jeudi 19 janvier 2017

Complément de mon blog sur Nodot qui publia un manuscrit de Pétrone

 COMPLÉMENT A MON BLOG SUR FRANCOIS NODOT QUI PUBLIA UN MANUSCRIT DE PETRONE :
L’HOMME QUI POSSÉDAIT LE MANUSCRIT AVANT NODOT ET SON COUSIN QUI A DÉTRUIT  MANUSCRIT ET COPIE ;

Les assassins du latin l’ont tué par leur cuistrerie prétentieuse, en instaurant cette prononciation restituée qui occasionne des troubles ( une autre prononciation française existe et elle est pratiquée en botanique, en homéopathie,tandis que la prononciation catholique est encore utilisée dans l’église et dans les écoles catholiques etc. ) , par la modification de l’orthographe traditionnelle si commode, par l’institution d’une règle d’exemples grammaticaux ,enfin par une étude non plus de la langue mais de la société,  etc . De même, ils ont réussi à rendre insipide et inintéressant le roman de Pétrone. Leur pseudo- érudition, par un négationnisme et par un révisionnisme absolu, a, contre toute évidence, supprimé tout ce qu’on savait sur Pétrone, y compris son nom. Il est salutaire pour l’ulmien et agrégé des lettres classique que je suis de pouvoir lire l’introduction de Nodot et son texte, où l’on voit revivre Pétrone.
 La découverte du manuscrit de Belgrade
    En 1688, l’intendant François Nodot est aux armées françaises en Allemagne quand il entend parler d’un  manuscrit, initialement détenu par un «  Grec renégat », au service des Turcs par conséquent, et vendu par lui au siège de Belgrade à un officier français au service de l’Autriche dans l ‘armée ennemie des Turcs.  Ne  peut-on supposer qu’il s’agit du manuscrit dit de Bude en Hongrie  (Vetus Pithoei , le vieux Pithou, ou   Vetus Benedictum exemplar) ? Nous savons que celui-ci que avait été volé, ce qui, outre la prudence compréhensible, explique le secret dont l’officier  l’entoure.  En tout cas,  cet officier français  Dupin est riche et lettré,  et il veut conserver le manuscrit pour lui-même, mais il accepte de le montrer à F. Nodot. A remarquer que personne à l’époque n’a contesté,  ni le fait , ni  l’existence de ce Dupin, ni cherché à le joindre, mais que l’on a seulement contesté l’authenticité du manuscrit, quel qu’en soit le détenteur ou même l’auteur.
  On devrait se pénétrer cette vérité que  ce qui compte, c’est le texte tel que des témoins dignes de foi nous le communiquent et non pas son support matériel, qui a souvent disparu.
 La famille méridionale des Sallier du Pin coseigneur de Villennes (-sur-Seine dans les Yvelines).
Ce Dupin appartient aux de Sallier  du Pin  dont un membre sera illustré par Proust dans Le côté de  Guermantes, savoir le mari en secondes noces  de Madame de Gourkuff  dont un fils qui  veut devenir auteur  .  En effet, Madame de Sallier du Pin, née Eugénie Fidière des Prinvaux, morte le 27 février 1901 à Auteuil dans les Yvelines , quitte Nantes pour suivre  à Paris son fils  Léon de Gourcuff, issu d’un précédent mariage, lequel fréquentait un monde de lettrés.
C’est une famille de militaires, de nobles et de prêtres dont l’un a fort bien pu détruire pieusement la copie et l’original ; parmi ces prêtres, citons l’abbé  Claude Sallier (1685-1761), professeur d’hébreu  au Collège royal, garde de la Bibliothèque du roi, membre de l’Académie française et de l’Académie des Inscriptions, qui a fort bien pû détruire le manuscrit et sa copie par scrupule religieux et social ; à la fin du XVIIIe siècle, l’abbé N... Sallier-Dupin, né à Nantes  qui est peut-être le même ; au XIX e siècle,  Alfred Sallier Dupin, curé de Saint- Méloir dans les Côtes-d’Armor ; Marie Sallier Dupin, religieuse, On  trouve de cette famille  à Saint-Pierre de Londres, commune de Puymiclan , diocèse d’Agen .   Un certain nombre  d’entre les Sallier sont planteurs à Saint-Domingue.
Le possesseur du manuscrit est peut-être Pierre Joseph de Sallier du Pin, coseigneur de Villennes, ancien capitaine au régiment de Bourbon, domicilié en 1760 à Manosque dans les Alpes- de -Haute -Provence ; citons encore Jean-Pierre Charles de Sallier du Pin de Villennes, ancien garde du roi, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint Louis, parrainant  le 19 juillet 1788 à Port-au-Prince, paroisse Notre Dame de l’Assomption, Jean Pierre Charles Antoine Jacques Léon Sallier du Pin , fils de Christophe de Sellier Du Pin , écuyer (au sens de noble). Christophe de Sallier, né dans la paroisse Saint-Pierre de Londres, diocèse d’Agen, commune de Puymiclan, mort le 1er -02 -1786 à Port-au-Prince, fils de Barthélemy Sallier du Pin,  épousa , à la fin du XVIIIe siècle, Marie-Madeleine de Chappotin, qui fut une compagne de Marie-Antoinette.
  François Nodot,  apprenant à Belgrade  l’existence du texte de Pétrone et enthousiasmé, par cette découverte,   et son propriétaire Sallier Du Pin  conviennent de rencontrer   à Francfort le propriétaire du précieux manuscrit. Il apprend  que Du Pin veut faire transcrire le manuscrit , rédigé en écriture gothique ,  par un spécialiste en paléographie,  et , grâce à un « antiquaire » de Francfort, il réussit à soudoyer le déchiffreur pour en obtenir une copie clandestine  que, méfiant, il  communique à diverses autorités comme Charpentier,  de l’Académie française. Devant les avis favorables unanimes sur l’authenticité ,  il entreprend d’annoter  le texte en vue de le publier malgré les risques encourus,  puis de  traduire l’œuvre entière, à savoir les textes traditionnels antérieurement connus, le festin de Trimalcion et les nouveautés  de son propre manuscrit. Il dispose de diverses éditions anciennes, en particulier celles de Jean de Tournes (Tornaesius, 1575), de Jean Dousa (1595) et de   Bourdelot (1618).
  Le transcripteur de ce manuscrit dont l’original datait du  12e  ou du 14e e siècle a bien fait son travail ; il n’a pas indiqué les marques modernes de séparation en livres ou en chapitres par des nombres,parce que celles-ci n’y figuraient pas  , cette   division moderne ayant  été  introduite par le  Suisse de Juges en  1629  et  s’étant imposée jusqu’à maintenant pour la commodité des références .
  15 et I6 livres selon le manuscrit du festin de Trimalcion , Codex Traguriensis du XVe siècle, Parisinus 7989 : «Petronii Arbitri Saturii fragmenta expliciunt ex libro quinto decimo et sexto decimo », que je traduis : ces fragments du Satyrion de  Petrone Arbiter comprennent la fin du  livre XV et se terminent avec le livre  XVI . A titre de comparaison, le roman d’Apulée a onze livres, soit un peu plus de 200 pages dans la Pléiade, le Satyricon , sans les suppléments trouvés à Belgrade, 130 pages.  Un interpolateur de Fulgence (VI e siècle) dans le manuscrit de Paris 7975 attribue au livre XIV le chapitre XX, 9 (une scène de fascinum, sortilège de désenvoûtement).  Nous aurions donc conservé, semble-t-il, entre autres,    les livres XIV, XV et XVI.  François  Nodot, par fidélité au texte et par honnêteté,  n’a pas voulu introduire la division moderne. François  Nodot  a été très fidèle  et n‘a , ni corrigé son texte avec Bourdelot par exemple, ni incorporé les fragments connus .
Les principaux arguments pour l’authenticité : un peu de critique externe impartiale.
Il faut comparer le manuscrit  de Nodot avec d’autres manuscrits. Nodot ne s’est pas aperçu que son manuscrit intégrait en réalité au moins deux  fragments, le fragment XXX  sur les songes et celui  sur les Marseillais à la fin du roman.
Le fragment XXX sur les songes.
Il est très intéressant de comparer le texte du manuscrit de Nodot sur les songes avec le texte du manuscrit de Leyde par lequel nous connaissons ce fragment XXX
Il vient dans  le  manuscrit de Nodot après le songe de Lichas au chapitre CIV comme Bourdelot l’avait déjà proposé en l’insérant après ratione condemnat et avant Ceterum Lichas (deuxième paragraphe), mais le  texte de ces 16 vers  est meilleur : il intègre aussi un vers suspecté  à tort par Ernout qui, en note seulement, écrit : « Voir plus loin, dans les Fragmenta, le poème XXX ».
De quelques  fragments insérés par Bourdelot,  mais non par Nodot.
Nodot n’a pas essayé d’incruster dans son texte divers fragments insérés par Bourdelot dans l’édition  de  1618 que Nodot  possédait, par exemple le fragment XXVII, inséré au chapitre CVI  après inscriptione derisi par Bourdelot, ainsi que le fragment XLVII inséré au paragraphe LIV après pecuniam positri, le fragment XLVIII inséré au chapitre CXXIX après Achilles eram. Ceci semble prouver que le manuscrit de Nodot existait bien, puisqu’il comprenait ce texte sur les songes, qui nous est aussi connu par un manuscrit du XII e  siècle, peut-être de la même famille que le nôtre , le Codex Leidensis (de Leyde) Vossianus , CXI, folio 38 au recto, avec également  le fragment XXIX, mais placés après les poèmes cités respectivement aux chapitres XIV et LXXXIII.
Variantes du Codex :  profuso , abondant, au lieu de perfuso , teint superficiellement, de Ernout,  corde au lieu de chorte,cour,  correction de Mommsen adoptée par Ernout  et lustrat , parcourt, correction de Burman, au lieu de latrat, qui signifie aboie. Le manuscrit de Nodot, outre une ponctuation différente, présente les variantes qui suivent :
Vers 6, au lieu de eruit dans le manuscrit de Leyde, saevit ;
Vers 8, perfuso comme le veut la correction d’Ernout au lieu de profuso du manuscrit de Leyde;
Vers 10, pavido, au lieu de pavidi comme dans le manuscrit de Leyde ; et corde, comme dans le manuscrit de Leyde avant correction en  chorte par Mommsen ; vers 15, latrat comme dans le manuscrit de Leyde au lieu de la correction en lustrat de Vossius ;
Vers 16, spatio au lieu de spatium du manuscrit de Leyde. 
La comparaison entre le texte de Leyde et celui de Nodot démontre qu’il ne s’agit pas d’une invention de Nodot.
La place des quatre vers qu’on trouve dans Budé, p .84, chapitre LXXXII sur l’avare comparé à Tantale.
Ernout reconnaît lui- même que ce fragment « se rattache assez mal à ce qui précède ». De plus, il est contraint d’admettre la correction de Jacobs, acervans, entassant, en lieu et place de cernens que donnent les manuscrits (l’avare qui  scrute toute chose, plein de crainte,omnia cernens qui timet ). Or, le manuscrit de Nodot situe ces vers dans un long fragment qui relate l’histoire de Lycurgue, Lychas et de Tryphamène , où il convient très bien à la peinture de l’avarice de Lycurgue.  
Une erreur du copiste non corrigée par F. Nodot . 
Le texte parle de voie royale, via regia, alors que, vu la région et la route projetée, il s’agit vraisemblablement de la route de Regium dans le Bruttium, via ad Regium.  Ceci démontre l’honnêteté de F . Nodot qui a respecté son texte.
Le début du roman, la tradition et les nouveaux fragments de Nodot. .
  Il y a une suppression fâcheuse des prétendues "additions" de Gonsali de Salas au début du roman chez Ernout ou Grimal. D'ailleurs, il me semble stupide de taxer de faux les éditions anciennes dont nous n'avons plus les manuscrits et elles sont nombreuses. Voici la phrase liminaire du roman d’après le manuscrit de Gonsali, phrase que confirme le manuscrit de Belgrade (c’est Encolpe qui parle dans l’école de rhétorique d’Agamemnon près de Naples, ville choisie parce que Néron,  au témoignage de Suétone, y chantait souvent): « Il y a si longtemps que je promets de vous raconter mes aventures que je veux m’en acquitter aujourd’hui que nous nous trouvons heureusement assemblés pour parler, non seulement de science, mais aussi de toutes les choses qui peuvent donner de l’enjouement à nos conversations ».
Or, le premier fragment découvert par F. Nodot, qui fait allusion à une partie précédente perdue où  Veijenton  parlait de la gestuelle des prêtres, savoir « Véjenton vient de vous entretenir, en homme savant,  des abus qui se commettent en matière de religion et avec quel enthousiasme étudié nos prêtres en expliquent les mystères, souvent sans les entendre. Mais les déclamateurs ne vous paraissent-ils pas être transportés d’une autre espèce de fureur, etc. »   va déclencher le courroux de Pélissier. Pourtant,  l’enchaînement est parfait, l’orateur nous est connu par Tacite, Annales, I, 14,50 qui nous apprend que Vejenton avait fait une "satire terrible contre les prêtres de son temps, où il décrivait leur artifice à l’égard de ces divines fureurs dont ils paraissaient transportés », satire qui lui valut l'exil. Mais les jésuites le prennent pour eux  et se sentent attaqués : pour eux , dès les premiers mots,  Nodot abat le masque,  s'en prenant aux prêtres et aux mystères de la religion catholique. Pourtant, l'ensemble va très bien, ce qui confirme une fois de plus les textes  tant de Nodot que de Gonsali.
La fin du roman : comparaison de la fin du roman dans la collection Budé (Ernout, chapitre CXLI) et de celle du manuscrit de Nodot, avec en italique les parties du texte traditionnel et en écriture normale les nouveautés du manuscrit trouvées à Belgrade :
« … les hommes ne seraient pas pris, s’ils n’avaient l’espoir de mordre quelque chose. Le navire d’Afrique qui, selon les promesses, devait amener ton argent et tes esclaves n’est pas arrivé. Les chasseurs de testaments sont à sec et ont rebattu de leur libéralité. Ou je me trompe fort, ou notre  fortune à nous tous   commence à se repentir de nous avoir comblés.
Lacune.
[Eumolpe] « Tous ceux qui ont des legs sur mon testament, sauf mes affranchis, n’en deviendront possesseurs  qu’à la condition de découper mon corps en morceaux et de les manger en présence du peule assemblé.
Lacune.
 Chez certaines peuplades, nous le savons, une loi qui s’observe encore veut que les défunts soient mangés par leurs proches parents , si bien que, souvent même, les malades se voient reprocher de rendre leur  viande mauvaise . Aussi je veux avertir mes amis de ne pas  refuser ce que je leur demande, mais de mettre à manger mon corps le même entrain  qu’ils ont mis à me souhaiter la mort.  »
Lacune.
 L’immense renommée de richesse qui entourait Eumolpe aveuglait les yeux et l’esprit de ces malheureux… Gorgias était prêt à obéir.
[Eumolpe] « Que  ton estomac se refuse, je n’en ai pas peur. Il t’obéira, si tu lui promets qu’au prix d’une seule heure de dégoût, il recevra, en compensation, beaucoup de bonnes choses. Ferme seulement les yeux et imagine que ce n’est pas de la chair humaine que tu es en train de manger, mais un bon million de sesterces. De plus, nous trouverons bien quelque sauce capable de changer le goût ; car il n’est aucune viande qui soit agréable par elle-même : c’est l’art qui la modifie et la fait accepter par un estomac rebelle.
[Fragment XXIX du manuscrit de Leyde en vers hendécasyllabiques phaléciens :
Notre vue nous abuse et nos sens incertains, quand la raison est mise de côté, nous mentent. La tour carrée qui paraît au conducteur de char toute proche  se trouve en réalité bien loin des angles usés par le frottement des roues. L’homme rassasié  repousse  le miel de l’Hybla, l’odorat souvent a horreur du  fromage. Ceci ne pourrait plaire  plus ou moins que cela, si les objets  en  litige    ne combattaient continûment les sens par le doute. ]
Si tu veux que j’appuie ma résolution par des exemples, eh bien ! en  voici. Les Sagontins , assiégés par Hannibal, mangèrent de la chair humaine, et ils n’attendaient pas d’héritage. Les Pétéliens firent de même dans une extrême disette, et ils ne cherchaient rien d’autre avec ces repas que de calmer leur faim. Lorsque Numance fut prise par Scipion, on trouva des mères tenant contre leur sein le corps de leur enfant à moitié dévoré.
Lacune.
La fin du roman a disparu.
Voici le texte correspondant du manuscrit de Nodot, avec en italique le manuscrit de Belgrade: « [C’est Encolpe qui parle] Si les hommes ne voyaient rien à mordre, ils se garderaient bien d’être jamais la dupe de l’espérance. C’est aussi pour cette raison que les habitants de Crotone nous ont traités jusqu’à présent avec tant de magnificence ; mais à propos, on ne voit point venir d’Afrique ce vaisseau chargé d’argent et du reste de vos domestiques, dont vous vous êtes vanté ; et les brigueurs de succession, qui sont presque épuisés, ont déjà limité leurs libéralités à notre égard, de sorte que, si je ne me trompe, nous voilà retournés pour nos péchés, au malheureux état où nous étions auparavant.
J’ai inventé, dit Eumolpe, un expédient merveilleux pour tenir ces gens le bec à l’eau ; et le voici, ajouta-t-il, en tirant des tablettes de sa poche, où il nous lut ainsi ses dernières volontés :
 Tous ceux qui sont couchés sur mon testament, excepté mes affranchis,              , ne recevront ce  que  je leur ai légué qu’à condition qu’ils couperont mon corps en morceaux et le mangeront à la vue du peuple. Cela ne doit pas faire tant d’horreur qu’on se l’imagine, puisque nous savons que certaines peuplades observent la coutume de manger leurs parents après leur mort, ce qui est cause qu’ils reprochent souvent aux malades que par la longueur de leurs maladies ils rendent leur chair moins bonne. Par ces exemples, j’avertis mes amis de ne point s’opposer à mes dernières volontés ; au contraire, je les prie de dévorer mon corps avec la même ardeur qu’ils auront souhaité ma mort. »
 Comme il achevait de lire ce premier article, quelques-uns de nos prétendus héritiers, les plus assidus auprès d’Eumolpe, entrèrent dans la chambre ; et, voyant qu’il serrait son testament, le prièrent de le leur communiquer, ce qu’il leur accorda volontiers. Mais, après avoir entendu l’obligation qu’il leur imposait de manger son corps mort, ils en parurent fort chagrins. Cependant, la réputation qu’il avait d’être riche aveuglait ces misérables, et les tenait si rampants devant lui qu’ils n’osèrent rien lui en témoigner. Néanmoins, l’un d’eux, nommé Gorgias, était déjà prêt à tout exécuter, pourvu qu’il n’y eût pas encore  un long temps à attendre, ce qui obligea Eumolpe à lui dire : « Je n’ai rien à craindre du côté de votre estomac, car je suis persuadé qu’il fera ce que vous souhaitez, si vous lui promettez, pour un dégoût d’une heure, la récompense de tant de biens. Fermez seulement les yeux, et figurez –vous qu’au lieu de manger les entrailles d’un homme vous avalez cinq cent mille francs . De plus, on trouvera moyen d’assaisonner cette chair d’une sauce qui changera le goût fade qu’elle a naturellement ; car, à parler en général, toute sorte de viande ne plaît aucunement d’elle-même, mais la manière de l’accommoder la rend agréable à ceux qui auparavant n’auraient pu la souffrir.
[Fragment XXIX du manuscrit de Leyde :
Notre vue nous abuse et nos sens incertains, quand la raison est mise de côté, nous mentent. La tour carrée qui paraît qu conducteur de char toute proche se trouve en réalité bien loin des angles usés par le frottement des roues. L’homme rassasié  repousse  le miel de l’Hybla, l’odorat souvent a horreur du  fromage. Ceci ne pourrait plaire  plus ou moins que cela, si les objets  en  litige  ne combattaient continûment les sens par le doute. ]
 S’il est nécessaire de prouver ce que je dis par des exemples, l’histoire rapporte que les Sagontins assiégés par Hannibal ont mangé de la chair humaine, et ils n’attendaient pas une succession. Les Pétéliens ([pétèle est une ville du Bruttium) firent la même chose dans une extrême famine et en mangeant d’un mets si extraordinaire ils ne gagnaient autre chose que de s’empêcher de mourir de faim. Lorsque la ville de Numance fut prise par Scipion, on trouva des femmes qui  tenaient entre leurs bras les corps de leurs enfants à demi dévorés. Enfin, comme il n’y a que l’imagination qui peut donner du dégoût à manger de la chair humaine, vous ferez vos efforts pour vaincre la répugnance que vous y trouverrz, afin de vous acquérir les biens immenses dont je dispose en votre faveur. »
Encolpe débita ces extravagantes nouveautés d’un ton de voix et d’un air si peu sérieux que ceux qui étaient présents commencèrent à douter de l’effet de ses promesses. Et dans la suite , examinant de plus près nos actions et nos discours,  leurs soupçons augmentèrent jusqu’à un point qu’ils furent convaincus que nous étions des fripons et des voleurs . Ajoutez à cela que quelques étrangers nous reconnurent. C’est pourquoi ceux qui avaient fait le plus de dépense résolurent de se saisir de nous, pour nous punir selon nos mérites.
Mais Chrysis,  qui était de toutes les intrigues de la ville, me découvrit les desseins des Crotoniates, ce qui m’épouvanta si fort que je pris aussitôt le parti de m’enfuir avec Giton, abandonnant Eumolpe à son mauvais destin, et depuis quelques jours j’ai reçu  nouvelle que ces gens-là , chagrins de ce que ce vieux fourbe avait vécu longtemps en prince à leurs dépens l’avaient traité « à la Marseillaise ». Pour comprendre ce que c’est ; vous saurez que , toutes les fois que ceux de Marseille se voyaient affligés de la peste, un homme de la lie du peuple venait s’offrir aux magistrats, pour être nourri de viandes les plus exquises pendant un an entier aux dépens du public ;après cela, on lui faisait faire le tour de la ville, couvert de verveines et d’ornements destinés aux victimes ;et partout où il passait, le peuple l’accablait de malédictions, afin que tous leurs maux retombassent sur sa personne; ensuite, on le précipitait du haut d’un rocher. « 
 Le but de la conspiration contre le Satyricon , rappelons-le, visait à faire disparaître Pétrone par un négativisme total : il serait « vain de vouloir déterminer le thème du roman et le lien qui en unit entre eux les divers épisodes », écrit encore A.Ernout. Comme on l’a dit de Shakespeare, les œuvres de Pétrone n’ont pas été écrites par Pétrone, mais par un inconnu dont on ne sait rien et qui signait Pétrone : même son prénom devient alors incertain, ses autres œuvres ont disparu, on a coupé tout lien avec le Pétrone de Tacite et avec l’œuvre satirique contre Néron et contre ses débauches dont parle l’historien, si bien que "Le Point",  dans un hors -série de janvier février 2009 consacré à Ovide, Spinoza, Sade… Les textes maudits et tous les livres interdits, peut écrire, p.127: « Satyricon : Œuvre à la fois licencieuse, picaresque et satirique, écrite en prose et en vers, traditionnellement attribuée au romain Pétrone (?-65 apr. J.-C.) ».


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