vendredi 13 janvier 2017

LES VÉRITABLES COLONNES D' HERCULE:: LES "TAULAS" PREHISTORIQUES DE MINORQUE

LES VERITABLES COLONNES D’HERCULE DE L’ANTIQUITE SONT SITUÉES À MINORQUE ET NON PAS AU DETROIT DE  GIBRALTAR.

 L’emplacement des  colonnes d’Hercule a toujours passionné les érudits de l ’Antiquité.  Le plus souvent, ils y ont vu une métaphore pour les montagnes qui encadraient le détroit de Gibraltar, mais il n’y avait pas le moindre souvenir de colonnes.
Or, à Minorque, l’une des Baléares, on peut aujourd’hui encore, admirer 26 colonnes colossales que, vu leur poids,  seul Hercule aurait pu soulever et dresser appelées taula , dont la forme est très curieuse : une sorte de  menhir avec au sommet une dalle horizontale en équilibre . Cela ressemble fort  aux  colonnes en tau égyptien , ou en T,  de Göbekli Tepe en Turquie, qui constitueraient  le plus ancien temple de l’humanité, si l’on en croit Klaus Schmidt et dateraient de quelque 10 000 ans.
Un stade important de l’évolution vers les menhirs que nous connaissons : les taulas de Minorque  avec pierres indépendantes taillées de façon géométrique placées à leur  sommet de Minorque. 
La preuve de l’interprétation de cette pierre : le nom de l’île Pityussa (Minorque), qui signifie  l’île de l’orge dormante, par allusion à la pierre qui surmonte les taulas,   et des  îles Pityussae. 
 Le nom des Baléares est à rapprocher du grec aleiar, de waleiar, grec Baliar-ides, les îles de la farine d’orge. Peut-être sous ce nom au singulier désignait-on Majorque (Baléares majores). Quant à Minorque et à Ibiza, elles font parte pour nous des Baléares (Baléares minores) mais pour les Anciens elles font partie des îles Pityussae : on peut même supposer que Pityussa au singulier  employé par Tite Live était le nom de l’actuelle Minorque, tandis que Ibiza s’appelait Ebusia ou Ebosia,  Ebusos, Ebusus. L’origine des deux noms est à chercher dans le mot orge (eta en vieux –haut- allemand [cf. Gerte], anglais oats, avoine  et wheat, froment,  d’un radical wet.  D’où dérive pity -. , de weti, devenu bitu- cf le nom des Bituriges, les habitants du Berry, puis pit;u- .Dans le cas du nom ancien d’Ibiza,  Ebussus,  eb- vient de  wet, orge, puis , par métathèse, ew – devenu eb-.
Le second élément, aussi bien dans l’ancien féminin  Ebusia   que dans Pityussa ,  pour nous plus intéressant encore, est –-usia ou –ussa, participe présent au féminin du verbe signifiant dormir, grec auô, de yauô, dormir, sanskrit va-sati., latin jaceo, gésir, être étendu. Le participe ya-ntya, attesté par le grec Pityunt-, ou encore Pityoessa, Pityoussa, dorme iussa, l’ensemble signifiant  l’orge dormante et renvoyant  au linteau surmontant le menhir, symbole du sommeil ou de la  mort de l’orge, préalable à l a germination.
Le sens général des menhirs plus récents, sans « marteau ».
Le menhir est un  catalyseur magique de la percée et de la germination   végétatives.
En effet, le menhir ou toute stèle en général a pour fonction magique d’imiter la croissance des plantes et de la favoriser par magie imitative : plus la pierre ou le tronc monteront haut, plus la plante montera haut. James George Frazer, dans Le Rameau d’or, Esprits des blés et des bois Ed. Robert Laffont, collection Bouquins, Paris, 1984, 4 vol., vol .3, p. 26,  écrit du « Dionysos de l’arbre » que « son image n’était souvent qu’un poteau planté en terre, sans bras  », imitant l’arbre fruitier qu’il s’agissait de faire pousser par sympathie, comme cela a dû être le cas à l’île de Pâques pour les grands arbres nécessaires à la navigation.
 Et, vol. 4, dans  Balder le Magnifique,  p. 98, Frazer écrit : «  Dans plusieurs parties de la Bavière, on pensait que la hauteur des tiges de  lin dépendrait de celle des sauts des jeunes gens. » Au Vanuatu, sur l’île Pentecôte, le spectaculaire saut du gaul  (mot signifiant plongeoir),  toujours pratiqué malgré les accidents mortels et qui consiste  à sauter du point le plus haut, est censé faire pousser les ignames  d’autant plus profondément  que le saut aura été accompli du plus haut plongeoir . En Nouvelle-Calédonie existaient de très précieuse pierres à ignames et pierres à taros, sur lesquelles les sorciers canaques faisaient encore, il n’y a pas si longtemps, leurs  conjurations secrètes.
Le sens du linteau au sommet du menhir, soit qu’il ait été taillé dans la masse comme à Göbek-li, soit qu’il soit indépendant comme àMinorque.
Il faut  se rappeler  la phrase du Christ raillée par Voltaire, mais qui représentait pourtant les connaissances en botanique de l’époque des débuts de l’agriculture : « Si le grain mis en terre ne meurt au préalable,  il ne donne pas de fruit, mais s’il meurt, il donne de nombreux fruits ». Pour les hommes de la préhistoire et pour les primitifs, il fallait au préalable la mort avant la germination et c’est l’horizontalité de la dalle, linteau  ou traverse  posée en équilibre au sommet de la stèle  qui symbolise la mort du germe.
Un peu de philologie .
Le nom de la capitale, Maõn, dérive de moon désignant le sésame (grec sèsamôn) ou le millet (radical mel ou man) Ecoman à Viévy -le- Rayé dans le Loir-et-Cher ou Germignonville,  de ger minio villa, la ferme des grains de millet.
Le mot  « taula » qui désigne ces mégalithes en forme de marteau désigne le manche d’un marteau et, par  une métonymie doublée d’une métaphore, un marteau. En grec, steleos désigne le manche d’un marteau ou un rouleau et stèlè,correspondant au  latin stela, une colonne, une stèle.  Il faut le rapprocher du latin stolo, stolonis, rejet, drageon,  éteule  (mot  désignant en français la tige des céréales restée sur le champ après la moisson  et venant  du latin stipula, de même signification.
On a retrouvé 274 « talayots »  ou moulins de pierre coniques   près de la trentaine de  taulas qui ont survécu.  Le mot talayot,  de tholadas, puis taladot, semblable au mot corse et sarde torre,du diminutif  thula(dsa), est à rapprocher du grec  thulas, thulados, thulakos , sac à farine , , panier rond, boisseau de farine, employé par métaphore à cause de la forme conique de l’édifice.. Dans le monde égéen, le mot tholos qui les désigne vient de th +l voyelle-.  En Sicile, à Pantellaria, le même édifice, appelé siso, de siro, tire son nom du silo, lié à Seia, la déesse latine qui présidait aux semailles.
On a retrouvé 274 « talayots »  ou moulins de pierre coniques   près de la trentaine de  taulas qui ont survécu.  
  On trouve le nom de Torralba près d’une des plus fameuses taula  de Minorque, celle d’Alaior.  (on trouve aussi en Sardaigne  une Torralba  près d’un nuraghe, ce dernier mot étant  à rapprocher du grec murax, moulin) : ce n’est pas la tour blanche, alba en latin, mais la  torre alph, cf.  le grec alphi, farine d’orge, c’est-à-dire le bâtiment à faire de la farine, le moulin  sacré où l’on broie l’orge. Le nom du lieu, Alaior   , métathèse de aloiar, est à rapprocher du dorien alôya, grange à blé, et de l’homérique  aleiar,  froment,  dans l’Odysséee, XX, 108,  cf le  grec aleuron, farine, aleô, moudre, arménien aram. La torre était  un moulin sacré.  Voir carte postale : Taula de Torralba à Alaior.
  On est intrigué  devant la tolla de Taliti qui représente une dalle oblique appuyée contre le pied droit d’une taula avec ,  au sommet de la dalle oblique,  une grosse pierre ronde évoquant un épi d’orge. L’étymologie de Taliti  nous donne tal – eta, tal , de dav,   lié à duo, deux , double, et à  eta signifiant orge (vieux haut allemand gersta], soit l’orge double , les deux plants d’orge. Certaines autres taula présentent d’ailleurs le mégalithe  intact, avec cette  dalle aujourd’hui oblique encore droite et servant de 2e support (photo sur la couverture du livre de A. Pardo, L’Espagne primitive).
  Quant aux navetta  (d’En Tudon, et autres) , il faut y voir la barque renversée en signe de mort de son propriétaire, avec l’écope, le plat , l’écuelle, l’huile pour affronter le soleil de l’au-delà, le tout étant caractéristique des Ibères ou Ouigours.
Le trajet des créateurs des taulas.
Deux voies s’offrent à nous pour remonter à la source des taulas : la voie linguistique et la voie de l’ADN de l’orge en cause.
1)On peut les suivre à travers le nom Pityussa : non loin de Göbekli,  on trouve Pityunte, une ville de Colchide près du Pont-Euxin, Pityussa, une ville de Troade, puis une ville de Chio, une de Lampsaque, une de  Salamine, une île Pityoussa entre l’Attique et le Péloponnèse dans le golfe Saronique.  L’ancien nom de la Sardaigne  était, selon Aristote, Ichnoussa, qu’il est tentant de rapprocher de  Ebussa ou de  Pityoussa , et signifierait blé blanc dormant. Le nom ichnos  désigne la sandale. Orle mot latin sandala selon Pline l’ancien désigne le blé blanc, Le nom Sardaigne viendrait selon Pline de sa forme de sandale et il la qualifie de sandalôpis, qui ressemble à une sandale…ou à du blé blanc, car  sandala désigne cette variété de céréale.
On retrouve la trace de ces migrateurs ibères et de leur tombes  au nord du Tibet, dans l’immense désert de Taklamakan ,où  des archéologues chinois ont eu l’étonnement de découvrir une nécropole, avec des momies aux traits européens, aux cheveux châtains et au nez long, datant d’il y a 4 000 ans et enterrés dans des bateaux retournés recouverts de peaux de vache , avec un mât de bois situé à la proue , de 4 mètres de haut et dont la sculpture varie selon le sexe : pour les hommes , le sommet est effilé, tandis que , pour les femmes, le sommet serait plat et  peint en noir et rouge. Le mât renversé devient une godille (à la poupe du bâtiment) qui permet de se diriger  dans les eaux de l’au-delà.
2) Grâce à l’ADN végétal, on a pu suivre les céréales d’Europe et remonter à leur origine il y a  quelques 10 000 ans. Bien avant le changement de climat qui provoqua dans le  Croissant fertile, au nord de la Syrie,  une désertification importante, poussait à l’état sauvage  une sorte d’engrain (de un grain, einkorn en allemand ;  l’escourgeon  a deux grains, l’orge en a quatre) qui est présent encore aujourd’hui sur le mont Karacadag, dans la province de Sanliurfa. C’est l’ancienne cité de Hiérapolis , «  la ville sacrée » ,  où est né Abraham et dont le pseudo-Lucien  a évoqué le temple dans La Déesse syrienne, Altagartis, nom signifiant la déesse des sillons pour  l’orge(cf le vieux haut allemand gersta, grains d’orge),ou Astarté ou Astréa, ou Rhéa (de dhéa, orge ) .  Là se situe le sanctuaire de Göbekli Tepe fouillépar Klaus Schmidt et daté de 100000 ans : ce serait , selon le chercheur allemand, le premier temple de l’humanité.  Or, l’ADN  nous révèle  que cette plante sauvage  est l’ancêtre de 68 céréales contemporaines, dont l’escourgeon à deux grains ou orge d’automne de Minorque ! Voilà  qui nous permet de remonter à la source des taula, aussi bien pour  la forme du mégalithe que pour la céréale en cause.




Le menhir d’origine avait ainsi  le sommet plat pour qu’on puisse y  poser la dalle symbolisant le grain mort. D’autre part, pour plus de facilité, les sculpteurs se sont parfois contenté de tailler le haut du menhir en demi-cercle et de séparer le haut du bas par une ligne : la tête du menhir représentait le grain mort ou dormant.
La disposition en cercle des menhirs est peut-être inspirée  des ces « ronds de sorcières » qui, en une nuit, apparaissent soudain sur les prairies et donnent une  preuve de la fécondité de la nature ; ceux-ci  sont composés de champignons souvent comestibles, mais l’imagination populaire, stupéfaite devant la régularité  du cercle et la soudaineté de son apparition, y voit l’œuvre de forces souterraines.
Quel était le but de cette disposition circulaire qui apparaît dès l’origine, à Gobek-li ? il s’agissait  de représenter le cycle de la mort du grain,  de sa germination et de sa mort à nouveau, sans solution de continuité.



Il est révélateur que les statues de l’île de Pâques avec leur chapeau aient suscité plus d’articles, voire d’ouvrages  que ces taulas à portée de nous pourtant.
L’extraordinaire trilithon (3 dalles) de Tonga, à rapprocher de la taula de  Talati à Minorque aux Baléares.   
Tel est aussi le sens du portique de Tonga. Il s’agit de deux cocotiers qu’on désire faire pousser magiquement, la traverse représentant les germes des  cocotiers   morts, comme la taula de  Taliti à Minorque représentait  deux pieds d’une orge « dormante », entendons morte. Il y a 10 000 ans, dans la  Turquie actuelle, à Gobëk-li , les menhirs dits en t ou en  tau (ou en marteau) avaient la même signification que les taula de  Minorque … ou que le portique de Micronésie, celui de  Tonga et les moai de l’île de Pâques. A noter qu’au fil des siècles et des distances parcourues la dalle s’était transformée en ce qui ressemble plutôt à un cylindre.
Il y a dix mille ans, la révolution agraire et le sanctuaire  de Göbekli  Tepe en Turquie., ou l’apparition  concomitante des premières céréales cultivées et des  premiers menhirs, ou menhirs en forme de maillet ou marteau d’une seule pièce , dits encore menhirs en tau grec à deux branches (T)

Un peu de mythologie.
 Göbek-liTépé signifie sanctuaire non couvert d’un toit en  phrygien, langue indo-européenne faisant partie du groupe tokharien,   plus exactement enclos sacré, délimité par de curieux  menhirs disposés en cercle .Le mot tepé est apparenté au grec téménos, enclos sacré, comme  au latin templum , désignant à l’origine un espace délimité dans le ciel., puis le même espace sur terre, et pour finir,  le temple monumental. . 
Quant à Göbekli,-, on retrouve ce nom  à Malte pour un  sanctuaire  englouti à 2 kilomètres de la côte, le sanctuaire  de  Gebelgol -Bahar, la jument chargée d’orge, de gobek + suffixe de féminin –l voyelle et  bahar en tokharien signifiant froment, cf. le .latin far, grec puros. L’historien grec du VIe siècle Hérodote (IV, 94)  nous a conservé  le nom de la déesse Gebeleïdzis (où l’on reconnaît Göbekli avec un postfixe -dzis signifiant orge , comme le grec homérique  zeia,  C’est une déesse dont on a la variante thrace Zamolxis, de gabokldsis ,  et Hérodote attribue cette divinité  aux Gètes,  peuplade Thrace   installée sur le Danube, dont le nom est à rapprocher de celui de l’orge, vieux haut allemand gersta, du nom de la   déesse latine des moissons Segesta, , de segersta, semences d’orge ,ainsi que du nom du  Taygète,  de gresta. , grains d’orge. 
La  mythologie a mythe nous apprend que Triptolème inventa le triple labour  ainsi que les chariots à quatre roues, bien utiles pour tirer les énormes blocs rocheux dont sont faits les menhirs. Son nom, signifiant celui qui laboure trois fois, vient de tri, trois fois, et du radical  qu’on retrouve dans le latin plaustrum, de plauk-strum, chariot de labour, dans l’anglais to plough, labourer,  dans le latin plicô , faire un sillon, faire un pli, et dans le grec plekô, plier. La jachère au sens premier  consistait à préparer le sol à la fin de l’été pour les semailles d’automne par un triple labour, de façon à en extirper les racines. C’est une pratique des Gaulois de certaines régions de la Gaule, en Eure-et-Loir notamment.  Les Gaulois appelaient  cette action  gasicharia, ce  qui donne la galichère (Châillon-en- Dunois), de gasicaria, aussi bien que le nom du site de Montgasteaude gaskariata, colline gastellée, transformée en jachère., dans la commune de Saint- Denis-les- Ponts, ou le bois du Gast à Châteaudun. 
C’est Allemand, Klaus Schmdt  qui a exécuté les fouilles de Göbek-li de 1995  à sa mort en 2014 et il  a fourni  le récit de ses recherches dans Le premier temple, CNRS Editions, Paris, 2015, 420 pages et illustrations.
Que signifie Göbekli ? Avec un suffixe –li (ou –ni) de féminin (c’est le sanctuaire de la Jument), il est parent du latin cavallus (de cavaklus), qui nous a donné le français cheval, et  du grec kobalos ;  il désigne tout animal destiné à porter une charge, un onagre ou âne sauvage originellement (l’âne a servi pour le labour et il fut le favori d’Apollon lycien), puis un cheval de labour. , ou  destiné à porter une charge, d’orge notamment.  Le mot a été repris par l’arabe al-gazal, qui a donné notre gazelle. La jument est associée aux céréales et aux menhirs , si bien qu’ on retrouve ce radical dans des noms de lieux préhistoriques riches en menhirs comme Gavarni (de gabalni, la  déesse Jument),  l’îlot Gavrinis en Bretagne, le dolmen de Kergavat à Plouharnel dans le Morbihan , et dans Cauro(ni) en Corse.  La déesse gauloise Epona, au nom parent du latin equa, equina, jument,  dont, selon Juvénal (Satires, VIII, v. 155),  on peignait l’image dans les écuries devant des mangeoires emplies d’orge, doit être un réaménagement de la déesse  Göbekli : le cheval portant les morts dans les cortèges,  il est naturel que la déesse ait également des rapports avec le monde souterrain des morts,
 Cérès ou Dèmètèr (dont le nom signifie la mère de l’orge,  dhea signifiant  orge, cf. le mot  latin hordea, grammaticalement un collectif, grains d’orge),deux déesses de l’orge et du  blé, transformées en jument, et le rôle de Mars, originellement un dieu agraire.
Le nom de Mars, archaïque Mavors , génitif Mavortis ,  vient de ma ,nourricier,et d’une racine werkw,  qui donne à la fois un mot signifiant ligne droite,puis sillon,  orthos en grec (cf Artémis Orthia , avec digamma attesté en lacédémonien , première partie d’Arté-mis , et la déesse gauloise Artios) et plusieurs autres  noms du sillon , en latin sulcus, en lituanien welku, et en  grec aulax, ou , à l’accusatif, ôlka. Son nom est identique à celui de la déesse irlandaise de la guerre, Morriggu, de ma, nourricier,  et de urikw, sillon, le celtique Brigitta signifiant le sillon nourricier de l’orge, de ma-vrig et eta , orge. Mars   est l’ancêtre des  Romains  comme celui des Marses, peuple sabin du Latium, celui des Marrucins et celui des Mamertins. Le mot français malt, c’est-à-dire  l’orge germée et séchée pour la fabrication de la bière, vient de l’allemand Malze et, comme vraisemblablement le nom de l’île de Malte lui-même (de ma arta), vient du nom du Mars agraire, ma arts, qui signifie le  sillon  (varts) nourricier (ma)..
  Selon les traditions locales,  Mars poursuivit Cérès de ses importunités. Celle-ci se métamorphosa en jument pour lui échapper,  mais Mars se transforma également en cheval de labour et il  naquit de cette union deux enfants : une fille  dont il était interdit de prononcer  le nom  et qu’on appelait seulement la Dame ou la Maîtresse, savoir la femme du dieu des morts Orcus, Proserpine ou Perséphone (de Pherks -éponè, la jument d’Orcus ou Phorkus),  et un cheval nommé Aréion qui tire son  nom de son père Arès, dieu de la guerre grec.
Mais l’engloutissement du sanctuaire  de la Jument, Gebel –Gol Bahar,  au large de l’île de Malte, vint modifier ces croyances. Cet engloutissement  témoigne de la montée des eaux et du recul de la côte  lors du dernier maximum glaciaire, à la fin du pleistocène, vers -8500. Il est contemporain de l’immersion  de l’île de Pantelleria Vecchia, à 60 kilomètres au large de la Sicile, où, par 60 mètres de fond, on a trouvé un menhir de 12 mètres de haut. Le raz-de-marée fut attribué à la colère du dieu de la mer   Poseidon,  et on retira à Arès la paternité d’Aréion et de Proserpine pour en faire honneur à Poseidon, pensant l’apaiser, mais en interdisant de révéler le nom de Perséphone. .
Les mystères d’Eleusis furent consacrés à Déméter, la mère de l’orge,  et comprenaient un concours «  ancestral » dont on ne sait pratiquement rien, sinon qu’il s’agissait d’une course de chars et qu’elle se déroulait en octobre, avant les labours. Précisons que l’orge dont nous parlons est l’orge d’automne, ou escourgeon, plutôt que l’orge d’hiver. .Le mot escourgeon est d’origine gauloise et vient de ksordeon, avec,  à l’initiale, une palatale à explosion sifflante, équivalente à l’h du latin hordeum,, grain d’orge.  Le rituel  romain du Cheval d’octobre, probablement comparable au « concours héréditaire » des Mystères, son rapport à la moisson et à Mars sont  étonnants  pour nous, mais ils sont bien établis.  Le rituel du cheval d’octobre à Rome nous montre le  sacrifice d’un  cheval sur le Champ de Mars avant les semailles. La tête du cheval sacrifié était garnie de pains et sa queue était  coupée, et apportée au palais royal, donnant lieu à une compétition sur des chars  entre groupes de quartiers différents. Cette queue du cheval (il s’agit sans doute d’Aréion, le fils de la déesse du blé) incarne  la dernière gerbe de blé coupée, dans laquelle les moissonneurs voyaient à l’époque la mort provisoire de la déesse du blé, et toutes deux, la tête et la queue,  sont offertes à Mars  « en vue de la germination des futures moissons », selon Festus  au IIe siècle, cité par Georges Dumézil qui a étudié ce rituel romain mystérieux dans Fêtes romaines d’été et d’automne, Gallimard, Paris, 1975, p. 145-157.  Mais nous avons  suivi  ici  Mannhardt et son école, et nous nous sommes librement inspirés de James Georges Frazer et de ses Esprits des  blés et des bois. Les Védas (-10000 av. J. –C. selon  Bâl Gangâdhar Tilak) décrivent un sacrifice du cheval (asvamedhi) qui présente de troublantes ressemblances avec le sacrifice romain: la tête de la jument est offerte à la reine, tandis que la queue, le ventre et les reins sont offerts aux  autres assistants, et le prêtre offre à la jument sacrifiée les restes de l’offrande d’orge de la nuit précédente.
Les menhirs en cercle.
 Le menhir d’origine avait ainsi  le sommet plat pour qu’on puisse y  poser la dalle symbolisant le grain mort. D’autre part, pour plus de facilité, les sculpteurs se sont parfois contenté de tailler le haut du menhir en demi-cercle et de séparer le haut du bas par une ligne : la tête du menhir représentait le grain mort ou dormant.
La disposition en cercle des menhirs est peut-être inspirée  des ces « ronds de sorcières » qui, en une nuit, apparaissent soudain sur les prairies et donnent une  preuve de la fécondité de la nature ; ceux-ci  sont composés de champignons souvent comestibles, mais l’imagination populaire, stupéfaite devant la régularité  du cercle et la soudaineté de son apparition, y voit l’œuvre de forces souterraines.
Quel était le but de cette disposition circulaire qui apparaît dès l’origine, à Gobek-li ? il s’agissait  de représenter le cycle de la mort du grain,  de sa germination et de sa mort à nouveau, sans solution de continuité.
Les menhirs en forme de marteau  se joignant  dans des cercles ou crom-lechs .
A Göbekli Tepe, vers 9600  avant J. -C, on a déjà  des enclos circulaires de « menhirs » en tau , surmontés d’ une pierre horizontale dépassant de chaque côté, qui symbolise par son horizontalité le dieu  du  grain mort afin de renaître, Sabazios ou Zagreus. Un cas d’évolution sémantique surprenant nous est donné par le latin populaire tutare,  protéger,conserver,  mettre (le grain (sous terre  à l’abri des rongeurs et des oiseaux) ,enterrer (le blé), verbe  qui ,en français,   a laissé l’étonnant  doublet sémantique tuteur et tueur.
  .A Göbekli, Tepe, en – 10 000 il s’agit  d’un « cromlech » où les menhirs en tau sont simplement  juxtaposés, prêts de se rejoindre comme ils le feront plus tard, vers  -2800,  à Stonehenge. Le second élément de Stone -henge  est, d’après Christopher Chippindale, dans son Stonehenge Complete , un mot signifiant potence, gibet, savoir en vieil anglais hen (c) en, plus tard rapproché à tort  dans l’esprit populaire du nom courant  du dolmen, stone hung, pierre suspendue. Henge est parent du grec phalang-, fléau de balance  : avant de désigner le gibet,c’est-à-dire un poteau avec un une traverse,  le mot henge désignait le marteau. Tel était le nom  de  ces curieux linteaux. A moins de 3 kilomètres de Stonehenge, sous le sol, à 1 mètre de profondeur, on vient de découvrir   un autre  site, celui de Durrington walls, riche de 200 menhirs en cercle et antérieur, pense-t-on, au cercle de « pierre de sarsen  » avec ses 30 linteaux et 30 monolithes, daté de  -4500.
  Il est révélateur que les statues de l’île de Pâques avec leur chapeau aient suscité plus d’articles, voire d’ouvrages  que ces taulas à portée de nous pourtant. Nous allons brièvement examiner deux exemples exotiques d’architecture comparables à à celle de Minorque et de Göbek-li, àTonga et àl’île de Pâques.
L’extraordinaire trilithon (3 dalles) de Tonga, à rapprocher de la taula de  Talati à Minorque aux Baléares.   
Tel est aussi le sens du portique de Tonga. Il s’agit là  de deux cocotiers qu’on désire faire pousser magiquement, la traverse représentant les germes des  cocotiers morts, comme la taula de  Taliti à Minorque représentait  deux pieds d’une orge « dormante », entendons morte.
Le prétendu -chapeau indépendant (pesant parfois jusqu’à douze tonnes !) des «  moai »de l’île de Pâques.
Au fil des siècles et des distances parcourues, la dalle s’est transformée ici en ce qui ressemble plutôt à un cylindre.Le cylindre (voir mon blog sur l’île de Pâques)
a la même signification qu’à Minorque, sauf qu’il s’agit ici, non plus d’orge, mais d’un de ces  grands arbres nécessaires pour construire les pirogues et qui avaient disparu  dans l’île.

La postérité de la  pierre qui surmonte les menhirs de Gobek-li et de Minorque .
Revenons un instant au livre de Klaus Schmidt : il y montre comment le sommet des menhirs ou plus exactement la partie de la pierre qui était un linteau était soigneusement creusée de cupules, mais n’explique pas pourquoi. Je pense que ces cupules étaient emplies de terre et semées de plusieurs grains de céréales sauvages. Dans l’esprit des populations préhistoriques,ces grains  devaient mourir,être en latence,  avant de pouvoir germer et constituer, à certaines saisons, un jardin suspendu, comparable aux Jardins d’Adonis, encore pratiqués à Pâques dans certaines régions de Corse.
Au VII e siècle ap. J. -C. encore, dans les mystères d’Osiris, les prêtres devaient façonner une effigie d’Osiris, appelée « Osiris végétant », avec du limon noir et des graines d’orge. La composition de limon et d’orge se retrouve dans le mot sicilien dagus, dagudos,   nom qui est composé de da, orge et de gus, proche du grec gè, terre, et qui désigne une poupée magique. Les Egyptiens arrosaient cette poupée  avec l’eau sacrée du Nil jusqu’à germination, puis l’emmaillotaient dans des bandelettes comme si c’était une momie et, -plus étrange pour nous, -inhumaient, enterraient cette orge germée en forme d’effigie d’Osiris.
Le  cercle des menhirs  visait  à  imiter et à favoriser , par magie sympathique, non pas le cours du soleil dans le ciel, mais  l’indispensable  mort des grains durant la saison froide, puis  leur germination ,  ensuite  leur mort à nouveau dans un cycle sans fin. Il existait parfois,  au centre du cercle, un  ou deux menhirs plus grand, les chefs d’orchestre divins en quelque sorte  qui représentaient,  non pas le soleil et la lune, mais la déesse du blé  ressuscité   et sa fille la déesse du blé mort,  Dèmèter et  Perséphone  : Perséphone , représentante du blé mort et enterré, était  capable de fléchir son époux Pluton et de libérer des demeures  souterraines les grains morts comme de s’en libérer elle-même. Les hommes de la  préhistoire étaient frappés par le fait que les morts sont plus nombreux que les vivants et ils étaient persuadés que les grains « morts » sortiraient de terre  en grand nombre, s’entraînant les uns les autres. Le grain mort est symbolisé dans le mythe par le grain sanglant de grenade avalé par Proserpine et qui la lie à jamais aux Enfers, à la vie souterraine.
  Qu’est-ce qui nous indique aujourd’hui , dira-t-on, la mort du blé dans ces cromlech, à défaut du linteau horizontal  primitif  ou d’un nom comme celui du Parc ar verret, , le champ aux morts, dans la presqu’île de Saint-Laurent ? Peut-être la fermeture du cercle y suffisait-elle. Mais on trouve souvent des pierres éparses tout près, autrefois disposées de façon à  symboliser cette mort parce qu’elles constituaient un prolongement .horizontal à la base des menhirs et qui les liait entre eux.  Ainsi,  à Crucuny, 22 menhirs se trouvent  reliés par un mur de pierres sèches presque aussi grosses que les plus petits des 22 menhirs ; dans la presqu’île du Crozon, à Lagatjar (où l’on reconnaît le mot signifiant jument et désignant Cérès cf. le nom du dolmen de Kergavat à Plouharnel dans le Morbihan et signifiant la maison de la Jument), le grand côté du rectangle qui forme une sorte de cromlech se prolonge par de petits bras qui dépassent les angles du rectangle. Ce muret (qu’on retrouve dans un cromlech  à Porspoder), ces dépassements qui évoquent ceux du tau d’Asie ou de Stonehedge , sont des indices  que le symbole du grain de blé mort a pu être transféré du sommet du menhir à sa base.
 Une  preuve, en tout cas, que le « cromlech »  est identique au menhir dans sa fonction de catalyseur magique des récoltes nous est donnée par le nom de l’un d’entre eux en Bretagne, Crucunio, nom  qui, comme  celui de Courcouronne,Cucuron dans le Vaucluse, Coucouron en Ardèche, Cuguron en Haute-Garonne ,Cuqueron dans les  Pyrénées –Atlantiques , ou du  site préhistorique de Cucuruzzu en Corse,  dissimule   le radical acur-  du latin acus (de acurs), aceris, balle du blé.  Cette racine akur- signifie la (pierre-) épi, mais iI y a parfois  eu confusion entre acucula, de acurcula, pointe d’épi de blé ou d’orge avec sa balle, et cuculla, capuchon. D’autre part, le toponyme Crucunio  a subi  l’attraction sémantique du latin  curculio, curculionis, charançon  ou ver du blé,qui venait lui-même de curcul (a)+suffixe –ellio, et il est devenu crucunio à partir de curcurio, crucurio,  par dissimilation du r. On songe, en Turquie, au site néolithique de Gurcu-tepe, le temple des pierres -épis.


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