouveaux- venus mélanésiens sur les polynésiens venus les premiers de Ticopia, bien avant les mélanésiens, et les migrations -fuites des Polynésiens vers 1790,  que ce soit sur la côte australienne (épave de Temple Island), en Micronésie ou aux Loyalty (Ouvéa)





Conclusions
Jean Guillou a recueilli en 2006 des mèches de cheveux, mais sans bulbe, qui appartiennent à Madame Rokus Kelwku, se disant descendante de Lavo, et à Madame Alios Kantoure de Goru dans l’île de Mandua (archipel Vitu), descendante de l’union pidiri de la  fille de Simon Lavo et du fils de Roux d’Arbaud. Il faudrait les faire analyser part un laboratoire qui prenne en compte les progrès de la science et fasse des analyses d’ADN mitochondrial, en sachant que l’ADN mitochondrial est celui de la lignée maternelle.
Il faut enquêter sur Colignon à Tanna et sur la Micronésie, ainsi que sur Lavongaï et enfin souhaiter qu’une expédition sous-marine   soit faite pour découvrir enfin la vraie épave de la Boussole, sur les lieux indiqués par les Vanikoriens eux-mêmes depuis l’origine. Le moyen  le  plus moderne serait l’utilisation de drone sous-marin sur le lieu de naufrage de la Boussole, près de Makulumu. Il faudrait utiliser aussi  des drones terrestres pour remonter la Rivière des Esprits ainsi que pour les fonds voisins de Thaumako où s’est englouti le galion Almiranta Santa Isabel. Ensuite des dragages  par robot sous-marin pourraient être utiles. Le plus difficile serra sans doute d’obtenir l’autorisation du gouvernement des Salomon, lassé des nombreuses expéditions précédentes et craignant que toutes ces expéditions ne soient qu’une façade destinée à masquer des intentions d’espionnage.

Liste des ouvrages cités :
(1)Jean-Christophe Galipaud et Valérie Jauneau, Au-delà d’un naufrage, Les survivants de l’expédition Lapérouse, Actes Sud, mai 2012
 (2) Jacobs Thomas Jefferson,  Scenes, incidents, and adventures in the Pacific Ocean, or The islands of the Australasian seas during the cruise of the clipper Margaret Oakley under Capt Benj. Morrell, Harper & Brothers, New York, 1844, Google Books.
(3) Guillou, Jean, « Sur les pas de Simon Lavau, chirurgien de l’Astrolabe », p.165-177 et p. 407-506, dans Navigateurs d’Eure -et- Loir (SAEL)
(4) Denizet, Alain, «  Simon Lavo, Germignonville, chirurgien major sur l’Astrolabe », p.33-50, bulletin n° 34, 2e tr. 2005  de la Société Archéologique d’Eure-et-Loir (SAEL)
(5) Denizet, Alain, « Simon Lavo, Germignonville, chirurgien –major de Suffren et de Lapérouse » , p. 103-161, dans Navigateurs d’Eure-et-Loir dans les grandes expéditions des XVIII et XIX e siècles, de la Boussole et de l’Astrolabe à la Méduse,  de l’expédition de Lapérouse (1785) à la mission au Sénégal (1816), SAEL, décembre 2006
(6) Capitaine de corvette Joseph de Rosamel, Pohnpei Micronésie 1840,  Voyage de circumnavigation de la Danaïde, édité par Pierre de Rosamel et Jean-Christophe Galipaud,   Société des OcéanistesParis, 2005. Excellente édition.
(7) Déclaration du Grand chef Makataï, p. 46 , in « Lapérouse à Vanikoro, campagne de recherches 1990 », bulletin de la SEHNC n° 90, janvier 1992 (p.46) ;texte fondamental.
(8) Guillou Jean, Lapérouse …Et après ? , 2011, Dernières nouvelles de l’Astrolabe,  L’Harmattan
 (9) Guillou, Jean, bulletin de la Société d’Etudes historiques de la Nouvelle-Calédonie (SEHNC)  n° 102 du Ier tr. 1995 «  Santa –Cruz ou l’occasion manquée », p.53-58
(10) Jean Guillou, Peter Dillon, Capitaine des mers du sud, le découvreur des restes de La Pérouse, 192 p., 2000,  L’Etrave, 85-Beauvoir-sur-Mer
(11) Sur le passage de Lapérouse en Nouvelle-Calédonie,  Bernard Brou, «  Lapérouse, découvreur de la Nouvelle-Calédonie, 4 preuves après 15 ans de recherches », bulletin n°74 de la S. E.H.N. C du Ier janvier 1988.
(12) Déclaration du vieux Wéwo dans Sud- Pacific, n°22, oct. 1959 et  dans Examen critique … par B. Brou, A. Conan et P. Griscelli, supplément au bulletin n°62 du 1 er tr. 1985 de la SEHNC, et in  Colloque Lapérouse d’Albi 1985 : bien qu’il porte ma signature, le texte de cet Examen critique ne reflète pas mes idées, ayant été retouché durant mon absence de Nouvelle-Calédonie. Pour moi, l’Astrolabe (et non pas la Boussole) était déjà la seule épave retrouvée et la Boussole gisait devant l’îlot Makulumu. Toutefois, la description des objets retrouvés qui est de moi essaie d’être objective et reste pertinente.
(13) Domeny de Rienzi, Oceanie, tome 3, pour la plupart des déclarations sur le naufrage, complétées parfois chez J. Guillou (8) et  dans l’anthologie publiée par Dominique Le Brun dans La malédiction de Lapérouse,  Omnibus, 1184 p. (13, A).  Cette anthologie partielle (et partiale, puisqu’elle omet volontairement les conclusions, pourtant si intéressantes, de Dillon et de Dumont et que la bibliographie ne cite pas Guillou) fournit au moins un accès bon marché au Voyage de Dillon, au Voyage de Dumont d’Urville , et,  naturellement, au Voyage  de Lapérouse, avec la liste des équipages, les Instructions de Louis XVI,  le matériel embarqué, ainsi que la dernière lettre de Lapérouse, mais sans la préface de Milet- Mureau à son édition..  
(14) Histoire et généalogie, n°4, décembre 2005,  généalogies établies par Norbert L’Hostis de Blondela, de Mouton-Laprise  et de Richebecq en particulier.
15) Robert Langdon, The lost caravel, édition de 1975
16) Mikaël Ferloni pour l’Association Salomon, Opération Lapérouse, Journal de bord à Vanikoro,  2008.
17) Association Salomon, A. Conan et Stéphane Camille, Le mystère Lapérouse ou le rêve inachevé d’un roi, Thalassa, 2008





Cold case à la française : le mystère Lapérouse à Vanikoro, ou du nouveau sur la fin de l’expédition. La suite reconstituée du voyage de Lapérouse, de Botany Bay (Australie) à Vanikoro et au-delà, version non officielle et  non autorisée par la Marine ni par l’Assiociation Salomon
Par Henri -Gabriel Griscelli, ulmien, lauréat de l’agrégation docteur (Sorbonne). 
A Jean Guillou, en respectueux hommage, ce texte avec lequel il était d’accord et qui, sauf des détails sans grande importance (le mot est de lui) reflétait ses idées.
Trois résumés pour les  lecteurs pressés:
1  Le scénario du naufrage  de Lapérouse selon les insulaires  de Vanikoro. 
Le nom des blancs de l’expédition  Lapérouse à Vanikoro : ce ne sont pas des êtres humains, ce sont des esprits (Ngambé, Lambé, Ambi), même s’ils sont comestibles… 
« Les insulaires, nous révèle Dillon, ne  regardaient pas les blancs comme des êtres humains, mais comme des esprits, et des esprits malveillants.
« Leur front ou leur nez présentait une saillie d’un pied de long » (Martin Bushart pense que c’était le chapeau à cornes). « Leur nez s’avançait de deux palmes au-delà de leur visage. » 
 «  Ils ne mangeaient pas comme des hommes. Un petit morceau de nourriture,  gros comme le bout du doigt, leur suffisait. Après l’avoir avalé,  ils se remettaient sur-le-champ à bâtir leur vaisseau. » Par « petit morceau de nourriture », il faut entendre du biscuit, c’est-à-dire du pain de garde très dur conservé à bord  dans des récipients hermétiques de fer-blanc.
 « Le chef était toujours à regarder le soleil et les étoiles et leur faisait des signes. »Aussi les noms de Rivière des Esprits, de passe des Esprits ne sont –ils pas neutres et ils  nous renvoient toujours à nos naufragés. 
1 Pour la Boussole,   le nom de Gnembe Neungge, ou Dean Passage c’est-à-dire la passe des Esprits ou des Blancs, indique le lieu où celle-ci a coulé près de Makalumu (l’écueil des deux pirogues des blancs) et de Noungna.
 Le capitaine Hunter disait que Lapérouse avait dû être victime du calme et des courants.Il avait raison, car  les deux bâtiments  de Lapérouse sont arrivés par le même chemin que prendront plus tard Dillon et Dumont d’Urville vers le havre d’Ocili, sur la grande île. . Or, lisons la déclaration faite par les Ticopiens à Dillon : pendant trois jours, les naturels  avaient aperçu «  deux grands vaisseaux qui  étaient arrivés près de leurs îles (les deux îles composant l’archipel de Vanikoro) ; ils avaient jeté l’ancre, l’un [la Boussole] vers l’île de Vanou (la petite île, Tevanou,toponyme  où te- est un aricle),   le second [l’Astrolabe] vers l’ (autre) île  où se trouve  Païou, (îles) peu éloignées l’une de l’autre. Quelques jours après, et avant qu’ils eussent eu communication avec la terre,  une tempête (un fort  coup de sud- est) s’était élevée et avait poussé les deux vaisseaux à la côte. » Il s’agit donc d’une bonace, d’un calme de trois jours suivi d’un coup de sud-est brutal et soudain, avec des courants très puissants. 
Selon Wéwo,  « la Boussole essaya de s’engager dans la passe de Makalumu et s’accrocha sur le grand récif. » 
Dumont d’Urville, dont la chaloupe suit le grand récif de  l’extérieur, nous dit : « Nous laissons à notre gauche une petite île de sable, nommée Nougna, et plus loin [vers l’est] une seconde nommée Makalumu. C’est près de ces îles de sable qu’un navire s’est perdu il y a longtemps ».Makalumu, qui s’analyse en maka, homme blanc (littéralement rouge), lu qui signifie deux, et mu, récif, signifie le récif des deux [pirogues des] Blancs, l’Astrolabe et la Boussole.   Nougna  signifie l’île (nou-)  qui  est en voie de disparition. 
Il existe  une fausse passe en face de Temua,  située entre les îlots Noungna et Makalumou, mais la géographie a changé et  il faut  se reporter aux cartes de Dumont d’Urville ou de B. Brou., car l’îlot Noungna  englobait la fausse passe de Makalumu et se continuait, prenant le nom d’îlot Makulumu au-delà de la passe. Du temps de Dumont encore, existait la fausse passe dite de Makalumu, qui séparait  deux vestiges de terres rocailleuses. On n’insistera jamais assez sur la confirmation d’un  Vanikorien à Dumont d’Urville : « C’est  ici [à Makulumu] qu’a coulé un  bâtiment [la Boussole]. Je ne l’ai pas vu, mais on me l’a dit ».

  La tragédie de la recherche de la Boussole a voulu que, en 1956, le commandant Bonnet, en fonction sur le Tiaré, à une époque où la découverte de l’épave de la faille du récif n’avait pas encore vicié le débat, passe à côté du véritable gisement de la Boussole, sans pouvoir véritablement l’explorer. Il avait  recueilli la tradition  d’un vieil indigène « qui prétendait  que «  l’un de ses ancêtres  avait vu dans son enfance, non loin de Vanou (Tevanou, nom de la petite île), de très grands mâts d’un navire coulé ». L’individu  en question  accepte de leur indiquer précisément l’emplacement, très éloigné du site de la fausse passe du récif où gît l’épave de l’Astrolabe. .  Malheureusement, en cours de route, l’embarcation  chavire et  les  quatre scaphandres autonomes tombent à l’eau. Il ne reste plus au commandant du Tiaré et à ses hommes que quelques masques de plongée pour explorer l’emplacement du naufrage, « à cent mètres environ du sud de l’île Naoun-Ha » (autre orthographe de Noungna, à  ne pas confondre avec l’îlot Nanoun-Ha au nord de l’île).  Les conditions météorologiques étaient défavorables ; depuis la surface, les nageurs remarquent que le massif de corail sur lequel ils sont ancrés a une forme oblongue et régulière .Privé des moyens de mener une fouille plus approfondie, la capitaine  Bonnet est persuadé qu’il s’agit de la coque de la Boussole recouverte de corail et déclare qu’aucun mémorial n’atteindra jamais la somptuosité de cette sépulture naturelle. » (Bonnet,  lieutenant de vaisseau, Rapport de mission à Vanikoro au Commandant de la marine en Nouvelle-Calédonie.)
Pour moi, la cause est entendue. Dès 1985, au Colloque d’Albi du 25-31 mars,  après avoir cité Dillon : « un autre navire, la Boussole,  avait péri près des îles de sable nommées Maka-Lumu », je concluais: « Le mystère demeure entier .Il faudrait qu’une mission aille explorer ce site qu’une tradition obstinée nous indique en vain depuis plus d’un siècle et demi. » En 1990, j’ai demandé au Président de la Société d’Etudes Historiques de la Nouvelle-Calédonie (S. E. H. N.C.),   Bernard Brou,  qui participait à une expédition sur Vanikoro de vérifier l’hypothèse à laquelle je tenais depuis 1985 concernant  l’emplacement de la Boussole. Voici ce que B. Brou écrivit dans le Bulletin de la SEHNC n°90 de janvier1982, ,p.40, à son retour à Nouméa :
 «  L’hypothèse d’un naufrage possible à Makulumu [ou Makalumu] était basée sur l’étymologie du mot qui signifiait : « là où la grande pirogue a sombré » (sic, en réalité deux pirogues des blancs).  Mais nos recherches ont précisé qu’il s’agissait de Makalumu [exact !], donc sans signification particulière (ce qu’a confirmé une exploration sous-marine rapide). » Encore une occasion ratée ! L’Association Salomon  (dans  Le mystère Lapérouse),  désireuse de prouver  que la Boussole gît dans  la faille du récif, émet l’hypothèse qu’il s’agirait d’un navire japonais qui se serait échoué en 1928 et se serait délesté pour se déséchouer. Elle a poussé le scrupule jusqu’à faire remonter des gueuses de fonte (étaient-elles donc invisibles lors de l’ « exploration rapide » ? ou bien n’est-ce pas le même site, mais un site au nord-ouest ?) provenant du navire et à les faire analyser  en 2007 par le laboratoire industriel de fonderie ENSAM CER d’Angers, « afin de savoir si ces gueuses étaient  identiques à   celles découvertes sur les épaves de Lapérouse. » Les résultats étant négatifs, l’Association en a conclu qu’elles  provenaient «  très certainement  du bateau japonais. » Mais d’où vient alors cette « forme régulière et oblongue » aperçue par le commandant Bonnet ?
Un vieillard  déclare : «  Le premier navire [la  Boussole] fut vu échoué sur les récifs [du district] de Tanema … On ne sauva rien du bâtiment… » Ce vieillard avait vu le navire échoué dans le district de Tanema et les  4 hommes  qui en provenaient, mais il n’avait pas vu ceux qui avaient appartenu au navire échoué devant Paiou (l’Astrolabe),  attendu que sa tribu (celle du district de Tanema) était en guerre avec celles de ces districts [de Béu’u, Paukori].

2 Pour l’Astrolabe, la fausse passe du récif où, depuis le début, on s’accorde généralement à voir le gisement de son épave,  s’appelle dans la langue du pays la fausse passe des Ngambé (esprits ou blancs), la baie s’appelle  Ngambé et la rivière voisine s’appelle la rivière des Esprits (Ngambé). 
  La tradition orale rapporte que l’Astrolabe, en panne durant trois jours faute de vent  et  poussée par les courants, heurta de nuit,   comme la Boussole,  le récif de Makalumu dont le nom indique bien  la présence de deux (lu) bâtiments européens (maka) sur l’écueil  (mou), - non loin de l’endroit où un  pierrier en bronze de  1/2 livre, pesant 94 livres (48 kgs) et  portant le n°  260,   a été repéré  par l’officier Vedel à bord du Bruhat en 1883. Vedel,  pressentant l’importance de sa trouvaille pour une  localisation future de l’épave de la Boussole, nous a donné ces précisions : il avait fait sa découverte loin du site prospecté par Dumont d’Urville et par l’équipage du Bruhat, savoir loin de la fausse passe de l’Astrolabe, « à plusieurs milles [1852 m] dans l’est de Paiou,  sur le plateau du récif extérieur, à marée basse », dans le district de Tanema, en face de  Temua.Ceci cnfirme le témoignage du Commandant Bonnet. 
  Le choc nocturne  a entraîné une avarie dans la coque et la noyade d’une quarantaine de personnes,   comme nous l’indique le nombre de 200 membres de l’expédition donné par Makataï,  qui a compté la centaine de  cadavres de la Boussole qu’il n’avait pas vue et la quarantaine  de l’Astrolabe qu’il n’avait pas vue non plus, auxquels il a ajouté les soixante survivants du bateau de secours.Pourtant, l’Astrolabe,  si mal en point qu’elle soit, réussit à se déhaler du récif de Makalumu et paraissait sauvée ;  mais, poussée par les courants et par un coup de sud-est, elle s’échoue de nouveau,  nous racontent les traditions orales,   dans ce qu’on a  appelé la fausse passe  du récif de Paiou. Il est invraisemblable qu’elle se soit introduite volontairement dans la fausse passe du récif,  sans l’avoir reconnue au préalable, comme le voudrait Dumont d’Urville.  
  La tradition rapporte que les naufragés ont eux-mêmes « démoli le grand vaisseau [l’Astrolabe] qui, autrement, eût pu subsister encore très longtemps » afin de construire le bateau de secours. »  L’Astrolabe II ,ou Lapérouse, comme Makataï prétend que l’appelait l’équipage ,   à l’embouchure de la rivière des Esprits, ne  dépendait pas de  Makataï, le   guerrier ticopien  installé à Ocili, sur la même île   mais celui-ci, jaloux des bonnes relations entre un chef qui était son rival et ces « envahisseurs » blancs ,  sut  capter  la confiance de ces derniers pour mieux les trahir  et mit , de nuit,  un terme  à la destinée du Lapérouse  qu’il incendia : on a retrouvé des traces d’incendie et des ossements carbonisés sur l’épave de la faille du récif , qui est celle du bateau de secours. Le bateau de secours fut, quelques jours après, entraîné par les courants,   au cours d’une marée plus haute que les précédentes,  « vers le sud- sud-est », si l’on en croit le vieux Wéwo,  c’est-à-dire vers la faille du récif : « Quelques jours après le massacre,   [le Lapérouse, qui était à sec à l’embouchure de la Rivière des Esprits] se  remit à flot tout seul, sans doute grâce à une marée plus haute et partit à la dérive. Mais il n’alla pas loin et sombra, sous le regard des indigènes. « Là- bas, nous dit le conteur au bras maigre tendu vers le Sud -Sud- Est [la faille du récif] ». Cette marée haute: dans la rivière des Esprits,  où était construit le Lapérouse  (et non pas près de la Rivière Lawrence ou  Russell à Paiou),  à moins de 100 mètres de l’embouchure, n’est pas pour nous surprendre , bien qu’  il y ait en ce lieu généralement très peu d’eau , mais il peut y avoir quelques 3 mètres d’eau dans les grandes marées.  

 3 Les trois ou même quatre naufrages de la tradition : il y a trois épaves (la Boussole, l’Astrolabe, le bateau de secours ou Lapérouse) et seulement deux gisements retrouvés: celui de la fausse passe (l’Astrolabe) et celui de la faille (le bateau de secours), sans parler de l’embarcation de Laprise-Mouton (le chef Matthew).  
Dumont  écrit qu’au village de Vanou ( près de Paiou ) un guide de la petite île Tevanou  raconta «  qu’outre les deux navires qui avaient fait naufrage à Paiou (l’Astrolabe) et à Vanou (village près de Paiou : il s’agit du bateau de secours) , un autre (la Boussole) avait péri près des îles de sable nommées Maka-Loumou, au sud de l’île, mais qu’on n’avait pu rien en sauver, attendu qu’il avait été sur-le-champ brisé, et s’était englouti le long du brisant. » 

  Aucun  indigène de Vanikoro n’a  pu voir   à la fois les deux  bâtiments de Lapérouse. Makataï, le tueur et dévporeur des équipages, n’a vu, semble-t-il,  que le bateau de secours à terre, et il n’a même pas vu l’Astrolabe qui avait déjà était détruite par les rescapés. Si, depuis le début,  le gisement de la fausse passe du récif, celui de l’Astrolabe,  n ‘a jamais créé trop  de problèmes pour son identification, il y en a en revanche  pour le gisement  du  bateau de secours.et  pour le site de la Boussole . 


4 Le camp des Français  à  Ambi, à rapprocher de apopalagni, blancs, altération de Ngambé,  à l’embouchure de la Rivière des Esprits (Ngambé).  
La Rivière des Esprits (Ngambé) doit son nom aux Français considérés comme des esprits.  Elle est située bien  à l’ouest de la rivière Lawrence ou Russell de Paiou   et, comme par hasard, juste en face du gisement de l’Astrolabe sur la fausse pqasse diu récif, si bien qu’exceptionnellement les donn ées de la tradition insulaire coincident avec celle de l’archéologie sous-marine. . D’ailleurs,  même A. Conan,   pourtant partisan  d’une   localisation du camp des Français  à Paiou, reconnaît bien malgré lui que « seule la rivière des Esprits, en face de la Fausse Passe, aurait peut-être pu offrir à l’époque des conditions adéquates, mais son embouchure est maintenant inondée et il faut aller loin vers l’intérieur pour trouver un sol sec et assez dégagé. » De même, le commandant de Brossard cité par  François Bellec ,dans Les Esprits de Vanikoro, écrit à propos de ce Camp des Français qu’on situe à Paiou : « Mais un autre emplacement plus à l’ouest  a également été désigné. » 

5  L’endroit où l’on a construit le bateau de secours à Béu’u  à l’embouchure de la Rivière des Esprits. 
Comme, de toute façon, ni le Camp des Français présumé à Paiou, ni l’endroit où l’on aurait  construit le bateau de secours à l’embouchure de la rivière Russell n’ont livré de restes convaincants, je suis persuadé qu’ils étaient tous deux situés   près de la rivière des Esprits, respectivement à Ambi  et à Béu’u et non près de la Rivière Russell, à Paiou, comme on le fait généralement. La forme du nom Béu’u, prise souvent à tort pour Païou,  nous est donnée par Makataï : c’est l’altération phonétique, l’apostrophe notant un coup de glotte pour k, de Béukou (ri) où l’on reconnaît Paukouri,  Pakaré , qui rappellent   le nom d’une ville polynésienne de Micronésie, Palikori.  . 

6 Le bateau de secours dans la faille du récif, à Paiou.  
L’événement le plus important depuis les recherches de Dillon et de Dumont d’Urville  a été la parution, dans le bulletin n°90, janvier 1990, de la Société d’Etudes historiques de la Nouvelle-Calédonie, de la  déclaration  recueillie en 1990 par la SEHNC.  
Déclaration de Makataï recueillie à Monovai. 
« Un jour, un guerrier, nommé Makataï [de maka, rouge, c’est-à-dire homme blanc, et de taï, qui mange, le «  mangeur de blancs », altération humoristique  de son nom réel Taumaka !], arriva à Mallikolo [prononciation polynésienne  pour la forme mélanésienne  Vanikoro ;   Makataï réserve le nom de Mallikolo à la petite île  Teanu et à un village situé sur cette île  appelé Vanikoro ou Mallikolo] et trouva quelques indigènes [mélanésiens parlant le teanu, qui se réfugièrent ensuite au nord-ouest de la grande île au nord , à Vanou] qui vivaient sur l’île (la petite île). Il les tua tous et vécut en un  lieu appelé Osiri aujourd’hui de façon erronée par les immigrants [sic, explorateurs européens], Ocili ou Wassili en réalité [il s’agit du havre de Dillon et de Dumont d’Urville, Vanou-Ocili, Tout ceci est vrai car, nous dit Dumont, « naguère  un village se trouvait aussi sur la plage d’Ocili, [sur la grande île] et l’on en voit encore les ruines. Mais les habitants ont été exterminés  à la suite de quelque combat et leur territoire est tombé au pouvoir de la tribu de Tevai sur la petite île Teanu ». Dumont parle encore d’Ocili « dont les habitants ont été récemment exterminés. »  
  « Makataï résidait encore sur l’île [Ticopia] quand un navire [l’Astrolabe] fut jeté à la côte au port de Béu’u [généralement à tort identifié à Paiou, en réalité Peuku, soit Paucouri  ou Pakaré,  près de  Ignama, sur  la Rivière des Esprits). Le navire, appelé Laborouse selon le nom de son commandant [les pièces réutilisables de l’Astrolabe, réemployées dans un bâtiment plus petit,  baptisé Lapérouse en hommage au défunt commandant],  comprenait 200 membres d’équipage [Makataï compte les 60 rescapés de l’Astrolabe, les 104 noyés de la Boussole et les 40 noyés de  l’Astrolabe lorsqu’elle a heurté le récif de Makalumu]. Le navire Laborouse était échoué sur un de ses côtés [il était en cale sèche]. Makataï se rendit à Béu’u [à l’embouchure de la Rivière des Esprits] pour aider l’équipage du Laborouse  qui, lorsqu’il arriva, était en train de  construire un radeau [un train de flottaison de bois coupé] avec des arbres qui se trouvaient à proximité de leur campement. Makataï [avec ses hommes] continua à  aider [pour gagner la confiance de l’équipage], puis après quelques jours se décida  [à trahir] l’équipage.
  « Un soir,  il arriva que tous les hommes à terre [dans le camp des Français] étaient profondément endormis. Il  les tua d’abord, puis se rendit à bord [du Lapérouse] avec l’intention de tuer ceux qui y étaient. Il invoqua les esprits des ancêtres [un  démon qui aurait  la forme d’une anguille noire, appelé Tangaroa]. Il mit le feu au navire [on a trouvé des traces de feu et des ossements carbonisés sur l’épave de la faille du récif, -le bateau de secours, -ce qu gêne les partisans de l’identification de cette épave avec celle de  la Boussole, seule l’Astrolabe ayant connu un commencement d’incendie raconté par Lapérouse lui-même]. Il tua  alors tous ceux qui étaient à bord  [ le pluriel est justifié car on y a retrouvé des ossements de deux hommes(dont Pierre Paris, le compagnon d’Ann Smith), d’une femme , -Ann Smith, -et un  squelette, celui  de Prévost l’Aîné, de l’Astrolabe,  faisant tous partie de ces hommes assassinés  , mais oubliés par Makataï sur le bateau de secours], puis rassembla  des choses du bord telles que cuillers, tasses, assiettes et bouteilles. Il pendit à son cou une étiquette nominative [entendez une médaille du type des 100 médailles  « d’argent ou de bronze,  à l’effigie du roi, avec l’inscription « Les frégates du roi de France, la Boussole et l’Astrolabe commandées par MM. de La Pérouse et de Langle, parties du port de Brest en juin 1785 »] appartenant au commandant Laborouse [en réalité Sutton de Clonard]. Ces articles sont toujours conservés dans une maison coutumière [de Ticopia ou de Monovaï ?].   Un autre Français [l’extrapolation est  logique, mais fausse, puisque Peter Dillon était en réalité  de nationalité britannique] arriva.  Son nom était Dillon. Il découvrit l’étiquette nominative au cou de Makataï, qui lui dit que c’était lui qui avait détruit le navire et tué l’équipage [Peut-être par pudeur,ou parce qu’il a jugé la pièce peu intéressante dès lors qu’il ne pouvait se l’approprier,  Dillon n’en a pas parlé, mais cela.ne veut pas dire que l’insulaire enjolive les faits ] . Dillon demanda à Makataï de venir avec lui, mais Makataï avait peur d’y aller seul  [à cause des fantômes et autres toupapaou] et demanda à quelques hommes de l’accompagner. Ils arrivèrent à Béu’u [Paukouri] et Makataï montra l’épave  à M. Dillon [l’épave reconnue par Dillon, celle de la faille du récif, où Makataï a vu sombrer le Lapérouse après avoir quitté sa cale sèche à l’occasion d’une grande marée], puis ils retournèrent à  Vanikoro [la petite île] ». 
  Voici encore  la  déclaration du vieux Wéwo :   « Les (60 cadavres du camp) servirent au plus fastueux des festins de la tribu et aujourd’hui encore, près de deux siècles après le drame, on y chante  cette mémorable journée où l’on a mangé tant et tant (une soixantaine) de Blancs… »

7 Le naufrage devant  Tanema d’un chef polynésien, de l’officier de la Boussole Laprise-Mouton et de Alain Marin qui y trouve la mort : la fin des exploits vanikoriens de deux survivants de la Boussole. 
Les démêlés de nos deux survivants,  accompagnés du chef polynésien de Paukori et de ses hommes, sont complexes. Le nom de Mouton de Laprise, Mouton, a été altéré par les indigènes en Matthew  prononcé matau. Il s’associe avec son ami le chef polynésien de Paucori pour lui apporter l’inappréciable secours des armes à feu européennes à plusieurs reprises.  
La vie mouvementée de Laprise-Mouton et de Marin et la mort de ce dernier devant Tanema. .
1 «  Les équipages rescapés construisirent un bateau dans la baie de Saboë (bateau de Mouton-Laprise et de Marin).  « Une large baie plus au sud-est, la baie de Saboe, aurait également pu offrir des conditions adéquates [au lancement d’une embarcation] : la KTC y avait d’ailleurs installé son campement initial, mais la petite rivière qui fournit l’eau douce s’est vite révélée insuffisante pour satisfaire les besoins des naufragés [de l’Astrolabe) ». 
2 puis à Ignama.  Legoarant de Tromelin a noté : « Ces Blancs [ passagers rescapés de la Boussole, Laprise -Mouton et Marin]  s’établirent au village d’Ignama, à environ quatre milles au nord de Paiou » (environ 7 kilomètres), plus exactement à Lambé, altération de Gnambé, Esprits, Blancs. 
 Selon Galipaud,  depuis Paucori,  à Béu’u (Paukouri), près de l’embouchure de la rivière des Esprits, Mouton aurait lancé des «  pierres chauffées» (boulets) et détruit l’îlot Filimoè en face d’Ignama,  où s’était réfugié le chef rival de l’allié polynésien de Mouton,  parce qu’il avait volé à  l’ami de Matthew la femme que celui-ci convoitait. 
3) ensuite à Paiou qui  est également décrit comme le lieu de résidence d’un officier ou d’un savant [Laprise-Mouton] et de son aide [Marin] qui décidèrent de rester dans l’île après le départ de leurs compagnons. »  Le camp présumé des Français prospecté par J. C. Gallipaud pourrait bien être le lieu de résidence de Laprise-Mouton. 
4 Selon une   tradition rapportée par Dumont,  20 hommes et 3 chefs en train de piller le bateau échoué à Vanou qui  continuait à brûler  doucement, savoir le bateau de secours, furent tués. Dumont rapporte  encore que,  selon le chef de Teanu,  un  Français  venant de Paiou avait abordé au village de  Vanou, près de Dennemah, en face du lieu où le bateau de secours avait coulé, et avait tiré sur les naturels à coups de sarbacane (fusil) : il en avait tué une vingtaine .Selon Galipaud , 5 chefs et des hommes furent tués, savoir les cinq chefs de Vanou, près de Paiou : Valeco, Oley, Amea, Feto et Tabinga, ainsi que presque tous leurs gens, une quinzaine. 
D’après une autre tradition, il  périt dans cette affaire  5 naturels de Vanou, dont 3 chefs et un  homme de Dennemah. 
 Dillon rapporte que Laprise-Mouton vint dans sa chaloupe jusqu’au récif près de Dannemah et y tua le chef de ce village qui s’appelait Naourey  près de Murivai (de l’autre côté de la baie de Saboè),  alors qu’il était en train de pêcher tranquillement. Matthew mit un instrument dans sa bouche (le fusil de Mouton est pris pour une sarbacane) et l’on entendit un grand bruit. Le chef Naourey  fut tué et  tomba en dehors de la pirogue et la magie du blanc empêcha qu’on ne  pût retrouver son corps.
7 Tanema et la défaite 
Selon N. S. Hefferman, dans Government station Vanikoro, à Mac Neill, Australian Museum, janvier 1926 : « Mon gardien de prison me dit que les pièces de monnaie que l’on découvre constamment au village de Tanema (ou Dennemah, près du lieu d’échouage de la Boussole) ne proviennent pas du navire de Lapérouse [la Boussole], mais d’un autre bateau [l’embarcation de Jérôme Laprise-Mouton, appelé le chef Matthew par les indigènes, qui avait dû laisser sa cagnotte à bord ] qui s’est échoué peu après [un an ou deux] . » 
A la mort de Marin, Mouton et son ami le chef polynésien décident d’émigrer : ils vont en Micronésie, passent par Nutt où on a trouvé un canon fleurdelysé, et fondent des « exclaves » polynésiennes à Nukuori (Cf Vanikoro, Palikouri en Micronésie) et à  Kapingamarangi (l’île du Français, -marangi, -à chapeau pointu, -pingi). 
La date. 
 « Deux hommes blancs restèrent après le départ de leurs compagnons. L’un (Laprise-Mouton)  était  chef (le chef Mathew, altération de son nom, Mouton, par les indigènes), l’autre un homme qui servait le  chef (Marin). Le premier (Marin, ce dernier, mauvaise traduction) mourut il y a  environ trois ans (en 1823) ; une demie année après (en 1824) le chef du canton où résidait l’autre homme blanc (Laprise-Mouton)  fut obligé de s’enfuir de l’île, et l’homme blanc partit avec lui ; le district qu’ils abandonnèrent se nommait Paukori (Béu’u, Pakaré). Mais nous ne savons pas ce qu’est devenue la tribu qui l’habitait alors. »  
  La date est fausse : Dillon a-t-il altéré l’indication du lascar,  désirant montrer la légèreté de son prédécesseur d’Entrcasteaux qui,  selon lui,  aurait pu sauver en 1793 les deux rescapés ? D’ailleurs, le lascar  a déclaré à Dumont  en 1827 que « les deux  blancs étaient morts il y a très longtemps ».Tout ceci jette un doutev sur les déclarationsbde Dillon. 
Il serait plus  vraisemblable que  la mort de Marin et le départ de Laprise-Mouton pour la Micronésie aient  eu lieu  en même temps que la migration qui aboutira à Ouvéa (Loyauté ) et qui transportera à Balade des reliques d’un  bâtiment de Lapérouse  et en même temps  que la migration qui finira en Micronésie, donc de 1789 à 1793  environ, sans doute vers  1790, à en croire  James O’Connell, dans A residence of eleven years in New Holland and the Caroline Islands (réédition, p .201). Celui-ci  écrit que,  selon ses calculs,  c’est  environ quarante ans (une génération ou deux) avant son arrivée en Micronésie en 1826, c’est-à-dire vers 1790, qu’un blanc moustachu présenta un couple de poules à un chef de Nutt. Il était arrivé sur un bâtiment à un mât. Pour moi, l’introducteur de ces volailles de Vanikoro à Nutt était l’officier Laprise-Mouton, notre rescapé. A l’appui, Dumont rapporte qu’un  vieillard de Manevai sur la petite île, témoin oculaire étant donné son âge,   confessa qu’il avait vu les deux blancs qui étaient descendus à Paiou ; mais il ajouta qu’ils étaient morts depuis longtemps  et sans avoir laissé d’enfants. De même, le  grand prêtre  Moembé dit  à Dumont : « Tous les blancs [du bateau de secours] qui essayèrent, plus tard, de gagner la terre furent à leur tour tués à coups de flèches, excepté deux pourtant qui se rendirent à Paiou (Béu’u, Paukori), mais n’y vécurent que quelques mois, et, peu de temps après, il se développa une maladie qui fit périr bon nombre de naturels. » On voit que des deux blancs, l’un  avait disparu, l’autre était mort, et que le lascar ne pouvait les avoir rencontrés.
                                           
   Géographie sommaire récapitulative : Géographie sommaire récapitulative :
Petite île : île  Vanikoro, Tevanou  (Te- étant un article ou déterminant) ou Vanou ou Teanou ou Tevai (nom de la tribu de Makataï). Village de Vanikoro


Grande île : appelée Vanou ou, par attraction sémantique, Lovono du nom d’une langue mélanésienne
Côte nord (sans intérêt pour nous, sauf pour éviter les homonymies) Lale (Nama),  Vanou ou Whanou, îlot Nanoun-Ha  (l’île, -nou, - en voie de disparition) . 
Côte sud, de l’ouest à l’est: Pakaré, Ignama, 
L’Atrolabe : récif des esprits (Ngambé)
Camp des Français : Ambi, Paukori (Pakaré), ou Béu’u, 
Lieu de lancement du bateau de secours, le  Lapérouse: rivière des Esprits. 
Chaloupe de Mouton-Laprise : Vanou près de Paiou
Mambolé, cimetière de la Boussole notamment. 
Epave de la Boussole, Emou, Emoa, Ammah, Temoa (Te- , article),Temua,  passe des Esprits ,Nougna ou Nanoun-Ha (l’île, -nou, - en voie de disparition) , Makulumu ou Makalumu (le récif des deux bâtiments des blancs), Vanou-Ocili 




2 Le sort des  quatre rescapés de la Boussole : Collignon,   Mouton de Laprise, Alain Marin et Roux d’Arbaud
Bernard Brou, dans «  Lapérouse, découvreur de la Nouvelle-Calédonie »,Bulletin de l a Société d’Eudes historiques de la Nouvelle-Calédonie n°74 , 1er trimestre 1989, terminait une étude très documentée sur le maïs pré- européen de Tanna par ces lignes : « Le fait que, parmi toutes les îles de la Mélanésie qui étaient dépourvues de maïs, celui-ci soit, à Maré (Loyauté) et à Tanna (Vanuatu), antérieur aux premiers missionnaires ou autres européens, jalonne le parcours de l’expédition scientifique française de Lapérouse en 1788, aux buts de découvertes mais aussi humanitaires. » C’est Colignon, le «  jardinier » rescapé de la Boussole, qui fit cadeau du maïs aux gens de Tanna, comme il l’avait fait précédemment aux gens de  Maré. 
La diaspora des quatre survivants de la Boussole : Roux d’Arbaud, Colignon,  Laprise-Mouton et Marin. 
Ecoutons  le chef de Temua à Vanikoro en 1826 : «  Quatre hommes échappèrent (au naufrage de la Boussole devant Temua) et prirent terre près d’ici en face du récif des Esprits (des Ngambé, c’est-à-dire des Blancs) : nous allions les tuer quand ils firent présent de quelque chose (une grande hache)  à notre chef qui leur sauva la vie. Ils résidèrent parmi nous (à  Temua) pendant un peu de temps, après quoi ils allèrent rejoindre leurs compagnons à Béu’u (Paukori).» 
3 Les rescapés du massacre du bateau de secours, le « Laborouse ». . 
  Trois rescapés de la Boussole, Colignon, Laprise- Mouton et Marin  étaient sur le Laborouse, comme l’appelle le guerrier, tandis que le 4e rescapé, Roux d’Arbaud, faisait partie de ceux qui étaient préposés à la garde de  la chaloupe de secours etv sea étudié avec Lavo. . 
Des gardiens du Lapérouse,  trois parvinrent à sauver leur vie et gagnèrent Temua, dont le chef, un   rival de Makataï, les avait bien accueillis la première fois.   Ils ont dû se prévaloir de leur amitié avec lui ; ce chef de Temua  a gardé Colignon avec lui et   donné  Laprise- Mouton et son « serviteur » Marin au  chef polynésien allié de Païou- Paukori. 
Etudions maintenant  les aventures de ces  trois  survivants de la Boussole :
1) Les deux protégés du chef polynésien de Paiou-Paukori : Laprise-Mouton et Alain  Marin, dont le nom est altéré en Mara.
Nous avons brièvement traité de leur cas plus haut
2 Le «  jardinier « Nicolas Colignon :   le chef mélanésien de Temua parlant le teanu,  fuyant Makataï, emmène Colignon avec lui dans une  migration au Vanuatu  jusqu’à Tanna, île où l’on parle le  keanu, c’est-à-dire une parlure proche du teanu.
Colignon  était vicomte et le pied de chandelier armorié trouvé par Dillon, avec une couronne de vicomte,   lui appartient vraisemblablement.  Le thermomètre qui servait à un autochtone d’ornement  nasal   avait été embarqué, avec un second également retrouvé dans la faille du récif, sur l’épave du bateau de secours, pour mesurer la température afin de contrôler la germination des plantes.
C’est Colignon qui  donna  le maïs aux men-tanna , en même temps qu’un couple de poules,  avant , nouvel Empédocle, de demeurer près du mont Tukosmeru , nom qui signifie le volcan du magicien , Meru  signifiant volcan cf. le nom d’un volcan à Ambrym, Merum,qui a donné son nom à l’île d’Ambrym (Merum),  et tuk, sorcier (cf. toghi ou papou douk-douk).   Les naturels en firent  un roi -magicien (tuko) et un génie (jon) qu’ils appelèrent Kerapenun (de Kolakenon, altération de Colignon). 
  Un siècle plus tard, un insulaire   prétendit être la réincarnation  de Colignon sous le nom de Jonfrum, le génie (jon) Colignon (frum est l’altération de Krum,  contraction de Kerapenum, Colignon). Le prénom de mon ami le député de polynésie John French Teariki n’est pas la traduction de jean-François, mais le souvenir de jon, génie, french , altération de Frum, de Krum, de Colignon. Le prophète  annonçait un nouvel âge d’or, avec retour du dieu Colignon le 15 février (pourquoi cette date ? Peut-être celle de la mort de Colignon,) et redistribution des biens « volés (sic).par les blancs ». Il devint l’âme du Cargo Cult de Tanna, appelé jonfrumisme par les sociologues. 
  Il est intéressant de remarquer que le cargo cult (culte de la cargaison ) a pris naissance dans des sociétés de l’âge de la pierre pratiquant le cannibalisme et  voyant un blanc  civilisé pour la première fois, que ce soit avec Colignon à Tanna ou  avec Lavo à Lavongaï , île qui fut   le centre du cargo cult Johnson (les habitants, influencés par le mot jon qui, pour eux, signifie génie,  voulaient voter pour Johnson, le Président des Etats-Unis, et croyaient qu’il accepterait de venir les présider à Lavongaï !) De même, une délégation de Tanna en 2014 se rendit à Londres (et aux véritables  Hébrides !) pour savoir du duc d’Edimbourg si les papayes étaient mûres, c’est-à-dire si le jour prévu approchait. Mais le duc d’Edimbourg répondit que le temps était trop froid en Angleterre !


3 Le chirurgien-major Lavo : les cinq survivants qui gardaient une embarcation de secours. Quatre survivants de l’Astrolabe,   Blondela et son domestique Joseph Hereau, le chirurgien –major  Simon Lavo,    Joseph Richebecq , Guillaume-Marie Gaudebert, et un   rescapé de la Boussole, Roux d’Arbaud.

  En 1791, des ceinturons français et des morceaux de drap rouges et bleus de facture européenne  ont été aperçus dans les îles de l’Amirauté, entre Manus et la Nouvelle- Hanovre. Or, la Nouvelle- Hanovre a aujourd’hui un nom «  indigène » : Lavongaï, l’île (ngaï) de [Simon] Lavo et  nous avons connaissance,  grâce à Jean Guillou, de l’odyssée de Simon Lavo, chirurgien- major à bord de l’Astrolabe doué pour l’astronomie et pour les langues vernaculaires.  
   En 1844, Thomas Jefferson  Jacobs, dans son livre paru à New York  sous le titre Scenes, incidents and adventures  in the Pacific Ocean, or The islands of the Australasian seas, during the cruise of the clipper Margaret Oakley under Capt. Benjamin Morrell,  évoque aussi  (p. 83) l’existence de survivants du drame de Lapérouse, Simon Lavo et ses enfants, à l’île Riger, au nord de la Nouvelle-Irlande, à 2 250 km de Vanikoro. « Riger  was first settled by a Frenchman named Laveaux, a surgeon in the exploring squadron of La Perouse », c’est –à- dire «  l’île Riger   fut d’abord colonisée par un Français  nommé Laveaux, chirurgien de  l’expédition d’exploration de La Pérouse ». « This  island  is sometimes called  … the island of  Lavoo »,  p. 103, «   cette île est parfois appelée l’île de Lavoo », Lavongaï. Les polémiques  contre Morrell n’atteignent  pas le livre de  Jacobs -dont Edgar Poe s’est inspiré dans Aventures d’Arthur Gordon Pym-,  et ne peuvent rien contre ce fait de l’existence d’une île qui perpétue aujourd’hui le nom de Lavo. 
 Morrell orthographie Lavaux (« les enfants Lavaux ») comme sur l’Etat des équipages publié par Millet-Mureau en 1797, qu’il a pu facilement consulter facilement en bibliothèque. Jacobs, pour sa publication de 1844,  a dû exécuter ou faire exécuter  des vérifications complémentaires à Brest et y  trouver que  Lavo,  qu’il orthographie Laveaux,  était chirurgien  de l’Astrolabe. .Sur l’Etat du personnel de Brest, on peut déchiffrer la même orthographe que Morrell et Jacobs utilisent, Laveaux (la dernière boucle du v a été lue comme un e),  et la même simple mention « chirurgien », alors qu’en Eure-et-Loir la tradition  orthographie Lavo avec un o comme sur l’acte de naissance et qu’on parle de lui comme d’un « chirurgien-major ». Lorsqu’il était à Londres, en 1837, Morell a pu se rendre à Brest pour y faire un contrôle.. 
  Jean Guillou,  après avoir, en juin 2006,  exécuté un voyage en Papouasie, envoie à la SAEL son compte rendu  d’exploration dans Navigateurs d’Eure-et-Loir dans les grandes expéditions des XVIII et XIX e siècles, de la Boussole et de l’Astrolabe à la Méduse,  de l’expédition de Lapérouse (1785) à la mission au Sénégal (1816),  Société Archéologique 
d’ Eure -et- Loir (SAEL), décembre 2006 , « Sur les pas de Simon Lavau, chirurgien de l’Astrolabe », p.165-177 et p. 407-506 . 
Le conseil municipal de Germigonville en Eure-et-Loir a  décidé  de dédier à Simon Lavo un parc fort coquet, ainsi que d’apposer une plaque sur sa maison natale.  J’ai ainsi assisté, le 28 mai 2011, à cette inauguration  en présence Jean Guillou qui n’avait  rien perdu de sa fougue malgré ses 95 ans (il venait de sortir un dernier livre Lapérouse … Et après ?),  de descendants  de Simon Lavo qui  arboraient fièrement leur arbre généalogique .  Malheureusement, depuis, celui qu’on surnommait l’Amiral est mort,  le 22 août à Nouméa, après avoir déclaré : « J’ai essayé de résoudre le mystère Lapérouse, j’ai cru le résoudre un jour [c’était  la version officielle : la Marine, solution Conan, Association Salomon], mais la vérité n’est pas là. »Nous verrons où est la vérité ci-après. 


Les rescapés. 
 A Vanikoro (Salomon), une chaloupe de secours de 20 tonneaux avait survécu au naufrage. Cinq personnes au moins étaient préposées à sa  garde,  savoir  Blondela et son domestique Joseph Hereau, Simon Lavo,  Joseph Richebecq , l’officier-marinier Guillaume-Marie  Gaudebert, et  Roux d’Arbaud. Ils réussirent à sauver leur vie  en  mettant à la voile dès le début du massacre nocturne par les insulaires de Makataï. 
1) Simon Lavo, chirurgien de l’Astrolabe, « Pepe Lavo » pour les indigènes de l’île Riger. 
 Nous connaissons, grâce à Alain Denizet (dans Navigateurs d’Eure-et-Loir, SAEL, p 103-161 ), le chirurgien- major de l’Astrolabe,  Simon Lavo,qui  naquit le 17/02/1755 à  Germignonville en Eure-et-Loir .Sa famille tenait son nom (orthographié Lavo ) du fief et de la seigneurie de Lavo (qui signifie la vallée) attesté dans les archives en 1570-1759 (E 1457) et 1776-1799 (E 1466).
 On le trouve cité dans une mélopée indigène citée par Jacobs en langue  tungak  p. 150 :
                                             E-rin go-lu-rin go-lar
                                             E-rin go pi tang ar-r
                                             Re-gare o bu, Pepe Lavo, 
                                             Re-gare Darco, or go Aroo .
 On  remarque le Pépé Lavo, très affectueux, -peut-être une marque de reconnaissance pour les soins que le chirurgien  a dû prodiguer aux indigènes.

2)  Héreau, Aroo, pour les autochtones. 
Le chant nous livre le nom de Joseph Héreau,  altéré sous la forme Aroo (dans go arroo, c’est-à-dire chantons Héreau, oo notant ou ; le mot gou signifie chanter, cf .le vocabulaire de Nyappa recuelli par Dwight  et le nom du  cagou calédonien, l’oiseau qui chante), qui était  originaire de Tours et qui  était domestique de l’enseigne de vaisseau   Blondela sur l’Astrolabe.  
3) Richebecq, alias Pongaracopoo pour les natifs. 
Jacobs nous révèle encore, p. 85, que Darco a un demi-frère nommé Pong Aracoopo, où pong (o) était le surnom de Richebecq, et où Aracoopo dissimule  le nom du père de ce métis,  un gabier de l’Astrolabe,   Joseph Richebecq, mal vu des indigènes qui finirent par le décapiter : il  appartenait à une famille de marins  installée à Roscoff
4)  Le contremaître Gaudebert, appelé Wonber par les natifs, présenté comme un cousin métis de Darco :
5) Roux d’Arbaud,  rescapé de la Boussole, Darco pour les indigènes. .   
Parmi les 4 rescapés de la Boussole, il y a  Roux d’Arbaud.  Le nom de  d’Arbaud  est devenu  Darco dans le récit de Jacobs: n’ayant pas de b,  la langue locale a utilisé un groupement consonantique voisin , QBW avec labio-vélaire proche de b, donnant Darco. 
 En 1826,  Valle, le chef mélanésien de Temua, déclare : « les hommes blancs avaient coutume de regarder le soleil au travers de certaines choses que je ne puis ni dépeindre ni montrer, parce que nous n’avons aucune de ces choses.» Qui étaient ces astronomes survivants ? Nous pensons à Law de Lauriston et à  Roux d’Arbaud. M. Gaëtan d’Aviau de Ternay a publié, dans un numéro du Journal de bord d’Albi, des indications intéressantes sur ce condisciple de Napoléon Bonaparte à l’Ecole militaire, notamment ces compliments de Lapérouse sur ses connaissances  astronomiques dans une lettre du 27 septembre 1787 : « M. Darbaud a aussi parfaitement secondé M. Dagelet » (qui avait été son professeur à l’Ecole militaire).
6) Blondela ?
Y avait-il d’autres passagers à bord de la chaloupe, en particulier le maître de Héreau? 
Le nom de l’île Amakata [qui signifie l’île où l’on a mangé (taï), du blanc (amaka)] ne doit pas nous laisser d’illusion sur la fin des  autres passagers éventuels. La présence de Héreau, domestique de Blondela  à bord de l’embarcation, est un argument pour voir en son maître un passager supplémentaire, ainsi que les morceaux de  drap rouge ou bleu, couleurs de l’uniforme des officiers.    
 Avec leur   chaloupe de 20 tonneaux, les rescapés pouvaient espérer regagner l’Europe par Manillle  en longeant la côte ouest de la Nouvelle -Irlande., mais leur embarcation fut détruite par un tsunami devant Lavongaï, ne leur laissant qu’un esquif qui leur ôtait toute  espérance de regagner leur patrie.
Voici le récit de Jacobs : « Au matin du quatrième jour (après la fin d’un  tsunami), les habitants des montagnes de Nyappa (l‘île voisine de Lavongaï,  aujourd’hui selon moiTingwon) aperçurent avec effarement un monstre nommé « Pongo » 
([le pierrier], qui était à mi-chemin entre leur île et celle de Lavongaï  »  Pongo signifie ordinairement  pointu, recourbé, en forme de corne,  et fait alors allusion aux bicornes de l’équipage , mais ici  il désigne le canon d’un   pierrier « pointu »,  monté , non pas sur l’embarcation  de secours de 20 tonneaux naufragée au cours du tsunami,    mais  sur une dernière petite chaloupe qu’ils ont réussi à sauver . Il était nécessaire pour nos survivants  de  faire une razzia sur l’île la plus proche afin de se procurer de la nourriture avant de retourner sur l’île de  Lavongaï à laquelle ils étaient parvenus, alors inhabitée et donc sûre. La description de la chaloupe, de ses pierriers et espingoles,  est intéressante : « Le monstre avait de nombreuses têtes pourvues d’une longue corne (pongo) noire, braquée sur eux et protégée par le feu, ainsi que des yeux énormes animés par la colère et des bouches d’une considérable largeur qui laissaient voir des dents gigantesques… A côté de chaque bouche, partaient des flammes de feu qui tuaient les ennemis à une grande distance ». 
Les insulaires désirent que Lavo ait un héritier masculin qui règnerait après lui. Mais Simon Lavo n’a qu’une fille. Pour pallier cette carence, ils ont recours à la procédure du mariage coutumier pidiri.  La fille de Lavo et le fils de Roux d’Arbaud  contracteront, à la  mort de Lavo,  un mariage  pidiri, qui n’a rien d’incestueux en réalité. En effet, l’inceste entre frère et soeur est odieux aux Mélanésiens: pidiri (langue de respect) désigne un homme  adopté comme son frère par une femme qui devient ainsi sa « sœur »  dans une procédure  destinée à obtenir un chef mâle.   Le nom va de pair, bien entendu, avec cette adoption et c’est pourquoi son mari devient Lavoo junior  En réalité, c’est  la femme de Lavoo junior qui  est la fille  du chirurgien- major Simon Lavo et d’une princesse de Nyappa, tandis que son mari Lavoo junior est le fils aîné de Roux d’Arbaud  (dont on peut supposer qu’il a donné à son fils la couleur de cheveux qui avait valu leur nom à ses ancêtres italiens) et d’une autre princesse de Nyappa. Comme la tribu désirait avoir pour chef un héritier mâle  de Simon Lavo et qu’il n’en existait pas, elle a demandé à la fille de Simon Lavo de procéder à une adoption pidiri, de façon que leurs enfants héritent des qualités de Simon Lavo et que l’un d’eux  puisse devenir le roi de  Lavongaï. .


                Fin du résumé : développement 

  Nous allons entreprendre de raconter ici la survivance de quelques membres de l’équipage de Lapérouse. Pour ceux qui parleraient d’invraisemblance et de roman, je rappellerai que  « Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable »; un ami de mon père s’était mis en tête de demander la médaille des évadés et fut fort dépité de recevoir un refus, au motif que ses évasions étaient du roman et qu’il n’en avait pas de preuves écrites. Je le vois encore me disant : « Du roman, des preuves? Je n’allais pas demander aux gendarmes italiens  une attestation ! »
  En effet, nous avons du nouveau : 
-la découverte,  par Jean Guillou (cité  dans l’ouvrage de J.-C. Galipaud et V. Jauneau, Au-delà d’un naufrage, Les survivants de l’expédition Lapérouse (1,  p. 232), dans les archives de la Société de Géographie de Paris, d’une lettre du gouvernement concernant le chirurgien de l’Astrolabe,  Lavo, en 1837 ;
-le livre ,découvert aussi par Jean Guillou,  de Thomas Jefferson  Jacobs , paru à New York en 1844 sous le titre Scenes , incidents and adventures  in the Pacific Ocean, or The islands of the Australasian seas, during the cruise of the clipper Margaret Oakley under Capt. Benjamin Morrell (2),   où est confirmée  (p. 83) l’existence révélée en 1837 au gouvernement d’ un survivant du drame de Lapérouse, Simon Lavo, à l’île Riger , au nord de la Nouvelle-Irlande , à 2 250 km de Vanikoro;
-l’apposition, en 2011, en présence de Jean Guillou (3) et de la Présidente de la Société Archéologique d’Eure-et-Loir Madame Juliette Clément, du représentant de l’Association Lapérouse d’Albi, M. Jacques Baudin,  et du professeur agrégé d’histoire et de géographie Alain Denizet (4 et 5), d’une plaque commémorative  à Germignonville en Eure-et-Loir sur la maison natale de Simon Lavo, mentionnant son décès en Papouasie ; 
 -surtout l’existence , dans l’archipel Bismarck ,en Papouasie-Nouvelle-Guinée, Province de Nouvelle-Irlande (îles Morrell), d’ une île appelée Lavongaï (parfois  nommée Nouveau-Hanovre), l’île de Lavo, correspondant en tous points,à l’île Riger de Jacobs : « This  island  is sometimes called  … the island of  Lavoo » (2),  p. 103, «   cette île est parfois appelée l’île de Lavoo », Lavo -ngaï. ; 
- la confession de Makataï, l’auteur du massacre de l’équipage (6) . Il faut faire tabula rasa de tout ce qui a été écrit d’autre sur le naufrage ; .
- la découverte, par  Jean Guillou également (   Lapérouse … Et après ? 2011 (8), de l’existence  d’un canon fleurdelisé en Micronésie,  confirmée par le texte du Capitaine de corvette Joseph de Rosamel, Pohnpei Micronésie 1840,  Voyage de circumnavigation de la Danaïde, édité par Pierre de Rosamel et Jean-Christophe Galipaud,   Société des Océanistes,  Paris, 2005, excellente édition (7),  
-l’existence,  apprise grâce aux enquêtes socio-linguistiques faites à Vanikoro par J.  C. Galipaud,  du survivant de la Boussole appelé le Chef Mathew (altération, selon moi,  de Jérôme Mouton, sieur de  La Prise, né à Brest le 24.05.1756,  lieutenant de frégate). 
Il faut faire tabula rasa de tout ce qui a été écrit d’autre sur le naufrage.
Jean Guillou a effectué un voyage dans les îles Vitu en octobre 2008 pour tenter d’obtenir des indices sur place. Parmi ses aventures, il a, dans sa pirogue, entre deux îles, assisté à la naissance d’une petite fille ! 
-l’existence d’un boulet tiré par les survivants. .Le roi métis  de Lavongaï  a   revendiqué comme gage  d’une force irrésistible, la  maîtrise  d’un boulet tiré par  un rescapé de l’Astrolabe surnommé Pongo, savoir Richebecq , la pierre de Pongo,  contre les habitants de Nyappa et transféré postérieurement,  lors d’une migration   , à Lavongaï  comme un nouveau  palladium Un natif des îles Vitu a d’autre part récupéré plus  récemment, sur le rivage,  un boulet de canon tiré par le Margaret Oakley lors de son 4 e voyage, qui avait été placé dans une grotte appelée Pitar, à mi-hauteur de l’ïle,  et  considéré comme une pierre magique par les indigènes.   En tout état de cause, ces boulets anciens, surtout le premier,  attestent qu’il s’est bien passé dans ces îles peu connues.quelque chose de nature à ébranler les sceptiques européens . 
  Mon intérêt pour le naufrage de Vanikoro fut éveillé en 1965 lors d’une exposition en Nouvelle-Calédonie,-j’étais alors un jeune ulmien, - où un ami de mon père, le conservateur du musée, Luc Chevalier, me montra la photographie d’une  cloche signée Bazin m’a fait en m’expliquant  que Bazin était un fondeur de Brest et que cette trouvaille indiquait qu’il s’agissait de la Boussole, qu’on en avait ainsi la preuve formelle. Mais lorsque je lui demandai s’il y avait des archives qui témoignaient du fait que Bazin était un fondeur de Brest (c’était en réalité un fondeur nantais, et c’était  une  cloche fondue en 1779 pour le   Dragon) , et qui  prouvent que la cloche avait été posée sur la Boussole ou sur l’Astrolabe, il se montra outré devant  tant de scepticisme. Jules Verne ,  dans Vingt mille lieues sous les mers, au chapitre XIX,où  il  suit le récit de  Dumont d’Urville ,   parle de la découverte d’ « une cloche en bronze portant cette inscription : « Bazin m’a fait », marque de la fonderie de l’Arsenal de Brest vers 1785. » De même, l’amiral Brossard dans Voyage de Lapérouse écrit, p.410, que Dumont d’Urville récupéra «  des pierriers et diverses pièces qui furent identifiées, grâce aux numéros des tourillons. On sut ainsi qu’il s’agissait de l’Astrolabe. » C’est aller un peu vite en besogne : il n’y aurait plus qu’à s’incliner .Mais la Marine considère comme sa chasse gardée l’histoire de Lapérouse et elle nourrit aussi  le préjugé  que, - noblesse (ou grade) oblige, - le vaisseau amiral, la Boussole,  n’a pu que s’échouer  et être retrouvé en premier, alors que peu importe le grade pour les tempêtes. .  En 1984, je m’aperçus de ces incohérences et décidai de faire un inventaire critique et scientifique  de tous les objets découverts à Vanikoro : je confiai mon texte à la SEHNC pour une publication, qui eut lieu  en mon absence de Nouvelle-Calédonie sous les signatures de B. Brou, de  A. Conan et de moi-même (12).Dès l’époque, cet article modifié ne reflétait pas du tout ma position. Les hypothèses (savoir, que seule l’épave de la Boussole a été retrouvée, alors que c’est, on le verra, le contraire qui est vrai) sont fausses, seul l’examen des vestiges y est valable et il devrait être repris et corrigé depuis 1989 jusqu’à nos jours, avec un sort particulier fait aux  objets retirés de la faille du récif et une attribution éventuelle à l’Astrolabe et à la Boussole. 
De Botany Bay (Sydney)  (9 mars 1788)  à  Vanikoro (anciennement Manikolo ou Malikolo, aux  îles Salomon) en passant par les Tonga (anciennement îles des Amis) et par  la Nouvelle-Calédonie 
De Botany Bay, le 7 février 1788, Lapérouse écrit : « Je remonterai aux îles des Amis, et je ferai absolument tout ce qui m’est enjoint par mes instructions relativement à la partie méridionale de la Nouvelle-Calédonie, à l’île de Santa Cruz … »  Il avait prévu d’appareiller le 15 mars. Mais nous savons qu’il est parti le 9 mars. Que s’est-il passé pour qu’il précipite ainsi son départ ? Lapérouse  a cédé aux demandes d’aide maçonnique de deux échappés du pénitencier   australien et a préféré appareiller le plus rapidement possible afin d’échapper aux investigations éventuelles..
A Botany Bay, deux  convicts d’origine française et politique qui s’étaient échappés du bagne de Port- Jackson à peine installé firent jouer l’appartenance familiale au rite  maçonnique écossais  auprès de Lapérouse. Il s’agit du Français  Pierre  Paris et de sa compagne Ann Smith, d’origine écossaise (cf. Jean Guillou, L’odyssée d’Ann Smith), nièce de Adam Smith, le célèbre fondateur du libéralisme. Tous deux avaient combattu pour l’indépendance de l’Amérique et contre l’Angleterre .Ils embarquent sur l’Astrolabe avec un uniforme anglais dont on retrouvera un bouton à Vanikoro : on retrouvera l’os du bassin de l’infortunée Ann à Vanikoro. En effet, l’Association Salomon et une équipe de chercheurs australiens du Queensland Museum de Brisbane ont remonté  27 fragments osseux de l’épave du bateau de secours qui gît dans la faille. Examinés par l’Académie de médecine australienne, ils furent déclarés appartenir à deux hommes, âgés de 18 à 25 ans, mesurant entre 1,63 m et 1,74m. Ils présentaient des signes de fractures graves, causées selon moi  par Makataï et par ses guerriers. Ils sont aujourd’hui à Albi dans l’urne du monument élevé à la mémoire de Lapérouse. Chose très étonnante, a  été conservé, en Australie, un os de femme qui ne peut être qu’un os d’Ann Smith. Tout ceci bien avant la découverte du  squelette entier de Prévost l’Aîné . Des os humains carbonisés et de  nettes traces de feu sur l’épave achèvent de confirmer le récit de Makataï qui déclare avoir mis le feu au bateau de secours.

Tonga 
  Le retour sur Tonga est surprenant, puisque Lapérouse venait déjà d’y passer. Mais le séjour de Lapérouse dans l’archipel, n’ayant jamais fait l’objet d’études,  demeure obscur,  surtout que son  journal n’est guère  précis.   Il s’explique, peut-être, par le massacre de Naouna Samoa  dans l’archipel des Navigateurs (Samoa ) qui occasionna la destruction des chaloupes capable de transporter les ancres de touée et par conséquent de faire des recherches  en toute sécurité sur l’île Saint-Bernard et sur l’île de la Belle-Nation de Quiros .Les Instructions royales prescrivaient de  rechercher l’île de Saint-Bernard, découverte par Quiros le 20 août 1596, savoir Puka-Puka aux îles Cook du Nord, Quiros, Histoire de la découverte…p.64,  et l’île de la Belle-Nation  (Isla de la Gente Hermosa, les beaux Indiens, nom donné par Torquemada à Rakahanga aux îles Cook , découvertes  le 2 mars 1606,  par Quiros, p 231 dans Quiros, Histoire de la découverte….).  Les Instructions enjoignent à Lapérouse ,  p 25, de faire « route dans le nord-ouest,  pour se mettre en latitude de l’île Saint-Bernard de Quiros, vers 11 degrès » , mais sans sortir de  certaines limites géographiques . «  Il prendra alors sa route dans le sud-ouest,  pour traverser, dans cette direction, la partie de la mer située au nord de l’archipel des îles des Amis….Il serait à désirer qu’il pût retrouver l’île de la Belle-Nation de Quiros [de Torquemada en réalité]…et successivement les îles des Navigateurs (Samoa) de Bougainville, d’où il passerait aux îles des Amis (Tonga) pour s’y procurer des rafraîchissements. »Or, le journal de Lapérouse (dans D. Le Brun, La malédiction Lapérouse, p. 519) qui  n’a pu trouver ni  les îles du Danger de Byron, corresponddant aux quatre îles de Saint Bernard, ni celle de  la Belle-Natione en raison des vents ,conformément aux Instructions, le déplore et il n’est pas interdit de supposer que Lapérouse a désiré tenter à nouveau de les repérer. . 
  Lapérouse, de Botany Bay, reprend ainsi la route en sens inverse, passant probablement à nouveau par Norfolk, où il n’avait pu mouiller à l’aller, à la différence de Cook, 
Lapérouse a-t-il ensuite passé aux îles Cook du nord, à l’île de Saint-Bernard (Puka-Puka) et à l’île de la Belle Nation (Rakahanga) ? Nois n’avons aucun témoignage, mais cela n’a pas été recherché. Il  fait voile ensuite  vers l’archipel des Amis (royaume de Tonga),  passant devant Tonga -Tapu, île à laquelle, dit-il dans son Journal, il a fait (au cours du voyage précédent ) une courte visite.  Il n ‘y  parle pas d’Anamouka. 
Dumont d’Urville nous donne une  description qui  se rapportae  peut-être à ce premier passage devant Tonga-Tapu, mais avec confusion de Anamuka et de Tonga-Tapu :(trois   jours la première fois au lieu de dix au second passage grâce aux chaloupes reconstruites à Botany Bay, sans débarquer) (13 a), p. 802 : « deux autres grands vaisseaux étaient arrivés devant l’île d’Anamouka ou Rotterdam [Tonga -Tapu en réalité, premier passage ?], mais n’avaient pas jeté l’ancre et étaient restés en panne, ayant à terre des canots pour trafiquer. Quand l’officier qui dirigeait les échanges débarqua [confusion avec le second passage aux Tonga ?], il traça comme démarcation un carré au milieu duquel il se tenait ayant de chaque côté de lui une sentinelle armée. Cet officier portait des lunettes, et les naturels lui donnèrent le nom de Louage (ou Laouae), altération du nom d’un officier de l’Astrolabe, Freton de Vaujuas.  Peu de temps après que les échanges avaient commencé, M. Laouage troqua avec un insulaire un couteau contre un oreiller de  bois ; mais après que le sauvage eut reçu le couteau, il s’empara de son oreiller de bois et prenait la fuite, quand M . Laouage saisit un pistolet qu’il avait à sa ceinture et étendit cet homme mort sur la place. C’était un jeune chef nommé Coremoyanga. En le voyant tuer de la sorte, les naturels prirent de l’épouvante et s’enfuirent dans les bois. M. Laouage et ses gens retournèrent à bord de leurs vaisseaux .Le lendemain, les insulaires se hasardèrent à pousser au large et les échanges recommencèrent. Ils reçurent divers présents des européens et tout se passa d’une manière amicale. Deux hommes de l’île voulurent partir sur les vaisseaux [Confusion avec le second passage]  Les Français  mirent à la voile le jour suivant et depuis on n’en entendit plus parler ». 
  Nous avons une autre description se rapportant cette fois au second passage aux Tonga, à Namouka ou Anamouka cette fois (dix jours et débarquement)  (13), p.112 :« Deux grands navires …, avec des canons et beaucoup d’Européens, avaient mouillé à Namouka  où ils étaient restés dix jours. Leur pavillon était tout blanc et non pas semblable à celui des Anglais. Les étrangers étaient fort bien avec les naturels ; on leur donna une maison à terre où se faisaient les échanges. Un naturel, qui avait vendu, moyennant un couteau, un coussinet en bois à un officier, fut tué par celui-ci d’un coup de fusil pour avoir voulu remporter sa marchandise après en avoir reçu le prix. Du reste, cela ne troubla point la paix, parce que le naturel avait tort en cette affaire ; les vaisseaux de Lapérouse furent désignés par les naturels sous le nom de Louadji ». Lapérouse embarqua, sur leur demande, deux naturels. On peut supposer qu’ils désiraient aller à Tonga-Tapu et que Lapérouse avait décidé de débarquer  dans cette île devant laquelle il était déjà passé en décembre 1787.
 « L’interprète… me dit aussi que Touitonga … avait eu en sa possession deux plaques d’étain avec des inscriptions provenant des vaisseaux de M. Laouage, mais que ces objets ayant été employés au service des dieux avaient été considérés comme sacrés et inhumés avec Touitonga…  » S’agit-il de deux pièces en bronze  avec l’inscription « Les frégates du roi de France, la Boussole et l’Astrolabe commandées par MM. de La Pérouse et de Langle, parties du port de Brest en juin 1785 », faisant partie des cent emportées par Lapérouse ? Il est intéressant de remarquer qu’elles ont été enterrées avec leur propriétaire, coutume  qui explique pourquoi on n’en  retrouve guère.
En résumé, Lapérouse passe à nouveau  (second passage) par Norfolk, les îles Cook  et   Namuka et Tonga-Tapu aux Tonga. 




La Nouvelle-Calédonie, la côte ouest, le sud et l’île des Pins, la découverte de Maré, la découverte de Lifou, Pouébo. .
Les Instructions, p 25, prescrivaient à Lapérouse : « En quittant les îles des Amis (Tonga), il viendra se mettre par la latitude de l’ïle des Pins, sitruée à la pointe sud –est de la Nouvelle-Calédonie ; et après l’avoir reconnue, il longera la côte occidentale qui n’a point encore été visitée ; et il s’assurera si cette terre n’est qu’une seule île, ou si elle est formée de plusieurs. »   Lapérouse réalise, non la lettre, mais  l’esprit de ces Instructions, peut-être à cause du vent,  en longeant d’abord   la côte ouest de la Nouvelle-Calédonie du nord au sud  et en s’assurant ainsi qu’elle n’est qu’une seule île. . Son minéralogiste, le Père Mongez,  a  ramassé vers Gomen,  goumen signifiant  les blancs,  les échantillons verts de dolérite ou péridotite verte  qu’on a  retrouvés à Vanikoro.
Lapérouse arrive au sud de la Nouvelle-Calédonie,  mouille à l’îlot Amere, comme Cook, et reconnaît  l’île des Pins, puis  reconnaît le sud –ouest de la Nouvelle-Calédonie. 


Les graves incidents au cours du second passage à l’île des pins. 
Lapérouse  retourne ensuite à l’île des Pins, où se produit un  incident meurtrier avec les insulaires, que nous connaissons grâce à  Jules Garnier (novembre 1869, Bulletin de la Société de Géographie). Celui-ci a interrogé un indigène de Gadgi (au nord de l’île des Pins) : ses ancêtre auraient aperçu, un matin,  pour la première fois, deux grands navires qui étaient mouillés à l’îlot Amere. Un peu plus tard, les deux grands vaisseaux vinrent à nouveau mouiller dans les mêmes parages.  Les rapports entre les indigènes enhardis et les marins se terminèrent mal, à la suite de vols d’armes et d’outils. Jusqu‘au départ règne la panique. «  Le tonnerre éclatait sur les côtes ». En 1856 (eodem loco, 1858) Bouquet de la Grye avait déjà recueilli des  déclarations identiques auprès du fils du grand chef Ti Toorou, savoir Ti-ote : « …Aussitôt mouillés, plusieurs canots s’en détachèrent , chargés de monde,  et se dirigèrent vers la côte. Les naturels saisis de frayeur avaient fui sur le plateau supérieur : quelques-uns,  plus braves, accostèrent les étrangers qui avaient eu quelque peine à descendre à cause de la houle. Les témoignages d’amitié qu’ils en reçurent encouragèrent leurs camarades qui, mêlés dès lors aux matelots, ne songèrent qu’à s’emparer d’eux et de leurs richesses (wandu, outils, armes et médailles).
Les médailles de Lapérouse 
 Parmi les médailles, je citerai celle en argent avec bélière à l’effigie de Henri IV gravée par le médailler Duvivier et sa famille, comme l’ont été toutes les médailles emportées par Lapérouse.Aucune autre médaille n’a été retrouvée en Calédonie ou aux Loyauté, peut-être parce qu’elles ont été enterrées avec leur propriétaire. 
Etant donné que les médailles ne sont qu’un marqueur du passage de Lapérouse, et non un moyen d’identifier une frégate, il n’y a pas d’étude sérieuse sur les médailles emportées par  Lapérouse. Milet-Mureaux écrit : « il lui en avait été remis environ cent, tant en argent qu’en bronze , dont 1 en or réservée au roi, 25 en argent, et 74 en bronze , et 600 autres  de différentes espèces », .et  l’Inventaire (13A), p .120, parle de «  cent médailles d’argent ou de bronze, à l’effigie du roi, avec l’inscription portant le nom des bâtiments et l’époque du voyage, les unes avec (bélières et ] des chaînes de même métal, les autres sans chaînes [ni bélières] ; 600 autres médailles , en argent et en cuivre, portant l’effigie du roi. ». 
Or, dans le premier  type, nous avons la médaille décrite par le chef Makataï, avec buste  de Louis XVI et datée 1778, et l’inscription : «  Les frégates du roi de France la Boussole et l’Astrolabe commandées par MM. de La Pérouse et de Langle parties du port de Brest en juin 1785 ». 
Dans le second type entre la médaille qui fut offerte au général de Gaulle à Port-Vila,  commémorant la naissance en 1781 du Dauphin, avec à l’avers « LVD. XVI D. G.  FR. ET NAVAR.  REX  et MARI. -ANT.  AUSTRIAE REGINA FRANCIAE », Louis XVI par la grâce de Dieu  roi de France et de Navarre et Marie -Antoinette d’Autriche reine de France, et au revers, sous l’inscription  « FELICITAS  PUBLICA », (que le Dauphin soit une promesse  de) félicité publique »,   la France présentant le royal enfant au monde, ou encore la médaille,   identique, en cuivre aussi, trouvée par le Néo-Zélandais  Discombe à 100 mètres du gisement de la faille. En 2008 dans le gisement de la faille du récif on en trouva une pareille : on en avait trouvé aussi sur l’autre gisement et sur celui-ci.  Dans l’inventaire de la campagne de 90, on lit (7), p21 : « deux médailles (avec portrait du Dauphin ? Inscription 1785) », avec  p.44, la photographie de ces deux médailles de cuivre, montrant des bélières, mais illisibles.  On a également trouvé  une  médaille à l’effigie de  Louis XVI (1776) avec branches d’olivier, médaille  qui a été prise pour une  monnaie  ou pour un  jeton (17), p. 324. 
Enfin citons une soixantaine de médailles en argent,  sans bélière,   à l’effigie de Louis  XV, avec  au revers Sit nomen domini benedictum, que le nom du Seigneur soit béni !et un écu ovale entre deux branches d’olivier
Toujours dans ce second type, la médaille, à l’effigie de Henri IV le fondateur de la dynastie et le premier Bourbon  fut trouvée dans le sol à Prony où elle fut perdue par les vainqueurs de l’île des Pins originaires du sud. En somme, Henri IV, Louis XIII, Louis XIV, Louis XV et Louis XVI ont dû être représentés (on n’a pas trouvé de Louis XIII et de Louis XIV).
Le moment du réembarquement fut choisi comme signal de l’attaque ; mais, surpris par le bruit, nouveau pour eux, de la mousqueterie, ils s’enfuirent  dans les bois, abandonnant trois morts et plusieurs blessés. Les blancs, de leur côté, après une recherche d’eau douce infructueuse [et d’un  précieux graphomètre qui leur avait été volé], retournèrent à leurs vaisseaux qui, après « un coup de tonnerre », disparurent bientôt dans la direction de la Grande Terre. » 
  Le graphomètre. 
Le vol d’outils comprend certainement le vol d’un  graphomètre à boussole et à pinnule destiné à faire des relevés à terre (l’île des Pins n’avait pas été suffisamment relevée par Cook.)  C’était l’un des « quatre théodolites, ou graphomètres, à lunette et sans lunette, pour mesurer les angles à terre, et lever les plans » indiqués par l’Etat des instruments, p. 122 (13 A). .Un communard déporté à l’île des Pins , puis amnistié le 20 octobre 1877  et rentré en France par le navarin,  l’a retrouvé avec son étui à fleur de lis dans une case canaque de  la tribu  aujourd’hui disparue de Nimbo, située à l’embouchure de la Dumbéa (Nimbo, comme Doniambo, qui signifie la vraie presqu’île,  est le même mot que Dumbéa  ou Nouméa, et signifie également  la   presqu’île,  désignant ici à la fois l’île située à l’embouchure de la Dumbéa, rongée par l’érosion, et la terre ferme devant cette île). François Bellec pense qu’il s’agit plutôt de la baie de Nimbo près de Ducos, parce que cette presqu’île reçut des communards condamnés à la déportation en enceinte fortifiée, mais ce  n’était nullement le cas de Bonnemaison. Qui avait séjourné à l’île des Pins.  Mais il n’y eut jamais, semble-t-il,  de case canaque à Nimbo sur la presqu’île Ducos. . Les derniers survivants  de cette tribu de Nimbo demeurent aujourd’hui  à la Conception : ce sont les descendants de Madame Scolastique Pidjot, la  femme de l’ancien  député.  Le graphomètre leur avait peut-être échu au cours d’une opération d’échanges entre l’île des Pins et ses vainqueurs du sud,   bien qu’on puisse se demander si ce n’est pas à l’île des Pins que le graphomètre a été trouvé par Bonnemaison , à  Ouameo, l’une des 5 «  communes », dont le nom, peu connu, fut altéré en Ouambo.  Coincidence qui n’en est peut-être pas une :Bonnemaison était né à Albi,ce qui l’a peut-être amené à accorder de l’intérêt à son compatriote Lapérouse, né aussi à Albi et à un indice de son passage : le graphomètre.  
  Longeant la côte est à partir du sud,  Lapérouse est le véritable  découvreur   de ces  Loyauté qui n’ont pas encore de nom : d’abord, Maré (Nengoëné), puis Lifou (Dréhu) 
La découverte de Maré par Lapérouse  en 1788, cinq ans  avant le britannique Raven en 1793. 
Lapérouse  découvre   Maré (Nengoëné). En 1887, le Maréen Louis Saiwene déclare que,  peu  avant un navire britannique  (le Britannia de Raven en 1793, que les Maréens  appellent Betischo  par altération du mot anglais British),   Lapérouse  « laissa dans l’île une hache (fao,du français fer), des graines d’orangers   et quelques grains de maïs qu’il apprit aux indigènes à mettre en terre»,ceci  vers Tadine. Le mot signifiant maïs en langue de Maré, kele ou kedre, le dr notant une cacuminale, vient  probablement du nom du botaniste de la Boussole, Collignon.  L’expédition avait, en effet, été pourvue de diverses variétés de maïs, selon Milet- Mureau (p. 237).Les gens de Maré font remonter au don de Lapérouse  l’introduction de cette plante qui, sans leur affirmation, pourrait venir de Tanna, où, ce qui avait fort intrigué Bernard Brou, un survivant de Lapérouse, le botaniste   Colignon  (voir mon blogcoldcasefrance@gmail.com,)  en avait apporté.  Lapérouse  a-t-il offert aussi aux Maréens une poule plus grosse que ces poules indigènes  qui venaient de l’île voisine de Tanna ? 

La découverte de Lifou (Dréhu) en 1788 avant Hunter. 
Averti par l’incident survenu à l’île des Pins, Lapérouse n’approche qu’un de ses vaisseaux, l’autre restant mouillé au loin, prêt à intervenir. Une chaloupe de l’Astrolabe avait été endommagée à l’île des Pins  et il fallait un espar pour la réparer. C’est donc l’Astrolabe, commandée par de Clonard, qui mouille à Chépénéhé, mais on peut supposer qu’elle avait embarqué Colignon, le botaniste de la Boussole, dont nous retrouvons encore  le nom, à peine altéré,  dans celui du village de Kedegne qui fut fondé à cette époque et nommé ainsi en son  honneur. Il avait, semble-t-il, apporté avec lui des graines d’orangers et de mandariniers. A Lifou existent des traditions sur le premier navire aperçu, traditions que le professeur australien  D. Shineberg , récemment décédée, a  justement rapportées à Lapérouse., sur la base du  rapport du santalier Simpson . Le santalier, en 1844, fit escale à, Lifou et y recueillit le souvenir du premier navire européen passé à Lifou. Selon les gens de  Lifou, le navire  fut aperçu près de Chépénéhé ; il était très grand ; il avait deux ponts, de grands canots et beaucoup d’hommes, -des officiers français, -portant des chapeaux à cornes, avec  des vestes rouges et bleues (la langue lifoue n’avait pas de terme pour désigner le bleu). Ce ne peut donc pas être la gabarre britannique la Fancy qui passa devant Lifou en 1796. Ils avaient des boucles à leurs souliers et ils portaient des gants. Le navire était resté à l’ancre pendant 2 jours à environ un mille à l’intérieur de la pointe sud. L’équipage coupa un cocotier avec un instrument en fer (encore fao, qui désigne la hache dans beaucoup de  langues calédoniennes), et les gens de Chépénéhé montrent aujourd’hui encore la base de ce cocotier qu’ils regardent comme étant le souvenir des premiers blancs qu’ils aient jamais vus. 
 Il  se dirige ensuite, depuis Lifou, vers le nord de la Nouvelle- Calédonie ; le grand récif , à la hauteur de l’embouchure de la Tiouandé, s’appelle Mangalia, ce qui signifie deux (lua) bâtiments) européens (maga). Il  s’arrête à Pouébo et non à Balade comme Cook. Il y  fait escale  trois jours,  fait provision de bois de chauffage sur l’îlot Poudioué et se ravitaille en eau. Il y laisse des pieds de pommiers malaques (Syzigium malaccense) appelés pommiers canaques par les Calédoniens, tandis que les autochtones de la côte est les appellent les pommiers des blancs ou apopaleï, popalagni. A Pouébo, Lapérouse  offre une médaille qui n’a pas été retrouvée non plus.  
Les débris de Balade trouvés en 1793: une planche peinte en rouge . 
    Des débris provenant d’un bâtiment de Lapérouse découverts à Balade en 1793 (un morceau de bois peint en rouge et une planche rabotée et vernissée ) nous renvoient à Vanikoro, puisqu’ils  viennent  de la partie polynésienne d’Ouvéa, où  on  savait que des Polynésiens  étaient arrivés vers la fin du XVIIIe siècle .On peut maintenant préciser le lieu d’origine de ces Polynésiens (ainsi que des Wallisiens et Futuniens qui viennentn aussi de Tonga à l’origine) : Vanikoro et sa colonie Utupua,  ainsi que leur date d’ arrivée : entre 1788 et 1793, puisque ce sont des objets du naufrage de  Vanikoro, dont Utupua est une colonie.

L’épée dite de Lapérouse. 
Quant à l’épée de Lapérouse annoncée par F. Paladini comme découverte par lui à Païta, est-ce  la même que celle que décrivit  Jules Garnier ? Ce pourrait être une épée anglaise ayant appartenu à l’officier britannique Stewart (descendant en Nouvelle-Calédonie) qui, avec 10 autres convicts échappés (Hambilton, Williams, etc.),  volèrent  la chaloupe d’un navire appartenant au capitaine Walker.  Jean  Guillou raconte leur passionnante odyssée dans La Pérouse… Et après ? p  93-95.   On a trouvé leur  trace à l’îlot Lord Howe où ils sont responsables de la quasi extinction du grand râle, à  Erromango (1 convict abandonné), à Walpole (4 morts), où l’on a trouvé un squelette et des boutons de veste d’uniforme de marine,  à l’île des Pins, à  Tonga (1 convict mort) et à Ticopia (5 convicts que Dillon y  retrouva).   L’épée aurait pu être  « perdue » à l’île des Pins avant d’arriver à Païta par le jeu de la conquête ou des échanges. F. Paladini a dû  en être informé, ce qui explique pourquoi il n’a pas donné suite à son annonce dans les journaux. Mais l’épée décrite par Jules Garnier est-elle   la même ?
  Pour la discussion de ces indices, il est impératif de consulter le spécialiste du sujet, Bernard Brou (11),  « Lapérouse, découvreur de la Nouvelle-Calédonie. » 

En route pour Vanikoro. Mais pourquoi Vanikoro ?
Lapérouse à la recherche de Manikolo ou Vanikoro et de son destin.
Lapérouse s’était vu fournir, parmi les livres de voyages qui devaient l’accompagner, l’Histoire des navigations aux terres Australes en deux volumes du Présient Charles de Brosses .Or, au tome I, on trouve, p.339, dans la bouche du chef Tamai, originaire de Taumako, la mention d’une « grande région [habitée] qu’il appelait Manikolo, c’est-à-dire aujourd’hui Vanikoro.  La « grande région » est une mauvaise traduction pour un archipel composé  de deux îles. Il nous est précisé que Vanikoro est à deux journées (de pirogue) de Ticopia et à cinq de Taumako, ce qui est vrai  .En partant, écrit de Quiros, p.340, j’enlevai quatre naturels, dont le quatrième, qui resta, fut baptisé  et nommé Pierre (Pedro) », voir la requête 24 où l’on trouve d’intéressants détails confiés dans la suite par Pedro sur Taumako: « j’ai touché depuis à ce pays  que (Tamai) appelle Mallicolo » ,  -erreur pour Taumako ».   Le texte de Quiros, qui est connu par la traduction qu’en a donnée AnnieBaërt, agrégée d’espagnol, docteur en études ibériques et professeur à l’Université de Papeete, sous le titre Histoire de la découverte des régions australes : Iles Salomon, lMarquises, Santa Cruz, Tuamotiu, Cook du Nord et Vanuatu,  confirme les dires du Président de Brosses, p.238 : « une très grande terre qui s’appelle Manikolo ».et p.240  « cette grande  terre ». 
  De la Nouvelle-Calédonie, les Instructions du roi  prescrivent  à Lapérouse, de « gagner les îles de la  Reine-Charlotte », parmi lesquelles se trouvent  l’île de Sainte-Croix [Santa Cruz, Nendo aujourd’hui] que le Portugais Quiros,  naviguant pour l’Espagne et pour Mendana, a le premier , en 1595, visitée,  citant le nom des îles voisines de  Vanikoro , celle-ci  vue seulement de loin, et de Taumako, toutes deux jamais visitées depuis deux siècles, ce qui a dû intéresser Lapérouse : tel est le mobile qui a poussé Lapérouse vers Vanikoro. 
Le passé de Vanikoro et sa découverte par Mendana en 1595.
En 1595, l’almiranta Santa Isabel, qui faisait partie de   l’expédition de Mendana, se perd dans le brouillard près de Santa Cruz et disparaît dans les parages  de Taumako  ou  
d’ Anuta (Anouda ou Cherry, près de Vanikoro).  Quiros recherchera le galion perdu et dix ans après,   le 7 avril 1606,  touchera à Taumako au cours desaseconde expédition. 
Un   survivant de la Santa Isabel y était peut-être vivant.à l’époque. « Un autre Indien s’approcha alors, écrit-il, et, l’air épouvanté, regardait les nôtres (craignait-il d’être arrêté pour désertion ?), qui le regardaient à leur tour avec la même cuuriosité : comme il avait le teint fort blanc et les cheveux et la barbe vermillons, ils l’appelèrent le Flamand : son nom était Olan. » L’obserevation de Quiros (op. cit, p .238 est confirmée par deux autres récits du voyage : ceux de Munilla et Prado. D’autre part, p. 242, « il y avait encore, sur une petite place, des morceaux de bois, certains peints en rouge, pour lesquels les Indiens avaient un profond respect et auxquels ils avaient accroché des toiles, des nattes et des cocos. On pensa que c’était la sépulture de l’un de leurs notables ou bien l’endroit où leur parle le diable. » S’agissait-il d’un morceau de la Santa Isabel ? De plus, non seulement on  trouve à Taumako des chiens de type européen, mais encore des poules qui étaaient tabouées.
   En 1801, le Capitaine Roger Simpson, à bord du brick, le Nautilus, découvrit à Taumaco les restes d’ « de la partie inférieure d’un  très grand mât près de la quille », avec du bois très pourri. Il en déduisit qu’il s’agissait d’un grand navire espagnol qui avait fait naufrage longtemps auparavant. J. C. Galipaud écrit, p.251 : Simpson « pense qu’il a observé l’épave d’un ancien navire espagnol. Aucun naufrage espagnol n’est pourtant signalé dans la zone entre le passage de Quiros et celui du capitaine du Nautilus. En revanche on peut se demander si cette trace à Taumako ne serait pas celle d’une chaloupe pontée qui aurait quitté Vanikoro auparavant. » Il n’a pas songé que le navire espagnol datait d’avant Quiros, de Mendana. 
  En 1971, l’archéologue Roger Green fit quelques fouilles et trouva un morceau de poterie et quelques vieilles ferrailles à Kakua, sur l’  île de Taumako.
Robert Langdon, dans The lost caravel (15), détaille le trajet de la Santa Isabel : son capitaine attendit en vain les autres bâtiments à San Christobal (à Pamua). Il décida de partir ensuite pour les Philippines ou de retourner au Pérou, mais ne dépassa pas les îles Ellice (Vaitupu) et au sud-est Taumako et Anouda. Le bateau avait 50 personnes à bord à l’origine, mais  40 étaient mortes de faim et de soif avant d’atteindre Tamako. Les autres,  7 hommes très blancs,  un autre qui était brun, trois femmes blanches, aux cheveux longs et blonds, couvertes de la tête aux pieds d’un voile, bleu ou noir, devaient mourir par la suite,  sauf cet  Olan.dont nous avons parlé et quelques autres rescapoés éparpillés dans les îles. Aux îles Gilbert, sur l’atoll Beru, un esquif avec un blanc  était arrivé et l’homme y avait fait souche. A l’ïle Utubua  (Edgecombe ou Ourry de Carteret), proche de Vaniloro,   la tradition rapporte qu’un bateau européen aurait été incendié il y a très longtemps et qu’un popalangui (espagnol) rescapé  y aurait été enterré.  De même, aux îles Banks, à Gava,  Quiros rencontre deux blancs qui avaient les yeux bleus, et  un troisième, aux cheveux et aux poils de barbe rouge vermillon, crépus et assez longs,  leur parla d’un  Martin Cortal comme habitant une autre île
Le guerrier qui incendiera l’Astrolabe sera inspiré par ces événements lointains.
Le nom du blanc espagnol : tahitien popaa  mélanésien popalangui, apopaleï, polynésien poure (de paloni) et tongien aolei (de paloni)
Aux Salomon, sur l’île de Malaïta, une tradition rapporte qu’un blanc à longue barbe blanche arriva sur une planche (popalangui , qui  est interprété comme signifiant planche du ciel, alors que le mot est l’altération de hispaniola, plus exactement de sa  métathèse [his]paloni).  Ce blanc fut honoré, dit-on, comme un dieu par toutes les tribus. Or, nous avons, chose intéressante,  la version espagnole de ce mythe : le 11 avril 1564, le chef pilote de l’expédition de Mendaña, Hernan Gallego, accompagné du maître de camp Pedro Ortega Valencia, embarquent sur un petit bateau construit sur place appelé le Santiago, une brigantine que les naturels appelleront planche du ciel (popalangui).Les Espagnols visiteront l’île sauf le nord et seront obligés de faire feu sur les insulaires.
Nous nous sommes attardés sur le naufrage de la Santa Isabella à Taumako ou à  Utubua près de Vanikoro, parce qu’un guerrier dont les ancêtres étaient originaires de Tamako et qui tirait son nom de cette île, Taumakau ou, par métathèse,  Makataï, voudra renouveler l’exploit de ses aïeux contre les Blancs et attaquera les rescapés de l’Astrolabe de Lapérouse.

Le nom des blancs de Lapérouse à Vanikoro : ce ne sont pas des êtres humains, ce sont des esprits (Ngambé, Lambé, Ambi [de langui, de  paloni, de la métathèse de  Hispanioli, palinio), même si ces Esprits  sont comestibles… 
« Les insulaires, nous révèle Dillon, ne  regardaient pas les blancs comme des êtres humains, mais comme des esprits, et des esprits malveillants.
« Leur front ou leur nez présentait une saillie d’un pied de long (Martin Bushart pense que c’était le chapeau à cornes). « Leur nez s’avançait de deux palmes au-delà de leur visage. » 
 «  Ils ne mangeaient pas comme des hommes. Un petit morceau de nourriture,  gros comme le bout du doigt, leur suffisait. Après l’avoir avalé,  ils se remettaient sur-le-champ à bâtir leur vaisseau. » Par « petit morceau de nourriture », il faut entendre du biscuit, c’est-à-dire du pain de garde très dur conservé à bord  dans des récipients hermétiques de fer-blanc.
 « Le chef (Sutton de Clonard, Blondela ?) était toujours à regarder le soleil et les étoiles et leur faisait des signes. » Aussi les noms de Rivière des Esprits, de passe des Esprits ne sont –ils pas neutres et ils  nous renvoient aux naufragés. 
La localisation des épaves : il y a trois épaves (la Boussole, l’Astrolabe, le Lapérouse ou bateau de secours) et seulement deux gisements connus : celui de la fausse passe (l’Astrolabe) et celui de la faille (le Lapérouse ou bateau de secours ).
Dumont (13 A) , p. 1017, écrit qu’au village de Vanou , un guide de la petite île Teanu  raconta «  qu’outre les deux navires qui avaient fait naufrage à Paiou (l’Astrolabe) et à Vanou (village près de Paiou : il s’agit du bateau de secours) , un autre avait péri près des îles de sable nommées Maka-Loumou, au sud de l’île, mais qu’on n’avait pu rien en sauver, attendu qu’il avait été sur-le-champ brisé, et s’était englouti le long du brisant. « 
   Pour la Boussole,   le nom de Gnembe Neungge, ou Dean Passage c’est-à-dire la passe des Esprits ou des Blancs, indique le lieu où celle-ci a coulé près de Makulumu (l’écueil des deux pirogues des blancs) et de Noungna. 
  Pour l’Astrolabe, la fausse passe du récif s’appelle dans la langue du pays la fausse passe des Ngambé (esprits ou blancs), la baie s’appelle  Ngambé et la rivière voisine s’appelle la rivière des Esprits (Ngambé), où naturellement avaient été installés  le camp des Français, à Ambi, altération de Ngambé, et le lieu de construction du bateau de secours.
Les naufrages nocturnes de Vanikoro. 
 Le capitaine Hunter disait que Lapérouse avait dû être victime du calme et des courants.  En somme, c’est ce scénario que Dumont d’Urville a vécu, mais avec cette fois  une fin heureuse,  en 1827,  à Tonga  (13), p.108 sqq. : « La corvette L’Astrolabe [de Dumont d’Urville], poussée par une brise du sud- est, donna dans la passe de l’Est. Une ou deux heures encore, et elle  atteignait le mouillage [du lagon] ;   mais le vent ne s’y prêta point, il mollit jusqu’au calme plat, livrant ainsi le navire au jeu des courants dans un chenal hérissé de récifs. L’Astrolabe [de Dumont d’Urville], drossée par l’action des eaux, alla donner contre les brisants du nord. Une prompte manœuvre l’en releva aussitôt ; mais le vent, revenu au sud- sud- est, tint la corvette drossée contre ce mur de coraux sous-marins, véritable rempart vertical, aux acores duquel on ne trouvait point de fond à quatre - vingt brasses... Des ancres à jet furent élongées ; mais le tranchant des coraux eut bientôt coupé les câbles, et les menues ancres furent perdues. Les deux chaînes seules  résistèrent pendant trois jours et trois nuits ; qu’un seul de leurs anneaux cassât, et l’Astrolabe, broyée par ces récifs, livrait ses lambeaux comme une proie facile aux cupides insulaires…Les chaînes avaient déjà cédé , et, dans les profondes oscillations de la houle, le flanc droit du navire allait s’abattre à cinq ou six pieds du mur de coraux .Trois ou quatre heurts contre cette masse auraient suffi pour briser l’Astrolabe ; la coque eût été fendue et dispersée en lambeaux, la mâture elle-même n’eût pas tenu devant le choc ; en supposant un désastre de nuit, le nombre des victimes était incalculable. »
 L’incident se répète pour Dumont (13A) devant Vanikoro : « A 5 heures et demie,  nous eûmes un calme plat et des grains. Nous n’étions pas à plus de trois milles des brisants,  et l’on sent bien que c’était une perspective peu rassurante que d’avoir à passer  une nuit obscure de douze heures, dans un pareil voisinage et livrés à l’action des courants. Aussi commençai-je à concevoir quelques inquiétudes quand, à 6 heures et demie, il s’éleva une petite fraîcheur qui me permit de faire très lentement deux ou trois milles de plus. Tout le reste de la nuit, nous eûmes calme plat.. » 

Les deux bâtiments  de Lapérouse sont arrivés par le même chemin que prendront plus tard Dillon et Dumont d’Urville vers le havre d’Ocili. Lisons la déclaration faite par les Ticopiens à Dillon : pendant trois jours, les naturels  avaient aperçu «  deux grands vaisseaux qui  étaient arrivés près de leurs îles (les deux îles composant l’archipel Vanikoro) ; ils avaient jeté l’ancre, l’un [la Boussole] vers l’île de Vanou (la petite île, Tevanou, où te- est un aricle),   le second [l’Astrolabe] vers l’ (autre) île  où se trouve  Païou, (îles) peu éloignées l’une de l’autre. Quelques jours après, et avant qu’ils eussent eu communication avec la terre,  une tempête (un fort  coup de sud- est) s’était élevée et avait poussé les deux vaisseaux à la côte. » Il s’agit donc d’une bonace, d’un calme de trois jours suivi d’un coup de sud-est brutal et soudain, avec des courants très puissants. Un vieillard  déclare : «  Le premier navire [la  Boussole] fut vu échoué sur les récifs [du district] de Tanema … On ne sauva rien du bâtiment… « Ce vieillard avait vu le navire échoué dans le district de Tanema et les  4 hommes  qui en provenaient, mais il n’avait pas vu ceux qui avaient appartenu au navire échoué devant Paiou (l’Astrolabe),  attendu que sa tribu (celle du district de Tanema) était en guerre avec celles de ces districts [de Béu’u, Paukori] »

Selon Wéwo,  « [la Boussole] essaya de s’engager dans la passe de Makalumu et s’accrocha sur le récif. » 
Dumont d’Urville, dont la chaloupe suit le grand récif à l’extérieur de celui-ci, nous dit : « Nous laissons à notre gauche une petite île de sable, nommée Nougna, et plus loin [vers l’est] une seconde nommée Makalumu. C’est près de ces îles de sable qu’un navire s’est perdu il y a longtemps ».Makalumu, qui s’analyse en maka, homme blanc (littéralement rouge), lu qui signifie deux, et mu, récif, signifie le récif des deux [pirogues des] Blancs, l’Astrolabe et la Boussole.   Noungna  signifie l’île (nou-)  qui  est en voie de disparition, qui n’existe plus (négation gna). 
Il existe  une fausse passe au droit de Temua,  située entre les îlots Noungna et Makalumou, mais la géographie a changé et  il faut  se rapporter aux cartes de Dumont d’Urville ou de B. Brou., car l’îlot Noungna  englobait alors la fausse passe de Makalumu et se continuait, prenant le nom d’îlot Makulumu,  au-delà de la passe. Du temps de Dumont encore, existait la fausse passe dite de Makalumu, qui séparait  deux vestiges de terres rocailleuses. On n’insistera jamais assez sur la confirmation d’un  Vanikorien à Dumont d’Urville : « C’est  ici [à Makulumu] qu’a coulé un  bâtiment [la Boussole]. Je ne l’ai pas vu, mais on me l’a dit ».

La tragédie de la recherche de la Boussole a voulu que, en 1956, le commandant Bonnet, en fonction sur le Tiaré, à une époque où la découverte de l’épave de la faille du récif n’avait pas encore vicié le débat, passe à côté du véritable gisement de la Boussole, sans pouvoir véritablement l’explorer. Il avait  recueilli la tradition  d’un vieil indigène « qui prétendait  que «  l’un de ses ancêtres  avait vu dans son enfance, non loin de Vanou (Tevanou, nom de la petite île), de très grands mâts d’un navire coulé ». L’individu  en question  accepte de leur indiquer précisément l’emplacement, très éloigné du site de la fausse passe du récif.  Malheureusement, en cours de route, l’embarcation des Français chavire et  les  quatre scaphandres autonomes tombent à l’eau. Il ne reste plus au commandant du Tiaré et à ses hommes que quelques masques de plongée pour explorer l’emplacement du naufrage, « à cent mètres environ du sud de l’île Naoun-Ha » , autre orthographe de Noungna,à  ne pas confondre avec l’îlot Nanoun-Ha au nord de l’île).  Les conditions météorologiques sont défavorables ; depuis la surface, les nageurs remarquent que le massif de corail sur lequel ils sont ancrés a une forme oblongue et régulière .Privé des moyens de mener une fouille plus approfondie, la capitaine  Bonnet est persuadé qu’il s’agit de la coque de la Boussole recouverte de corail et déclare qu’aucun mémorial n’atteindra jamais la somptuosité de cette sépulture naturelle. » (Bonnet,  lieutenant de vaisseau, Rapport de mission à Vanikoro au Commandant de la marine en Nouvelle-Calédonie.)
Pour moi, la cause est entendue. Dès 1985, au Colloque d’Albi du 25-31 mars,  après avoir cité Dillon : « un autre navire, la Boussole,  avait péri près des îles de sable nommées Maka-Lumu », je concluais: « Le mystère demeure entier .Il faudrait qu’une mission aille explorer ce site qu’une tradition obstinée nous indique en vain depuis plus d’un siècle et demi. » En 1990, j’ai demandé à  Bernard Brou qui participait à une expédition sur Vanikoro de vérifier l’hypothèse à laquelle je tenais depuis 1985 pour l’emplacement de la Boussole. Voici ce que B. Brou écrivit dans le Bulletin de la SEHNC à son retour à Nouméa :
 «  L’hypothèse d’un naufrage possible à Makulumu était basée sur l’étymologie du mot qui signifiait : « là où la grande pirogue a sombré » (sic). Mais nos recherches ont précisé qu’il s’agissait de Makalumu [exact !], donc sans signification particulière (ce qu’a confirmé une exploration sous-marine rapide). » Encore une occasion ratée ! Mais l’Association Salomon  (dans  Le mystère Lapérouse),  désireuse de prouver  que la Boussole gît dans  la faille du récif, émet l’hypothèse qu’il s’agirait là d’un navire japonais qui se serait échoué en 1928 et se serait délesté pour se déséchouer. Elle a poussé le scrupule jusqu’à remonter des gueuses de fonte (étaient-elles donc invisibles lors de l’ « exploration rapide » ?) provenant du navire et jusqu’à les faire analyser  en 2007 par le laboratoire industriel de fonderie ENSAM CER d’Angers, « afin de savoir si ces gueuses étaient  identiques à   celles découvertes sur les épaves de Lapérouse. » Les résultats étant négatifs, l’Association, en conclut qu’elles proviennent très certainement  du bateau japonais. » Mais d’où vient alors cette « forme régulière et oblongue » aperçue par le commandant Bonnet ?

Géographie sommaire récapitulative :
Petite île : île  Vanikoro, Tevanou  (Te- étant un article ou déterminant) ou Vanou ou Teanou ou Tevai (nom de la tribu de Makataï). Village de Vanikoro


Grande île : appelée Vanou ou, par attraction sémantique, Lovono du nom d’une langue mélanésienne
Côte nord (sans intérêt pour nous, sauf pour éviter les homonymies) Lale (Nama),  Vanou ou Whanou, îlot Nanoun-Ha  (l’île, -nou, - en voie de disparition) . 
Côte sud, de l’ouest à l’est: Pakaré, Ignama, 
L’Atrolabe : récif des esprits (Ngambé)
Camp des Français : Ambi, Paukori (Pakaré), ou Béu’u, 
Lieu de lancement du bateau de secours, le  Lapérouse: rivière des Esprits. 
Chaloupe de Mouton-Laprise : Vanou près de Paiou
Mambolé, cimetière de la Boussole notamment. 
Epave de la Boussole, Emou, Emoa, Ammah, Temoa (Te- , article),Temua,  passe des Esprits ,Nougna ou Nanoun-Ha (l’île, -nou, - en voie de disparition) , Makulumu ou Makalumu (le récif des deux bâtiments des blancs), Vanou-Ocili 




Dans l’hypothèse aujourd’hui  généralement adoptée, qui élimine totalement  « Vanou » au profit de Paiou., il ne subsiste plus rien des déclarations unanimes des Vanikoriens sur le naufrage d’un des deux bâtiments à « Vanou. »  Il y a énormément d’homonymies et de pièges dans la toponymie mélanésienne : non seulement  Mallikolo, le terme utilisé par Dillon pour Vanikoro, peut désigner aussi  une île des Nouvelles-Hébrides (Vanuatu), mais il désigne encore  un village sur la petite île appelée Vanikoro., sur l’archipel que nous nommons Vanikoro. 
 Voici ce que Dillon  dit de sa signification (13A), P .937 : « Le nom de Mallikolo n’appartient proprement qu’au côté du vent [encore appelé le côté au vent, celui d’où souffle le vent] de la grande île. Le côté de sous le vent (le côté opposé à celui d’où souffle le vent, le côté à l’abri du vent, à l’abri de la brise de terre, c’est-à-dire venant de terre)  se nomme Whanou. Ce sont comme deux grands districts contenant plusieurs villages qui ont un nom particulier. D’après cela, lorsque Whanou est cité comme le lieu où il y eut des combats entre les insulaires et les naufragés, il faut entendre les différents villages du côté sous le vent de l’île. » Et Durville (13 A), P.1022 : « Dans les deux villages [de Tevai et de Manevai, sur la petite île Teanu ou Tevai ou Davey], les naturels se sont accordés à désigner spécialement sous le nom de Vanikoro l’île du nord-est sur laquelle se trouvaient le village de ce nom [Vanikoro] et celui de Tevai. Mais ils n’ont point de nom collectif pour la grande île, et ils l’ont divisée en districts dont les principaux sont Tanema, Paiou et Vanou. En conséquence, pour nous conformer à la désignation des peuples voisins, le groupe entier, suivant nous, portera le nom d’îles Vanikoro, la grande île gardera le nom de la Recherche que lui avait imposé d’Entrecasteaux, la petite sera l’île Tevai, de son principal village .    Mais Vanou peut aussi désigner un  village situé au nord-ouest,  que des émigrés de l’autre île ont fondé pour fuir Makataï. Vanu veut dire terre, par opposition à mer. Mallikolo, Manikula,  Vanikoro ou Vanu ont le même sens et signifient à l’origine la terre  (vanua, cf tahitien fenua) du Serpent enroulé. Le Vanou du nord n’intervient jamais dans notre scénario.  Il reste donc seulement 3 sites de combats à ne pas confondre, si l’on veut bien mettre de côté ceux de Laprise-Mouton : Ignama, îlot  Filimoè, Lambé, Paukori (Pakaré), ou Béu’u, 
Vanou près de Paiou
Baie de Saboë, construction d’une  chaloupe par Laprise-Mouton
Naufrage de Mouton: Murivai, Dennemah  ou Tanema. 
1 à l’est,  Temua, en face de Makulumu, près de Mambola (le « cimetière »), le site de la Boussole ;
2 (le village de) Vanou, dont le second  chef est Valie,  devant un lieu nommé Ambi où fut installé le camp des Français (Ngambi, signifiant  Esprit) » en face de la Rivière des Esprits (blancs).  C’est le site où avait coulé l’Astrolabe, sur la fausse passe du récif : « il ne restait plus que des objets en fer, cuivre ou plomb. Tout le bois avait disparu [pour être réutilisé sur le bateau de secours]…La  disposition des ancres faisait présumer que quatre d’entre elles avaient coulé avec le navire, tandis que les deux autres avaient pu être mouillées. » 
3 Paiou : c’est le site du bateau de secours, sur la faille du récif,  près de la rivière des Esprits ;


 Le choc nocturne final de  la Boussole devant Temua
Il faut faire attention à ne pas confondre Tanema et Temua devant lequel a coulé la Boussole.  La  dérive des cadavres confirme cette localisation. Voici la déclaration du chef de Temua : « il vint à la côte plusieurs cadavres qui avaient les bras et les jambes mutilés par les requins ».Les   cadavres qui avaient dérivé de la Boussole ont  été rassemblés à Mambola par les Mélanésiens de Tanema (sans pouvoir être mangés) :   ce lieu est situé entre Temua et Tanema.  Déclaration du vieux Wéwo (12), p. 54, à propos de la déception des gens de Tanema: «  lorsque les corps, dans les jours qui suivirent (le naufrage de la Boussole),  furent rejetés sur le rivage, les indigènes les ensevelirent sous un tas de pierres (pour empêcher les morts de revenir importuner les vivants) Non pas par piété certes, mais parce qu’ils n’étaient plus comestibles. » C’est ainsi qu’a dû finir, à Mambola (nom qui signifie le lieu qui sent mauvais –bole-avec la décomposition de 104 cadavres de la Boussole  +40 cadavres de l’Astrolabe, plus ou moins épargnés par les requins),  l’infortuné Lapérouse. 


 La diaspora des objets : les rares vestiges hypothétiques  de l’arrière de la Boussole 
Il n’est pas possible d’identifier les frégates d’après leurs objets, car les survivants ont très bien pu repêcher les objets utiles ou appartenant à des disparus pour les mettre à l’abri dans le bateau de secours. De plus, à terre, les Polynésiens de Temua, lieu de naufrage de la Boussole, ont rapidement émigré vers Paukori à l’ouest. Enfin, le nombre des objets ne doit pas nous en imposer, car il y avait un lest abondant. Par exemple, les 16 ou 17 ancres remontées au total, quand chaque frégate était censée n’en avoir que 14 au départ de Brest  et les 7 corps de pompe en bronze  remontés des deux sites, alors que chaque frégate en comptait 4, ne sont pas des preuves suffisantes en raison du lest.
Prenons l’exemple du paratonnerre. Lapérouse  a indiqué que seule la Boussole en portait un sur son mât. Mais, comme l’indique François Bellec (Les Esprits de Vanikoro, p.79), « la raison pour laquelle [l’Astrolabe] n’en était pas dotée  est difficile à comprendre ; c’était une grande nouveauté. Lorsque les deux frégates furent armées à Brest, M. Le Roy, de l’Académie des sciences, venait de surveiller la mise en place de 140 paratonnerres sur les édifices du port. Il avait laissé des instructions techniques pour que M. Billaux, constructeur agréé par l’Académie, pût guider l’installation de paratonnerres à bord des navires.. Fleuriot de Langle était trop intéressé par les sciences pour passer à côté de cette invention. D’aileurs l’Astrolabe avait emporté une chaîne, puisqu’un fragment a été retrouvé dans l’épave et déposé au Musée de la Marine en 1828.Peut-être avait-on profité du carénage de Cavite [Manille] pour l’installer. Cet appareillage simple  consistait en un paratonnerre en tête de mât, et en une chaîne de barreaux de cuivre descendant le long des haubans, fixée à la coque au-dessous de la flottaison. En tout cas, le matériel était à bord. »
  Dillon trouve à Ammah (Temua), en face  du site d’échouage de la Boussole,  à la porte d’une maison ,  une  meule du  moulin à blé destinée à faire de la farine pour le pain , qui se trouvait à l’arrière de chaque  bâtiment .  Chaque frégate possédait 4 meules et 2 moulins, mais de Langle donna un moulin de l’Astrolabe lors  d’une escale avec au moins une  meule, peut-être deux. . 
Il y avait donc à Brest 8 meules, puis 7 ou 6. Or, on en a retrouvé 6. On a trouvé  3 meules sur la faille auxquelles il faut joindre la  meule rapportée par Dillon et 2 meules repêchées  sur la fausse passe de l’Astrolabe, soit 6 meules au total. Pour avoir de la farine fraîche, les rescapés ont dû installer un ou deux  moulins sur le bateau de secours avec  quatre  meules récupérées sur les deux bâtiments. Ainsi seuls doivent être pris en compte les objets retrouvés dans le site de la fausse passe comme éléments de l’Astrolabe. Ceux du second site, celui de la faille du récif,  du bateau de secours, sont mixtes. 
Les rares   vestiges  qui peuvent appartenir à  la Boussole ou à  l’Astrolabe.
 1 Une arcasse de poupe et un morceau de bois avec des guirlandes entourant un écusson (orné des trois fleurs de lys dorées de l’arcasse), rapportés par Dillon d’Ammah (Temua) , donc supposés venir dela Boussole. 
.D’autres   éléments de  poupe ont peut-être été retrouvés sur la côte australienne, à Mackay près de Temple island dans le Queensland, car, en 1803, le navigateur Flinders qui longe cette côte a vu, jetée à la côte, un morceau d’arcasse de poupe près du cap Palmerston.. Les planches seraient du chêne européen, les trous des chevilles seraient des trous précreusés, comme ceux d’une chaloupe préfabriquée. 
  Jean Guillou s’est vivement intéressé à cette épave  dans son roman historique Moi, Jean Guillou, second chirurgien de l’Astrolabe,  remarquant  que ces trous destinés à recevoir des chevilles rappelaient ceux des embarcations préfabriquées qui étaient à bord des bâtiments et dont les parties s’assemblaient de cette façon. De plus, sur un banc de sable situé
 à 1 kilomètre et demi du lieu du naufrage de leur bâtiment, les marins de Flinders ont découvert un morceau de poupe.
Mais l’indice le plus  important est, selon moi, une  hache indigène fabriquée avec du fer provenant des épaves de Vanikoro : cet indice évoque  des insulaires qui, comme ceux d’Ouvéa (Loyalty), auraient émigré de Vanikoro et auraient fait naufrage  sur la côte australienne. . 
2 La cloche et le canon signés Bazin Nantes : à l’origine lest de l’Astrolabe ? 
On a trouvé deux fois le nom de Bazin : une fois sur un pierrier en bronze (17), p. 282, trouvé dans  la faille du récif, avec «  Fc (fecit) J(ean) Bazin à Nantes 1779 Dragon »  et une autre fois sur une  cloche « Bazin m’a fait ». Le Dragon est le nom d’un bateau corsaire anglais capturé dans la Manche en 1781 et transformé en corvette par la Marine royale. Il était percé pour 20 canons et 4 obusiers ou pierriers. En 1782, et le 11 décembre 1787, il est à Brest d’où il part pour Saint-Domingue où les Anglais l’attaquent. Son épave a été fouillée par le Musée de la Marine et François Gendron. 
  Le scénario qu’on peut imaginer est que Bazin fond le canon à Nantes en 1779 ainsi que la cloche (et non à Brest) et  que la Marine les lui achète  en 1781 pour le Dragon, mais comme il n’y a de place à bord que pour quatre obusiers elle reprend son pierrier et sa cloche et les remise  à Brest : le Comte d’Hector les fournit en lest  à l’escale de Lapérouse.
Bazin est le nom d’une famille de fondeurs de cloches et de canons  nantais [voir (12) p.41 pour ma bibliographie] : Jean père et Jean fils qui de 1774 à 1778 est listé comme fondeur de la ville de Nantes et en 1779 fond une cloche pour une église de Vendée. Son père avait  inventé une pompe à double corps en bronze. 
Cette cloche, de 18 kgs sans le battant, pesant 10 kgs de moins que les cloches ordinaires, rapportée par Dillon,   a pu être remisée en réserve à l’arrière de l’Astrolabe, étant donné que c’est sur la faille du récif, donc sur l’épave du bateau de secours principalement construit avec des éléments de l’Astrolabe, que le pierrier a été trouvé. 
3 Un  canon fleurdelisé (« canon  de 2 pouces avec fleur de lys » rapporté par Dillon, voir discussion  p. 31. (12), auquel  il faut   ajouter celui qui a été trouvé  à  Ponhapé en Micronésie, également  « avec fleur de lis » ; 
2) Le naufrage de l’Astrolabe : le site de la fausse passe de Paiou.
Le second bâtiment, l’Astrolabe, en panne durant trois jours faute de vent  et  poussé par les courants, heurte de nuit,   comme la Boussole,  le récif de Makalumu dont le nom indique bien  la présence de deux (lu) bâtiments français (maka) sur l îlot disparu (mou, écueil),  non loin de l’endroit où un  pierrier en bronze de  1/2 livre, pesant 94 livres (48 kgs), portant le n°  260,   a été repéré  par l’officier Vedel à bord du Bruhat en 1883. Vedel,  pressentant l’importance de sa trouvaille pour la localisation de l’épave, nous a donné ces précisions : il avait fait sa découverte loin du site prospecté par Dumont d’Urville et par l’équipage du Bruhat, savoir la fausse passe de l’Astrolabe, « à plusieurs milles [1852 m] dans l’est de Paiou,  sur le plateau du récif extérieur, à marée basse », au-delà de Tanema, au droit de  Temua.
Le choc a entraîné une avarie dans la coque et la noyade d’une quarantaine de personnes,   comme nous l’indique le nombre de 200 membres de l’expédition donné par Makataï qui n’a  vu, ni  la Boussole, ni l’Astrolabe.L’Astrolabe,  très mal en point, est déhalée du récif de Makalumu  et paraît sauvée, mais, poussée par les courants, elle s’échoue de nouveau, nous racontent les traditions orales,   dans ce qu’on a  appelé la fausse passe  du récif de Paiou. Il est invraisemblable qu’elle se soit volontairement introduite dans la fausse passe du récif sans l’avoir reconnue au préalable, comme le veut Dumont d’Urville. Le nom de fausse passe des Esprits, Ngambe, de baie Ngambé doit nous interpeller, ainsi que celui de la Rivière des Esprits (des Blancs).
   Il y avait sur chaque frégate 12 canons dont 6 en réserve. On  a trouvé  6 canons  sur ces 24 :   deux canons de 1, 63 m de long dont un chargé ont été  repêchés par le Bruhat en 1883  dans ce gisement de la fausse passe  et sont aujourd’hui au monument d’Albi, 3 canons de plus d’une tonne repêchés par Reece Discombe , enfin une bouche de canon dont le reste s’est cassé dans le site de la faille du récif, -entendez du bateau de secours .On  n’  a retrouvé aucun canon de la Boussole, ce qui n’est pas étonnant.

  Après le naufrage des deux bâtiments,  les rescapés se comptèrent ; ils appartenaient tous  à l’Astrolabe, ils étaient environ 70 et n’avaient aucune nouvelle de la Boussole (les quatre rescapés de ce bâtiment, sans nouvelle de leurs compatriotes eux non plus, ne les rejoindront que plus tard). C’est dire qu’ils étaient beaucoup trop nombreux pour tous prendre place  sur l’embarcation de secours de 20 tonneaux qui leur restait. Il ne faut pas confondre cette embarcation de secours sur laquelle voyageront  Lavo et ses compagnons   avec le « bateau de secours » beaucoup plus grand, un deux- mâts,  construit sur cale sèche près de l’embouchure de la Rivière des Esprits   à partir des débris de l’Astrolabe principalement.   Aussi étaient-ils obligés de tenter de bâtir un navire  suffisant pour  pouvoir reprendre la mer tous ensemble,  vaille que vaille, grâce à  tout ce qu’ils pourraient récupérer sur les deux épaves. Les Vanikoriens disent qu’ils sont restés entre 5 et 7 « lunes  », soit 5 ou 7 mois, après mai 1788. 
  Les gens de Tikopia racontèrent à Dillon (13), p. 398,  que « le vaisseau qui échoua à Paiou (l’Astrolabe) fut jeté sur une plage de sable (un bas-fond près du récif). Les naturels accoururent,  et lancèrent leurs flèches … ; mais les gens de l’équipage eurent la prudence de ne pas répondre par les armes à cette agression [on  a néanmoins trouvé, dans la fausse passe, deux  canons de 6 chargé pour se défendre contre les insulaires, mais Sutton de Clonard n’a pas donné l’ordre de tirer]. Au contraire, ils montrèrent aux assaillants des haches, de la verroterie et d’autres bagatelles comme offrandes de paix, et ceux-ci cessèrent leurs hostilités. »
Autre version, assez confuse et inexacte, du vieux Wéwo (12) : « Les gens de la tribu qui habitait le sud de l’île  poussèrent leurs pirogues à l’eau, firent force de pagaies au travers du lagon ( vers la fausse passe) et tombèrent sur les Blancs à coups de sagaie et de massue. Au carnage  ne pouvaient échapper que ceux qui se jetteraient à la mer pour fuir à la nage. Mais leur sort n’en serait  guère meilleur car ils ne pouvaient finir que par la noyade. » Les Français promirent  des cadeaux, et les indigènes cessèrent leurs hostilités. « Aussitôt que le vent eut un peu diminué, un vieillard poussa au large dans une pirogue et aborda le vaisseau. C’était un des chefs du pays; il fut reçu avec des caresses, et on lui offrit des présents qu’il accepta. Il revint à terre, apaisa ses compatriotes, et leur dit que les gens du vaisseau  étaient des hommes bons et affables ; sur quoi plusieurs naturels se rendirent à bord, où il leur fut offert à tous des présents. Bientôt ils apportèrent en retour à l’équipage des ignames, des volailles, des bananes, des cocos, des porcs,  et la confiance se trouva établie de part et d’autre. L’équipage du vaisseau fut obligé de l’abandonner. Les hommes blancs descendirent à terre, apportant avec eux une partie de leurs provisions. Ils restèrent quelque temps dans l’île, et bâtirent un petit vaisseau avec les débris du grand. »
L’Astrolabe avait trop de prises d’eau, et son équipage  a été contraint de bâtir « un petit vaisseau avec les débris du grand»,  comme l’ont dit les gens de Ticopia à Dillon. Pour cela, ils pouvaient récupérer  suffisamment de bois sur l’épave et à terre. Peter Dillon (13 A), p. 831, écrit : « le bâtiment qui avait naufragé à Paiou avait d’abord été retiré de dessus le récif  et halé au large, mais il avait échoué de nouveau. L’équipage l’avait mis en pièces pour construire un bâtiment à deux mâts ». Si l’on ne peut  retrouver aucune infrastructure de bois, ni sur le site de la fausse passe, ni sur le site d’échouage définitif du Lapérouse, sur  la faille,  c’est parce que l’équipage  a  tout récupéré sur le premier gisement et que, sur le second,  Makataï l’avait fait brûler plusieurs  jours durant. 
  Du bois de la Boussole (tableau de poupe, peut-être les  planches trouvées  à Balade) put pourtant  être récupéré par les autochtones. Les naufragés aussi  purent aller récupérer,  les premiers temps du moins,sur l’épave de la Boussole à Makalumu les pièces dont ils avaient besoin pour construire le Lapérouse comme l’appelle Makataï,  et’il ne faut pas s’étonner d’en retrouver parmi les objets,  relevant majoritairement de l’Astrolabe, qu’on découvre sur le gisement de la faille où a fini le Lapérouse .C’est avec les débris des deux navires que les naufragés ont réparé leur bateau de survie, même s’ils ont surtout  utilisé les restes de l’Astrolabe.  

3) Le camp des Français, à Ambi (altération de Ngambé) et  le lieu de lancement du bateau de secours  sur la Rivière des Esprits (Ngambe) 
 Même Conan (17), p.241, partisan pourtant de la  localisation du camp   à Paiou, reconnaît que « seule la rivière des Esprits, en face de la Fausse Passe, aurait peut-être pu offrir à l’époque des conditions adéquates, mais son embouchure est maintenant inondée et il faut aller loin vers l’intérieur pour trouver un sol sec et assez dégagé. »  De même le capitaine de vaisseau de Brossard après avoir évoqué le site de Paiou pour le lieu du campement des Français écrit (17), p.125 : « Mais un autre emplacement plus à l’ouest a également été désigné. » En face de Paiou nous avons simplement la Lawrence (ou Russell) ou  Paiou river. 
4) Le sort final du bateau de secours  qu’on a cherché en vain ailleurs, l’Astrolabe II ou Lapérouse,  et son incendie par Makataï : la faille du récif. 
La tradition orale rapporte que les naufragés ont eux-mêmes « démoli le grand vaisseau [l’Astrolabe] qui autrement, eût pu subsister encore très longtemps » afin de construire le bateau de secours.  L’Astrolabe II ,  à l’embouchure de la rivière des Esprits, ne  dépendait pas de  Makataï, le   guerrier installé à Ocili,   mais celui-ci était  jaloux des bonnes relations entre un chef qui était son rival et ces « envahisseurs » blancs ; il sut  capter  la confiance de ces derniers pour mieux les trahir  et mit , de nuit,  un terme  à la destinée du Lapérouse, qui fut , quelques jours après, entraîné par les courants ,   au cours d’une marée plus haute que les précédentes,  « vers le sud- sud-est », si l’on en croit le vieux Wéwo,  c’est-à-dire vers la faille du récif : « Quelques jours après le massacre,   [le Lapérouse, qui était à sec] se  remit à flot tout seul, sans doute grâce à une marée plus haute et partit à la dérive. Mais il n’alla pas loin et sombra, sous le regard des indigènes. « Là- bas, nous dit le conteur au bras maigre tendu vers le Sud -Sud- Est [la faille du récif] ».  Dans la rivière des Esprits (Ngambé, Blancs), où était construit le Lapérouse et où était installé le Camp des Français (et non pas près de la Rivière Russell),  à moins de 100 mètres de l’embouchure, il y a généralement très peu d’eau, mais il peut y avoir quelques 3 mètres d’eau dans les grandes marées.  C’est  là, dans un enfoncement de la rive ouest de la rivière  des Esprits  que fut construit et  que devait être lancé  le bâtiment de secours, le Lapérouse. Là se trouvait aussi le camp des Français : 
 Le gisement de la faille du récif est bien celui du nouveau bâtiment,  le Lapérouse, fait à partir de l’ancien, l’Astrolabe.  En témoignent une fourchette qui appartenait au commis aux vivres,  décédé accidentellement en 1787, Jean - Marie Kermel,  et une fourchette armoriée appartenant à Fleuriot de Langle , tué en 1787 , tous les deux sur  l’Astrolabe .  
  Mais les survivants ont pu récupérer également des objets à bord de l’épave de la Boussole,  instruments de navigation ,  objets personnels et  collections , comme le sextant dont se servait peut-être le survivant  Roux d’Arbaud, lui qui, sur la Boussole,  faisait « des prodiges en matière d’astronomie » aux dires de Lapérouse.  Ils ont pu récupérer les affaires auxquelles ils tenaient, les souvenirs de leurs  compagnons disparus, sur la Boussole comme sur l’Astrolabe,  et ils ont pu les remiser au même endroit sur le bateau de secours (vaisselle du Père Receveur, de l’Astrolabe,  mort à Sydney). 
 Mais l’hospitalité accordée par les Polynésiens va exciter , au bout de cinq ou six  mois, la haine d’un guerrier polynésien. Il faut citer ici la déclaration capitale, publiée par B. Brou, celle de Makataï (7),  « homme fort » polynésien installé à Ocili et chef de Teanu. 

Déclaration de Makataï recueillie sur une petite île appelée Monovai, en 1990 (7). 
« Un jour, un guerrier, nommé Makataï [de maka, rouge, c’est-à-dire homme blanc, et de taï, qui mange, le «  mangeur de blancs », altération de son vrai  nom , Taumakau !], arriva à Mallikolo [prononciation polynésienne pour la forme mélanésienne  Vanikoro ;   Makataï réserve le nom de Vanikoro à la petite île  Teanu et à un village situé sur cette île  appelé Mallikolo ou Vanikoro ] et trouva quelques indigènes qui vivaient sur l’île [ et qui se réfugièrent ensuite au nord-ouest de la grande île , dans la Vanu du nord ]. Il les tua tous et vécut en un  lieu appelé Osiri aujourd’hui de façon erronée par les immigrants [sic, explorateurs européens], Ocili ou Wassili en réalité » [il s’agit du havre de Dillon et de Dumont d’Urville,  Whanu-Ocili].  [Tout ceci est vrai car, nous dit Dumont, « naguère  un village se trouvait aussi sur la plage d’Ocili, et l’on en voit encore les ruines. Mais les habitants ont été exterminés  à la suite de quelque combat et leur territoire est tombé au pouvoir de la tribu de Tevai sur la petite île Teanu ». Dumont parle encore d’Ocili, (13A), p.1046 « dont les habitants ont été récemment exterminés.  
 «  Makataï résidait encore sur l’île [Ticopia ?] quand un navire [l’Astrolabe] fut jeté à la côte au port de Béu’u [généralement identifié à Paiou, en réalité Peuku  , soit Paucouri ] ou Pakaré en face de Ignama). Le navire, appelé Laborouse selon le nom de son commandant [les pièces réutilisables de l’Astrolabe, réemployées dans un bâtiment plus petit, peut-être baptisé Lapérouse en hommage au défunt commandant],  comprenait 200 membres d’équipage [Makataï compte les 60 rescapés de l’Astrolabe, les 104 cadavres de la Boussole et les 40 cadavres de  l’Astrolabe lorsqu’elle a heurté d’abord, elle aussi,  le récif de Makalumu]. Le navire Laborouse était échoué sur un de ses côtés (en cale sèche). Makataï se rendit à Béu’u  pour aider l’équipage du Laborouse  qui, lorsqu’il arriva, était en train de  construire un radeau [un train de flottaison du bois coupé] avec des arbres qui se trouvaient à proximité de leur campement. Makataï [avec ses hommes] continua à  aider [pour gagner la confiance de l’équipage], puis après quelques jours se décida  [à  tuer et manger] l’équipage.
  « Un soir,  il arriva que tous les hommes à terre [dans le camp des Français] étaient profondément endormis. Il  les tua d’abord, puis se rendit à bord [du Lapérouse] avec l’intention de tuer ceux qui y étaient. Il invoqua les esprits des ancêtres [le dieu qui a la forme d’une anguille noire, Tangaroa]. Il mit le feu au navire [on a trouvé des traces de feu sur l’épave de la faille du récif, -le bateau de secours, -ce qui gêne les partisans de l’identification de cette épave avec la Boussole,  l’Astrolabe seule ayant connu un commencement d’incendie raconté par Lapérouse lui-même]. Il tua  alors tous ceux qui étaient à bord  [les deux hommes dont les Australiens ont retrouvé des ossements en 1986, parmi lesquels peut-être Pierre Paris,  sa compagne Ann Smith dont les mêmes ont trouvé un ossement, et le squelette de Prévost ( ?)   retrouvés dans la faille], puis rassembla  des choses du bord telles que cuillers, tasses, assiettes et bouteilles. Il pendit à son cou une étiquette nominative [entendez une médaille du type des 100 médailles  « d’argent ou de bronze,  à l’effigie du roi, avec l’inscription « Les frégates du roi de France, la Boussole et l’Astrolabe commandées par MM. de La Pérouse et de Langle, parties du port de Brest en juin 1785 »] appartenant au commandant Laborouse [Sutton de Clonard ?]. Ces articles sont toujours conservés dans une maison coutumière [de Ticopia ?].   Un autre Français [extrapolation logique, mais Peter Dillon était en réalité  de nationalité britannique] arriva.  Son nom était Dillon. Il découvrit l’étiquette nominative au cou de Makataï, qui lui dit que c’était lui qui avait détruit le navire et tué l’équipage. Dillon demanda à Makataï de venir avec lui, mais Makataï avait peur d’y aller seul  [à cause des fantômes et des toupapaous] et demanda à quelques hommes de l’accompagner. Ils arrivèrent à Béu’u  et Makataï montra l’épave  à M. Dillon [l’épave reconnue par Dillon en sa compagnie est celle de la faille du récif, où Makataï a vu sombrer le Lapérouse après avoir quitté sa cale sèche à l’occasion d’une grande marée], puis ils retournèrent à  Vanikoro [l’île de Teanu] ». 

Biographie de Makataï 
Makataï est un sobriquet  pour un homme qui n’est pas un chef coutumier, mais un simple guerrier et qui  s’appelait Borey Thamaca, Thamaka indiquant que ses ancêtres venaient de l’île voisine de Thaumako  et qu’il appartenait au clan Tamako de Ticopia, comme ses descendants,  le chef de Tevai (ou Davey) Rathéa, le chef Gaspa (rd).mort en 2006 et l’actuel chef Stefen. Dillon (13 A), p. 910, nous en dit plus sur lui : il habitait à Ticopia et avait l’habitude de venir à Vanikoro, mais il n’y était pas au moment du naufrage ;  il y vint bientôt après. .Dillon (13A) p ;864 écrit que tous les objets qu’il avait obtenus à Ticopia y avaient été apportés par ce chef nommé Thaumaca, grand navigateur et grand guerrier , qui avait fait, dans le cours de sa vie, dix voyages à Vanikoro, d’où même il avait amené deux naturels à Ticopia. Il y a quelques années qu’étant parti pour l’île d’Anuta ou Cherry près de Thamako, il ne revint plus, et l’on supposa qu’il avait péri en mer. » Après sa mort, les gens de Vanikoro soufflèrent, n’ayant plus à craindre « les flottilles de cinq, dix et quelquefois vingt pirogues avec lesquelles il venait faire des descentes sur leurs côtes. »
Ce guerrier mystique avait souvenance des traditions sur les divins papalangui, mot qui signifie Espagnols , Blancs, et qui   est interprété comme signifiant planche du ciel, alors que c’ est l’altération de hispaniola,ou plus exactement de sa  métathèse his)paloni,((po)palangui. Il s’agit de Mendana qui, le 7 septembre 1595, voguait devant le volcan Timakula dont l’éruption lui fit perdre de vue l’un de ses trois autres vaisseaux, l’Almiranta Santa Isabel.   Le Santa Isabel se perdit.vers Utubua,  Anouda ou Taumako.  
Où a disparu la Santa Isabel ? A Taumako ou plutôt à Utubua,  très  vraisemblablement. .Si je me suis  étendu ci-dessus sur la perte du Santa Isabel, c’est que le guerrier Tamaka pourrait bien avoir tenté de faire renaître  le culte des popalangui divins et de renouveler l’exploit de ses ancêtres en incendiant leur vaisseau comme il fut fait à Utubua deux siècles plus tôt, , en les tuant par traîtrise et en les mangeant. Chose curieuse, le même phénomène de cargo cult  s’est  reproduit :îles Duff avec Vanikoro demandant en 1980 leur rattachement à Hawaï, Tanna (Collignon), Micronésie (Laprise-Mouton) ,   partout sur un arrière-fond de vaisseaux espagnols naufragés au XVII e siècle. B. Brou faisait remarquer que les sauvages de Vanikoro saluaient les blancs en faisant le baise -main,  qui peut avoir été hérité des Espagnols ou des Français.
 Une soixantaine de têtes coupées et desséchées ont longtemps orné la maison des esprits de Vanou (non  pas au nord-ouest, comme on l’a cru, mais à Whanu- Ocili, le havre de Dumont) : selon J. Guillou (8), p. 68, un vieux bossu  appelé Ta Faou  , qui , après avoir longtemps vécu à Vanikoro, vivait à Tikopia en 1827 et dont la mémoire était encore intacte,  affirmait avoir vu soixante têtes coupées dans la maison des esprits de Whanou –Ocili  [sur la grande île].  Ceci est confirmé par le Révérend Patteson, p.276,  qui  a vu à la fin du XIXe siècle, dans la maison des Esprits de  la petite  île Teanu, 60 crânes de blancs  ainsi que les restes cuits dans un four traditionnel d’un adolescent. 
   Quelle raison a poussé le chef à cette agression ? Selon moi, c’est, outre la xénophobie, le désir de goûter une  chair inconnue, celle des blancs, et le désir de s’affirme, comme le révèle la  déclaration du vieux Wéwo,  recueillie en 1959 par Reece Discombe (12) : « Les (cadavres du camp des Français) servirent au plus fastueux des festins de la tribu et aujourd’hui encore, près de deux siècles après le drame, on y chante encore cette mémorable journée où l’on a mangé tant et tant (une soixantaine !) de Blancs  


Les deux «  cimetières » de l’île, à Mambola et à Ocili. . 
A part la tombe de Marin,  il n’y a que deux « cimetières » de Français à Vanikoro : le plus grand à Mambola pour 140 personnes environ, soit 104 noyés de la Bousssole , dont vraisemblablement Lapérouse ,  Lepaute d’Agelet , et Duché de Vancy, plus 40 noyés de l’Astrolabe , et l’autre à Whanu-Ocili sur la grande île pour la soixantaine de rescapés de l’Astrolabe dont les cadavres ont été transportés, depuis le  camp de la rivière des Esprits,  pour le festin funèbre organisé par Makataï.  
                                           Les survivants 
La diaspora des quatre survivants de la Boussole : Roux d’Arbaud, Colignon, Marin et Laprise-Mouton. 
Comment ont-ils pu s’échapper à deux reprises?
 La première fois, écoutons  le chef de Temua, Valle, en 1826 : «  Quatre hommes échappèrent (au naufrage de la Boussole) et prirent terre près d’ici (à Temua) : nous allions les tuer quand ils firent présent de quelque chose  à notre chef qui leur sauva la vie [une grande hache]. Ils résidèrent parmi nous (à  Temua) pendant un peu de temps, après quoi ils allèrent rejoindre leurs compagnons à Paiou (Bé’u).» 
La seconde fois, lors du massacre,  trois rescapés de la Boussole, Colignon, Laprise-Mouton et Marin  étaient sur le Lapérouse, tandis que le 4e rescapé, Roux d’Arbaud, faisait partie de ceux qui étaient préposés à la garde de  l’embarcation de secours .Les passagers du Lapérouse étaient quatre au moins ; trois parvinrent à sauver leur vie et gagnèrent Temua, dont le chef,   les avait bien accueillis la première fois.   Ils ont dû se prévaloir de leur amitié avec lui ; ce chef de Temua  a gardé Colignon avec lui et   donné  Laprise-Mouton et son « serviteur » Marin  au  chef polynésien allié de Paukouri.  
Quel était l’infortuné qui n’a pas réussi à sauver sa vie et  dont on a retrouvé le crâne et le squelette oubliés  par  Makataï sur le Lapérouse ? La méthode par élimination, appliquée aux résultats des  recherches de reconstitution du visage à partir du crâne par ordinateur,  nous permet de sélectionner Guillaume Prévost, l’Aîné, dessinateur pour la botanique, de  l’Astrolabe. 
1) Le  botaniste Nicolas Colignon :   le chef mélanésien de Temua parlant le teanu   l’emmène dans une  migration au Vanuatu  jusqu’à Tanna, où l’on parle le  keanu, c’est-à-dire un dérivé du teanu.
 Les Colignon sont une famille lorraine de haute extraction, les comtes Colignon de Ville  Ils tirent leur nom de la seigneurie de la Ville- sur- Illon, à 12 km de Mirecourt dans les Vosges. Ils étaient alliés  aux ducs de Lorraine, souche de la maison d’Autriche de nos jours,  aux comtes de Vendôme et aux ducs de Bourgogne et fournirent des femmes à la maison de Hainault, de laquelle sont issus les empereurs de Constantinople : vers 1500, un Nicolas de Ville fut le bienfaiteur du chapitre de Remiremont. Un Colignon Ier, seigneur de Ville, baron et bailli des Vosges en 1470 à Remiremont, épouse sa cousine Mahaut de Ville de laquelle il eut  plusieurs enfants (branche IX d’André Ier), dont notre botaniste et jardinier (jardinier : « celui, dit Littré, qui entend bien l’ordonnance des jardins et en donne des dessins »).Il était membre de l’Ordre royal écossais de saint Andrew.
Il était vicomte et le pied de chandelier armorié trouvé par Dillon avec une couronne de vicomte, attribué parfois à Fleuriot de Langle,mais non reconnu par son descendant,  lui appartient vraisemblablement (12), p. 17 et 18.   Dillon, p. 916 (13 A)  parle aussi  d’un thermomètre lui appartenant : « l’un des [naturels] avait passé transversalement,  dans le trou dont ces insulaires percent la cloison de leurs narines, un morceau de tube de verre… Ce morceau de tube avait près de trois pouces de longueur et paraissait être un fragment de celui d’un thermomètre. » Il l’avait trouvé sur l’épave du bateau de secours, dans la faille du récif , sur l’épave du bateau de secours .Puis Dillon en achète un  second (13A), p .925: « un morceau de tube de verre bleu, de trois pouces de long, qui était exactement le même que celui que nous nous étions procuré la veille et qu’un des insulaires avait passé transversalement dans le cartilage de son nez,»  C’était les « deux thermomètres à mercure, gradués suivant Réaumur, pour être placés dans les caisses de plantes vivantes, afin de diriger le jardinier sur leur culture », indiqués  p. 112  dans l’Etat des objets nécessaires au jardinier pendant son voyage (13 A)
A Tanna,  la présence , comme à Maré, de maïs pré- européen avait intrigué B. Brou qui l’avait rattaché à l expédition de Lapérouse (12) : c’est Colignon qui, de même qu’il a laissé à Vanikoro des manguiers, des jamelonniers (Syzigiyum) et des cultivars  d’ arbres à pain (il y avait déjà à Vanikoro une espèce locale avec graines),  leur apporta ce cadeau bien utile, en même temps que des calebasses et des  mangoustans signalés par Dillon , des graines de  mandariniers et  d ‘ orangers, et des pieds de pommiers malaques , variété blanche, tabouée par les  indigènes : si on en mange, on devient tout blanc et c’est pour avoir mangé de ce fruit défendu que Colignon,  le prophète,  était devenu tout blanc ! Colignon finit ses jours  près du mont Tukosmeru, nom qui signifie (la demeure du) magicien français, Meru  signifiant Français,  comme Farani en tahitien, Marangi en micronésien, ou  Amarin en tanema à Vanikoro, et tuk, sorcier, comme duk- duk en Papouasie.   Les naturels en firent  un roi -magicien (tuko) et un génie (jon) qu’ils appelèrent Kerapenun (de Kolakenon, altération de Colignon). 
  Beaucoup plus tard, un indigène appelé Mancheri  prétendit être la réincarnation  de Kerapenun sous le nom de Jonfrum, le génie (jon) Colignon (frum est l’altération de Krum,  contraction de Kerapenum) ou de Jonfrench à Moorea. Mancheri  devint l’âme du Cargo Cult de Tanna, Santo et autres îles, sous le nom de guerre de Jonfrum. Il est intéressant de souligner que le cargo cult a pris naissance dans des sociétés de l’âge de la pierre pratiquant le cannibalisme et qui voyaient un blanc  civilisé pour la première fois, que ce soit avec Lapérouse aux îles de Taumako près de Vanikoro , avec  Colignon à Tanna ou  avec Lavo à Lavongaï , île qui fut   le centre du cargo cult Johnson : les habitants, influencés par le nom du Président américain,le «  fils de Jon(frum) », avec sa syllabe jon qui, pour eux, signifie génie,  voulaient voter pour Johnson, le Président des Etats-Unis, et croyaient qu’il accepterait de venir les présider à Lavongaï, comme le duc d’Edimbourg à Tanna . 
  Le prophète prétendait annoncer un nouvel âge d’or, avec retour du fils ressuscité du dieu Colignon le 15 février et redistribution des biens « volés par les blancs » (sic). On croit encore aujourd’hui à la prophétie dans l’île de  Tanna : elle  a expédié deux cents ans après, en janvier 2014,  des représentants de ses  quatre tribus à Londres (et aux véritables  Hébrides qui avaient donné leur nom aux Nouvelles-Hébrides devenues Vanuatu ) pour tenter de voir Philippe, duc d’Edimbourg et d’apprendre de lui « si les papayes étaient mûres », c’est-à-dire si le temps était venu pour que Philippe d’Edimbourg ou son successeur accepte de venir régner à Tanna et y apporter l’âge d’or. Le duc d’Edimbourg les a reçus en audience privée et leur a répondu qu’il faisait encore trop froid en Angleterre pour que les papayes mûrissent.  Les hommes de Tanna ont été surpris du grand âge du duc : ils pensaient que leur dieu était nanti de l’éternelle jeunesse


Les deux protégés du chef polynésien de Paiou-Paukori : le premier pilote Jérôme Laprise-Mouton et  Alain Marin 
Les démêlés avec les insulaires mélanésiens  de nos deux survivants,-de rudes gaillards tous les deux, -  accompagnés du chef polynésien de Paukori et de ses hommes, sont complexes. Le nom du chef blanc,  Mouton, a été altéré par les insulaires  en Matthew  prononcé matau. Il apporte à son protecteur et  ami,  le chef polynésien de Paucori,  l’inappréciable secours des armes à feu européennes à plusieurs reprises.  
La vie mouvementée de Laprise-Mouton et de Marin et la mort de ce dernier devant Tanema. 
1) «  Les équipages rescapés (Mouton-Laprise et  Marin) construisirent un bateau  dans la baie de Saboë.  « Une large baie plus au sud-est, la baie de Saboe, aurait également pu offrir des conditions adéquates [au lancement d’une embarcation] : la KTC y avait d’ailleurs installé son campement initial, mais la petite rivière qui fournit l’eau douce s’est vite révélée insuffisante pour satisfaire les besoins des naufragés ». 
2) Le bâtiment une fois  construit, ils s’installent à  à Ignama.  Legoarant de Tromelin a noté : « Ces Blancs [de la Boussole, Laprise -Mouton et Marin]  s’établirent au village d’Ignama, à environ quatre milles au nord de Paiou » (environ 7 kilomètres), plus exactement à Lambé, altération de Gnambé, les deux Esprits, les deux Blancs. 
 Selon Gallipaud,  depuis Paucori,  à Béu’u (Paukouri), près de l’embouchure de la rivière des Esprits, Mouton aurait lancé des «  pierres chauffées» (boulets) et détruit l’îlot Filimoè en face d’Ignama,  où s’était réfugié le chef rival de l’allié polynésien de Mouton,  parce qu’il avait volé à  l’ami de Matthew la femme que celui-ci convoitait. 
3) Ensuite il choisit  Paiou comme base  de ses opérations : Paiou est  décrit comme «  le lieu de résidence d’un officier ou d’un savant [Laprise-Mouton] et de son aide [Marin] qui décidèrent de rester dans l’île après le départ de leurs compagnons. »  Le camp présumé des Français prospecté par J. C. Gallipaud pourrait bien être le lieu de résidence de Laprise-Mouton. 
4) Selon une   tradition rapportée par Dumont,  ils tuèrent,  grâce à leurs armes à feu,  3 chefs et 20 hommes  en train de piller le bateau échoué à Vanou, savoir le bateau de secours de la faille du récif. Dumont rapporte  encore que,  selon le chef de Teanu,  un  Français  venant de Paiou avait abordé au village de  Vanou, près de Dennemah, en face du lieu où le bateau de secours avait coulé, et avait tiré sur les naturels à coups de sarbacane (fusil) : il en avait tué une vingtaine.  Selon Galipaud, 5 chefs et des hommes furent tués, savoir les cinq chefs de Vanou, près de Paiou,  savoir Valeco, Oley, Amea, Feto et Tabinga, ainsi que presque tous leurs gens, une quinzaine. D’après une autre tradition, ils tuèrent  5 naturels de Vanou, dont 3 chefs et un  homme de Dennemah.  C’est une autre version du  même fait d’armes.
Dillon rapporte que Laprise-Mouton vint dans sa chaloupe jusqu’au récif près de Dannemah et y tua le chef de ce village qui s’appelait Naourey  près de Murivai (de l’autre côté de la baie de Saboè),  alors que le chef était en train de pêcher bien tranquillement . Matthew mit un instrument dans sa bouche (le fusil de Mouton est pris pour une sarbacane) et l’on entendit un grand bruit. Le chef Naourey  fut tué et  tomba en dehors de la pirogue et la magie du blanc empêcha qu’on ne pût retrouver son corps, emporté par des diables ou esprits..
5  La défaite devant Tanema et la mort de Marin. 
Selon N. S. Hefferman, dans Government station Vanikoro, à Mac Neill, Australian Museum, janvier 1926 : « Mon gardien de prison me dit que les pièces de monnaie que l’on découvre constamment au village de Tanema (ou Dennemah, près du lieu d’échouage de la Boussole) ne proviennent pas du navire de Lapérouse [la Boussole], mais d’un autre bateau [l’embarcation de Jérôme Laprise-Mouton, qui avait dû laisser sa cagnotte à bord ] qui s’est échoué peu après [un an ou deux] . 

La date. 
 « Deux hommes blancs restèrent après le départ de leurs compagnons. L’un (Laprise-Mouton)  était  chef (le chef Mathew, altération de son nom, Mouton, par les indigènes), l’autre un homme qui servait le  chef (Marin). Le premier (ce dernier, mauvaise traduction ?) mourut il y a  environ trois ans (en 1823) ; une demie année après (en 1824) le chef du canton où résidait l’autre homme blanc (Laprise-Mouton)  fut obligé de s’enfuir de l’île, et l’homme blanc partit avec lui ; le district qu’ils abandonnèrent se nommait Paukori (Béu’u, Pakaré). Mais nous ne savons pas ce qu’est devenue la tribu qui l’habitait alors. »  
  La date semble fausse : Dillon a-t-il altéré l’indication du lascar,  désirant montrer la légèreté de son prédécesseur d’Entrecasteaux qui selon lui,  aurait pu sauver en 1793 les deux rescapés ?Il serait plus  vraisemblable que  la mort de Marin et le départ de Laprise-Mouton aient  coïncidé avec la migration qui aboutira à Ouvéa (Loyauté ) ,  transportant  à Balade des reliques d’un  bâtiments de Lapérouse, avec celle des Vanikoriens qui se terminera près de Temple Island (restes découverts en 1801) et avec  celle qui finira en Micronésie , donc entre 1789 et 1793  environ, sans doute vers  1790, à en croire  James O’Connell. De plus, le lascar Joë  dit lui-même à Dumont que les deux  blancs étaient morts il y a très longtemps
 De même, le  grand prêtre  Moembé dit  à Dumont : « Tous les blancs [du bateau de secours] qui essayèrent, plus tard, de gagner la terre furent à leur tour tués à coups de flèches, excepté deux pourtant qui se rendirent à Paiou (Béu’u, Paukori), mais n’y vécurent que quelques mois, et, peu de temps après, il se développa une maladie qui fit périr bon nombre de naturels. » On voit que des deux blancs, l’un  avait disparu, l’autre était mort, et que le lascar ne pouvait les avoir rencontrés. 
Le deux  rescapé de la Boussole  et ses compagnons polynésiens quittèrent Vanikoro sur cette défaite de Tanema, à bord d’une biscayenne probablement, et émigrèrent  en Micronésie, vers Nutt et Pohnapé, puis vers Nukuoro et enfin vers  Kapingamarangi.  . 
Une  trace de l’odyssée de Laprise-Mouton : l’île de Nutt en Micronésie. 
James O’Connell, dans A ressidence of eleven years in New Holland and the Caroline Islands (réédition, p .201) écrit que selon ses calculs c’est  environ quarante ans (une génération ou deux) avant son arrivée en 1826, c’est-à-dire vers 1790, qu’un blanc moustachu présenta un couple de poules à un chef de Nutt. Il était arrivé sur un bâtiment à un mât. Pour moi, l’introducteur de ces volailles de Vanikoro à Nutt était Laprise-Mouton, notre rescapé. 
Un autre indice : un canon fleurdelisé  trouvé à Pohnapéï. 
 E n lisant La Pérouse … Et après ? de Jean Guillou (8) p.137   j’appris la présence  en Micronésie d’un canon fleurdelisé: après son escale à Nutt, sur le chemin de  Kapingamarangi, l’embarcation portant le rescapé de la Boussole ,  le chef polynésien et  6  de ses hommes fut envoyée par un sérieux coup de vent sur le récif entourant Pohnapéï et  Laprise-Mouton réussit   à sauver un canon fleurdelisé , en cuivre,    ressemblant à celui que Dillon  avait  rapporté (« un canon de 2 pouces avec fleur de lis »,  (12), p.31.Edmond Jurien de La Gravière,  dans son Voyage en chine (1854) ,  mentionne la présence  à Pohnapeï, d’après Rosamel,  d’ « un petit pierrier de bronze frappé d’une fleur de lys  » que l’amiral  supposait provenir du navire de secours construit par les rescapés de l’expédition Lapérouse ».  Un  héritier de l’amiral, Chales Jurien de La Gravière, fit  des recherches sur ce canon. Ne trouvant rien dans les papiers familiaux, il  eut l’idée de consulter les archives d’un arrière-petit-neveu de Rosamel et y découvrit le manuscrit de Joseph de Rosamel, catalogué sous le nom anglais de Pohnapeï (île de l’Ascension  prise pour l’île homonyme de l’Atlantique). J. C. Galipaud a donné, en 2005,  une excellente édition de ce manuscrit  (6).  
En 1840, Rosamel (6) p.35 avait pris ses informations auprès du Français  Louis Corgat, qui vivait avec une Micronésienne et avait aperçu  le canon à Kiti sur l’île de Pohnapé.  « Un [des passagers] descendit à terre à la nage tenant un pierrier (bouche à feu, ancien mortier de marine) d’une main et nageant de l’autre ; il maniait cette arme comme un fusil. C’est ce pierrier ou canon de cuivre qui fut porté dans l’intérieur et taboué par les indigènes. Le capitaine Dudoit le vit en 1834 et 1835. La corvette anglaise le Larne qui vint à Bonnebey [Pohnapeï] en janvier 1838 le fit transporter à bord et l’emporta. Le canon avait eu la culasse sciée par les naturels, la chambre pouvait avoir un diamètre double de la bouche et une fleur de lys, mal gravée, était sur  le bourrelet de la culasse qui n’avait pas été enlevé. ». 
 Autre trace : le nom de Kapingamarangi, l’île du  Français à chapeau pointu, une « exclave » polynésienne en Micronésie. 
Le chef de Paukori continua sa route avec 6 autres Polynésiens et son « captif » vers  une autre  île  de Micronésie, voisine de  Nukuoro,  nommée Kapingamarangi,  où l’on peut reconnaître le mot signifiant Français,   marangi (Farani en tahitien, altération du mot  Français, ‘marang à Vanikoro), ka signifiant celui qui,  pinga signifiant  en forme de  courbe et faisant allusion au chapeau au bicorne d’officier).
 Ces  îles sont les seules  « exclaves» polynésiennes en Micronésie et les linguistes rangent leur langue  dans un  sous-groupe  comprenant Ouvéa (Loyalty), Futuna du Vanuatu et Wallis et Futuna. Kapingamranangi  se trouve  dans l’Etat de  Pohnapeï dont une ville  s’appelle Palikir. Dans ce dernier toponyme  on reconnaît une forme voisine de Paukori, le nom de l’endroit de Vanikoro d’où est parti le  chef polynésien  :  Palikir  signifie le pays  du serpent (likir cf. le nom de l’île Riger) enroulé en entonnoir (comme les engyralis australis de Lifou ou les Morelia viridis de Papouasie, pythons sacrés ayant la curieuse habitude de tendre un piège aux oiseaux dont ils se nourrissent en recueillant l’eau de pluie dans une sorte d’entonnoir qu’ils forment en se lovant pour les attirer). Le nom de l’île, Nukuoro est d’ailleurs  un emploi métaphorique  du nom de ce serpent  (Nigoro),  formant un  entonnoir plein d’eau, utilisé  pour désigner un atoll avec  une  lagune circulaire au centre, comme précisément l’atoll de Nukuoro. 


Un autre bâtiment européen, deux siècles plus tôt : le naugrage de la  Santa Catalina en 1595 
Dans la nuit du  10 au 11 décembre 1695, la frégate Santa Catalina, de l’expédition de Mendana et Quiros , toutes voiles hissées, avec le cadavre de Mendana et les hommes d’équipage morts et décomposés pour la plupart (est-ce une généralisation à partir du cadavre de Mendana ?), échoua à Ponapé en Micronésie. Ceratains rescapés, des Péruviens et des femmes, selon Langdon, s’échappèrent aux îles Truk.Interrogeons O’Connell sur les restes européens qu’il a pu connaître à Ponapé. 
« Le sujet d’un autre chant était une figure de poupe d’un vaisseau qui fit naufrage et qui fut conservé dans le hangar à bateaux de Nutt. C’était le buste   d’une femme » auprès de laquelle on voyait  un bras brisé.    La figure de poupe  peut être celle de sainte Catherine et appartenir à la Santa Catalina ;  lorsque Rosamel écrit, p. 36 : « Il y a trois ans [en 1837], l’étrave de cette jonque existait encore dans la maison d’un chef de Métaloline,  elle a été détruite dans un incendie de cette case », le  déplacement est intervenu après 1836 , car le naufrage de la Santa Catalina s’est produit devant le port  de Ronkti, Lohd ou Rohr ou Lohn Kiti,  nom signifiant le chien (kiti) qui aboie (rohr) et renvoyant à l’anecdote rapportée par O’Connell qui évoque un chant célébrant l’aboiement d’un chien à bord d’un vaisseau européen : les chiens indigènes n’aboyaient pas, et les aboiements des chiens européens ont surpris les natifs.  Cité par les éditeurs de Joseph de Rosamel, savoir  J. C. Galipaud et Pierre de Rosamel, Hambruch parle  d’habit noir, de crucifix en or, de pièces de monnaie espagnoles en argent  et d’un cercle en argent trouvés à Métaloline et qui appartenaient à la frégate..
Dans Pedro Fernandez de Quiros, p. 140, il est question d’un homme  dans un petit canoë qui s’appoche du galion à Ponape et, montrant du doigt l’endroit d’où il venait, rompait quelque chose de blanc qu’il avait dans les mains, puis levait des noix de coco comme s’il en buvait.Etait-ce une allusion au sort de la Santa Catalina, le morceau blanc étant un morceau de voile ?
Quoi qu’il en fût, le rescapé de la Boussole  et ses compagnons polynésiens reprirent  leur route, de Kiti où le canon a   été trouvé,  vers Nukuoro et enfin vers  Kapingamarangi.  . 
2) « Allain Mazrin » ou plus exactement (erreur de lecture, la boucle finale du a  ayant été prise pour un z) Alain Marin, de Quimper.
Jean Guillou (8), p.95 nous précise que l’un des deux survivant (Marin) « était mort à Paiou  et  que son corps  avait été  jeté à la mer, tandis que l’autre était parti dans une île  avec le chef qui jusque –là l’avait protégé », on devrait dire : les avait protégés.  Jean Guillou  précise  que «  ce renseignement est douteux, car, à Vanikoro, il était de coutume d’enterrer les morts et non de les livrer à la mer ». Mais la vieille tradition « océanienne » utilisait la technique du pourrissement des chairs  par immersion dans l’eau de mer. Le capitaine Dillon  nous rapporte cet usage en ces termes, p. 394  (13) : «  quand un ennemi tombe entre les mains (des Vanikoriens),  il est tué immédiatement ; son corps est déposé dans de l’eau de mer et y est conservé jusqu’à ce que les os soient complètement dépouillés.  Le squelette est alors retiré : on gratte les os que l’on coupe de diverses manières pour former les extrémités aiguës des flèches et des lames. » L’eau boueuse et habitée des mangroves fait très bien l’affaire. Les bras et les jambes sont seuls mangés. Les autres ossements servent, une fois polis, à faire des pointes de flèches, etc. On a montré à l’expédition Salomon, à Lalé  un morceau d’humérus de 16 cm aux deux extrémités cassées, mais non fendu dans le sens de la longueur (p. 27, bulletin de la SEHNC n°90) : appartenait-il à Marin ?   
Ce rescapé de la Boussole avec ses amis polynésiens et avec Laprise-Mouton a péri  devant Tanema lorsque leur chaloupe a été assaillie, puis il a été mangé. C’était le matelot Alain  Marin,   originaire de Quimper, dont le nom, estropié sous la forme Mazrin, se retrouve sous la forme Mara dans le nom de la tombe [entendons  le pourrissoir, le lieu de décharnement]  de Mara, de Marin,  redécouverte dans les palétuviers en 1990 par l’Association Salomon et située justement sur le territoire de Tanema. Lorsque Dillon, puis Dumont d’Urville interrogèrent les indigènes polynésiens  sur le  nom mara, ils répondirent (13A) p. 1045 : « il a été impossible à Valiko de me donner l’origine du nom mara qu’ils assignèrent aux Français ; seulement, il dit que quand on demandait à ceux-ci d’où ils venaient, ils répondaient : Mara [France]… Avant ces deux navires, ils n’avaient jamais entendu parler des papalagui, mot qu’ils ont adopté de la race polynésienne pour désigner tous les blancs. »  Mara vient, non de marin, mais de France, Français…Le nom propre  Marin est un  paronyme de Mara (n), Français, cf le tahitien Farani. B. Brou raconte (7), p. 28  et 51,  qu’un  crâne et une dent, -ceux de l’in fortuné Marin, - y ont été retrouvés près d’un polissoir de basalte. Les  vainqueurs ont emporté à Lalé  certains os, l’humérus notamment,   pour les manger. 
De Roux d’Arbaud, un noble doué pour l’astronomie.
Nous le retrouverons avec Lavo sur l’embarcation de secours. Qui était ce Roux d’Arbaud dont nous ignorons le prénom? Si l’on en croit l’Indice delle famiglie nobili del Mediterraneo, il s’agit du lointain  descendant d’un noble napolitain nommé  Carlo Rosso, seigneur  de Corbaria et de Palizzi, mort entre 1341 et 1346, chambellan de la reine Jeanne de Naples et impliqué dans l’assassinat de son mari. Rosso   fut  obligé de s’exiler :  sa famille  francise alors  son  nom  en  Roux ; elle s’installe dans la région de Gap et de Digne  : on trouve un Onorato Roux, podestat de Digne et seigneur de la Peyrusse , qui épouse Marguerite de Foissart , dame de Saint- Jeannet , à Digne le 26/10/ 1597, puis un  Antonio Roux, seigneur de la Peyrusse,  né vers 1608, mort à Digne le 12/06/1682,  qui ,  en 1631 , épouse Françoise d’Arbaud , enfin un Antoine de Roux d’Arbaud, seigneur de la Peyrusse vers 1695 qui doit être le grand-père du nôtre. Le nom du fief de la Peyrusse ou la Peyrouse (du latin petrosa, [plaine] pierreuse) pourrait être à rattacher aux actuels Rochers de la Peyrouse dans l’Isère près de Chichilane. La paronymie de la Peyrouse et de la Pérouse a pu rapprocher Lapérouse et  notre garde volontaire.

 En 1826,  Valle, le chef mélanésien de Temua, déclare : « les hommes blancs avaient coutume de regarder le soleil au travers de certaines choses que je ne puis ni dépeindre ni montrer, parce que nous n’avons aucune de ces choses.»
Quelles étaient ces « choses inconnues » ? Probablement  le quart de cercle mobile de trois pieds de rayon fait par Langlois en 1756 (Etat des instruments au Ier avril 1791, par Cassini IV) avec le Nota bene suivant : « Cet instrument a été prêté à M. d’Agelet pour le voyage de Lapérouse autour du monde. Il n’y a plus d’espérance de  le revoir jamais. «  Or, Lepaute d’Agelet étant embarqué sur la Boussole a dû périr avec la plupart des autres membres ; mais son précieux appareil avait  été récupéré et rangé sur le bateau de secours .On l’a retrouvé en 1990  dans l’épave de  la faille du récif, c’est-à-dire dans l’épave du bateau de secours en construction, ainsi qu’un  morceau de  quart de cercle « Langlois Paris Galleries du Louvre 1756 » (p.  21, N° 90 du bulletin de janvier 1992 de la SEHNC), ainsi qu’une plaque de cuivre avec un soleil entre trois fleurs de lys et l’inscription « Langlois, Ingénieur du Roy, Paris aux Galleries du Louvre, fecit [m’a fait] 1756 ».
 Qui étaient ces astronomes survivants ? Nous pouvons penser au jeune Law de Lauriston, passager de l’Astrolabe, dont les compétences en matière d’astronomie sont louées par Lapérouse,  et à Roux d’Arbaud dont Lapérouse nous dit dans ses lettres qu’il « était un prodige en matière d’astronomie » (Catherine Gaziello, thèse sur L’expédition La Pérouse : une réplique française à l’expédition de Cook, publiée en 1984 sous le titre L’expédition de Lapérouse (1785-1788). 

  Le départ en catastrophe  de l’embarcation de secours (différente du bateau de secours, qui était bien plus grand), avec le lieutenant de vaisseau  François Michel Blondela ( né le 17 .05.1761 à Saint-Malo , 27 ans)  et son domestique Joseph Héreau,  le chirurgien-major Simon Lavo,  le matelot Joseph Richebecq , né à Roscoff, le 12.12.1766,  (14), tous les quatre rescapés de l’Astrolabe,  et  l’officier Roux d’Arbaud, rescapé  de la Boussole.
B. de Lesseps nous renseigne, Journal de bord d’Albi, N° 59, « La vie à bord de l’Astrolabe », sur le nombre d’embarcations à bord, savoir cinq sur chaque frégate et au moins autant en réserve : une « lourde et forte chaloupe  qui marchait mal et dérivait beaucoup,  un grand canot et un petit dont nous n’avions eu qu’à nous louer,  n’ayant qu’un tolet , avec des estropes (cordages en forme d’anneaux qui servent à retenir les avirons et les empêchaient de déborder ),  une biscayenne (détruite au Port des Français et reconstruite à Botany Bay) et une yole: L’embarcation de secours de 20 tonneaux , probablement le grand canot avec le petit canot et la yole, était ancrée en eau assez profonde dans la rivière  des Esprits .  Cinq personnes étaient préposées à sa  garde,  savoir  Blondela et son domestique Joseph Hereau,  Simon Lavo,  Roux d’Arbaud et  Joseph Richebecq. Ils réussirent à sauver leur vie  en  mettant à la voile dès le début du massacre au camp.
1) Nous avons déjà parlé du rescapé de la Boussole, Roux d’Arbaud,  dont le  nom est devenu  Darqo dans le récit de Jacobs: n’ayant pas le groupement consonantique  RB, la langue locale a utilisé un groupement voisin QBW avec labio-vélaire donnant Darqo, écrit Darco par Jacobs. 
2)  Blondela ( ?)
C’est le passager dont l’identité est la moins certaine. L’enseigne de vaisseau Blondela assurera le commandement jusqu’à son assassinat à Amakata en Papouasie. Il a son domestique avec lui, Héreau.  
3) Nous connaissons , grâce à Alain Denizet  (2 et 3), le chirurgien- major de l’Astrolabe,  Simon Lavo, originaire de Germinonville en Eure-et-Loir, où il naquit le 17/02/1755 dans une maison sur laquelle une plaque a été apposée. Sa famille tenait son nom orthographié Lavo du fief et de la seigneurie de Lavau (la vallée) attesté dans les archives en 1570-1759 (E 1457) et 1776-1799 (E 1466). Il était fort intéressé par les langues indigènes.  

 On trouve,  dans une mélopée indigène en langue  tungak citée par Jacobs (2) p. 150 :
                                             E-rin go-lu-rin go-lar
                                             E-rin go pi tang ar-r
                                             Re-gare o bu, Pepe Lavo, 
                                             Re-gare Darqo, or go Aroo 
On y  remarque le Pépé Lavo, très affectueux, - marque de reconnaissance pour les soins que le chirurgien  a dû prodiguer aux indigènes.
4) Le chant nous livre le nom de Joseph Héreau,  altéré sous la forme Aroo (dans go arroo, c’est-à-dire chantons Héreau, oo notant o), qui était  originaire de Tours et qui  était domestique de l’enseigne de vaisseau   Blondela sur l’Astrolabe.
5) Jacobs nous révèle encore, p. 85, que Darqo a un demi-frère nommé Pong Aracoopo, où pong (o) était le surnom de Richebecq, et où Aracoopo dissimule  le nom du père de ce métis,  un gabier de l’Astrolabe,   Joseph Richebecq, mal vu des indigènes,  qui finirent par le tuer et  qui appartenait à une famille de marins  installée à Roscoff (14). 

L’odyssée de l’embarcation de secours,  depuis son  départ de Vanikoro jusqu’à sa destruction par un tsunami devant Lavongaï, l’abandon par les rescapés de toute espérance de regagner l’Europe par Manillle et leur installation définitive à Lavongaï.. 
 Ticopia : première escale ?
Bien que Dillon ait affirmé que le bâtiment en question était le Barnwell en 1798, les Ticopiens racontent que,k bien avant le passage du Hunter  en 1813, trois bâtiments leur avait déjà rendu  visite et qu’un bâtiment inconnu s’était présenté en vue de l’île, mais qu’ils pensèrent qu’il s’agissait de mauvais génies venus pour les détruire. « Ce bâtiment [le bateau de secours] mit son canot à la mer et s’approcha de terre, mais les habitants assemblèrent toutes leurs forces pour s’opposer au débarquement ; les hommes du canot firent plusieurs tentatives pour débarquer, mais sans effet, et ils retournèrent à  bord de leur bâtiment, qui appareilla aussitôt, et qui fut bientôt hors de vue, à la grande joie des Tikopiens. »

Un témoignage sur  une  escale méconnue de l’embarcation de secours à Santa Cruz : le témoignage de  d’Entrecasteaux déniché par Jean Guillou.
En 1793, d’Entrecasteaux aperçoit  sur la côte nord, au-delà de l’entrée de  la Baie Graciosa , des pendants d’oreille faits de verroterie, ainsi qu’une hache faite d’un morceau de cercle de barrique.  D’Entrecasteaux réputa que ces objets venaient du passage de Carteret  en 1766, mais Jean Guillou (9) pense à juste titre qu’il s’agit de l’embarcation  de secours qui réussit  à s’approvisionner en eau et en nourriture auprès des naturels de l’île Santa Cruz et il parle d’ « occasion perdue » pour d’Entrecasteaux. A l’appui de son hypothèse, nous trouvons dans Dumont d’Urville (13A), p. 1046  que les insulaires « savaient que trois bâtiments de cette nation [française] avaient passé devant les côtes de Nitendi [Santa Cruz] sans y toucher… L’Astrolabe [de d’Urville]  a été le quatrième navire [français] qu’ils aient vu », savoir le bateau de secours,  les deux  frégates de d’Entrecasteaux et l’Astrolabe de Dumont d’Urville.  Le navire battant pavillon anglais anglais de Peter Dillon avait été celui qui précéda l’Astrolabe.de Dumont d’Urville. De plus, p.939, Dillon raconte comment trois navires étaient venus  près de l’île Indeni (Santa Cruz), et que les naturels avaient lancé des flèches sur les canots de ces bâtiments. Il en était résulté un combat dans lequel  plusieurs insulaires avaient été tués. » Ce ne peut être les deux  navires de d’Entrecasteaux : c’est donc bien du bateau de secours qu’il s’agit. 


Trois   témoignages concordants sur la même région (îles Amakata et Mau), dans le canal Saint- Gorges : l’attaque d’un esquif, l’assassinat  de Blondela ( ?)  et le passage du commandement à Lavo. 
Un premier témoignage sur les indigènes d’ Amakata  et sur leur contact avec les Européens : celui du capitaine Hunter en mai 1791. 
Dans l’édition  Milet- Mureau ,  p. XLVI, nous apprenons que Hunter ,   en mai 1791,   près de l’île du duc d’York (la petite York, Amakata),  à l’ouest de la Nouvelle- Irlande , aurait aperçu  une pirogue montée par des naturels qui lui avaient paru revêtus d’uniformes de la marine française. Selon Magon d’Epinay, plus précis, Hunter aurait en réalité aperçu deux piroguiers avec des baudriers européens en  drap rouge  et en drap bleu. L’uniforme de la marine royale de l’époque comprenait pour les lieutenants et les capitaines de vaisseau une veste bleue et une culotte, cuissard ou « baudrier » rouge dont les indigènes auraient pu se servir, en particulier pour se faire des ceintures d’apparat. Blondela de Taisy était lieutenant de vaisseau. Le collègue de Magon,  Préaudet,  ajoute la possession de rasoirs.  
 Robert Langdon a fait remarquer qu’il y a là un contresens sur l’expression anglaise « French habits » qui ne signifie pas habits français, mais habitudes françaises, manières françaises.  Georges Pisier écrivait dans le bulletin 22 de la SEHNC : « Il y a lieu de se reporter au Journal du capitaine Hunter. On sait [par Milet- Mureau] que Hunter, passager à bord du navire marchand hollandais Waaksambeyd,  aurait, après avoir passé le canal Saint- Georges [entre la Nouvelle-Bretagne et  la Nouvelle-Irlande], aperçu, en mai 1791 des indigènes des îles de l’Amirauté [en réalité, l’île Amakata] qui portaient des habits européens ayant l’apparence d’uniformes français. A Batavia (Djakarta) il aurait raconté le fait à deux capitaines de navires français, Magon de l’Epinay et Préaudet,  qui s’empressèrent d’en aviser M. de Saint- Félix, commandant la station navale de l’Océan Indien à l’île de France (île Maurice), afin qu’il avertisse  lui- même l’amiral d’Entrecasteaux , envoyé par la Convention à la recherche de La Pérouse en décembre 1791 , qu’il avait vu les débris du bâtiment de secours  de l’expédition  flottant sur les eaux et que les naturels connaissaient les Européens et l’usage du fer. Le commodore Hunter…a vu,  près des îles de l’Amirauté… des hommes couverts d’étoffes européennes et particulièrement d’habits qu’il a jugés uniformes français » (9 novembre 1791) .
« Un ou deux jours après avoir franchi le canal Saint-Georges,  [le commandant Hunter et ses officiers] ont vu de grand matin deux des îles de l’Amirauté et s’en sont trouvés très près… . On a remarqué que deux des hommes qui étaient dans ces pirogues avaient des ceinturons pareils à ceux que portent les officiers en Europe….Plusieurs d’entre eux avaient sur leurs habits des morceaux de drap rouge et bleu qui prouvent qu’ils ont eu connaissance avec des européens.. Comme ,  avant son départ de Botany Bay, le Capitaine Hunter,  commandant le Sirius, avait appris de M. de La Pérouse lui-même que son projet était de prendre le canal Saint-Georges, les officiers de cette frégate sont bien persuadés qu’il aura inopinément rencontré ces îles sur lesquelles il se sera perdu. Je soussigné certifie cette relation conforme à ce que j’ai recueilli de différentes conversations avec les officiers de la frégate le Sirius arrivée à Batavia après le naufrage de cette frégate, sur un petit vaisseau hollandais, avec lesquels je m’y suis trouvé dans la moitié d’octobre [1791].»
Dans son Journal, Hunter ajoute une précision :
« L’un de ces indigènes tenait quelque chose dans sa main avec quoi il se rasait souvent les joues et le menton ;  cela m’induisit à conjecturer que quelque Européen eût été récemment parmi eux et je pensais qu’il ne fût pas improbable que ce fût Monsieur de La Pérouse en route vers le nord depuis Botany Bay. »  
D’Entrecasteaux  qui, en 1793, a eu connaissance de tous ces témoignages, a fait des gorges chaudes de ces gestes pour se raser, rappelant  que les indigènes se rasaient avec une coquille coupante et que cela ne prouvait rien. Il a prétendu aussi que les baudriers (dont il fait de simples  ceinturons) ne sont que la peau noirâtre des insulaires et ajouté que Saint- Felix, Magon et Préaudet lui ont fait perdre son temps. 
Le nom d’îles de l’Amirauté ne doit pas faire illusion et il faut se fier pour la localisation au général Milet- Mureau qui nomme l’île du duc d’York,  entendons la petite York ou Amakata (de amaka, rouge, nom du blanc, et taï, manger, cf. Makataï).
En réalité, le témoignage du journal de Hunter  porte sur des rasoirs vus entre les mains des indigènes de l’île Mau,  qui sont la trace d’une escale pacifique dans cette île. En revanche le baudrier d’uniformes d’officier  a  été arraché à un  officier (Blondela) massacré dans un esquif de secours près  d’ Amakata. A partir de ces escales d’Amakata  et de Mau on peut déduire que nos rescapés longent la côte ouest de la Nouvelle -Irlande. 
Un deuxième  témoignage concordant : celui du capitaine Bowen, de l’Albermarle , en  décembre 1791 : l‘attaque d’un canot à Amakata .Latitude  9 °sud et 159° de longitude méridien de Londres selon Bowen. 
Dans son  discours préliminaire au voyage de Lapérouse en 1797,   le général Milet -Mureau (p. XLVIII), nous apprend que Bowen a aperçu , sur la côte de la Nouvelle- Géorgie (Nouvelle-Irlande) ,  les débris du vaisseau de M. de La Pérouse (un seul vaisseau, l’embarcation de secours) et dans les  Tableaux historiques, politiques et pittoresques de l’île de France , de Ferdinand Magon de Saint- Elier (p. 234) , nous apprenons que Bowen avait déclaré devant le juge de paix  de Morlaix qu’« il a aperçu lui-même, sur la côte de la Nouvelle- Géorgie, ainsi nommée par Shetland (les Salomon de Mendana) [la Nouvelle-Irlande], des débris du vaisseau de Lapérouse , flottant sur l’eau ; car il croit qu’ils sont provenus d’un bâtiment de construction française. Il ajoute qu’il n’a pas été à terre, mais que les naturels du pays sont venus à son bord, qu’il n’a pu comprendre leur langage, mais que par leurs signes il avait appris qu’un bâtiment avait abordé dans ces parages ; il dit que ces naturels connaissent l’usage de plusieurs ouvrages en  fer, et que leurs pirogues sont supérieurement travaillées [par des instruments en fer]. Lorsque les naturels du pays étaient à son bord, il n’avait eu encore aucune connaissance de ces débris ; mais qu’en suivant la côte, il les aperçut à l’aide d’un grand feu allumé à terre [par les natifs pour défricher?] le 30 décembre à minuit ». Selon Bowen Bougainville [avec sa Louisiade], le lieutenant Shortland [avec sa Nouvelle -Géorgie], qui avait sous ses ordres l’Alexandre et le Friendship, Lapérouse et lui, Georges Bowen, étaient, dit-il, les seuls européens qui eussent navigué dans ces parages ; il a reconnu en la possession  des Indiens des filets de pêche dont les fils étaient de lin, et dont la maille était de fabrique européenne. Bowen ajoute qu’il a conservé un morceau de filet, par curiosité, d’après lequel il sera facile de juger que la matière et la main d’œuvre proviennent d’un vaisseau européen. Le climat de cette contrée est très chaud ; les Indiens vont nus, et par leurs signes on s’est assuré qu’ils avaient vu des vaisseaux. »  .Les débris aperçus sont ceux d’une partie du canot  attaqué, où se trouvaient Blondela et son serviteur Héreau qui réussit à sauver sa vie.  
  Langdon avait déjà noté dans la région les filets de pêche de façon européenne, mais il les rattachait aux vaisseaux espagnols du XVIIe siècle. Toutefois la connaissance du fer indique que l’embarcation de secours, après l’attaque dont Blondela fut la victime sur le canot à Amakata, s’est arrêtée quelque temps chez eux à Mau et qu’il y a eu des cadeaux divers, comme les rasoirs.
Un troisième  témoignage : celui de Hobbs : l’attaque du canot en décembre 1788 par les indigène  et  les trophées conservés   dans leur île à  Simbo (île Amakata.)   
D’Entrecasteaux, en 1793,  a eu connaissance de ce qui suit,  qui pour lui est une tromperie.
 Extrait du journal de James Hobbs, premier officier du navire l’Union,  de Calcutta, capitaine John Nichols, destiné pour Pinang (en Malaisie), 14 avril 1811, communiqué à Dumont d’Urville à Hobart –Town (Tasmanie) le 20 décembre 1827 (13), p. 400 : « Comme nous étions en calme sur la côte de la Nouvelle- Géorgie [Nouvelle-Irlande] ou îles Salomon [de Mendana], j’allai dans le canot avec quatre lascars  et un matelot anglais, afin de  me procurer quelques fruits pour l’équipage, sur une île située  par 8°18’ lat. Sud, et 156 °30’ de long. Est [île Amakata ou Simbo], ne pensant pas qu’elle fût habitée, attendu qu’elle paraissait fort petite. Nous étions beaucoup plus loin de terre que je ne le croyais, et, avant d’y être rendus, le navire fut hors de vue. Quand nous fûmes près du rivage, l’île nous parut traversée par un chenal à marée haute ; au milieu de ce passage, je pus observer très distinctement un grand espars [poutre employée comme mât ou vergue] ou bien un mât planté droit debout, avec quelque chose qui me parut être le gréement [ensemble des cordages et poulies servant à la tenue et à la manœuvre de la voilure et de la mâture] pour le soutenir .Une pirogue montée par un homme et huit ou dix jeunes gens s’avança, en nous montrant une branche d’arbre pour nous inviter à descendre à terre avec eux. Ils semblaient très bien disposés, et je désirais me rendre à leurs vœux. [Mais l’équipage de la chaloupe, méfiant et   terrorisé, refuse absolument d’obéir à ses ordres.]Durant ce temps le rivage s’était couvert de naturels ; ceux-ci voyant que les vieillards et les jeunes gens ne pouvaient réussir à nous amener avec eux, une femme s’avança seule dans une pirogue. Les hommes du rivage voyant que toutes leurs sollicitations étaient sans succès, et le canot étant tout près de la terre, en quelques minutes nous fûmes environnés par quarante ou cinquante pirogues, qui contenaient chacune depuis un jusqu’à vingt naturels. Alors la femme témoigna par signes le désir que je fisse connaître à ses compatriotes si j’étais un homme ou une femme, ce que je fus obligé de faire, et ils en furent très réjouis. Les hommes de mon canot étaient tellement dominés par la frayeur qu’ils avaient à peine la force de tenir l’embarcation au large des rochers. Le navire était encore hors de vue ; mais,  à notre satisfaction, il survint un grain violent, et quand le ciel se fut éclairé, le bâtiment se montra à nos regards, ce qui redonna la vie à mes hommes, et nous forçâmes de rame vers le navire. Quand nous  nous en approchâmes, je crus sa perte assurée, attendu qu’il était entouré d’un grand nombre de pirogues et que son pont était si complètement couvert de naturels que je ne pouvais pas même distinguer un seul des hommes de l’équipage. J’accostai en hâte, et je m’empressai de dégager le pont ; mais je dus recourir à la violence, même en blessant au bras un homme qui avait volé tout le fer des pompes. Au même instant un rocher de corail se montra sous le navire, mais heureusement nous ne touchâmes point. Nous étions alors six milles environ au sud-est de l’île du nord –ouest [Mau].  Quelques naturels portaient des morceaux de fer, des barres de ce métal, et des étoffes rouges [uniforme de Blondela] dont ils semblaient faire un grand cas. Très peu parmi eux avaient apporté des armes. Ce sont de grands voleurs ; quand ils réussissent à dérober quelque chose, ils sont enchantés et se sauvent en sautant à la mer par dessus le bord. JAMES HOBBS. » 
D’Entrecasteaux a raillé ce qui n’était, selon lui, qu’un arbre avec une branche effeuillée. Pourtant, il y a beaucoup de chances pour que ce soient les trophées remportés par les indigènes au cours de  leur rencontre avec le petit canot des rescapés : les insulaires ont tué Blondela,  ils ont abattu le mât du canot et son  gréement qu’ils ont emporté triomphalement avec eux dans leur île d’Amakata. Ils y ont découpé son uniforme dont ils ont pu tirer des morceaux de drap bleu et de drap rouge. Le nom de celle-ci (l’île où l’on a mangé, -taï,-du blanc, amaka) ne doit pas nous laisser d’illusion sur la fin de l’infortuné officier : il a été mangé.  Quant aux latitude et longitude indiquées par Hobbs, elles étaient très incertaines à l’époque : ainsi pour l’île de Bouka Bougainville donne-t-il entre 158° 37’et 159°4’ de longitude est et  9°7’ de latitude sud-est, ce qui est faux, mais cohérent avec les coordonnées de Hobbs  pour l’île d’Amakata et avec  mon identification de Mau.
 A la mort  de Blondela,   Simon Lavo prend le commandement  de l’embarcation, décidant de suivre la côte ouest de la Nouvelle-Irlande et conservant l’espoir de gagner les Philippines, car il a perdu un esquif seulement.

Les témoignages sur Lavo 
1  Le  témoignage d’un « baleinier »,   plus exactement d’un phoquier anonyme : la découverte de médailles et de la croix de saint Louis de Blondela  en « Louisiade » et en « Nouvelle-Irlande ».  
Vers 1825, le vice-amiral Thomas Manby  transmet au Ministère de la Marine le rapport d’un baleinier anglais ou américain datant de 1820 (10), p. 396, qui découvrit, sur une île « longue et basse, environnée d’écueils innombrables, entre la Nouvelle-Calédonie et la Nouvelle-Guinée » des indigènes portant en guise de boucle d’oreille une croix de saint Louis, des épées arborant le mot Paris, et des médailles à l’effigie de Louis XVI , d’argent ou de bronze,  avec l’inscription « Les frégates du roi de France, la Boussole et l’Astrolabe commandées par MM. de La Pérouse et de Langle, parties du port de Brest en juin 1785 . Précision sur le lieu : « entre les mains des sauvages de la Louisiade et de la Nouvelle- Calédonie » (s’agit –il d’une confusion pour la Nouvelle- Géorgie ?). 
 La Louisiade en cause, ainsi nommée par Bougainville, n’est pas la Louisiade actuelle : c’est vraisemblablement un archipel  situé dans le canal Saint- George entre la Nouvelle-Bretagne et la Nouvelle-Irlande et  comprenant l’île Mau, où l’on a trouvé ces médailles.   La Nouvelle- Géorgie où la croix de saint louis de Blondela a été repérée n’est pas la Nouvelle- Géorgie actuelle non plus, c’est,  à côté du canal Saint-Georges,  la Nouvelle-Irlande avec des îles comme Amakata.
a) Pouvons-nous tenter de percer l’anonymat de  ce baleinier ? Les renseignements de Jacobs sur le chirurgien de Lapérouse, nous dit-il, viennent de « de plusieurs sources ». Or, son commandant,  le Capitaine Morrell, qui avait été phoquier,  était déjà passé dans ces îles et c’est peut-être lui qui, en 1823, sur la Wasp,  avait trouvé  la croix  de saint Louis et quelques  médailles : celles-ci l’avaient renseigné, sans doute possible,  sur l’origine  française des rescapés.  De plus, Jacobs peut avoir eu recours aux témoignages de Bowen, de Hobbs et de  Hunter. Mais comment a-t-il su en 1844, à New York,  que Lavo,  qu’il orthographie Laveaux,  était chirurgien ? Morrel a pu, lorsqu’il était à londres en 1837et avant d’écrire au gfouvernement français, se rendre à l’arsenal de Brest pour y consulter le rôle des équipages .Sur celui-ci, on peut déchiffrer la même orthographe que Jacobs utilise, Laveaux (la dernière boucle du v a été lue comme un e),  et, comme chez Jacobs, la simple mention « chirurgien »
b) En 1833, le capitaine Morrell , de retour d’un voyage dans le Pacifique , informe le ministère de la Marine du fait qu’il a découvert les enfants Laveaux et le ministère propose au premier ministre de « visiter cette île (Ridger) et de voir s’il n’existerait pas quelques papiers entre les mains des enfants Laveaux. », car « si leur père est mort seulement en 1834, il a dû leur apprendre le français et leur donner des renseignements précieux sur le sort de l’expédition. » Mais le ministère ne donne pas suite. Ce texte prouve en tout cas que, bien avant la publication de Jefferson en 1844, l’existence de Lavo était connue. Toutefois on peut douter de la date de 1834 (cela ferait à Lavo 79 ans) figurant dans une copie des archives de la Société de Géographie de Paris. 

c) Qui, sur l’Astrolabe, pouvait porter cette croix de saint Louis ?  Blondela, qui avait participé à la guerre d ‘Amérique et dont un frère avait reçu le même prestigieux ruban, portait le cordon rouge de saint Louis. . Je n’ai pu trouver la date  d’attribution de l’ordre de saint Louis à Blondela, mais les listes sont fort incomplètes et ne comprennent ni Lapérouse ni Sutton de Clonard. La présence de Héreau, domestique de Blondela  à bord de l’embarcation, est un argument pour voir en Blondela l’un des deux officiers tués par les indigènes. 
c) La région est en réalité, semble-t-il, celle qui avoisine les îles  Amakata (croix et cordon arrachés) et  Mau. (médailles distribuées). 

2 La parole est maintenant à Jacobs : quatre jours après un tsunami : le témoignage  de Jacobs (p.96) sur un canot (et non plus l’embarcation de secours) entre Lavongaï et Tingwon (alias Nyappa). 
  A.  Denizet (3),  p. 151, écrit qu’avant la naissance de Darqo junior  qui a environ 44 ans en 1834, donc qui est né vers 1790,  « les îles ont été frappées pendant trois jours par une épouvantable tempête et par un séisme », disons  par un tsunami, avec raz-de-marée et tremblement de terre,  fréquents dans ces parages volcaniques : l’embarcation de secours y a été détruite. « Au matin du quatrième jour (après la fin du tsunami), les habitants des montagnes de Nyappa  aperçurent avec effarement un monstre nommé « Pongo », qui était à mi-chemin entre leur île et celle de Riger (Lavongaï). »  Pongo signifie ordinairement  pointu, recourbé, en forme de corne,  et fait alors allusion aux chapeaux à cornes de l’équipage , mais ici  il désigne  le canon d’un   pierrier « pointu »,  monté , non pas sur l’embarcation  de secours de 20 tonneaux naufragée au cours du tsunami,    mais  sur une dernière petite chaloupe qu’ils ont réussi à sauver . Il leur était nécessaire de  faire une razzia sur l’île la plus proche, Nyappa, afin de se procurer de la nourriture avant de retourner sur l’ île voisine de Riger- Lavongaï à laquelle ils étaient parvenus, alors inhabitée et donc sûre. La description de la chaloupe, de ses pierriers et espingoles,  est intéressante : « Le monstre avait de nombreuses têtes pourvues d’une longue corne (pongo) noire, braquée sur eux et protégée par le feu, ainsi que des yeux énormes animés par la colère et des bouches d’une considérable largeur qui laissaient voir des dents gigantesques… A côté de chaque bouche, partaient des flammes de feu qui tuaient les ennemis à une grande distance ». Les  boulets tirés par le pierrier ont  été interprétés  comme les pierres  magiques  de Pongo qui concentrent en elles  toute sa force maléfique. 
Un peu de géographie : l’identification de l’île de Riger, aujourd’hui île de Lavo (Lavongaï) et de celle de Nyappa (aujourd’hui Tingwon, 30 Kms à l’ouest de Lavongaï, archipel Bismarck en Papouasie-Nouvelle-Guinée).  
 Jean Guillou identifie l’île de Riger à celle de Narage et celle de Nyappa  à Bali ou Unea dans les  îles Vitu.  Or, nous avons une base ferme pour l’identification de l’île de Riger : c’est l’emplacement, à 250 Kms de la localisation  proposée par J. Guillou, de l’actuelle  Lavongaï, toponyme signifiant  l’île de Lavo, dont Jacobs nous fait un dessin page 79 en  précisant que le sommet,   avec un décrochement bien net,  est de 2000 pieds environ, soit 610 mètres.  Le point culminant de Lavongaï  s’élève à  960 mètres, au lieu des 610 mètres attendus d’après Jacobs, mais cela  peut convenir pour une estimation à vue.  J. Guillou n’indique pas  la hauteur du sommet unique de Narage.  Le dessin de Jacobs de l’île  Riger (ci-dessous à gauche) et la photo de J. Guillou de l’île Narage ci-dessous à droite (page de couverture arrière de Navigateurs d’Eure-et-Loir (5) ne coïncident pas du tout.

          
                                                                                     Crédit photo : cliché Jean Guillou, avec                            
                               les aimables autorisations de J. Guillou et de  la SAEL                                                                                                            
  
  La langue parlée à Lavongaï appartient à la famille mélanésienne lavongaï- nalik : c’est le 
Tungag qui est parlé dans cette île,   comme   dans l’île Tingwon à 30 kms à l’ouest de Lavongaï, île qui pourrait bien être la Nyappa recherchée. La langue mélanésienne est très volatile : lavongaï est déformé dans les noms de dialectes  lovongai, toangai .Le nom de la langue tungag  vient   de toa-ngag (toa dérivé de Lavo) Quant au nouveau nom de Nyappa,  Tingwon, parallèle à Lavongaï, ce toponyme  a subi l’attraction de Johnson en raison du cargo cult Jonson et peut venir de tungag jon.
   Selon Jacobs,  Nyappa, a trois sommets dont le plus haut culmine à 6000 pieds, soit 1829 mètres et il  nous  donne   un croquis de Nyappa (p.88,) ci-dessous,   où l’on aperçoit plusieurs sommets (trois et une colline). 

                                

 Or, à Unea ou Uneapa ou Bari  (il en existe plusieurs) il y aurait quatre sommets dont le plus haut culminerait à 1033 pieds ou 300 mètres environ selon J. Guillou (53, p.174, ce qui est six fois moins élevé que le sommet de Nyappa selon Jacobs (1829 mètres). De plus Unea est à 250 Kms de la Nouvelle-Irlande, donc trop loin de Lavongaï.  Selon moi, l’île serait aujourd’hui Tingwoa. 
L’île Lavongai ou Mogabee-ngai (l’île du guerrier blanc) : l’installation définitive
  Jacobs nous dit, p. 83, que « Riger  was first settled by a Frenchman named Laveaux, a surgeon in the exploring squadron of La Perouse », l’île Riger (son nom chez ses premiers occupants) fut d’abord colonisée par un Français  nommé Laveaux, chirurgien de l’escadre d’exploration de La Pérouse. Il ajoute : « This  island  is sometimes called  Red Men’s island, or the island of  Lavoo,  the Red chief », p. 103, «  cette île est parfois appelée l’île des hommes rouges (blancs, il y en avait donc plusieurs)) ou l’île de Lavo (la graphie oo note le son o), le chef rouge (blanc) ». La race est connue  comme celle du guerrier  rouge de Riger, celle de Mogabee  (le guerrier –bee ou by,- rouge, -moga), nom du père de Darqo,  Roux d’Arbaud, qui succéda à Simon Lavo après  partage des royautés :
-Nyappa pour le fil cadet de Roux d’Arbaud,  le Darqo qui fut emmené en Amérique par Morrell ; 
-et Lavongaï pour la descendante de Lavo et de son mari, le fils aîné de Roux d’Arbaud et d’une autre princesse. 
Or, l’île de Lavo existe bien : c’est l’île Lavongai, ngai signifiant  île. Cela est un argument de poids pour l’authenticité du récit de Jacobs que cette rencontre avec la réalité, confirmée 
qu’elle est par le nom du père de  Darqo, savoir Roux d’Arbaud, surnommé Mogabee, le chef blanc, car Lavongai était aussi Mogabee-ngai, l’île (ngaï ) du guerrier (bi ) rouge (moga), c’est –à- dire du chef blanc  .
Le nom du blanc et de l’officier de marine dans le Pacifique
.   Le blanc est toujours appelé l’homme rouge, avec, pour rouge, un  mot qui désigne le sang : ainsi ka madja, le rouge, c’est-à-dire le blanc à Lifou., moga à Nyappa, d’où moga bee [prononcer bi] le guerrier rouge, c’est-à-dire blanc.   D’autre part, le blanc est soit espagnol (apopaleï, popalangui), soit français (farani, mara). L’officier de marine est celui qui porte un chapeau à cornes recourbées, un bicorne,  pongo, le chapeau à double pointe. 
La coutume pidiri et la couleur rousse de Lavoo junior ou les complications d’une  généalogie papoue.  
  Lavoo junior avait une chevelure rousse flamboyante : il nous faut, pour le comprendre, expliquer le mot mélanésien pidiri (qui signifie frère) et mettre en valeur le nom de Roux d’Arbaud. . 
 L’inceste entre frère et soeur est odieux aux Mélanésiens. Ici se pose un difficile problème de traduction : pidiri (langue de respect) ne désigne pas la sœur ou le frère germains (rha et mou en Lifou, à traduire par l’enfant du même sexe ou de l’autre sexe par rapport à celui qui parle), mais un homme  adopté comme son frère par une femme qui devient ainsi sa sœur  dans une procédure coutumière destinée à obtenir un chef masculin et des enfants qui aient l’hérédité de la femme lorsqu’il n’y a pas d’enfant mâle..Le nom va de pair, bien entendu, avec cette adoption et c’est pourquoi son mari devient Lavoo junior  En réalité, c’est  la femme de Lavoo junior qui  est la fille  du chirurgien- major Simon Lavo et d’une princesse de Nyappa, tandis que son mari Lavoo est le fils aîné de Roux d’Arbaud  (dont on peut supposer qu’il a donné à son fils la couleur de cheveux qui avait valu leur nom à ses ancêtres italiens) et d’une autre princesse de Nyappa. .Comme la tribu désirait avoir pour chef un héritier mâle  de Simon Lavo et qu’il n’en existait pas, elle a demandé à la fille de Simon Lavo de procéder à une adoption pidiri : celle-ci  a adopté pour « frère » le  fils métis et roux de d’Arbaud (Darqo senior) et l’a  épousé en lui donnant son nom de Lavoo de façon que leurs enfants héritent des qualités de Simon Lavo et qu’ils puissent devenir roi et reine de Riger ou Lavongaï. .
Rappelons que Darco est la transformation de d’Arbaud. Le second fils de Roux d’Arbaud est  issu d’une autre femme de Nyappa, c’est Darqo junior, dit Telun,  le roi de Nyappa : il y a eu partage des royautés entre les deux demi-frères, avec octroi pour lui d’un  nom pidiri dérivé de Lavo, Telum, mot qui est, dans la langue de respect,  une métathèse de Lavo. 
 De plus, Darqo junior, fils de Mogabee, savoir de  Roux d’Arbaud et d’une autre femme,   a un demi-frère nommé Pong Aracoopo, fils de Richebecq et de la veuve de d’Arbaud, la mère de Darqo junior.
Simon Lavo est le père « naturel  » de la femme de Darqo fils appelé Lavoo junior et le père pidiri de ce  « Lavoo » junior, Roux d’Arbaud est le père «  naturel »  tant de Lavoo junior  que de Darqo junior,  Richebecq le père « naturel »  de Pong Arocoopo. Voici, en résumé, cet arbre généalogique compliqué :
-Simon Lavo se marie à une fille de chef d’où une fille, qui se marie avec le fils aîné  de Roux d’Arbaud  (Darqo Mogabee). Celui-ci devient roi de Lavongaï sous le nom pidiri de Lavoo qui ne reflète aucunement sa filiation naturelle. 
-Le fils cadet de Roux d’Arbaud et d’une autre princesse est le Darqo capturé par le baleinier et il est le roi de Nyappa , lui qui  déclare emphatiquement : « Je suis Telum (=Lavo) -by-by (le grand  guerrier )Darqo (junior), le fils de Mogabee (Roux d’Arbaud), le roi de Nyappa. ». 
-Richebecq épouse une  veuve de Roux d’Arbaud qui était la mère de Darqo ( le roi de Nyappa emmené par le baleinier)  d’où un fils dénommé Pong Aracoopo.

La vie de Simon Lavo à Lavongaï  avec Roux d’Arbaud, Héreau et Richebecq après le naufrage de leur embarcation de secours : leurs femmes, leurs enfants, la maladie et la mort. 
  Même l’embarcation  de secours une fois détruite par le tsunami, Simon Lavo  disposait encore,  après son  installation avec Roux d’Arbaud, Héreau et Richebecq sur l’île  Riger- Lavongaï, d’un canot avec une ou   plusieurs espingoles ou pierriers et des boulets venant de Vanikoro. Cela leur permit de résister aux raids des insulaires voisins et  de faire eux-mêmes des razzias sur l’île voisine de Nyappa où ils enlevèrent successivement quatre princesses au moins, les épouses de Lavo, de Roux d’Arbaud et de Richebecq, femmes dont Lavo au moins apprit la langue, appelée aujourd ‘hui  le tungag. 
   A la mort de Roux d’Arbaud, Richebecq prend sa seconde veuve et en a un enfant,  demi-frère de Darqo junior, qui fait partie de la garde personnelle de celui-ci et qui est nommé,  d’après le surnom pingo de  son père, Ping-arocoopo 
 La vie n’était pas facile sur l’île : il y a les maladies, il s’y produit  un autre tsunami, ainsi que nous l’apprend une des deux descendantes actuelles de  Lavoo  (et de Roux d’Arbaud) retrouvées sur une des îles Vitu, à Goro, Madame Alios Kantouré (3), p.  177 : lors du deuxième raz- de- marée,  Lavoo junior et sa femme pidiri,  précise-t-elle (ce qui rappelle qu’il ne s’agit pas d’un mariage incestueux), ont été sauvés en s’accrochant à des lianes (probablement des racines aériennes de banian du Pacifique). 

La fin 
Simon Lavo mourut de maladie foudroyante.  On ne sait rien de la mort de Roux d’Arbaud ni de celle d’ Héreau. Quant à Richebecq, qui avait pris pour femme la  veuve de Roux d’Arbaud,  il   fut décapité quelque temps après par des jumeaux venus tout exprès pour cela  de Nyappa. Tous  reposent dans cette île de Lavongaï. La princesse qui était l’épouse de Simon  Lavo  voulut avoir des funérailles « à l’ancienne », c’est- à- dire avoir ses os et son crâne enfouis quelques années puis exhumés et lavés rituellement (variante de la coutume de l’enterrement secondaire).

 Ainsi, Dumont d’Urville n’était pas loin de la vérité lorsqu’il écrivait que les survivants avaient dû disparaître sur la côte est de la Nouvelle-Irlande, - en réalité ils ont suivi la côte ouest de la Nouvelle-Irlande jusqu’au nord, à Lavongaï. J’ai voulu seulement ouvrir ici des pistes de recherche. A d’autres de les affiner. L’oubli est le vrai linceul des morts, dit-on : c’est bien vrai pour cette quintessence de la civilisation européenne que représentait l’expédition Lapérouse, tombée au milieu d’une société qui était anthrophagique et à l’âge de la pierre polie, et qui n’a pas utilisé ce formidable facteur possible de progrès et s’est contentée d’en faire une religion, le jonfrumisme.  Une conséquence du naufrage de Lapérouse pour les populations de Vanikoro a été la prééminence des nouveaux- venus mélanésiens sur les polynésiens venus les premiers de Ticopia, bien avant les mélanésiens, et les migrations -fuites des Polynésiens vers 1790,  que ce soit sur la côte australienne (épave de Temple Island), en Micronésie ou aux Loyalty (Ouvéa)





Conclusions
Jean Guillou a recueilli en 2006 des mèches de cheveux, mais sans bulbe, qui appartiennent à Madame Rokus Kelwku, se disant descendante de Lavo, et à Madame Alios Kantoure de Goru dans l’île de Mandua (archipel Vitu), descendante de l’union pidiri de la  fille de Simon Lavo et du fils de Roux d’Arbaud. Il faudrait les faire analyser part un laboratoire qui prenne en compte les progrès de la science et fasse des analyses d’ADN mitochondrial, en sachant que l’ADN mitochondrial est celui de la lignée maternelle.
Il faut enquêter sur Colignon à Tanna et sur la Micronésie, ainsi que sur Lavongaï et enfin souhaiter qu’une expédition sous-marine   soit faite pour découvrir enfin la vraie épave de la Boussole, sur les lieux indiqués par les Vanikoriens eux-mêmes depuis l’origine. Le moyen  le  plus moderne serait l’utilisation de drone sous-marin sur le lieu de naufrage de la Boussole, près de Makulumu. Il faudrait utiliser aussi  des drones terrestres pour remonter la Rivière des Esprits ainsi que pour les fonds voisins de Thaumako où s’est englouti le galion Almiranta Santa Isabel. Ensuite des dragages  par robot sous-marin pourraient être utiles. Le plus difficile serra sans doute d’obtenir l’autorisation du gouvernement des Salomon, lassé des nombreuses expéditions précédentes et craignant que toutes ces expéditions ne soient qu’une façade destinée à masquer des intentions d’espionnage. 

Liste des ouvrages cités :
(1)Jean-Christophe Galipaud et Valérie Jauneau, Au-delà d’un naufrage, Les survivants de l’expédition Lapérouse, Actes Sud, mai 2012
 (2) Jacobs Thomas Jefferson,  Scenes, incidents, and adventures in the Pacific Ocean, or The islands of the Australasian seas during the cruise of the clipper Margaret Oakley under Capt Benj. Morrell, Harper & Brothers, New York, 1844, Google Books.
(3) Guillou, Jean, « Sur les pas de Simon Lavau, chirurgien de l’Astrolabe », p.165-177 et p. 407-506, dans Navigateurs d’Eure -et- Loir (SAEL)
(4) Denizet, Alain, «  Simon Lavo, Germignonville, chirurgien major sur l’Astrolabe », p.33-50, bulletin n° 34, 2e tr. 2005  de la Société Archéologique d’Eure-et-Loir (SAEL)
(5) Denizet, Alain, « Simon Lavo, Germignonville, chirurgien –major de Suffren et de Lapérouse » , p. 103-161, dans Navigateurs d’Eure-et-Loir dans les grandes expéditions des XVIII et XIX e siècles, de la Boussole et de l’Astrolabe à la Méduse,  de l’expédition de Lapérouse (1785) à la mission au Sénégal (1816), SAEL, décembre 2006 
(6) Capitaine de corvette Joseph de Rosamel, Pohnpei Micronésie 1840,  Voyage de circumnavigation de la Danaïde, édité par Pierre de Rosamel et Jean-Christophe Galipaud,   Société des Océanistes,  Paris, 2005. Excellente édition.
(7) Déclaration du Grand chef Makataï, p. 46 , in « Lapérouse à Vanikoro, campagne de recherches 1990 », bulletin de la SEHNC n° 90, janvier 1992 (p.46) ;texte fondamental. 
(8) Guillou Jean, Lapérouse …Et après ? , 2011, Dernières nouvelles de l’Astrolabe,  L’Harmattan
 (9) Guillou, Jean, bulletin de la Société d’Etudes historiques de la Nouvelle-Calédonie (SEHNC)  n° 102 du Ier tr. 1995 «  Santa –Cruz ou l’occasion manquée », p.53-58
(10) Jean Guillou, Peter Dillon, Capitaine des mers du sud, le découvreur des restes de La Pérouse, 192 p., 2000,  L’Etrave, 85-Beauvoir-sur-Mer
(11) Sur le passage de Lapérouse en Nouvelle-Calédonie,  Bernard Brou, «  Lapérouse, découvreur de la Nouvelle-Calédonie, 4 preuves après 15 ans de recherches », bulletin n°74 de la S. E.H.N. C du Ier janvier 1988.
(12) Déclaration du vieux Wéwo dans Sud- Pacific, n°22, oct. 1959 et  dans Examen critique … par B. Brou, A. Conan et P. Griscelli, supplément au bulletin n°62 du 1 er tr. 1985 de la SEHNC, et in  Colloque Lapérouse d’Albi 1985 : bien qu’il porte ma signature, le texte de cet Examen critique ne reflète pas mes idées, ayant été retouché durant mon absence de Nouvelle-Calédonie. Pour moi, l’Astrolabe (et non pas la Boussole) était déjà la seule épave retrouvée et la Boussole gisait devant l’îlot Makulumu. Toutefois, la description des objets retrouvés qui est de moi essaie d’être objective et reste pertinente. 
(13) Domeny de Rienzi, Oceanie, tome 3, pour la plupart des déclarations sur le naufrage, complétées parfois chez J. Guillou (8) et  dans l’anthologie publiée par Dominique Le Brun dans La malédiction de Lapérouse,  Omnibus, 1184 p. (13, A).  Cette anthologie partielle (et partiale, puisqu’elle omet volontairement les conclusions, pourtant si intéressantes, de Dillon et de Dumont et que la bibliographie ne cite pas Guillou) fournit au moins un accès bon marché au Voyage de Dillon, au Voyage de Dumont d’Urville , et,  naturellement, au Voyage  de Lapérouse, avec la liste des équipages, les Instructions de Louis XVI,  le matériel embarqué, ainsi que la dernière lettre de Lapérouse, mais sans la préface de Milet- Mureau à son édition..  
(14) Histoire et généalogie, n°4, décembre 2005,  généalogies établies par Norbert L’Hostis de Blondela, de Mouton-Laprise  et de Richebecq en particulier. 
15) Robert Langdon, The lost caravel, édition de 1975
16) Mikaël Ferloni pour l’Association Salomon, Opération Lapérouse, Journal de bord à Vanikoro,  2008.
17) Association Salomon, A. Conan et Stéphane Camille, Le mystère Lapérouse ou le rêve inachevé d’un roi, Thalassa, 2008



































































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