lundi 17 avril 2017

LA PLUS ANCIENNE GRANGE TEMPLIERE: GRAND’MAISON A LIBOUVIILLE

LA PLUS ANCIENNE GRANGE TEMPLIERE: GRAND’MAISON A LIBOUVIILLE

                                        






                                    Photographie aérienne de la ferme templière




   Pierre- Marie Folliot, numéros 96 et  97 de la SAEL, 2e trimestre et 3e trimestre 1993 du  bulletin (Mémoires XXIX-1 et 2) ,a  consacré deux articles aux Templiers euréliens:  « Les  Templiers dans la baillie de Chartres, La juridiction de Sours et Arville,  partie I, Une étude de géographie historique , et partie II, Une économie de croisades ». Mais l’article cité ne parle que des plus importantes possessions de l’Ordre à une date donnée. Nous allons nous intéresser aux plus anciens établissements des Templiers en Eure-et-Loir, qui sont méconnus, notamment celui de Grand’ Maison à Libouville. De même, sur Internet, pour un recensement intéressant des biens templiers en Eure-et-Loir (www. templiers.net/ departements/ index. php ?page =28,  Les commanderies des templiers de France et de Belgique).
Libouville est aujourd’hui partagé en plusieurs communes : Châtillon-en -Dunois, Lanneray  et Logron , même si aujourd’hui, dans la population, Libouville désigne seulement la partie qui se trouve dans la commune de Châtillon-en- Dunois avec quelques maisons  de la commune de Lanneray, séparées des premières  par un chemin rural appelé autrefois chemin Souillard au lieu-dit L’Orme beauceron  , qui séparait non seulement les deux communes de Lanneray et de Châtillon , mais surtout  la Beauce et le Perche : il s’agit là de l’héritage de la frontière entre les deux royaumes mérovingiens de Neustrie et d’Austrasie . Libouville a fait partie du royaume de Neustrie, puis du Perche, tandis que Lanneray faisait partie de celui l’Austrasie, puis du Dunois. 
 Libouville  devient, vers 741, la ferme du roi Thibaut qui lui lègue son nom, puis la ferme des comtes de Blois (741-1128),  la première ferme templière, pendant un siècle de 1128 à 1202, enfin, de mai 1202 à 1975, soit pendant plus de sept cent ans, la ferme de l’Hôpital de Châteaudun.
     I  LE DOMAINE ROYAL DES MEROVINGIENS : UNE FERME DU ROI THIBAUT (708-741), LE DERNIER ROI DE LA DYNASTIE MEROVINGIENNE, QUI LAISSE SON NOM A LIBOUVILLE (de Thibault villa la ferme de Thibault).
   Clovis, lorsqu’il eut vaincu à Soissons Synagrius, prit tout le pays entre la Somme et la  Loire. Le futur Libouville est dès lors englobé dans le domaine privé du roi et, au hasard des partages successoraux entre fils du roi (les lots étaient tirés au sort), passe d’un empire à un autre : du royaume de Soissons ou de celui de Neustrie au royaume de Paris, de  celui d’Austrasie au royaume d’Orléans ou à celui de Bourgogne. En 561, le  partage entre la Neustrie et l’Austrasie fait entrer Libouville dans la Neustrie.  Telle est la division qui deviendra celle du Perche- Gouët  avec Châtillon-en- Dunois  et de la  Beauce dunoise.
   Les rois mérovingiens ne fondent pas d’établissement dans la région avant un  roi très peu connu qui lui laisse son nom, Théobald ou Thibaut. Celui-ci naquit vers 708. Il est le fils d’un maire du palais de Childebert, puis de Dagobert II, savoir de Grimoald, duc de Champagne. Thibaut, appelé duc des Alamans, était le petit-fils de l’ambitieuse et entreprenante Planctrude, qui  pousse son petit-fils Thibaut au pouvoir. Il s’y maintient, péniblement, de 739 à 741. Les histoires de France appellent cette période l’interrègne. A 33 ans, en 741, Thibaut est assassiné par ses propres cousins Pépin le Bref et Carloman. A Thibaut succède d’abord Chilpéric III (742-752), puis Pépin le Bref qui inaugure la dynastie des rois carolingiens.
   Le nom de Thibaut vient de Theobald : en germanique, celui qui commande (wald) le peuple (Teuth). Le nom Thibaut est,  au fil du temps,  altéré en Libo-, devant le mot latin « -villa ». Ce mot  « villa » désigne au Moyen Age une agglomération groupée autour de la maison d’un propriétaire rural, avec four, écuries (dans notre cas, à Crenne , toponyme qui signifie écurie),   etc. Selon les linguistes, les nombreux noms en -ville avec un prénom germanique antéposé datent du huitième siècle. Ainsi Libouville signifie-t-il le grand domaine, 300 hectares environ, villa, dont le roi mérovingien Thibaut est le propriétaire. La famille de Thibaut donne Théodebert, d’où proviennent les comtes de Blois.
  Selon certains, ce Thibaut méconnu de Libouville serait le dernier roi mérovingien légitime et de droit divin, les rois suivants n'étant que des usurpateurs. Cela justifie les prétentions à la royauté de son descendant Thibaut le Grand, rival du roi de France, fondateur de l'Ordre du Temple et de sa hiérarchie initiatique informée du grand projet de reconquérir la royauté. Tout ceci donne lieu à de nombreux ouvrages pour les amateurs de mystères, depuis l'Enigme sacrée jusqu'au  Da Vinci Code.
   II-  LA FERME DES COMTES DE BLOIS (741-1128).
   L’illustre maison de Blois a donné des rois à l’Angleterre, à Jérusalem et  à  la Navarre, des ducs à la Bretagne, des comtes à la Champagne : elle a aussi donné des rois de France et la dynastie capétienne. Robert le Fort est le père de deux rois de France : Eudes et Robert. Robert serait le grand-père de Hugues Capet.
   De  Eudes, nous aurons cinq Thibaut. Le plus illustre est Thibaut Ier, dit le Vieux ou le Tricheur : il possédait le comté de Blois et celui de Champagne, Chartres, Tours,  Meaux, Provins, le Berry et… Libouville!
   III-LA FERME MISE A LA DISPOSITION DE L’ORDRE DU TEMPLE (1128-mai 1202) : GRAND’ MAISON.
   Les comtes de Blois voulaient récupérer la royauté de France qu’ils estimaient devoir leur revenir légitimement. Aussi la présence de Thibaut IV dit le Grand, comte de Blois, de Chartres et de Brie, au Concile de Troyes en 1128, où le Pape approuve les statuts de l’Ordre du Temple, n’est-elle pas innocente.
  C’est Thibaut   qui donne ses premières propriétés à l’ Ordre du Temple,savoir ,   dès 1128 ,  les dîmes de Libouville  avec pour  les stocker (car elles étaient livrées en nature),  un « hébergement » ,  c’est-à-dire une grange « dîmière »  au Boulay et à Crenne  en propriété , ainsi qu une grange et la ferme qui l’accompagnait , Grand‘Maison aujourd’hui , à Libouville, mais en simple tenure cette fois : Libouville   est par conséquent le plus ancien établissement templier. Les comtes de Blois  donnent le Boulay et Crenne  au Temple dès sa fondation,  vers 1130 : les propriétés  sont encore la propriété de  cet ordre en 1202, date de la donation de Libouville à l'Hôtel- Dieu de Châteaudun.  La fondation de la Boissière à Châteaudun, où les moines de Thiron possédaient une vigne, est postérieure, la donation datant de 1183.
   Le nom de Grand’ Maison est souvent associé aux fondations templières et la  ferme l’a conservé. Dans l’ancienne grange dîmière des Templiers, figurent encore aujourd’hui, sur les deux portes charretières, des signes templiers qu’on retrouve à la Commanderie templière d’Arville et ailleurs. Il s’agit essentiellement de rose-croix ( des rouelles solaires , symbolisant la Vierge, reine des cieux et de la terre » ,exactement conformes à celle qu’on retrouve gravées à Arville).
A noter que les doubles poutraisons, si caractéristiques des Templiers, visibles dans la ferme, se retrouvent, par exemple, à Arville. Un petit édifice, fermant de l’intérieur, servait de chambre d’initiation aux Templiers avec des rites qui évoquent ceux des francs-maçons : il s’y passait, dit-on,  de redoutables mystères.
Les souterrains.
De là partait, dit-on,  un souterrain, pour aboutir à la chapelle de l’Épinay, d’emplacement incertain, près du château de Sainte- Radegonde, probablement sur  l’axe entre Boulay et Crenne. Mais le souterrain le moins incertain (peut-être n’est-ce d’ailleurs  qu’une marnière) longeait  le côté de la propriété qui borde  le chemin dit de la Grand’ Maison qui figure sous ce nom au cadastre ,  passe devant les deux  Minaudières (là était placée anciennement l’entrée de Grand’ Maison, avec ses bornes qui sont aujourd’hui  devant le portail de la Poterie ) et traversait les terres de la Bernetterie, pour se diriger vers Chantemesle et le Vieux- Logron. Peut-être l’origine des souterrains est-elle à chercher dans les cryptoportiques ou silos, destinés à dissimuler les réserves d’orge pendant ces périodes troublées.
   Ce qui est certain, c’est que les Templiers avaient besoin d’argile, de silex, et de grisons pour leurs constructions, ainsi que de marne pour amender leurs champs nouvellement arrachés aux forêts. Jouxtant  Grand' Maison, un terrain appelé « la Pillerie des Carreaux » servait de carrière à la  « Poterie » voisine. L’entrée des marnières se situait, à l’époque des Templiers, à la Geôle, mot qui ne veut pas dire ici prison, mais une galerie ouverte au fond d’un puits (venant du latin caveola).  Le puits lui-même  émettait un souffle important qu’on entendait encore, paraît-il,  il y a quelques années. Le souterrain qui en partait aboutissait à la mare de la Bernetterie .
 Aux alentours de Grand ‘ Maison ,certains toponymes ont gardé le souvenir des Templiers: la Maison Rouge, c’est-à-dire avec la croix rouge pattée des Templiers , servait d’auberge sur les chemins de Compostelle , à 6 k environ de Libouville , appartenait au réseau des templiers; d’autre part,  à la Touche- Hersant , subsiste un bâtiment appelé le Temple pris à tort pour un temple  protestant, avec la date de 1577 inscrite lors d’une réutilisation et d’une réfection  tardive  au fronton d’un pignon,  selon une  confusion analogue à celle qui aboutit à prendre la rue du Temple à Cloyes pour une allusion au Temple révolutionnaire de la Raison ! En effet, en septembre 1206, Robert de Pochinet avait  donné une maison qu’il avait fait construire dans sa vigne près de Cloyes ,  Eudes de Vineuil faisant abandon de tous ses droits sur cette maison pour le prix de 7 livres et demie,  charte XLVI. D’autre part, en ce qui concerne le Temple de la Touche- Hersant, des lettres de l’official de Chartres,du mois de janvier 1378,  citées par Eugène Mannier dans Les commanderies du Grand Prieuré de France, Paris, Aubry et Dumoulin, 1872 ,  portent que Colin de Villiers, fils de Robert de Villiers, a donné de nombreux biens au Temple , dont sa maison sise à Veilley paroisse de Langey, dans la censive de l’abbaye  de Saint- Avit, avec toute la terre qui en dépendait. Dans la Charte de l’abbaye de Saint- Avit (située à Saint-Denis –les- Ponts), La Touche Hersant est mentionnée en 1640. Cette terre englobait la Touche- Hersant, qui fait aujourd’hui partie de la commune de Lanneray, voisine de Langey.  Veilley est devenue Bellay et se trouvait rue actuelle du Cardinal du Bellay, lequel était né dans une commune voisine, Souday, et possédait des biens à Veilley. C’est sur ses terres qu’il fit construire une maison pour son médecin, François  Rabelais. Le nom de Veilley, Velay (le Puy- en- Velay),  Bellay, Boulay viendrait du nom d’un peuple ligure, les Velleiates , Vellates, Vellaunes  ou Vellavii (qui avaient une cité , Vellica,  en Espagne Tarraconaise. Il reste peu de traces en Eure-et-Loir de ce peuple, sauf le nom de Logron, à rapprocher de Logroño en Espagne Tarraconaise et le nom de Langey à rapprocher de Lancia en Tarraconaise également .Le territoire allait au moins  de Boulay à Langey et Logron .
 Le Grand Boulay et Crenne ou le Petit Boulay.  
Crenne, nom d’origine gauloise qui signifie écurie,  a été d’abord d'abord la propriété des comtes de Blois qui le donnent au Temple dès la fondation de celui-ci,  vers 1130 ;  il est encore dans les biens de l’ordre des Templiers  en 1203, date de la donation de Libouville à l'Hôtel- Dieu. A la dissolution du Temple, les deux Boulay, le Grand et le Petit,  sont dispersés et  vers 1313 Jean Luigny, puis en 1339 Pierre de Fraillicourt achètent successivement le Grand Boulay: La famille de ce dernier en fait don à l'Hôtel- Dieu en 1442. Deux ans après, en 1444, l'Hôtel- Dieu  s'agrandit et achète Crenne à Martin Poirier.
Les Templiers  bâtirent au Grand Boulay une première grange ou hébergement pour remiser leurs moissons et une seconde dans le voisinage immédiat. au  Petit Boulay  ou Crenne .  
Voici les archives concernant les transferts de  propriété de Crenne ou petit Boulay, souvent associé au Boulay ou grand Boulay (L. Merlet, Archives hospitalières antérieures à1790, hospices de Châteaudun, Lecesne,  Châteaudun, 1867 et  DELFAUT  DE  BELFORT et L. Merlet, Archives de la Maison- Dieu de Châteaudun (qui donne transcription des textes latins inventoriés par Lucien Merlet, mais  sans traduction) :
B 440 (Carton) 1 pièce parchemin ;
1339 Acquêt par Pierre de Fraillicourt, recteur des écoles de Châteaudun, sur Jean Luigny, d'un "hébergement" (grange templière) au Boulay, paroisse de Lanneray, moyennant 65 livres.
1442 Don à l'Hôtel- Dieu de la métairie du Boulay par Pierre de Fraillicourt.
B 441 CTN 4 pièces parchemin ;
1444 Acquêt par l'Hôtel- Dieu,  sur Martin Poirier d'un "hébergement"(grange templière) au lieu du Boulay et 7 setiers de terre moyennant 10 livres.
B 442 (CTN) 3 pièces parchemin ;
1411- 1608 Baux par l'Hôtel- Dieu de la métairie du Grand Boulay
1) 1411 à Jean Brichon pour 2 vies  moyennant 5 livres et 5 sous et 1 livre de cire ;
2) 1478, à Jean Seigneuret, laboureur, pour 3 vies et 59 ans,  moyennant 5 livres 10 sous et 2 chapons ;
3)1608 à Michel Colas, laboureur, pour 99 ans moyennant 12 setiers de méteil (mélange de diverses céréales plantées ensemble) et 3 setiers d'avoine.
B 443 CTN 3 pièces parchemin.
1472- 1609 Baux par l'Hôtel- Dieu de la métairie du Petit Boulay (Crenne)
1) 1472, à Jean Poupart, laboureur, pour 3 vies et 59 ans,  moyennant 32 sous 6 deniers ;
2) 1609, à Michel Colas, laboureur, pour 99 ans moyennant 6 livres.
Les deux  Boulay sont réunis,  en 1609, dans la même main, celle de M. Colas.
B 444 CTN 1 pièce papier.
1720-1749 Baux par l'Hôtel- Dieu des métairies du Grand et du Petit Boulay :
1) 1720 à Pierre Fougereux, laboureur, pour 27 ans moyennant 1 muid de méteil, 3 setiers d'avoine, 6 livres et 2 chapons.
2) 1731, à Jacques Faucheux, laboureur, pour 9 ans moyennant 1 muid de méteil, 3 setiers d'avoine et 2 chapons.
3) 1749, à Charles Bonin, laboureur, pour 6 ou 9 ans moyennant 12 setiers de froment, 3 setiers de méteil et 2 chapons.
B 445, CTN, 5 pièces parchemin.
1720 Procès- verbal de visite du Grand et du Petit Boulay.
 B 446 (CTN) 2 pièces parchemin, 27 pièces papier.
1630- 1712 Reconnaissances envers l'Hôtel- Dieu de 1 muid de froment, 3 setiers d'avoine et 6 livres de rente sur le Grand et le Petit Boulay.
B 447 CTN 9 pièces parchemin, 8 pièces papier.
1486- 1620 Vente entre particuliers d’héritages au Grand et au Petit Boulay en la censive de l'Hôtel- Dieu.
B 448 CTN 2 pièces parchemin 14 pièces papier.
1601- 1731 Sentences au profit de l'Hôtel- Dieu contre les détenteurs du Grand et du Petit Boulay condamnés à payer les rentes dont sont tenus les dits lieux.
B 449 CTN 2 pièces parchemin. 
1664-1669 Procès entre l'Hôtel- Dieu et François Fougereux pour une rente de 12 setiers de méteil et de  3 setiers d'avoine due sur le Grand Boulay.
B 11 registre in- folio, papier .
1756 Le Grand et le Petit Boulay, maison, étable (Crenne, étable au sens ancien d’écurie) et 47 setiers de terre labourable.
Propriétaires contemporains du Boulay :
Dumoutier et aujourd’hui M. et Madame Cochard
Autres sources : Charte de l'Abbaye de Josaphat en 1209 (Boulay est mentionné avec l’orthographe Boolai ; c’est la propriété du Temple à cette époque) et avec l'orthographe Le Boullais en 1512 dans la Charte de la Madeleine de Châteaudun,  citées par Henri  LEPLEGE, Lanneray, Ses châteaux,  ses hameau et lieux-dits. Leur appellation dans le passé et leur signification. Illustration. Sa préhistoire, Amicale des anciens élèves de Lanneray, Châteaudun, 1991, p. 9.
 Grand ‘Maison était desservie religieusement au début par  une chapelle  à  l’Epinay  et dans la suite par l’église de  Lanneray.
Avant l’église de Lanneray : la chapelle disparue de L’Epinay à Sainte- Radegonde des Landiers.
On trouve souvent des Epinay, spinet-acum, sur les lieux fréquentés par les Templiers. Le mot désigne  le lieu où pousse de  l'aubépine et on peut supposer que des couronnes de fleurs blanches d'aubépine étaient posées en mai, au cours d'une procession solennelle,  sur le chef de la statue de la Vierge et représentaient les rayons du soleil comme la couronne qui souvent ornait déjà la statue.
La chapelle de l’Epinay qui desservait Grand’ Maison et la Poterie du temps des Templiers était naturellement dédiée à la Vierge, avec une statue en bois, couronnée d’églantine et un sceptre à la main : la statue évoquait la « reine des terres et des cieux », semblable à Isis,  chère au cœur des Templiers.
 On a  beaucoup discuté sur l’emplacement de cette première chapelle.   Elle  était vraisemblablement située sur le chemin rural qui va aujourd’hui du manoir de la Poterie au château de Sainte- Radegonde.  Très tôt,  les Templiers bâtirent une chapelle, peut-être à l’arrière de l’actuel manoir de Sainte -Radegonde.  Il en restait quelques pierres blanches que Maurice Mauger apporta au beau-père de son fils,M. Pron d’Epinay ,  mais le propriétaire de la Poterie n'y attacha aucun intérêt et elles sont toujours abandonnées au bord de la route, en face du portail du manoir, envahies par l'herbe.
A la destruction de l’Ordre des Templiers, la chapelle  fut  consacrée à saint Thomas, puis, afin de tenter d’effacer la Vierge des Templiers, à une reine franque sanctifiée, Radegonde,  ce qui pouvait justifier le sceptre et la couronne. Sainte Radegonde est dite des landiers (gros chenets de cuisine) ou des andiers (forme ancienne de landier). Le mot andier étant  compréhensible  a été rapproché du mot andain, l’étendue que le faucheur peut faucher de pas en pas et on inventa la légende selon laquelle l’épouse chrétienne de Clothaire Ier, fuyant les sbires de son royal époux, leur échappa grâce au « miracle des andains » : le foin, tout frais fauché, repoussa à une vitesse et à une hauteur extraordinaires et dissimula la sainte à la vue de ses impies poursuivants. Mais l’origine de ce nom incompréhensible  des landiers   vient en réalité de l’églantier, l’arbre cher à Marie, la mère du Christ. 
 Le patronage de sainte Radegonde  n’a  empêché, ni  les Protestants pendant les guerres de religion, ni la Révolution, de ravager cette chapelle et de la détruire. La statue  qui, dans l’opinion populaire, passait pour une représentation de la sainte, fut sauvée du vandalisme révolutionnaire des habitants par les propriétaires du  manoir de Sainte- Radegonde.  Ces derniers, en 1851, transférèrent certaines reliques, de la chapelle de sainte Radegonde qui leur appartenait et qui était en ruines, dans une  chapelle de l’église de Lanneray,  mais ils mirent seulement en dépôt la statue en cause, précisément dans la chapelle de la Vierge de l’église. Celle-ci fut remplacée ultérieurement  par une statue de saint Pierre, et  les descendants des châtelains la récupérèrent. L’ « original » a terminé ses pérégrinations à Collioure chez son légitime propriétaire. Mais  ce prétendu « original »  est seulement une copie ancienne d'une effigie de la Vierge  datant du XVIe siècle, qui a elle-même remplacé la vieille statue en bois du temps des Templiers.
Lanneray
Les Templiers qui revenaient de Croisade en rapportaient souvent la lèpre. Comme on confondait lèpre et vitiligo, certains « lépreux » étaient relativement en bonne forme et pouvaient travailler, participer notamment à la construction d’églises ou de chapelles,   comme celle de Lanneray .Précisément, le nom de Lanneray vient de Nazareth sous la forme italienne lazareto (lazaret, avec influence de Lazare)   à cause de l’hôpital de Jérusalem consacré aux lépreux et dédié à la patronne des Templiers , Sainte Marie de  Nazareth. A l’église de Lanneray, subsiste un bénitier du douzième siècle avec une mystérieuse grenouille sculptée.  La grenouille est un symbole rapporté d’Egypte par les Templiers  où Héket, la déesse- grenouille, signifie la résurrection. Le  bénitier était curieusement   placé à l‘extérieur de l‘église: était-il réservé aux lépreux? Les léproseries proprement dites étaient à Beaulieu, nom par antiphrase des léproseries , et à la Loisilère : ce denier mot est l‘altération de la mesellière, autre nom de la léproserie, les lépreux étant appelés mesels au Moyen Age, du latin miser, malheureux .Le mot n’a évidemment rien à voir avec   les oiseaux, même si l’on trouve à Lanneray une Vallée des Serins, c’est-à-dire des Sirènes de la mort,  à cause de leurs crécelles.
Châtillon -en- Dunois.
Nous trouvons en  1380 mention des dîmes (36 muids de grain) dues aux Templiers  sur la commune de Châtillon : le commandeur d’ Arville  reconnaissait devoir à Oudart de Cloyes 18 muids de grain pour cause de la moitié des dîmes de Châtillon. Le territoire de l’actuelle commune était très dispersé :   le village principal  était appelé les Vallées et situé entre la Blandinière et la Pémenière (de pessima,  donnant pesme , la très mauvaise,et de marnière) , à l’endroit nommé les Jardins de la Vallée ; deux autres villages, la Chevrie et la Berlocque (du latin  bis longa,  mot qui désigne une maison  trop longue, une longère) , où il y avait encore un moulin à vent en1710) étaient importants. Pour leur part , es Templiers avaient une chapelle à Châtillon même, dont proviennent deux poutres de gloire de la ferme de Grand ‘Maison : cette chapelle était un des deux pavillons voisins de ce que l’on appelait la « mairie »,  entendons le centre du pouvoir politique depuis les Mérovingiens, comme il y en avait une autre, plus ancienne, à la Forêt, sur la commune de Lanneray, dont dépendit un temps Grand’ Maison.
   Lorsque les comtes de Blois renoncent à leurs aspirations au trône, ils  se désintéressent du Temple qui, dès lors, essaime à Sours, une imposante ferme privée,  et surtout à la Commanderie d’Arville, dans le Loir-et-cher voisin, où existe aujourd’hui un intéressant musée consacré aux Templiers.
   En mai 1202 , à Orléans , avant de partir pour la Croisade , Louis , comte de Blois , lègue tous ses biens , dont Libouville , à l’ Hôtel- Dieu de Châteaudun , oubliant de préciser le sort des dîmes accordées par son ancêtre Thibaut IV aux Templiers sur Libouville . Ceci donnera lieu à un procès que les Templiers d’Arville qui étaient les héritiers de ces dîmes gagneront. D’autre part, quand les Templiers  eurent perdu leur grange dîmière à Grand’ Maison en 1202, ils ne savaient plus où ranger leurs récoltes . Un  certain Gérard de Chartres leur avait bien donné une terre à la Gaste  -Forêt, c’est-à-dire à la Forêt (gaste signifiant défrichée, ce qui atteste du travail des Templiers dès le  début du treizième siècle),  mais ils préférèrent utiliser les "hébergements " du Boulay et de
Crenne,  deux pavillons à la « mairie » de Châtillon, qui dépendait de la Madeleine- Villefrouin dans le Loir-et-Cher. Ils utilisèrent aussi des locations pour remiser leurs dîmes, comme l’Héminotière (les Minaudières aujourd’hui), ainsi appelée du nom de l’héminier ou héminotier qui  percevait en nature la redevance d’héminage sur chaque hémine ou minot (50 litres) de blé.
« DOUY-EN-DUNOIS » ET CHATILLON -EN- DUNOIS
Le vendredi 7 mai 1283, des terres,  d’une superficie d’une mine de blé , étaient données au Temple par Jean d’Ancises,  à la condition d’une rente de deux setiers de grains qui devait être apportée chaque année le jour de la saint Rémi dans la maison de l’Hôpital de Châteaudun, charte CLXXIX . Bien qu’on ait supposé que l’objet de la donation se trouvait rue de Chartres, là où était la chapelle de saint Frambourg, le lieu-dit Ancises,  incite plutôt à  placer le lieu de la donation dans la commune de Douy, à l’emplacement de la seigneurie d’Ancises avec une métairie  citée en 1574,  et du château (1586)  et  manoir d’Ancises, avec les  moulins de Courgain et de Battereau sur le bord du Loir. En octobre 1295, le chevalier Jean d’Ancises reconnaît (B372, Archives hospitalières de Châteaudun)  devoir une rente de 44 sous et 8 deniers à l’Hôtel- Dieu.   On peut songer aussi à  une grande parcelle du cadastre de Châtillon, nommée sur le cadastre Lancisière près de la route D 365, mais appelée Ancises parles habitants et plantée en céréales..

   LA DISPERSION DES BIENS TEMPLIERS.
   A la destruction de l’Ordre, la « mairie » de Châtillon fut reprise par les seigneurs d’Eguilly en même temps que le château. Ce dernier finit par échoir, par mariage,  à Charles  de Beaumont, marquis d’Autichamp,  légitimiste qui eut le malheur de participer à l’équipée la duchesse de Berry en 1832 et à sa tentative d’insurrection. Ce marquis avait, avec le marquis de Bonchamps, dirigé l’insurrection vendéenne de 1793 et sauvé 5000 soldats républicains faits prisonniers : il fut frappé de mort civile et condamné à mort par contumace. Ses biens furent vendus aux enchères le 20 mars 1841, entre autres les « matériaux à provenir de la démolition d’un colombier et de deux pavillons, situés dans la cour de la ferme du château de Châtillon ».
   En 1841,  tandis que l’acheteur du château et de la ferme  se hâtait prudemment de gratter les armoiries du marquis que celui-ci avaient fait graver sur le porche  (trois fleurs de lys , naturellement!) , le fermier de Grand’ maison , légitimiste , racheta les deux poutres de gloire qui ornaient celui des deux pavillons qui avait servi de chapelle aux Templiers , ainsi qu’une plaque de cheminée  fleurdelisée aux armes du marquis : « de gueules à la fasce d‘argent chargée de 3 fleurs de lys d‘azur » (Voir dans Cahiers percherons, 2001- I, p. 19-32, l‘article de Christian Léger intitulé « Châtillon- en- Dunois : son château et ses seigneurs » .
 IV- LA FERME DE L’HOTEL - DIEU (mai 1202-1975) .
 La première attestation du nom de Libouville est de 1202 : il s’agit du parchemin par lequel Louis, comte de Blois , lègue ses biens à l’Hôtel -Dieu de Châteaudun , « VILLAM LIBOVILLAE CUM TERRIS » ,la ferme de Libouville avec ses terres,  c’est-à-dire un immense domaine foncier d’un seul tenant , de plus de 300 hectares, plantés alors en méteil, en escourgeon, en froment et en avoine.

LE ROULEAU DE PARCHEMIN QUI SCELLE POUR HUIT SIECLES LE DESTIN DE GRAND'MAISON.(A14). 







A 14, parchemin (vue de deux pages avec le nom de Libovilla)


 A 7, n° 9, octobre 1209, don à l’aumône de Châteaudun de 20 sous de rente sur son ban de carême à Châteaudun,  sceau de cire verte de Geoffroy IV, vicomte de Châteaudun, 1194-1245.

N° 18, juin 1210, don par Miles III, comte de Bar-sur-Seine  et vicomte de Chartres  à l’Aumône  de 20 sous dunois de rente sur son avénage , sceau de cire verte à son effigie .

   Nous avons pu consulter les archives hospitalières  que  L. Merlet a inventoriées et que Delfaut de Belfort a publiées en latin, sans traduction. Nos photographies jointes en sont extraites .





   Ferme royale , puis ferme des comtes de  Blois prêtée par eux  à l’Ordre du Temple  qui s’y installa et en firent leur plus ancien établissement durant un siècle,  Grand’ Maison , à la suite du don de Louis , comte de Blois, partant pour la Croisade, n’aura eu que quatre propriétaires en huit siècles : l’hôpital , de 1202 jusqu’à la vente aux enchères publiques en 1975 , destinée à financer la construction d’un nouvel hôpital , puis Maurice Mauger de 1975 à 1984, ensuite M .et t Madame O. Gernez de 1984 à 1993 qui restaurèrent la ferme,enfin nous-mêmes . Sur l’acte de propriété, j’eus la surprise de lire comme origine de propriété de l’Hôpital que la ferme se trouvait sa propriété   « depuis  un temps immémorial ». C’est à coup sûr cette permanence qui a permis à Grand’ Maison d’échapper aux ravages du temps et des hommes.
      



« Non nobis, Domine, non nobis, sed Nomini Tuo da Gloriam », Non pas à nous , Seigneur, non pas à nous, mais à Ton Nom seul donne la gloire .




































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