dimanche 29 janvier 2017

LE PEUPLEMENT DE MARE ET DE LIFOU PRES DE LA NOUVELLE-CALEDONIE

L’ORIGINE DU PEUPLEMENT DE DEUX  ILES LOYAUTE PRES DE LA NOUVELLE-CALEDONIE,MARE ET LIFOU ,  ET LE DEBUT DE LEUR HISTOIRE EUROPEENNE .


Maré, colonie de Tanna au Vanuatu et,  auparavant,  de Ndéni (Santa –Cruz) aux Salomon, et le  nengoené, langue  de Maré .
Résumé des migrations :
1 Les Eteoke, ou marengo ou menehune, d’origine mélanésienne.  Le mot étéoké se retrouve en aïnou avec le sens de terre et se présente,  en toponymie japonaise, sous la forme Sir etoke, à Hokaido,  qui signifie la fin de la terre. Ils laissent à Maré des fortifications à Hnakudotit et à Waninetit. 

2 Les Si-ningone, ou na-dene, de Tanna, des proto-polynésiens apparentés à ceux qui  s'installent en Amérique du sud (voir mon blog sur la formation des races en Amérique du sud) et à ceux qui  existent aux Salomon  sur l'île N'Deni , anciennement Santa Cruz,  que  les Maréens revendiquent pour ancêtres. 
 De Malekula (Mallicolo),au Vanuatu,  une importante migration allait s’arrêter un temps  à Tanna,  puis passer  à Maré. Les noms de noengoené, la langue de Maré,  ou nëninë-fe (fe signifiant langage),   une langue de Tanna, sont à rapprocher   de Si-ningoné. Ils se sont arrêtés d’abord sur la côte est de la Calédonie, , à Kokingone, nom où l’on reconnaît bau (bau est un souvenir de leur origine austro-asiatique et  signifie   originaire de la Birmanie au sens géographique du mot) ningone.
3 Les Kwamera ou Kuamere, des descendants d’aborigènes australiens venant d’un village du même nom, Kwamera, au sud de Tanna.  



 Le nom du Nengoené , la langue de Maré, est à  rapprocher du nom d’une langue  pré –polynésienne d’Amérique, le   na-dene, qu’on retrouve dans le nom de l’île de Santa Cruz, N’deni, et ,  à Vanikoro aux Salomon, du nom des villages de  Danema ou Tanema, d’où eut lieu l’émigration vers Tanna : Tanema est un mot polynésien qui a donné  le nom de la langue téama , l’une des quatre  autres langues de Tanna.
 On retrouve  le nom des Etéoke , qui se retrouve dans le nom menéhune ou marengo, désignant les proto- mélanésiens dans le nom des hoka , groupe linguistique  d’Amérique du sud d’origine mélanésienne.
Le nom mystérieux de Maré donné à l’île par les européens.
Maré est une graphie anglaise pour maree et se prononçait mari. Le nom véritable de Tanna,  qui signifiait la terre,  était et est toujours Iparé et vient de  I (sorte d’actualisant) mparé, qui donne  Maré, nom de Tanna, donné à Maré parce que Maré était une colonie de Ipara ou Tanna.
Le  nëninë-fë  (fë, signifiant langage ) est le nom d’une des cinq langues de Tanna ; c’est de ce nom que vient le nom  de la langue de Maré, le nengoené.  La langue dite le nëninë-fë  est appelé la langue de Kwaméra, du nom d’un village de Tanna. A l’île des Pins, le nom de Kanuméra (de pwa mong li) révèle leur passage dans le sud.  Les Kwamera,  d’origine australienne,  vinrent du sud de Tanna et introduisirent à Maré   le boomerang. 
Les Maréens actuels revendiquent comme ancêtres les Si-ningone. En effet, de Malekula (Mallicolo) au Vanuatu, une importante migration allait s’arrêter un temps  à Tanna,  puis passer  à Maré. Les noms de Noengoené   ou nëninë-fë sont à rapprocher   de Si-ningoné. Les Si-ningone  se sont arrêtés d’abord sur la côte est de la Calédonie,  à Kokingone, nom où l’on reconnaît bau (d’origine birmane ) -ningone.
Quand les Papouas Haveke  (aujourd’hui les gens de Pouébo) toucheront Manikula au Vanuatu et s’installeront sur un îlot voisin  appelé Avokh,  ils y rencontreront les Nwhal de Tanna. Ceux-ci les renseigneront sur Ouvéa.  Beaucoup plus tard, au XIX é siècle,  il y aura un essai de conquête de Maré de la part des  Havekés de Pouébo : selon G. Païta, ce descendant de la grande chefferie des Kambas- Meidu, c’est leur  chef Kaba (cf. Kamba) qui  introduisit le niaouli et les joncs à Wabao et à Medu, village maréen qui tire son nom de la chefferie de  Kamba Meidu, Meidu signifiant  mong noir, de mein du

Les Européens.
La découverte de Maré, par Lapérouse  en 1788, cinq ans  avant le britannique Raven en 1793.
 C’est Lapérouse qui a découvert Maré. En 1887, le Maréen Louis Saiwene déclare que,  peu  avant le passage en 1793 d’un bâtiment  britannique,Lapérouse (et , plus probablement, son botaniste, Collignon)  « laissèrent dans l’île une hache (fao dans leur langage, emprunt au français fer), des graines d’orangers et de mandariniers, ainsi que quelques grains de maïs qu’il apprit aux indigènes à mettre en terre», ceci  vers Tadine. Le mot signifiant maïs en langue de Maré, kelaï, vient  probablement du nom de Collignon, botaniste à bord de la Boussole. Les gens de Maré font remonter au don de Lapérouse et de collignon  l’introduction de cette plante si précieuse pour eux. Lapérouse  a aussi  offert aux Maréens une poule plus grosse que ces poules indigènes  qui venaient de l’île voisine de Tanna. 
  Du  passage  du Britannia du capitaine Raven en 1793, après celui de Lapérouse , les Maréens tirèrent le mot bêtischo, altération du mot anglais  British, qui pour les Maréens, signifie bâtiment et qu’ils ont récemment donné à un bâtiment moderne destiné à une  liaison interîles.
Pour une étude historique du maréen, il faut utiliser le dictionnaire de la langue de Tanna paru en 1886 à Canberra, par L .Lindstrom : Kuamera dictionary ou Nikukua Sai nagiariien Ninnife.,ainsi que le récit qu’Eugène Caillot fit paraître sous le titre  Mythes , légendes et traditions des Polynésiens, textes recueillis, publiés ,  traduits en français  et commentés, 1914, réédition en 2010.


Tiga, la petite.  
On trouve dans les îles Banks du nord du Vanuatu une île Vanua Lava, à rapprocher aux Fidji ( Viti)  de Vanu Levu  ou de Viti Levu, Levu étant phonétiquement identique à Lifu,  la terre (Vanua) lava ou lafa, grande, qui s’opposent à d’autres îles dites petites, tiga. Le nom de Tiga  est à rapprocher du nom d’une île Torrès du nord du Vanuatu, Tegua, proche  lui-même du nom d’une île voisine, Toga. Le nom de Lifou , donné à l’île par les Européens, étonne aujourd’hui les Mélanésiens. C’est  le nom donné par les gens de Tiga à la grande île, levu, ou lefou.
 Le Dréhu, de Lifou,   langue apparentée au  munda, langue du sud de l’Inde. 
A). Le nom de  certaines  îles d’un archipel des Tonga va nous interpeller : celui de Lifouka (de ka, île, et lifou, grande) ; il y a donc deux Lifou dans le Pacifique , cf mon blog déjà ancien sur les migrations préhistoriques en Nouvelle-Calédonie.
B) Le mot dréhu, qui désigne le pays et la langue de Lifou, et qui signifie aussi grand,   est à rapprocher  du  nom de l’île fidjienne Dravuni,dr note également  une cacuminale, et c’est le même mot que le nom de langage Ladhusi ou Libo dans les langues myao d’Indochine.  L’accentuation sur la pénultième  a fait disparaître la syllabe finale –ni ou –si,  qui signifie  peut-être  île dans  dréhu -ni, la grande île.  Dréhu ou Lifou ont même origine
Le nom de Dokhin à Lifou , peut-être toujours signifiant grand, est  à rapprocher  de Lekhine à Ouvéa ,  du nom d’un dialecte  d’Araukhanie en Birmanie, le rakhin, et du nom du serpent géant ou du calmar géant.  Le mot dréhu  se retrouve dans dahua, nom d’une langue faisant partie de la famille myao.   Quelle était sa signification ? Ce pourrait être une forme ancienne du mot grand.
C) Une  migration   vers Lifou -  Dréhu ,nom venant phonologiquement  de drevu,  à partir des îles Dravuni et Galwa aux Fidji,  vers -1000.
Une éruption volcanique datée de -1000, celle du volcan Nabukulevu sur l’île de Kadavu, non loin de l’île Dravuni , aux Fidji, a amené le chef d’Ono  à émigrer vers Lifou  cf. P. Nunn, juin 2001, » On the convergence of myth and reality : examples of Pacific Islands », The Geographical Journal, Vol 167, n°2, p .125-138 et 2003 « Fished Up or Thrown Down : The Geography of Pacific Island Origin Myths », Annals of the association of American Geographers, 93(2), p. 350-351 . Voici le récit mythique de cette importante migration :
 «Il y a très longtemps (vers l’an 1000), le chef de Ono, Tanovo, avait l’habitude de  se promener sur la plage à la fin de l’après-midi afin d’admirer le coucher du soleil. Un jour, alors qu’il marchait sur la plage, il eut la surprise de voir une montagne qui lui masquait le soleil et qui n’existait pas la veille. Contrarié, Tanovo partit, la nuit, en emportant de très grands paniers en fibre de cocotiers pour enlever la terre de cette montagne qui l’empêchait de voir le soleil.Le chef de l’île sur laquelle avait poussé la montagne (l’île de Kadavu) prit Tanovo sur le fait et le chassa tout en projetant des cendres sur les îles voisines de Dravuni et de Galwa. » En réalité les projections de cendres et l’éruption du volcan Nabukukevu  ont chassé les gens de Dravuni et Galva.
Le petit python vert sacré, vivant aujourd’hui encore à Lifou, et importé (Engyralis australis  ou Morellia viridis) .
A Lifou on trouve encore aujourd’hui  un petit python arboricole qui a la curieuse habitude de se  lover en entonnoir pour recueillir l’eau de pluie, peut-être parce qu’il n’y a pas de rivière sur cette île, afin d’y attirer les oiseaux assoiffés dont il se nourrit après la pluie. Il n’appartient pas à la faune locale et a suivi les futurs Lifous  sur  leurs pirogues comme un protecteur sacré,  à partir de Talepakamale aux  îles Mussau (Nouvelle-Bretagne) d’où il semble originaire,   en passant par le Vanuatu,  puis  les Tonga et enfin Lifou. .
 C’est un substitut de la « roue » du calmar géant avec ses 8 bras toujours en mouvement  et c’est le symbole de la force magique du volcan de l’ île fidjienne, Nabukulevu..  Quel est le monstre symbolisé par ce python ? Pline l’Ancien (livre IX, 3, 1) parle d’un céphalopode  monstrueux appelé rota, la roue : « [Parmi les géants des mers], il y a aussi les «  roues »  qui tirent leur nom  de leur ressemblance avec la roue d’Ixion et  qui se distinguent par deux séries de quatre  rayons [en haut et en bas de la «  roue »] ,  deux  yeux barrant le moyeu de la « roue »  de chaque  côté». B  Heuvelmans, p. 153, tome I, Dans le sillage des monstres marins, commente en ces termes : « la description s’applique à un animal doté de 4 bras de chaque côté de la tête, où les yeux frappent sans doute par leur grandeur .On n’a pas de peine à reconnaître dans cette description un céphalopode aux huit bras toujours en mouvement.».Heuvelmans n’a pas voulu préciser s’agissait d’un poulpe (3 bras +1 tentacule x 2) ou d’un calmar (4+1 x 2), mais pour nous ce sera un calmar avec cinq « bras » de chaque côté.  Li-guro que j’ai traduit comme serpent enroulé  renvoyait primitivement à cette roue,  un monstrueux calmar,  Architeuthis  dux.ou bien à Octopus giganteus Verrill dans le cas du poulpe à 3 bras.

La découverte de Lifou par Lapérouse en 1788 avant les Britanniques.
On peut supposer que Lapérouse, mis en garde par de graves  incidents survenus à l’île des Pins, décida de n’approcher qu’une frégate à la fois, la seconde restant au large pendant ce temps , prête à venir en aide à la première, ou faisant le tour de l’île. Une chaloupe de la Boussole  avait été endommagée par les naturels de l’île des Pins  et il fallait un espar pour la réparer. C’est la Boussole, commandée par Lapérouse,  qui mouilla à Chépénéhé,  avec à bord Collignon, le botaniste de la Boussole, dont nous retrouvons encore  le nom, à peine altéré,  dans celui du village de Kedegne qui fut fondé à cette époque et nommé ainsi en son  honneur. Dès le départ de l’expédition à Brest, les frégates avaient été chargées de graines  à semer, ainsi que d’une soixantaine d’arbres en pots  à planter dans les terres lointaines. Sur l’île Sainte- Catherine, Lapérouse avait embarqué quelques orangers, citronniers et mandariniers en pots ainsi que des graines et des pépins. L’Astrolabe en avait planté à l’île de Pâques. Collignon  laissa à Lifou   des orangers et des mandariniers qui prospérèrent, mais il n’y a pas trace de maïs, semble-t-il, si bien qu’on peut imaginer que les grains de maïs ne levèrent pas.
 A Lifou existent des traditions sur le premier navire aperçu, traditions que le professeur australien  D. Shineberg  a   rapportées à Lapérouse,  sur la base du  rapport du santalier Simpson. Ce santalier, en 1844, fit escale à, Lifou et y recueillit le souvenir du premier navire européen.
Selon les gens de  Lifou, le navire  fut aperçu à Chépénéhé (toponyme signifiant le lieu du mouillage); il était très grand ; il avait deux gaillards d’avant et d’arrière, de grands canots et beaucoup d’hommes, portant des chapeaux à cornes, avec  des vestes rouges et bleues (la langue lifoue n’a pas de terme propre  pour désigner le bleu). Ce ne peut  pas être la gabarre britannique,  la Fancy,  qui passa devant Lifou en 1796, sans s’y arrêter. Les hommes avaient des boucles à leurs souliers et portaient des gants. Le navire resta à l’ancre pendant deux jours à environ un mille à l’intérieur de la pointe sud. L’équipage coupa un cocotier avec un instrument en fer  appelé  fao, du français fer,encore utilisé   pour désigner la hache), et les gens de Chépénéhé montraient en 1844 la base coupée de ce cocotier qu’ils regardaient comme étant le souvenir des premiers blancs qu’ils aient jamais vus.



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