lundi 19 juin 2017

CENT ANS APRES : UNE CONSPIRATION EUROPÉENNE APPUYÉE SUR DES RIVALITÉS INTERTRIBALES DANS LE NORD DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE,

CENT ANS APRES: UNE CONSPIRATION EUROPÉENNE APPUYÉE SUR DES RIVALITÉS  INTERTRIBALES DANS LE NORD DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE,
               PAR LE DERNIER DESCENDANT des colons massacrés, Paul -François Griscelli,
ou comment mes grands-parents ont été mangés par le chef                 Noël et par son frère Poigny .
Est-ce les tribus de tendance catholique comme celles de Kavéat qui sont les rebelles, ou plutôt les protestants du chef  Néa , du chef Noël, de son frère Poigny et de leurs hommes ?Kavéat n’est-il pas plutôt innocent et victime, tandis que des coupables comme Néa sont innocentés par la justice ?






 Il n’y a pas eu, en 1917, d’insurrection canaque dans le nord calédonien, mais seulement une agitation fomentée par certains européens qui refusaient de partir au front, auprès de tribus canaques protestantes animées par le chef Néa de Ouanash près de Touho et de Hienghène sur la côte est, par le chef de Netchaot Maurice Poindet, par  le chef de Tiamou Noël (celui qui avait montré son postérieur nu à l’administration au fameux pilou) près de Koné sur la côte ouest. Le racisme antiblanc et non pas le nationalisme était leur  principal moteur. Alain Laubreaux dans son journal Le Messager titrait à la une : « Quand  la Ligue des Droits de l’Homme protestera-t-elle contre le massacre des  colons Grassin et Papin ? », faisant allusion à l’intervention de mon grand-père maternel, Henri Grassin, en faveur des Canaques de Oué Hava dont les cultures étaient dévastées par les divagations du bétail appartenant à un  gros colon  élu  conseiller général , Laborderie, -et à leur massacre par des Canaques  en 1917 à Oué- Hava, dans la Haute- Tipindjé. L’intervention de mon grand-père en faveur des canaques est révélatrice de la mésentente qui régnait entre Laborderie et mon grand-père et pesa  très lourd dans les mobiles de son assassinat en attisant la haine de Laborderie.
Le communard  Claude Petitjean, après son amnistie en 1879, s’était installé dans la Basse- Tipindjé sur une concession de 1050 hectares. Voici le portrait, en 1901, de ce colon : « C’est le plus grand colon de la côte [est]. Il possède 5000 hectares de terres ou forêts, une plantation de caféiers de 1 000 000 pieds, 1200 têtes de bétail qui courent dans les bois, sans compter les chevaux,
30 000 cocotiers pour faire du coprah et occupe un personnel de 180 domestiques, libérés, canaques, hommes, femmes ou enfants (voir, entre autres,  le détail des propriétés dans l’ article de Luc Legeard dans le numéro 137 , 4e trimestre 2003  « Claude Petitjean, de la Commune de Paris à l’œuvre de colonisation et dans deux  articles de mon condisciple Daniel Morignat « Note complémentaire à propos de la famille Petitjean », bulletin numéro 175 de la Société d’Etudes Historiques  de la Nouvelle-Calédonie , SEHNC, 2e trimestre 2013) et Les colons de l’Oué Hava , bulletin n° 181, 4e trimestre 2014, C’est amusant de voir un des plus grands propriétaires fonciers de la colonie professer des doctrines socialistes et révolutionnaires » (17 novembre 1901, Le salut Public). En 1897, il se plaint au gouverneur Feillet de ce que « les canaques de la localité deviennent de plus en plus insolents. C’est à peine si le colon est maître chez lui. » Il achète à Hienghène, à Biganda, 70 hectares de caféiers. Il reçoit, semble-t-il, un parent Edmond- Marie Petitjean (1844-1925), peintre, qui lui laisse un  tableau non signé, dont on s’est demandé à tort si ce n’était pas l’œuvre de Gaston Roullet (articles de Claude Dolbeau-Cornet dans le bulletin de la SEHNC).A sa mort, il laisse sa propriété à sa soeur, Jeanne Petitjean, qui épousera, le 14 janvier 1915, le gendarme Auguste Laborderie (1867-1944). Arrivé en Nouvelle-Calédonie en 1894, ce gendarme  exerce  d’abord à Touho, puis devient le gérant de Claude Petitjean : après la mort de celui-ci, il épouse sa soeur. Il est élu conseiller général. Suivant  l’usage en vigueur dans la colonie, Laborderie qui n’appréciait pas que la colonie ait loti et donné à des colons les terres sur lesquelles il faisait paître ses chevaux et ses bœufs,  demanda à un homme de paille, un  Indien  nommé Gobalou, qui conduisait ordinairement sa pétrolette sur la Tipindjé, de solliciter 25 hectares en concession et 250 hectares en location pour agrandir ses propriétés : ce n’était  pas un « colon Feillet », comme l’a cru l’ « historien » Saussol.
 On devine qu’il ne portait pas dans son cœur ses voisins Grassin, Papin et Jauneau de la Haute- Tipindjé, lieu  encore appelé Oué Hava du nom d’un affluent de la Tipindjé. Henri Grassin  ou Jules et Emile Jauneau (ces derniers partis de France le 29 janvier 1899),  après un séjour à Koumak pour ces derniers,  ont obtenu, du moins pour Grassin, grâce  aux 5000 francs –or dont devaient disposer les colons Feillet,   25 hectares chacun en concession sous condition d’y planter du café arabica avec 250 hectares de location. Papin n’était pas un colon Feillet originellement mais un immigrant.  L’intervention de son voisin  Henri Grassin à Paris auprès de la Ligue des Droits de l’Homme contre les divagations  du bétail de Laborderie fit déborder le vase.
Comme je rencontrai à Nouméa un ami de mon père, le meilleur  sociologue des mélanésiens, M.Métais, celui-ci me dit : « je vais vous choquer mais nous, blancs humanistes, nous avons tort. »



Qui était mon grand-père Henri Grassin, colon libre comme disent les Calédoniens ou « colon Feillet » suivant l’appellation des historiens?
Né à Souvigné en Indre-et-Loire le 28 juin  1863, François Henri Grassin , tisseur- dessinateur sur soie à la soierie de Saint-Symphorien près de Tours  en Touraine, croyait à la vertu des cours du soir de promotion sociale  qu’il donnait bénévolement aux ouvriers.  C’était un militant syndicaliste et socialiste, grand ami du futur député-maire  socialiste de Tours Morin et il recevait le journal de Jean Jaurès, L’Humanité, à Oué Hava. Il en eut assez des ennuis que lui causaient ses opinions politiques  et décida d’émigrer avec sa famille, après avoir épargné les 5000 francs- or demandés par le gouverneur Feillet aux futurs colons. A Oué Hava, il commence par planter du café arabica, mais découvre l’atteinte de la maladie sur ses pieds d’arabica. Il doit arracher les caféiers arabica et les remplacer par du robusta. Il tient un  petit commerce et vend ses légumes à l’usine de Tao, où il se rend à bord de sa plate. Une gitane à Tours  lui avait prédit  qu’il finirait d’une mort accidentelle et il imaginait que ce serait sur son petit bateau, au cours d’une pêche. Ma mère, Marguerite Grassin, est née à Tipindjé le 6 novembre 1907, elle devint institutrice et devait se marier à un instituteur corse, François -Antoine Griscelli, né à Ajaccio, le 4 novembre 1901.

Qui était le frère aîné de ma mère,   Roger Grassin ?
Un protestant , Jacques Vasseur,   crut bon, à la suite de la parution de mes articles sur le sujet, pourtant prudemment expurgés( « Le massacre des Grassin », bulletin n°51 de la Société historique d’étude de la Nouvelle-Calédonie,  2e trimestre 1982 et Colonisation, histoire et engagement : « Est-ce ainsi qu’on écrit l’histoire ? », bulletin n° 52) ,  de prétendre qu’il y avait une contradiction entre le fait que mon oncle, seul blanc à parler le pinjé, choisi comme interprète par le tribunal, malgré sa partialité évidente, n’avait pas mis en cause la version officielle. Je me crois obligé, maintenant  que ma mère et  mon oncle sont morts tous les deux, de donner des explications.
Mon oncle ne put refuser la fonction d’interprète du pinjé, d’ailleurs payée. Il est remarquable que les accusés ne voulurent pas s’exprimer en français, -la langue de l’occupant, -alors qu’ils la comprenaient fort bien, répondant aux questions du tribunal avant même que mon oncle n’ait commencé à traduire la question.  La traduction était donc contrôlée par les intéressés eux-mêmes, et mon oncle était payé pour traduire, non pour donner son opinion, même s’il savait bien qu’il s’agissait de mensonges. Avait-il le poids contre pasteurs, gros colons et conseillers généraux ? Mon oncle,  né à Tours le 29 avril 1893, était de caractère faible, influençable et alcoolique, ce qui explique que les pressions eurent facilement raison de lui.  
C’est à Tiouandé, le long de la rivière, que bivouaquait en 1919 sur la propriété Ragot l’armée et ses prisonniers. L’armée se garda d’interroger ceux-ci et notamment le plus responsable. Un conscrit du nom de Winchester, qui habitait Koné , à Kataviti,  tendit un piège odieux  à un prisonnier canaque , Poigny,le frère de Noël,  en lui laissant croire  qu’il le laisserait  s ‘évader en traversant la rivière, la Tiouandé,  à la nage. Il n’eut pas plus tôt le dos tourné pour nager qu’il tira sur lui et le tua  (certainement sur ordre) afin de l’empêcher de révéler le secret de la conspiration de 1917. Lorsque les autorités militaires eurent connaissance de  ce crime de guerre et de  cette trahison, Winchester demanda à mon oncle, qui me l’a lui-même raconté, de prétendre que c était lui qui avait tué le canaque Poigny. Il aurait les circonstances atténuantes du conseil de guerre vu le meurtre de son père dont celui-ci était coupable. Mon oncle passa devant le conseil de guerre où il fut défendu par un colon libre de la côte est (à Ponérihouen) ,  Paul Bloc (de gauche à l’époque), arrivé en 1901 comme mon grand-père dont il était l’ami,  et l’affaire fut enterrée. Elle ne figurait même pas sur son livret militaire. Mon oncle n’avait pas compris qu’il était tombé dans un piège et qu’il lui faudrait ensuite raconter ce que voulaient les comploteurs. En réalité Winchester, qui n’avait aucun motif personnel, de vengeance,  désirait faire taire le canaque Poigny et empêcher ses révélations.
Qui était leur voisin et ami  Ludovic Papin ?
Cet ouvrier cirier, célibataire, né  à Nantes le 10 août 1862 et déclaré avec les prénoms Louis, Marie, arrive en Nouvelle-Calédonie le 7 février 1900 par le Polynésien. Il s’attache à ma mère et joue de la guitare, tandis que Henri Grassin joue de la flûte.
Les causes de l’agitation et les principaux partenaires
On était à la fin de la guerre de 1914-1918, mais on ne savait pas quand elle finirait et les départs de quatre contingents pour le front avaient suscité de la résistance chez ceux qui craignaient de partir, comme la mutinerie de  Bourail à l’occasion  du départ du El Kantara pour la métropole .José- Louis Barbançon a raison d’insister sur ce point. Ceux qui refusaient d’aller se battre voulaient créer en Nouvelle-Calédonie un abcès de fixation en fomentant un début de rébellion canaque qui aurait rendu nécessaire leur maintien sur l’île et qui leur aurait permis, accessoirement, de faire disparaître un certain nombre de Canaques. .  Citons l’assassin de Poigny, Josiah Winchester, fils d’un tahitien et de Emma Winchester (1867-1956),  installé à Koné (Kataviti) et agissant pour les mobilisés de Koné. On peut ajouter un  bagnard de droit commun originaire
 du Maroc,  Mohamed Ben Ahmed, arrivé par le Calédonie le 29/09/1883 et  qui avait bénéficié d’une concession , agissant pour ses  coreligionnaires musulmans menacés d’un départ pour le front, mais chez «  cet Arabe », ainsi qu’on se contente le plus souvent de  l’appeler , sans autre précision,  comme il est question de  l’Arabe dans l’Etranger de Camus , il faut aussi compter  avec le racisme antifrançais et le désir que « Guillaume » triomphe de la France.
On a évoqué le cas des  lépreux mécontents de leur isolement, comme Pierre Delhumeau, fils de Félix Delhumeau (né vers 1827), lépreux aussi,  employé chez Laborderie en 1907 (né en 1856), qui, selon Edouard  Normandon,  aurait fait partie de ceux qui remuaient les Kanaks, profitant des dissensions  religieuses entre tribus catholiques et tribus  protestantes, sur un fond de guerres coutumières. On  retrouve Pierre Delhumeau, le lépreux, ce comparse de Laborderie,  vendant à Petitjean le lot 13 bis de 5 hectares 83 centiares à Tipindjé.  Le but de Pierre  Delhumeau aurait été d’obtenir la suppression des mesures d’isolement concernant les lépreux comme lui. La mère de Pierre, Mélanie Théotiste Savis,   aurait abandonné, dit-on,  son mari et son fils lépreux, pour aller vivre dans la région  de Yaté avec un métis mélanésien dont elle eut des enfants, en particulier  Victorin Delhumeau, acte 99 bis, le 10/11/ 1877, par jugement du 29/08/1879, acte 71, à Nouméa.
  D’un côté les catholiques et païens, menés par le grand chef de Ouenkout et de Oué Hava, Kavéat, plutôt favorable à la présence française qui les protégeait  des insulaires protestants; de l’autre, les tribus protestantes des Poyes et de Ouanache, menées par Néa, plutôt hostiles à la présence française. A Néa s’adjoignaient sur la côte ouest, vers Koné, les tribus qui obéissaient au chef Noël et au chef Poindet . Quand on pense qu’une stèle a été construite, en 2008,  pour rendre  hommage à Noël dans sa tribu de Tiamou,  à Koniambo ! Heureusement,  des jeunes de la  tribu l’ont détruite, estimant à bon droit qu’un cannibale sadique n’avait pas à être honoré.
Et pourtant ! Un nègre parisien, David Sagnot, dans l’affaire de l’assassinat  et du viol sur le pont de Neuilly de deux femmes blanches  âgées de plus de 50 ans, s’est pris tout récemment  pour un guerrier sanguinaire qu’il appelait  Tein Kanaka :   ce grand lecteur avait trouvé en bibliothèque le  livre de Rosélène Dousset- Leenhardt, Terre natale, terre d’exil,  consacré à Ataï, mais avec la photo de la tête coupée du chef Noël sur la couverture. La tignasse du Kanak Noël ressemblait à la sienne et aidait à cette  fatale identification schizophrénique, dont Marc Machin, 19 ans, fit les frais, en se faisant accuser à tort du premier meurtre  jusqu’au jour où le juge Courroie reprit l’affaire en main. Madame Rosélène Dousset-Leenhardt a supprimé la photographie qui adornait la page de garde sur les autres éditions et fait la chasse, semble-t-il, sur PriceMinister aux anciens exemplaires pendant un certain temps.

L’assassinat du chef Kavéat , dont le corps a été retrouvé, longtemps après sa mort, dans un creek,  qui  aurait pu donner des informations intéressantes, et qui était favorable à mon grand-père et plus généralement à la présence européenne (sa sœur était mariée à un stockman européen, nommé Guillemard, gérant de la station Gros à Pamalé, à Neouyo), peut être attribué à Noël A la fin de la rébellion, une prime avait été promise par le gouverneur Repiquet à qui permettrait la capture de Noël. Mais c’était plutôt le désir de faire taire un complice gênant qui anima Mohmed Ben Ahmed,  un commerçant arabe de Koné, de Koniambo plus exactement,  chez  qui  Noël allait s’approvisionner  et qui était bien au fait de la rébellion : l’arabe, avec l’aide peut-être d’un Javanais à son service,  lui trancha la tête avec un tomahawk (hachette, prononcer tamioc) (carte postale à 500€, sur laquelle on voit  le manche du tamioc, sur d’autres cartes postales,  arrangement « esthétique » avec un faisceau d’armes canaques : casse-tête à bec d’oiseau et deux autres casse-tête ) et l’apporta aux gendarmes. Ceux-ci, loin de lui remettre la prime attendue, le firent emprisonner aussitôt pour l’interroger. C’est à la suite de l’interrogatoire de Ben Ahmed que l’on sut les vraies raisons de cette agitation. Le PV est daté du 19 janvier 1918 (lendemain de l’interrogatoire) et le rapport du gouverneur Repiquet est  indiqué comme « très confidentiel, sans copie, sur les vraies causes de l’insurrection ». Ce  PV a été rédigé à la suite des aveux  du meurtrier arabe.  Un autre dossier, n°345, également intéressant, concerne aussi  le meurtrier arabe. Celui-ci  s‘était mis à table rapidement, si bien qu’il fut obligé de quitter Koné pour Pouembout par crainte de représailles des blancs incriminés par lui. Le gouverneur préféra garder le secret à cause du membre du conseil général Laborderie et des colons impliqués, car Ahmed indiquait bien que Laborderie avait  profité de cette agitation pour que mon grand-père et son voisin Papîn soient éliminés.



L’origine de l’agitation et la prophétie autoréalisatrice  du Bulletin du commerce.
Un article « prophétique », en date du 10 février 1917, date où il n’y a pas de rébellion,  anonyme bien entendu, censé provenir de Koné, mais provenant de Hienghène (Biganda , propriété de Laborderie) , parut dans le  Bulletin du Commerce de M. Henri  Legras. [Les Canaques], disait-il, «  s’inquiètent constamment des dates de départ [allusion à la date , prochaine, du 15 mars 1917, sur l’El Kantara, avec la mutinerie de Bourail] de ceux qu’ils savent touchés par la mobilisation.  Il est de toute nécessité de prévoir des événements sanglants en rétablissant le poste militaire de Koné, avec un effectif suffisant, toutefois, pour se porter rapidement à Voh et à Poembout, localités non seulement menacées par ces Canaques toujours turbulents, mais aussi par ceux des tribus de Hienghène. A Hienghène, le rétablissement d’un poste militaire s’impose ; ce poste devra même pouvoir fournir de petits détachements qui protègeraient des colons isolés et toujours menacés d’être massacrés les premiers. » Suivit un autre article, daté du 5 février 1917 et localisé à La Foa, mais émanant du même auteur : «  Retrouverons-nous  nos caféeries et nos cultures si nous revenons [du front] ? Nous sommes prêts à faire notre devoir, comme nos frères qui sont au front. Mais il est vrai que l’administration n’a pas exposé (au gouvernement de la métropole], sous son véritable aspect,  la situation. »  Henri Legras  a toujours été embarrassé par ce qui est l’annonce des  meurtres de H. Grassin, de son épouse et de son voisin et ami L.  Papin. Le grand historien de la Calédonie,  Bernard Brou,  qui s’était montré fort circonspect dans son Histoire de la Nouvelle-Calédonie sur ces événements de 1917,  m’a raconté comment  le fils de Henri Legras, Fernand Legras lui avait dit d’un ton peiné : « Alors nous [mon père et moi] ne vous avons  pas convaincu sur la rébellion canaque de 1917 ? Pourtant,  nous avons  publié l’intégralité du procès des meurtriers. »Il faisait allusion aux deux Kanaks guillotinés,le 8 octobre 1920,Emile Oué et Doui Iatein
L’envoi de militaires … mais d’abord à Biganda chez Laborderie , puis à  la station Laborderie à la Basse-Tipindjé , enfin à Ouelis à 4 kilomètre de cette station !
Le Bulletin du commerce, au 18 mars 1925 dont le directeur semble  pris tardivement  de remords, écrit : 
« Nous devons parler tout d’abord d’un adjudant  mobilisé [Bécu], lequel, après tant d’autres fautes commises, semble avoir à supporter la responsabilité capitale de ce sombre drame [le massacre de Henri Grassin, de son épouse, de L. Papin et d’un Indonésien à leur sevice Santaviredjo].
« Voici, continue Le Bulletin du Commerce, le résumé de la déposition du sergent Maillet devant la Cour d’assises de novembre 1919.
« Le sergent Maillet  a été envoyé dans la région de Hienghène [à Biganda, chez Laborderie], avec un détachement, lequel était commandé par l’adjudant Bécu. Il remarqua dans les ordres qu’il recevait [de Bécu] une certaine hésitation, résultant probablement d’influences [celle de Laborderie, car Bécu se trouve chez lui, dans son habitation, à Biganda dans la vallée de Hienghène, où se trouve aussi le détachement de Maillet]. »
Mon grand-père s’était plaint une première fois. auprès du gouverneur Repiquet. Celui-ci télégraphia à Bécu à Biganda l’ordre de se rendre « à Tipindjé », c’est-à-dire au centre européen de Tipindjé, qui abritait plusieurs colons de la Haute et Moyenne Tipindjé, et le centre d’état-civil (qui sera d’ailleurs brûlé en même temps que la maison de mon grand-père et qui concernait les mélanésiens et les européens). Ainsi, Thiéou, le petit chef de la tribu de Oué Hava, est-il dit  chef de la (haute)Tipindjé.]
« Le 9 juin, à la suite de l’attaque de la station Gros, l’adjudant Bécu l’envoya à la grande station Laborderie [Basse-Tipindjé,  que notre criminel et lâche   adjudant s’obstinait à appeler Tipindjé tout court].  Le témoin [Maillet] demanda à l’adjudant Bécu si, de ce point [la grande station Laborderie],  il pouvait détacher des patrouilles et reconnaissances dans la direction de la Moyenne Tipindjé, où se trouvait un groupe de colons [Grassin, Papin, etc.]. L’adjudant refusa, en lui enjoignant de rester chez Laborderie et ajouta : « Je dois savoir lire les ordres que je reçois. J’obéis. »
Le 11 juin, à la suite d’une nouvelle intervention de mon grand-père, cinq jours avant le massacre, les ordres du gouverneur Repiquet portaient l’injonction pour les militaires d’avoir à se rendre « chez Grassin, à Tipindjé ». C’était clair, cette fois; mais Bécu désobéit encore sous prétexte que Grassin habitait, non pas Tipindjé, mais Oué Hava et se contenta de déplacer ses hommes de la grande  station Laborderie dans la Basse Tipindjé jusqu’ à la tribu de Ouélis, toujours  dans  la station Laborderie , à 4 kilomètres de la grande station Laborderie,
  A noter que, quoi qu’en aient dit les militaires postés  sur la rive droite,   la rivière Oué Hava  n’est guère profonde au niveau des propriétés Grassin et Papin et qu’elle y  est guéable  à pied presque sec à marée basse. C’est sur la rive gauche que se trouvaient la propriété Grassin, la maison secondaire de Papin bâtie sur la propriété Grassin, et , bien en aval, à 4 kilomètres,  la grande station Laborderie. Sur la rive droite  de la Oué Hava se trouvait, sur la propriété de Papin, son habitation originelle  . Sur la rive gauche de la Hienghène, se trouvait une autre habitation des Laborderie,  près de Galnida et Biganda, nom altéré par le colonel Curicque, royaliste, héritier par sa femme née Fouchier –Laborderie  dont la femme de Albert  Etuvé,fils de Mademoiselle Etuvé,  homme de droite, ongtemps secrétaire de l’assemblée,puis  président du Congrès (sa femme travaillait sous ses ordres à l’Assemblée territoriale) et membre de la SEHNC (héritière avec d’autres comme les Decize, les Coutant, la femme de Maître Rolland et celle de Ferrand, l’adjoint au maire de Nouméa), en Puiganda, de façon à  pouvoir faire de grotesques  armoiries : un puits, un gant et la moitié d’un cheval ou dada. .
Le piège du 10 février 1917, à un moment où il n’y a pas de rébellion, mais où paraît l’article du Bulletin du commerce : l’arrestation du petit chef de la Oué Hava, Tiéou, chez mon grand-père, en présence de ma mère et de son frère, militaire en permission en temps de guerre.
Roger Grassin faisait son service militaire à Nouméa et il eut la bonne surprise de recevoir une permission qu’il n’avait pas sollicitée, mais qui avait été demandée pour lui afin qu’il puisse se rendre chez ses parents. Le piège, dès lors,  était en place. Le gendarme de Touho Saint-Martin, ami de Laborderie qui avait aussi été gendarme à Touho,  décida, à l’instigation de Néa, cette arrestation pour une broutille: refus de Tiéou, le petit chef de Oué Hava, de fournir des hommes au géomètre  et  refus  de  se rendre à la gendarmerie de Touho pour en rendre compte. Néa savait bien qu’il se rendait fréquemment au commerce voisin  de Henri Grassin, en qui il avait confiance. Chez Henri Grassin, le gendarme exigea l’aide du militaire Roger Grassin qui se trouvait sur les lieux afin d’arrêter le chef, de façon à compromettre le colon aux yeux des indigènes. Mais Tiéou, au bout d’une quinzaine de jours, fut seulement  exilé à l’île des Pins où il demeura pendant toute la rébellion et, comme par hasard, il  ne fut jamais interrogé au procès.   Kavéat , lui, ne s’y est pas trompé et il  a déclaré au  colon libre Petrus  Poulet de Hienghène : « Néa veut être le chef de toute la Tipindjé et c’est pour cette raison qu’il a fait « emboîter » (mettre en « carabousse », en prison) Tiéou. Grassin, c’est colon. Pas gendarme, pas police », niant tout complot dans lequel Henri Grassin aurait trempé pour arrêter Tiéou (Pourquoi d’ailleurs ?). C’est en effet le chef de Ouanach, Néa, qui, complice de Saint-Martin, conduisit l’infortuné Tiéou chez mon grand-père, une scène à laquelle assistait ma mère qui, terrorisée par le bruit, se cacha dans le grenier. Au procès, Néa déclare : « Thiéou avait reçu l’ordre de l’administration (du gendarme de Touho , Saint –Martin) de fournir des hommes au géomètre et comme il ne répondit pas aux convocations des gendarmes, son arrestation fut décidée (par qui ? bien évidemment, par Saint-Martin à l’instigation de Néa). Elle eut lieu chez Grassin, chez lequel il [Thiéou] avait été conduit par lui [ Néa]. Le chef Thiéou a été arrêté et lié, puis il fut conduit à la gendarmerie de Touho,  par le gendarme Traynard (subordonné de Saint-Martin).Les indigènes de Oué Hava étaient accourus pour délivrer leur chef, mais lui, Néa, les en empêcha. » Henri Grassin n’intervient pas dans cette arrestation. Saint-Martin requiert le militaire Roger Grassin, fils de Henri Grassin, en permission en temps de guerre, et qui ne peut donc refuser d’obéir,  refuser d’aider le gendarme Traynard  à faire monter Thiéou  sur un cheval. Selon le Bulletin du commerce du 29 août 1919, rapportant la déclaration du gendarme Saint-Martin : « C’est lui [Saint-Martin], qui, à la requête des colons (pluriel de majesté pour le seul Laborderie et non pas Grassin ni Papin ; en réalité, Néa], a demandé l’exil [à l’île des Pins] de Thiéou ». Le gendarme Saint-Martin n’hésite d’ailleurs pas un seul instant sur le responsable du massacre des Grassin et de Papin : il nomme Néa, l’homme qui a tendu la souricière à Thiéou.
La collusion du gendarme de Touho, Saint-Martin,  et de Laborderie.
C’est à Biganda , à Hienghène, chez Laborderie, que , après l’arrestation de Thiéou, le gendarme de Touho , Saint-Martin, passa quelques jours et rendit compte de l’opération à celui qui l’avait commanditée.
Le sort de ma mère
Tandis que Roger Grassin faisait son service militaire à Nouméa et par conséquent ne craignait rien, mon grand-père fut prévenu de l’imminence d’une attaque par la sœur de Kaveat , le  grand chef resté païen de la tribu catholique de Ouenkout,  savoir Madame Guillemard, née Kavéat. Si l’on avait vraiment cherché la vérité au procès, on aurait dû interroger la sœur de Kavéat, qui parlait un excellent français  et son époux M. Guillemard.
  Le 9 juin, la station Gros à Neouyo , dont M. Guillemard était le gérant,  fut attaquée par  Noël et incendiée par la tribu de Tiamou (Koné), mais son gérant,  Guillemard , averti par son beau-frère Kaveat,  eut le temps de fuir. Les hommes de Noël dévoilèrent le plan de leur chef et révélèrent  aux deux femmes autochtones qui étaient restées, notamment Madame Guilllemard , qui parlait leur langue,  la prochaine cible qu’on leur avait fixée  : les Grassin et Papin à Oué Hava. A pied, Madame Guillemard qui avait reçu des instructions de son mari se rendit des environs de Neouyo à Oué Hava pour prévenir Henri Grassin. Elle arriva dans l’après-midi  du  15 juin, la veille des meurtres.  Mais mon grand-père se  refusa à quitter sa plantation, d’abord parce qu’il avait confiance en général dans les Mélanésiens dont il se savait aimé, en particulier dans ceux de la tribu de Oué Hava : n’avait-il pas pris leur défense contre Laborderie à propos de la divagation du bétail sur leurs terres ? De plus, il bénéficiait de la protection du  grand chef de Ouenkout, Kavéat. Devait jouer aussi la  peur que sa propriété ne fût incendiée comme l’avait été, entre autres,   la station Gros,  car la saison de la récolte du café battait son plein et il avait racheté la récolte de son voisin Jules Jauneau, né en 1880,   appelé à Nouméa pour faire son service militaire. Madame Guillemard, née Kavéat, lui dit : « Puisque vous ne voulez pas partir, laissez-moi au moins la  petite Marguerite. »  C’est ainsi  une femme mélanésienne de la tribu de Oueenkout  qui sauva ma mère. La veille du massacre, à la fin de l’après- midi,  Madame Guillemard et ma mère longèrent la rivière  pour se rendre à pied à la station Laborderie, à 4 kilomètres environ.
  C’est là  qu’un soldat dit  à ma mère, le 16 juin, sans ménagement : « Ton père et ta mère ont été tués. »
Que faire de l’orpheline ? Les Laborderie , qui n’avaient pas d’enfant, proposèrent de l’adopter. A quoi se récrièrent avec indignation les amis de la famille : un colon libre de Ponerihouen,  Paul Bloc, né à Montpellier,  et Eugène Ragot, colon d’origine réunionnaise installé à Tiouandé. Il fut créé un conseil de famille qui décida de confier l’orpheline à Mademoiselle Gabrielle Ragot (qui tint longtemps le General Store à Nouméa) durant l’année scolaire et à Paul Bloc pendant les vacances scolaires. Le conseil général vota une bourse octroyée à Mademoiselle Gabrielle Ragot.
Le 16 juin 1917, de bon matin, un jeune que Monsieur  et Madame Grassin connaissaient et dont ils ne se méfiaient pas, un  familier du magasin, vint demander à Madame Grassin où était son mari. Elle le lui dit ; alors  les rebelles, qui étaient embusqués, sortirent de leur cachette et tuèrent Henri Grassin de deux coups de feu, puis Madame Grassin, d’un coup de tamioc à la tête, puis au cou.. C’est le fils de Madame Grassin  qui retrouva le cadavre de sa mère,qui avait été déplacé,  vingt jours plus tard.
 PV de gendarmerie du 5 juillet 1917 (Hienghène) constatant la découverte et l’inhumation de Madame Grassin, tuée le 16 juin 1917 par les indigènes rebelles
« Comme suite aux PV numéros  28 et 29 de notre brigade  en date des 19 et 28 juin dernier relatifs au meurtre des époux Grassin, le 3 juillet, vers 17 heures,étant en notre caserne,  le Capitaine Sicard, commandant de la section volante cantonnée chez M . Laborderie à Tipindjé nous a prévenu par téléphone que le cadavre de Madame Grassin avait été découvert à environ 300 mètres de son habitation par des hommes rentrant de reconnaissance dans la vallée de Oué-Hava [le gendarme ne mentionne pas le fait que c’est Roger Grassin,  le fils de la victime, faisant son service militaire, qui a découvert le corps de sa mère , Clémence  Maloisel, née le 15 février 1866 à Saint-Pierre-sur-Dives (Calvados), qui s’était mariée  avec François Henri  Grassin  le 26 juin 1886 à Tours ; elle travaillait comme dévideuse de cocon à la même soierie de Saint-Symphorien que son mari.  Clémence avait 35 ans à son arrivée en Nouvelle-Calédonie en 1901 et 51 ans à sa mort en 1917. Elle eut  deux enfants : Roger, né à Tours le 29 avril 1893 et mort à Plum  le 1er juillet 1965, venu avec ses parents en Nouvelle-Calédonie à l’âge de 8 ans et Marguerite, ma mère, devenue orpheline à 9 ans, seule européenne avec Lucien Jauneau à être née à Oué Hava et à avoir été déclarée au centre d’état-civil de Tipindjé tenu par son père, le 6 novembre 1907. Lucien Jauneau devait, lui, être déclaré à
Hienghène. ]
« Hier, 4 juillet, nous nous sommes aussitôt rendus à Tipindjé où 19 hommes de troupe [dont Roger Grassin],  mis à notre disposition  par le Capitaine Sicard, nous ont accompagné sur les lieux du meurtre sis dans la vallée de Haute-Tipindjé.
Là, à environ 300 mètres de l’habitation Grassin et à 15 mètres à gauche du sentier qui conduit à la tribu de Oué-Hava , nous constatons que le cadavre, que nous reconnaissons pour être celui de Madame Grassin (formule traditionnelle  que rien ne justifie, sauf la vraisemblance , comme : « Le docteur  Livingstone, je présume ? », à moins que le nous n’englobe le fils de la victime, présent,  que le gendarme ne nomme jamais), est dans un état complet de putréfaction. Il est couché sur le dos, les jambes allongées et jointes, les bras allongés le long du corps, la tête légèrement penchée à gauche, dépourvue de chairs et du cuir chevelu, Une tresse de cheveux grisâtres existe sur place. La tête nous semble sectionnée, sans que nous puissions être affirmatif sur ce point, car elle se détache très facilement du tronc et ne porte aucune trace de fracture ; la mâchoire inférieure est détachée. Les membres, dépourvus de chair [il s’agit  de l’enlèvement des chairs des membres aux fins de cannibalisme],  sont intacts, apparents sous les effets. Elle est nu-pied [elle a perdu ses sabot dans le transport de son cadavre et  on retrouvera le sabot du pied droit], portant des bas noirs, une jupe courte à carreaux rouges et noirs et un corsage noirâtre boutonné sur le devant. Près du bras droit existe un tablier de femme à points grisâtres portant deux empreintes  de pied recouvertes de poussière. Aux alentours de ce cadavre, les herbes sont souillées, mais nous ne relevons aucune trace de sang. Sur le côté droit du sentier, à 20 mètres du cadavre, au pied d’un cocotier, nous retrouvons un sabot de femme du côté droit.
  « Nos constatations terminées, nous avons requis M. Laborderie, propriétaire à Tipindjé, de mettre à notre disposition le personnel nécessaire pour l’inhumation de ce cadavre, ce qui a été fait en notre présence [par la suite,  il sera transporté sur un terrain généreusement prêté par Eugène Ragot à Tiouande,  où sera bâti  le  monument qui abritera les  victimes].
 « Avant d’évacuer la vallée de Haute- Tipindjé, nous nous sommes rendu à l’habitation Jauneau, où nous avons constaté que depuis notre dernière enquête [le 16 juin] (P.V. 329) un nouveau feu avait été allumé [le 17 juin] dans la chambre à coucher de ce local.Tous les ouvrages de lecture, journaux etc., etc. sont réduits en cendres. Le bâtiment  lui-même  reste intact, sauf les déprédations relatées précédemment…Signé Chapdeville. »
Le cannibalisme dont témoigne l’état du cadavre  appelle de ma part certaines réflexions. Il s’agit d’un cannibalisme très particulier, dont on retrouve la trace dans les Asturties à l’intérieur de la grotte d’El Sidron : le cannibalisme des hommes de Néanderthal. En effet, les joues humaines  (cf les joues de porc) seraient un morceau très friand, mais il oblige à découper les maxillaires. La chair des  membres, la tête coupée sont  moins caractéristiques.
 Des conscrits polynésiens  postés sur la rive droite de la Oué Hava racontèrent qu’ils avaient vu de l’autre côté de la rivière, sur la rive gauche, Madame Grassin entre deux Canaques qui l’entraînaient. Ces militaires étaient sur la rive droite de la Oué Hava et ils ont prétendu ne pouvoir la traverser, étant donné sa profondeur, ce qui est faux. La terreur leur a fait trouver ce prétexte.
Observations sur le PV.
Le corps est disposé de façon bien trop ordonnée  pour qu’il ne s’agisse pas de mise en scène. Comment, d’ailleurs,  aurait-on pu lever la chair des membres en laissant en place les vêtements ? Comment se fait-il qu’il n’y ait pas de sang sur l’herbe à côté du corps, bien que l’herbe ait été « souillée » par des organes ? Elle a été tuée et dépecée ailleurs, à l’endroit où se trouvait le second sabot, celui que précisément on n’a pas retrouvé.  Pourquoi son cadavre  a-t-il  été charrié sur 300 mètres par deux canaques, Paraoui et Mangou Khella (scène  aperçue  par les Tahitiens), à l’endroit où son fils l’a retrouvé ? Vraisemblablement, son cadavre a été déposé sur le sentier de la tribu de Oue Hava pour  impliquer celle-ci et pour faire croire qu’elle était l’auteur de l’assassinat, elle qui aurait voulu, prétendaient les rebelles,  se venger de l’humiliation de l’arrestation  de son chef Thiéou. Ruse, feinte et fourberie intercanaques.
Le scénario du meurtre peut être rétabli ainsi : dans la maison,  ma grand-mère reçut un premier coup de tamioc (tomahawk, hachette, machette) à la tête qui la scalpa et la tua ou du moins lui fit perdre connaissance. Un second coup de tamioc la décapita ou peu s’en faut, la tête tenant encore au cou. Le sang a dû se répandre dans la maison.
A propos du tablier déposé à côté d’elle,  on peut supposer que nos  deux  Canaques superstitieux, qui étaient des  étrangers sur le territoire de la tribu de Oué Hava où ils avaient transporté le corps en perdant les deux sabots et en étant aperçus par les militaires tahitiens figés de l’autre côté de la rivière, soient allés chercher un bout d’étoffe, un tablier en vente, dans la maison où ils avaient mis le feu ?  Un des deux  canaques l’a déplié à côté de son cadavre et a  posé ses  pieds poussiéreux sur le tablier afin que ses pieds  n’aient pas  de contact tellurique avec une terre qu’il avait souillée par le dépeçage cannibalique  et qui, pour son esprit primitif, pouvait vouloir se venger.  De là les traces de ses deux pieds sur le tablier, qui ont été laissées tandis qu’il se penchait sur la morte pour briser la mâchoire inférieure et découper ses joues, ainsi que  pour enlever la chair de ses  bras et de ses  jambes.

Les assassins
 On ne sait pas avec certitude le nom de ceux qui ont assassiné ma grand-mère. Peut-être est-ce les mêmes que ceux qui, à coup de tomahawk (hachette, prononcer tamioc),  ont aussi décapité l’Indonésien Santaviredjo  au service de mes grands-parents, savoir Paraoui et Mangou Kella . « Un Javanais, qui travaillait pour Grassin, s’est  sauvé et a grimpé tout en haut d’un manguier. Ensuite les rebelles sont repartis…. » (Mwa Vee, bulletin n° 62,  le canaque oublie de dire qu’ « ensuite » un coup de tamioc régla son compte au Javanais) .
Qui a tué et dépecé Henri Grassin ? 
  C’est  le frère de Noël, Kaieu Poigny  Son neveu raconte (Mwa Vee, n°62) : « Les gens de Koné sont arrivés chez Kavéat [à Ouenkout, mais Kavéat n’y était plus]  et c’est de là ( [de Ouenkout] qu’ils sont partis  pour tuer du blanc à Oué Hava, le colon Grassin, qui était commerçant. Grassin était jaloux de Kavéat  à cause de sa femme «  [laquelle des quatre épouses du chef ? N’importe quoi !] Mon oncle jugeait Poigny  comme l’assassin de son père,  celui que Winchester tua, en janvier 1918, à Tiouandé où il était prisonnier.
 Quant à L. Papin, la scène du crime n’a pas eu lieu dans  sa maison officielle sur sa concession et sur la rive droite de la Oué Hava, mais dans  une maison secondaire plus proche de l’habitation de mon grand-père et qu’il avait bâtie sur la concession de mon grand-père,  avec son autorisation, sur la rive gauche de la Oué Hava. En effet, Ludovic Papin  avait été malade et dans l’incapacité d’appeler mes grands-parents à l’aide pendant une semaine et il avait failli en mourir (Voir Vie et mort de  Ludovic Papin chez les Canaques, L’Harmattan, 1999, -un émouvant recueil de lettres adressées par le colon à ses parents en métropole).Quand l’adjudant Bécu, de Biganda, le 16 juin, à 11 heures du matin, envoie un télégramme au gouverneur disant : « canaques de Laborderie ont entendu coups de feu (il n’y en a eu que deux) et gémissements (de Papin,ou du Javanais avant qu’ils ne soient décapités ? Peu vraisemblable, vu la distance !). Envoyé immédiatement sur les lieux deux caporaux (dont fils Letocart), dix hommes (des conscrits tahitiens).  Ont essuyé coups de feu avant d’atteindre maison en flammes (il s’agit de la première maison de Papin, celle où il n’était pas) ; ont riposté et poursuivirent les rebelles jusqu’à la rivière, puis rebelles introuvables. » Il se contentent d’observer et croient  apercevoir, sans intervenir,  sur  l’autre rive, deux canaques entraîner Madame Grassin.  .Il semble que ce soit Noël,  assisté de Poindet, le chef de Paola et de Netchaot ,   qui, après avoir insulté Papin et l’avoir  traité de « Lâche ! »,  l’ait  tué dans la seconde de ses maisons, près de celle de Grassin. .  
 Ils ont retiré le cœur de ces trois  victimes, Henri Grassin, Ludovic Papin et l’Indonésien afin de le manger cru, puis enlevé les foies et les rognons (testicules) afin de les faire partager au sorcier Paëtou.



Le sort de deux   responsables : le chef Noël et son frère Poigny.
Le 18 janvier 1918, Noël est décapité par son complice arabe à Koniambo. Le même mois, à Tiouandé, Winchester fait taire à jamais son frère Poigny.
Le sort de Kavéat , victime innocente  de l’insurrection.
Quant à Kaveat, son cadavre  décomposé a été reconnu,   le 16 février 1918,  dans un creek (ruisseau) : il en savait trop long, il devenait ainsi le bouc émissaire idéal et on peut penser que c’est Néa qui l’a fait  tuer. Kavéat avait déclaré au Père Murard         : « Je n’ai fait aucun mal aux européens. C’est à cause de Néa que je suis dans la brousse (que j’ai pris le maquis pour  fuir les autorités). Je descendrai [au bord de mer, je me rendrai aux autorités] quand Néa sera puni. »Ainsi disparaissent, presque en même temps,  trois  témoins bien gênants, Kavéat ,  Noël et Poigny . Sans jeu de mots, la rébellion est décapitée.


La tribu de Ouélis : revendications
Le leader canaque indépendantiste  Jean –Marie Tjibaou appartenait à la tribu catholique de Tiendanit. Son père, Ti Venceslas, m’a toujours assuré que sa tribu n’était pour rien, étant catholique, dans les troubles de 1917. Mais son fils avait besoin, lui, d’inventer un passé familial  de résistant à l’occupant .Aussi parla-t-il de sa mère, originaire de la tribu de Ouélis, tribu catholique   à 4 kilomètres environ de la propriété Laborderie et où les troupes étaient cantonnées : elle aurait été molestée , selon lui, par  l’armée.  Cela donna un amusant quiproquo : on peut lire dans Gabriel Païta, témoignage kanak, d’Opao au pays de la Nouvelle-Calédonie, 1929-1999, par les métropolitains  Jérôme Casaumayou et Thomas de Decker, L’Harmattan, 1999, que la mère de Tjibaou était wallisienne (de Wallis et Futuna), au lieu de wellisienne , de la tribu de Ouélis!

La pseudo- attaque de la station Ragot, le 16 juillet 1917, à Tiouandé.
 On raconte souvent que la station Ragot ou plus exactement l’habitation fondée par  Higginson à Tiouandé, d’où la rivière permet d’accéder à la tribu de Ouanach par de jolis arroyos bordés de  palétuviers,  fut attaquée par les hommes de Néa et leur chef, Néa. . Rien n’est plus inexact. La propriété de Tiouandé de 80 hectares, avec une maison de pierre construite vers 1900 par des libérés du bagne, avait fait partie des mille hectares d'une concession de Higginson .Ce grand homme d'affaire et entrepreneur de mines de nickel et autres minerais, né le 13 novembre 1839 à Itchen (Southampton), mort à Paris , 2e arrondissement,  le 24 octobre 1904,  l'avait louée à une Anglaise, Madame Wilson, et le père d'Eugène Ragot arrivé de la Réunion s'était lié d'amitié avec Higginson à Ouégoa, où il s'était installé au lieu-dit la Boulange, comme boulanger. Il lui acheta 80 hectares et l'habitation, ainsi qu'à Nouméa, rue de Sébastopol, une maison coloniale en bois . Eugène Ragot naquit d’ailleurs  à Ouégoa. Le chef protestant  de Ouanache . Nea , le père du conseiller territorial Néa Kiolet Galet,  était l’ami du  colon de Tiouandé , Eugène Ragot,  et vint en personne le prévenir que sa famille et lui-même devaient s’en aller, s’ils tenaient à leur vie  : Néa ne pourrait refuser d’attaquer la maison du colon vis-à-vis de ses hommes. Craignant le  pillage et l’incendie  de ses biens, Eugène Ragot hésita beaucoup  et  lui arracha la promesse de ne pas attenter à sa propriété.  Il s’en alla avec sa famille sur l’îlot Camille, ainsi appelé , après 1946, à cause du métis japonais ou plutôt d’Okinawa, Camille, né en 1926 à Touho,  fils de Koki  Miyagushiku alias Hokama  et de la veuve EmilieVolcy installée au bord de mer à Touho (Pouïou),  qui avait loué ce très joli  îlot. Lorsque Eugène Ragot, sa femme , ses deux fils et des Javanais à son service revinrent de l’îlot  Camille sur leur bateau, ils eurent la désagréable surprise de découvrir que  leur  habitation avait été pillée , contrairement aux engagements du chef Néa qu’ils croyaient leur ami. Dans mon enfance, Sarmina, la jolie  Javanaise qui avait participé au séjour forcé sur l’îlot,  m’a monté la  trace de plusieurs  « pieds de marmite », utilisés comme projectiles par les canaques,  dans un mur pourtant de  bonne épaisseur, à l’arrière de la grande habitation notamment, du côté de la rivière..
Cette mise au point a surtout le mérite de démontrer qu’incontestablement   le chef protestant de Ouanache, Néa, n’en déplaise au pasteur Leenhardt et aux protestants qui lui emboîtent le pas au mépris de la vérité, faisait bien partie d’une conspiration dont il était peut-être l’âme. . Leenhardt carus mihi est, sed veritas carior. Mais Néa n’a pas été condamné, si bien que les vrais coupables n’ont aucunement été inquiétés, pour la plus grande surprise des  accusés mélanésiens. « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »


Le monument érigé par la gauche calédonienne aux victimes de la rébellion canaque.
La gauche calédonienne animée par Florindo Paladini et par Paul Bloc lança une souscription à laquelle souscrivit Maître Bourdinat, défenseur pourtant des canaques prétendus insurgés, pour édifier , sur la propriété Ragot , au pied du Chapeau de Napoléon aux formes étranges, un monument qui abritât, après exhumation de la propriété Laborderie, les restes des victimes : Henri Grassin et son épouse, l’Indonésien nommé Santaviredjo employé par mon grand-père, Ludovic Papin,  le tahitien Eléazaramai  blessé par les rebelles et lâchement abandonné  par les militaires  à l’attaque contre Ouenkout, retrouvé dépecé par les indigènes aux fins de cannibalisme (le chef protestant rebelle Poindet , très important, a reçu sa portion de Eléazar )  et le fusillier-marin  quartier-maître Jean-Baptiste Marrec blessé par Atéou à l’attaque du Kopeto le 22 mai. Voici la version du neveu de Noël, Noël Tuai Gohoup dans la revue Mwa Vee, n° 62 : « le lendemain matin, les militaires sont retournés [à Ouenkout] pour récupérer le tahitien tué [seulement blessé en réalité, et agonisant], mais ils n’ont pas retrouvé son corps. Parce que les chefs de Koné et les autres  chefs rebelles étaient déjà passés, ils avaient tiré le cœur du Tahitien et l’avaient apporté à la chefferie de Ouenkout [par défi, son chef Kavéat n’y étant plus] : ils l’ont mangé cru [le cœur], et après ils ont fait le four avec les pierres, en bas à la rivière, et ils ont mis le corps dessus [pour le cuire et le manger]. »Bon appétit, Messieurs ! A l’instigation de Laborderie,conseiller général , à Biganda,  chez qui le quartier-maître Marec , seulement blessé au départ, était mort, on a  voulu, j’imagine, diminuer l hommage aux colons massacrés  , le seul justifié pourtant, en ajoutant sur le monument « et aux militaires », comme en prêtant une dernière phrase mémorable à ce Breton : « Dire que j’ai échappé aux balles des Boches sur l’Yser pour finir sous celles des canaques ! » .On ne comprend d’ailleurs pas comment  il a pu être distrait du front où , en 1917, on avait besoin de lui plus qu’en Calédonie. Or, malgré l’emphase de ce pluriel (et les militaires de carrière avaient brillé par leur lâcheté)  deux militaires seulement dont un conscrit, savoir le quartier-maître Marec et le conscrit polynésien Eléazaramai  , ont  péri  et été inhumés  près du  mausolée.
 Ma mère, vers 1950, étant la seule descendante des victimes en Calédonie, fut alertée par l’état de desagrégation du monument : les ossements et les crânes  de ses parents et de L. Papin en avaient été sortis. Elle fit,  à ses frais,   refaire le bas du monument. En ajoutant les noms de Vouta (gérant de la station Bardet de la Forêt plate, « disparu » le 18 mai 1917, c’est-à-dire dépecé et mangé), Bousquet père et fils, le 22 mai,  propriétaires d’une station d’élevage à la Forêt plate à 5 kilomètres de la station Bardet, pourtant bien vu des Canaques comme H. Grassin, ainsi que Baudouin,  le 23 mai 1917,Clément « disparu », c’est-à-dire dévoré,   un Japonais gardien de la mine  de Kopeto nommé Yanomine,  on obtient le total approximatif des morts tués par les rebelles, soit 9 européens,  un Indonésien, un Tahitien ,  un Japonais, soit une douzaine au total, ce qui est peu pour ce qu’on appelle emphatiquement une « rébellion ».



Les sources livresques, nulles ou orientées (protestantes), et en tout cas à prendre avec des pincettes (indépendantistes , métropolitaines et étrangères)
Epais dossier possédé par  l’Administration Générale, riche en factures de lacets de chaussures, etc.  mais peu intéressant. Le gouverneur Repiquet , devant l’incurie des militaires de carrière en général, des « planqués »  et d’un adjudant nommé  Bécu en particulier, fut contraint de confier aux civils calédoniens et surtout au géomètre le soin de rétablir l’ordre. En lisant le notes du géomètre Ratzel, publiées par la S.E. H. N.C. ;  intelligent et courageux qui, avec le géomètre Ratzel (notes publiées  par la SEHNC),  on s’aperçoit qu’en arrivant dans chaque tribu le géomètre s’interroge sur ses sentiments réels   sans pouvoir déterminer sa participation ou non aux événements. En réalité, les tribus visitées n’ont pas participé à l’agitation.
  Mérite une mention spéciale  le numéro 62, 2008, de la revue indépendantiste  Mwa vee.  Photos, nombreux articles de chercheurs, néo-zélandais (Suckle) et autres. Abondante bibliographie (j’y suis même cité) avec un complément.
  Mademoiselle Christophe, qui avait été mon élève en français en classe de Première, a fait un DES consacré à la rébellion de 1917. Elle était venue me voir et je lui avais indiqué mes articles en les lui expliquant clairement. Elle n’en a tenu aucun compte, et n’a pas exposé ma version des faits, fût-ce pour la réfuter. J’ignore pour quelles raisons.
 D’autre part, citons :
 le protestant Jacques Vasseur, «  Maurice Leenhardt et la rébellion de 1917 en Nouvelle-Calédonie »  , Année   1985,   Volume   41   Numéro   81 pp,   241-274 ;
le protestant Jean Guiart qui dirige la revue Etudes mélanésiennes et le Journal des Océaniens (par exemple, « Les événements de 1917 en Nouvelle-Calédonie », 1970, vol. 26, numéro 29, p.265-289 ou bien « Procès de la rébellion de 1917 » , année   1978   volume   34   numéro   58-59   pp. 37- 42 ) . Il a publié divers articles sur le sujet,  dont les notes prises par son maître Leenhardt au procès des rebelles. Elles n’apportent rien par rapport au texte publié par Henri Legras dans le Bulletin du Commerce.
Est-ce que ma mère et son frère  ont  été indemnisés  par les contribuables pour l’incendie de la propriété de ses parents, alors que le milliardaire Guiart a demandé aux contribuables de l’indemniser pour de menues  dégradations commises lors des événements calédoniens sur la maison au cœur de Nouméa, dont il avait hérité de Calimbre grâce à sa seconde femme ? Guiart m’en veut parce qu’il m’accuse d’être l’auteur d’un pamphlet politique contre lui , paru en juillet 1967 dans le journal de son beau-frère Maurice Lenormand, savoir L’Avenir calédonien, organe du parti l’Union calédonienne, combattu par Guiart lors de diverses élections. Etait-ce une raison pour défigurer l’histoire et pour s’en prendre à ma mère ? Il écrit dans un de ses articles que le massacre des Grassin aurait été un détail sans importance, si leur fille n’était pas devenue Madame Griscelli, inculquant à son fils « la peur des canaques » qui aurait été, selon lui, la sienne, elle qu’aussi bien une mélanésienne avait sauvée. Il est curieux d’observer que  j’ai été élu sur la côte est avec des canaques, succédant à mon père, qui lui aussi fut un élu de cette circonscription (dans le journal Civisme, on pouvait lire : « Comment M. Antoine Griscelli [mon père , et on pourrait en dire autant de moi],bien placé par sa femme pour connaître les atrocités des canaques, peut-il participer à ce mouvement de l’Union Calédonienne ? »), et   qui, volontaire engagé dans le Bataillon du Pacifique, fut le directeur  des écoles autochtones et les développa.
Dernier détail qui montre le peu de  crédibilité de Jean Guiart : Journal des Océanistes, 1978, volume 34, numéro 58-59 : « En 1953, [au moment des fêtes du Centenaire, une rumeur de  descente des Canaques sur Nouméa] avait créé tant de panique qu’une nuit, les filles de l’orphelinat européen de Nouméa quittèrent leur dortoir pour se répandre dans les rues de Nouméa, la nuit, criant : « Les canaques arrivent ! » La directrice de l’orphelinat était la fille des Grassin. » Signé Jean Guiart.  La vérité est que mes parents étaient, cette année –là,  en congé en métropole et que la directrice de l’internat était alors Mademoiselle Vergès, à laquelle ma mère ne succéda qu’en 1955. Il n’y eut d’ailleurs  aucun incident de genre. De plus, l’internat n’était nullement réservé aux européens. Guiart a pris son modèle dans un récit du Bulletin du commerce (6 et 7 avril 1917 et détails dans le numéro du 21 août), relatant une panique à Koné : « Les Kanaks, voilà les Kanaks ! C’est la femme du brigadier de gendarmerie qui, d’après les récits du temps, semble avoir donné l’alarme. Des Kanaks à Koné, cela n’a rien de bien étonnant. Mais ceux-ci ont un aspect  inquiétant. Ils sont peu nombreux (35, disent les témoins), mais ils agitent des haches et des sagaïes, et ils se sont frottés de noix de bancoul [pourtant, un arbre qui n’a rien de traditionnel, puisqu’il a été introduit par les Européens !), qui donne à la peau une belle couleur noire [plus belle que la couleur noire naturelle ?] : c’est la peinture de guerre. »





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