dimanche 8 janvier 2017

UNE CEREALE PREEUROPEENNE DE TANNA AU VANUATU ET LA SURVIVANCE DE COLLIGON?, LE JARDINIER DE LAPEROUSE


Le maïs pré- européen de Tanna (Vanuatu) et le sort d’un  rescapé  de la Boussole à Tanna : Nicolas Collignon, jardinier- botaniste et passager de la Boussole.
                                            Par Paul Griscelli
Bernard Brou, dans «  Lapérouse, découvreur de la Nouvelle-Calédonie »,Bulletin de l a Société d’Eudes historiques de la Nouvelle-Calédonie n°74 , 1er trimestre 1989, terminait une étude très documentée sur le maïs pré- européen de Tanna par ces lignes : « Le fait que, parmi toutes les îles de la Mélanésie qui étaient dépourvues de maïs, celui-ci soit, à Maré (Loyauté) et à Tanna (Vanuatu), antérieur aux premiers missionnaires ou autres européens, jalonne le parcours de l’expédition scientifique française de Lapérouse en 1788, aux buts de découvertes mais aussi humanitaires. » C’est Colignon, le «  jardinier » rescapé de la Boussole, qui fit cadeau du maïs aux gens de Tanna, comme Lapérouse l’avait fait aux gens de  Maré. .
La diaspora des quatre survivants de la Boussole : Roux d’Arbaud, Colignon,  Laprise-Mouton et Marin.
Ecoutons  le chef de Temua à Vanikoro en 1826 : «  Quatre hommes échappèrent (au naufrage de la Boussole devant Temua) et prirent terre près d’ici en face du récif des Esprits (des Ngambé, c’est-à-dire des Blancs) et de l’îlot Makulumu (le récif des deux pirogues des Blancs): nous allions les tuer quand ils firent présent de quelque chose (une grande hache)  à notre chef qui leur sauva la vie. Ils résidèrent parmi nous (à  Temua) pendant un peu de temps, après quoi ils allèrent rejoindre leurs compagnons à Béu’u (Paukori)[à 8 kilomètres de Païou]»
  Makataï dont le nom signifie le mangeur de blancs nous a laissé un  témoignage de l’attaque qu’il organisa contre le Camp des Français à l’embouchure de la Rivière des Esprits: « Makataï se rendit à Béu’u   pour aider l’équipage du Laborouse [le bateau de secours fabriqué à l’aide surtout  d’éléments de l’Astrolabe]. Celui-ci, lorsqu’il arriva [de Ticopia à la petite île], était en train de  construire un radeau [un train de bois flottants] avec des arbres qui se trouvaient à proximité de leur campement. Makataï continua à  aider, puis, après quelques jours,  se décida  [à tuer  l’équipage] .  Un soir,  il arriva que tous les hommes à terre [dans le camp des Français] fussent profondément endormis. Il  les tua d’abord, puis se rendit à bord [du bateau de secours, le Lapérouse] avec l’intention de tuer ceux qui y étaient. Il invoqua les esprits de ses  ancêtres. Il mit le feu au navire [comme ses ancêtres avaient fait pour la Santa Isabel au XVIe siècle. On a retrouvé des ossements calcinés et du bois brûlé dans l’épave de la faille du récif, ce qui gêne beaucoup les partisans de son identification avec la Boussole). Il tua  alors tous ceux qui étaient à bord [  le plus grand nombre fut tué à) terre, mais le pluriel est ici justifié au moins  par les  ossements de deux hommes et d’Ann Smith retrouvés par les archéologues australiens et l’Association Salomon en 1986 , ainsi que par le  squelette de duché de Vancy , transféré sur l’Astrolabe,  squelette qui a été  retrouvé sur le site du Lapérouse, le bateau de secours. La marée haute et les courants firent  dériver le bateau incendié  dans la faille du récif . ], puis rassembla  des choses du bord telles que cuillers, tasses, assiettes et bouteilles ».
Quelles raisons ont  poussé ce guerrier à cette agression, sans qu’il y ait aucune provocation de la part des blancs? Selon moi, le désir de goûter une  chair inconnue, celle des blancs, le désir de s’affirmer et de renouveler l’exploit de ses ancêtres sur l’île voisine de Taumako dont il a le nom lorsqu’ils ont tué les popalangui espagnols de la Santa Isabel de Quiros..
Quelques noms de survivants de l’Astrolabe du camp des Français massacrés par Makataï au  camp des Français.
La  faille du récif livre,  grâce aux objets quotidiens qu’ils avaient laissé sur le bateau de secours, trois  noms de membres de l’équipage de l’Astrolabe  qui avaient survécu jusqu’au massacre de Makataï : ainsi pour la fourchette  en argent et armoriée de Sutton de Clonard, auquel Lapérouse avait confié le commandement de l’Astrolabe, la fourchette en argent armoriée du chevalier de Monti (mort dans le naufrage de  la Boussole, mais dont les amis ont récupéré les effets personnels qu’ils ont remisés sur le bateau de secours ) les scalpels de Lamartinière,  la cuiller en bois du timonier Joseph Le Quellec, la gratte de calfat du maître- calfat Yves Quelenec ou le compas de l’officier marinier et contremaître Sébastien Rolland sur l’Astrolabe confondu dans Conan avec le tonnelier nantais Simon Rolland, passager de la Boussole. Enfin, Law de Lauriston a pu survivre jusqu’au massacre, si on accepte de le voir avec Roux d’Arbaud dans ces hommes en train de faire des relevés. A noter la fourchette gravée d’un passager mort en 1787 sur l’Astrolabe, Jean-Marie Kermel et une cuiller et une fourchette aux armes de Fleuriot de Langle, de l’Astrolabe : cela fait  beaucoup si l’épave de la faille du récif était vraiment la Boussole, alors que cela se comprend s’il s’agissait d’un bateau de secours fait à partir de l’Astrolabe.
Les rescapés du massacre du bateau de secours, le « Laborouse ». .
  Trois rescapés de la Boussole, Colignon, Laprise- Mouton et Marin  étaient sur le Laborouse, comme l’appelle le guerrier, tandis que le 4e rescapé, Roux d’Arbaud, faisait partie de ceux qui étaient préposés à la garde d’une  chaloupe de secours de 230 tonneaux  : nous avons déjà évoqué le sort de ce dernier mort à Lavongaï, l’île de Lavo (îles de l’Amirauté).
Des gardiens du Lapérouse ,  trois parvinrent à sauver leur vie et gagnèrent Temua, dont le chef,   rival de Makataï, les avait bien accueillis la première fois.   Ils ont dû se prévaloir de leur amitié avec lui ; ce chef de Temua  a gardé Colignon avec lui et   donné  Laprise- Mouton et son « serviteur » Marin au  chef polynésien allié de Païou- Paukori.
Etudions maintenant  les aventures de ces  trois  survivants de la Boussole :
  Le «  jardinier « Nicolas Colignon , le rescapé devenu un dieu de tanna.  
  Le chef polynésien de Temua parlant le teanu   fuit Makataï et l’emmène dans une  migration au Vanuatu  jusqu’à Tanna, où l’on parle le  keanu , c’est-à-dire une parlure proche du teanu .  Le chef polynésien de Vanikoro ne s’aventure pas en terrain inconnu, car il s’agit d’une colonie lointaine  de sa race.
Colligon possédait deux thermomètres pour contrôler la température pour la germination des plantes  et  le thermomètre qui, à Vanikoro, servait à un autochtone d’ornement  nasal, lui appartenait , ainsi qu’un second thermomètre , qui a été également retrouvé dans la faille du récif , sur le bateau de secours.  . C’est Colignon qui  apporta aux men-tanna le maïs, les orangers, les citronniers , les mandariniers,  ainsi que des pieds de pommiers canaques (Syzigium malaccense)  ou malaques , appelés pommiers des blancs (Lapérouse et Collignon) par les indigènes, en même temps qu’un couple de poules, et des cochonss . Il introduit le culte des jardins et l’agriculture ainsi que l’élevage à Tanna et c’est un héros de la civilisation, sous le nom qui est l’altération de Collignon, Kolakenon. De là sa divinisation. Mais il parla du roi (de France , d’un pays lointain) au-dessus de lui : le souvenir en revit parfois dans le culte.  Il décida de s’installer  près du mont Tukosmeru , nom qui signifie (la demeure du) magicien français, Meru  signifiant Français,  , et tuk, sorcier.   Les naturels en firent  un roi -magicien (tuko) et un génie (jon) qu’ils appelèrent Kerapenun (de Kolakenon, altération de Colignon). C’est là qu’il mourut.
  Un siècle plus tard, un insulaire   prétendit être la réincarnation  de Colignon sous le nom de Jonfrum, le génie (jon) Colignon (frum est l’altération de Krum,  contraction de Kerapenum). Le prophète  annonçait un nouvel âge d’or, avec retour du dieu Colignon le 15 février et redistribution des biens « volés par les blancs » (sic). Il devint l’âme du Cargo Cult de Tanna, appelé jonfrumisme par les sociologues.

  Il est intéressant de souligner que le cargo cult (culte de la cargaison ) a pris naissance dans des sociétés de l’âge de la pierre pratiquant le cannibalisme et qui voyaient un blanc  civilisé pour la première fois, que ce soit avec Colignon à Tanna ou  avec Lavo à Lavongaï , île qui fut   le centre du cargo cult Johnson (les habitants, influencés par le mot jon qui, pour eux, signifie génie,  voulaient voter pour Johnson, le Président des Etats-Unis, et croyaient qu’il accepterait de venir les présider à Lavongaï !) . De même, une délégation de Tanna se rendit en 2014 à Londres (et aux Hébrides !) pour savoir du duc d’Edimbourg si les papayes étaient mûres, c’est-à-dire si le jour prévu approchait. Mais le duc d’Edimbourg répondit que le temps était trop froid ! Le duc d’Edimbourg  ou roi d’Angleterre est la transformation du roi  de France invoqué par Collignon. Lors des cérémonies du jonfrumisme, il s’agit de revenir à la coutume ancienne et d’effacer toute trace des blancs. En abandonnant la culture des jardins introduite par Collignon et en abattant poules et cochons introduits par lui. Le pommier canaque est tabou à Tanna : il est interdit de  manger des pommes canques , lesquelles sont rouges, c’est-à-dire blanches pour les insulaires, qui utilisent le mot rouge pour désigner les blancs, sous peine de devenir blanc  à son tour !Ce culte  exprime  le désir de devenir l’égal du blanc jugé supérieur , avec l’ambivalence relative à la blancheur : désir et haine.

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