vendredi 22 janvier 2016

Les mots d’origine caraïbe en français.

               Les mots d’origine caraïbe en français.



Les langues caraïbes, langues austronésiennes.
La Guadeloupe est l’île antillaise où l’on trouve le plus de pétroglyphes, laissées par les  Ibères au cours de leurs migrations préhistoriques qui les menèrent aussi en Calédonie, où ils ont aussi laissé des pétroglyphes. A ceux qui s’étonneraient de telles migrations maritimes, précisons que les constellations existaient et que la boussole était déjà connue du temps d’Homère (citation dans F. Vinci, The Baltic origins of Homer’s epic tales). Il est faux que ce soient les Chinois qui aient découvert le magnétisme.
Le trait syntaxique le plus intéressant des langues caraïbes, comme de l’ancienne langue parlée aux Canaries, est ce que les bons pères ont appelé la langue des hommes et la langue des femmes.En réalité le phénomène se retrouve en Lifou dans les noms de parenté notamment et leur variation suivant le sexe du locuteur, par exemple père signifie géniteur du même sexe que celui qui parle ou à qui on parle , et le mot mère désigne la personne d’un sexe différent de celui qui parle ou bien à qui l’on parle.  Comme le disent Damourette et Pichon à propos du français et des langues indo-européennes : « les choses semblables à un locuteur mâle seront précisément les dissemblables d’un locuteur femelle » et inversement   
Dans les réunions officielles des tribus du fond de la chaïne à Koumak, les mots  Hom hom !  reviennent régulièrement dans la bouche de l’auditoire qui écoute un discours , comme dans les tenu dans les  cayounage ou palabres des Caraïbes.
La langue caraïbe est conservatrice et elle connaît des mots de deux syllabes, là où souvent les langues mélanésiennes n’ont plus qu’une syllabe., par exemple, le mot signifiant île, kaera  en guadeloupéen, correspond au papou ngaïe, de ngaeye  et au mélanésien nyou.
Le nom de la crevette en langue caraïbe,ichourou,i étant un article, se retrouve dans le mélanésien du sud de la Calédonie ,  kouré, cf la Coulé et son doublet la  Kouvelé. A l’île des Pins, on a le clan des Ti-Kouré, ti signifiant chef : afin de mettre fin aux hostilités qui l’opposaient aux Kouniés, le grand chef du sud  envoya des hommes de ce clan à l’île des Pins en otages .
 Le mot pou, gnigni en caraïbe, correspond à  tchien en belep.  
Le guadeloupéen tebou (en galibi, tobou, pierre), qui désigne une grande pierre plate cérémonielle correspond à  tiki, hache en pierre plate, différent de doghi, sorcier.
Les noms de l’igname, de la papaye et de la patate.
 Le nom caraïbe de l’igname couchou (chez le Père Breton, on a la même forme) correspond à  ku-shu au Japon (tout fruit ou légume d’aspect ou de chair blancs.
 Il existe aussi au Japon un mot djomon,  kuzu, fruit blanc, shenshu en Chine où ces plantes poussent à l’état sauvage. Ce mot désigne la Pueraria lobata. Zu, shu ou chu, signifient  blanc.   Du kuzu djomon viennent les noms d’une  patate douce blanche  dans un dialecte d’Amérique, le kuna, savoir kwalu (de kuzu) et d’une igname sauvage blanche  de Nouvelle-Calédonie et des îles, le waël,  introduits par les Tibawés.
  En ce qui concerne le nom de la patate douce, la linguistique comparative et historique seule n’est ici d’aucun secours  car certains radicaux se confondent et donnent les mêmes résultats, poussant à croire, par exemple,  que la patate douce serait  originaire d’Asie, ce qui est faux : il nous  faut d’abord demander secours à l’archéologie américaine. Celle-ci nous apprend que les plus anciens restes de patates douces et de pommes de terre cultivées  ont été retrouvés dans les grottes de Tres Ventanas, à 65 km de Lima au Pérou, et qu’ils datent de 8 000 ans avant  J. –C. Toutefois, un spécimen de Solanum muaglia  datant de 13 000 avant J.C., pomme de terre sauvage mais comestible, a été retrouvé  à Monte Verde, dans le sud du Chili. C’est donc au Chili que seraient apparues la pomme de terre et la patate douce. Or, les habitants avaient, pour les nommer, à leur disposition, plusieurs radicaux que nous allons étudier.
1) pa pata :   le fruit hirsute, en caraïbe le mot patati, patate 
Il existe une pomme de terre avec un duvet dru, Solanum villosum, au nom scientifique significatif (villosum signifiant velu) et à laquelle  les Amérindiens ont donné le nom de pa pata (pata signifiant velu dans la langue de Haïti appelée  taino, cf. ainou, homme), devenu patata ou batata à Haïti. C’est cette forme patata qu’ont  empruntée ensuite  les Espagnols pour désigner la patate douce sous la forme batata , en français patate  et  , en anglais, batata, patate douce, potato .au sens de pomme de terre. On a donné le même nom de « fruit écailleux » , patata , au pitaya  ou pitahaya (Selenicereus megalanthus)s) .
Quant au mot papaya, pour désigner la papaye,  il vient  du caraïbe papaye  par analogie entre le centre plein de graines du pitaya à la chair blanche  avec des points jaunes et  la papaye (Carica papaya L.) au centre également plein de graines qui, elles aussi, étaient mangées autrefois.
Pour comprendre la forme mexicaine  camote ou cambote,  patate douce, qui a été empruntée par les Espagnols et diffusée par eux avec le tubercule, dans le Pacifique, il faut  partir de pataya, katayo, puis  par métathèse kayota, kamota, camote. A  Okinawa,  dans l’archipel Ryu Kyu, il existe,  à côté du nom japonais imo (de Satsuma), un nom d’emprunt (de camoté), kamato, bien acclimaté comme le prouve la salutation rituelle : Nmu kamatoin ? As-tu assez de patates douces ? Signifiant : comment vas-tu ? Le terme camote et le tubercule ont été exportés aussi par les Espagnols en Subanu de Mindanao (camote) et aux Mariannes (camut).
 Le même nom a anciennement été donné à cause de ses duvets à la chayote (la chouchoute calédonienne), Sechium edule, de pataya devenu katayo, puis par métathèse kayota.
A Santa Cruz, dès le XVI e siècle (cf. Pedro Fernandez de Quiros, Histoire de la découverte des régions australes), on rencontre panaes , d’origine inconnue,pour patate douce.
2) ku-mara (toute enveloppe  ou tout tubercule d’aspect pourpre, souvent la patate douce, Ipomea batatas Poiret).
Il existe deux formes kumara :
 1 L’une se décompose en  kuch, peau, enveloppe, aspect et madja, rouge,  le nom  désignant tout  fruit ou légume  à chair ou à peau rouges, quel qu’il soit, pomme- liane, tomatille, tomate, tamarillo.
2 L’autre se décompose en kep ou  kup, tubercule, et madja, rouge,  pomme de terre rouge ou patate douce de couleur pourpre.
1La tomatille du Mexique   (Physalis philadelphica) a pour nom    tomatlt  en aztèque, de kumara : le –ille final de tomatille n’est  pas un diminutif, mais vient du l  final de tomatl  , comme dans le fruit appelé tamarillo, également de tomatl.   La tomate (Solanum lycopersicum)s’appelle  xi-tomaltl  , xi  signifiant petit
 De même, la pomme- liane ou fruit de la passion pourpre (Passiflora) est  appelée en tupi (Guyane) maracuja, de mara, rouge, ku, peau et ja, fruit.
La coumarine est extraite de la fève tonka, de couleur rouge foncé : c’est le fruit du Dipteryx odorata, en langue vernaculaire teck ou gaïac guyanais ou brésilien. La fève et l’arbre s’appellent  coumaru, coumaron, coumarine
L arbre guyanais  Strycnos guianensis a une écorce rouge qui lui vaut son nom, urari en Guyane., curare en français, de ku mara
2) La forme kumara, de kup mara ainsi que la patate douce elle-même ont été diffusées à Mangareva par l’Inca Tupac Yupangui entre 1471 et 1493 et de là  dans toute la Polynésie.  A partir de 1600  le pilon en pierre sculptée représentant un oiseau pour écraser le taro disparaît avec l’introduction de la patate douce en Nouvelle-Guinée. De kumara (Mangareva, île de Pâques, Touamotou, Rarotonga, les  îles Cook, la Nouvelle-Zélande),  on a kumala (Tonga), kumala  à Wallis- Ouvéa et à notre Ouvéa où une pirogue de Wallis l’aurait apportée au début du XIX e siècle, kumai (Marquises), ‘umala (Samoa), ku’a’ra (Mangaia), umara, umaa (Tahiti), uvala (Hawaï), kumal (Carolines).
On voit comment l’aboutissement phonétique de kuch mara, peau rouge,  semble bien être  le même que celui de kup mara,  tubercule à chair rouge ;  ainsi une igname à chair rouge (« sang de poulet » au Cambodge ou « sang des vaincus » en Calédonie)  peut, comme la patate douce, être appelée kumara, de kup, tubercule, et de mara, rouge.  Le nom de la patate douce à chair rouge  en javanais,  ku madjang, doit se décomposer en kup, tubercule, et madja, rouge. De même, on a le nom  de l’igname sauvage  à chair pourpre en malais, ke mahang (de kup madjang), emprunté par des langues non austronésiennes proches des Tuas calédoniens : ke mhang en semang de Kedah pour désigner une igname (langue parlée par des Negritos de Malaisie),  ke marung en sakai de Pahang pour désigner une igname cultivée On a aussi
-le nom d’une igname sauvage à chair pourpe,   gembulu en Gajosch,  de kup mada ;
-le nom  bengali   d’une igname (Dioscorea alata),  kamalu, de kup mada ;
-le nom d’une igname sauvage  en Nouvelle-Guinée (Osisi), gamaru, de kup mada ;
-le nom malais  de l’igname sauvage,   kembili, de kep mada, emprunté en sakai (langues non austronésiennes : Tembi, Darat, Jalai et Serau proche des populations tuas) sous la forme kemili ;
- le nom malais  de la patate douce, savoir  gumbili  ou encore  kumeli, toujours de kup mada) ;
 -le nom d’une igname (Dioscorea alata)   à Madagascar kambar, de kup mada. Le nom du  gombo africain (Hibiscus esculentus)  avec des gousses qui sont généralement vertes mais peuvent être rougeâtres, vient de kambar (en bantou, ki-gombo ou petit tubercule).Dans une langue dravidienne, le telugu,  kummara  désigne  une igname, Dioscorea aculata et, en Namau (Nouvelle-Guinée),    omera (toujours de kup mara),  un taro (Colocasia esculenta) ;
 -le nom de la variété rouge d      ’aubergine sauvage (nous connaissons surtout les variétés violettes), Solanum incanum, qui est appelée kambay (de kup mada) ou kambal  au Cachemire ;
-  le nom du  Plectranthus tuberosus (qui donne de petits tubercules analogues à la pomme de terre), savoir  kumeli  ou gumeli  en sundanais (Java), de kup mada.
3) ku-bi (tout fruit ou légume comestible, -bi signifiant sauvage)
Un radical ku a donné au Japon le nom d’une variété d’igname sauvage (Dioscorea japonica) appelée kubi. C’est cette forme djomon   kubi  qui donne  obi en Nouvelle-Calédonie, où elle fut introduite par les Djomons, ubi, api en AmériqueAvec indication de blancheur, on a en Amérique api-shu pour désigner la patate douce  sauvage à chair blanche (shu signifiant blanc); ape, apene (ape+-ne,  de shen, blanc ,  ope,  opene (de kubi- shene).
4) ku-shu (tout fruit ou légume d’aspect ou de chair blancs
 Il existe aussi au Japon un mot djomon,  kuzu, fruit blanc, shenshu en Chine où ces plantes poussent à l’état sauvage. Ce mot désigne la Pueraria lobata. Zu, shu ou chu, signifient  blanc.   Du kuzu djomon viennent les noms d’une  patate douce blanche  dans un dialecte d’Amérique, le kuna, savoir kwalu (de kuzu) et d’une igname sauvage blanche  de Nouvelle-Calédonie et des îles, le waël,  introduits par les Tibawés.
5) kep (tubercule souterrain en austronésien)
On pose en austronésien stricto sensu (indonésien et malais) une racine kep, qui signifie tubercule et qu’on retrouve à Pohnapé (Micronésie) sous la forme kap, igname, et sous la forme  up, ep, patate douce en Amérique  
6) wara-bi (tubercule, +–bi, sauvage)
 Le suffixe –bi, sauvage, indique une provenance djomon.
Il existe au Japon une fougère (Pteridium aquilinum) dont les tubercules sont comestibles. Elle est appelée warabi en djomon, forme qui a évolué et a fini, sans –bi,  par être confondue avec kumara, patate douce pourpre. De warabi,  outre le nom tibawé du taro cultivé (sans –bi par conséquent),  tara ou  taro, on a :
1) le nom de l’igname cultivée par les Tibawés (donc sans-bi) à Santo, wara ; avec –bi, le nom calédonien d’une igname sauvage ou semi -sauvage de Calédonie, le waleïde wara-bi ;
2) le nom d’un condiment japonais appelé wasashi (Wassashia japonica), une sorte de moutarde,  apprécié pour ses racines,  qui ne pousse spontanément qu’à Formose, au Japon et à Sakhaline, peut-être introduite par les Tibawés en Nouvelle-Zélande ;
3)  le nom d’un  cultivar tibawé d’arbre à pain, uru en polynésien, qui vient de wara, comme le mot mayoré (de mah-uru, d’un préfixe signifiant arbre et de  –uru, mah-uru).
Toutefois, il faut remarquer qu’on trouve à Santa Cruz un nom africain de l’igname, gnama , qui a donné yam en anglais. On y rencontre  aussi des arbres à pain, des taros, « des châtaignes de Tahiti », ainsi que des poules et des porcs , et ce dès le XVI é siècle (cf . Pedro  Fernandez de Quiros, Histoire de la découverte des régions australes).
Les mots d’origine caraïbe
Le trouloulou de la région de  Ouégoa- Koumak en Nouvelle-Calédonie.
Il s’agit d’un petit crabe de sable comestible, rouge et bleu, du genre gecarcinus, qu’on trouve aux Antilles et en Nouvelle-Calédonie. Un linguiste néo-zélandais, un certain Hollyman, avait conclu une savante étude sur ce nom « calédonien » du crabe  en affirmant que son appellation demeurait fort mystérieuse et, comme Dauzat, il lui donnait une origine provençale,  tourlour. On trouve chez Dauzat :« 1640, Comédie des chansons ; 1667, nom d’un crabe terrestre des Antilles ; 1834, Boiste, nom populaire du soldat d’infanterie ; formation expressive d’origine provençale, avec le sens primitif de tapageur. »  Le nom indigène de la Marie-Galante était Aulinagan , mais elle était surnommée Turukaera, l’île aux tourlourous (kaera signifiant île). Dans ses Mémoires rédigés par une pythonisse, Mademoiselle Lenormand, Joséphine de Beauharnais emploie aussi le mot tourlourou.
Or, à la Guadeloupe, dans la Relation d’un voyage à la Guadeloupe par le capitaine Fleury (1618-1620), publié par Jean-Pierre Moreau sous lez titre Un flibustier français dans la mer des Antilles, on trouve ittouloulou, chez le Père Raymond Breton, dans sa  Relation de l’île de la Guadeloupe,  1647,  itourourou, i étant un article. Le mot tourlourou  est donc  un emprunt direct du français à la langue caraïbe, guadeloupéenne notamment. En Nouvelle-Calédonie, on peut hésiter et penser qu’il s’agit du mot français, emprunté par le créole, mais c’est peu probable, car le mot avait pris à l’époque, dès 1834,  le sens de soldat d’infanterie à cause des couleurs éclatantes, rouge et bleu, de l’uniforme militaire (jusqu’en 1914),  qui étaient celles du crabe et que le mot avait pris  par suite le sens de tapageur, querelleur,  en provençal. Mais on peut aussi penser qu’il s’agit d’un mot de la langue mélanésienne de Koumak emprunté  par les Calédoniens. Ceci confirmerait la parenté de la langue de Koumak avec les langues caraïbes.
Citons les mots agouti, désignant un rongeur et passé tel quel en français,le mot  bannatana qui donne banane, le mot giromon, désignant une citrouille,passé sous l’orthographe giraumont et attesté en  1734, dans le Journal de Trévoux,le mot goyave ,espagnol guyaba, attesté comme guau, en 1525 (Fabre),et dans la  Relation de l’île de la Guadeloupe du Père Raymond Breton, 1647., le mot papaye, « variété de goyave !», le mot patati, patate ; le mot canobe devenu canoë et canot, le mot hamaca, espagnol hamacu, attesté en  1519, dans le Voyage d’Antoine Pigaphetta, en 1640, chez Bouton  sous la forme hamat, On le retrouve avec le sens d’abri ou de maison dans le lifou ‘uma, qui se retrouve en Afrique comme dans diverses langues du pacifique (australien, etc.).


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