mercredi 4 octobre 2017

Deux fausses pistes dont celle du survivant du détroit de Torrès (à la mode) et l’origine d’une rumeur concernant les survivants de l’expédition Lapérouse.

Deux fausses pistes et l’origine d’une rumeur concernant les survivants de l’expédition Lapérouse.

1)            Une  fausse piste : le survivant du détroit de Torrès ou Endeavour channel, entre la Nouvelle-Guinée et l’Australie.
Rappelons d’abord qu’au début du XIX e siècle trois navires français voguent dans les parages de l’Australie : le Géographe et le Naturaliste de l’expédition Baudin (1801) et la Casuarina de Freycinet qui les rejoint. De plus, la traversée de ce détroit très dangereux permettait de joindre le comptoir portugais de Timor, avant-poste isolé de la civilisation occidentale et chrétienne. Il y a 10 îles au moins, au nom variable, à l’entrée du détroit :Warmwax, Bristow, Dalrymple, Rennell, Retour, Cornwallis, Talbot , Delivrance, et Murray (ce n’est  pas , malgré les apparences, un  nom d’origine anglaise) ou plutôt Mairee, ou  Merae  ou  Mer. Ajoutons Daxar, XWa ier, Tod ou Tudu (ou Warrior island au centre), Naghir, Erub ou Damley au nord-ouest de Murray,  Quoin island, Fisson, Eel Reefs , où , à la mi-1814, eut lieu le naufrage du Morning Star  avec à bord le  lascar de Calcutta  Shaik Jumaul , dit Sumoon. C’est sur Todu (altération probable du nom de Baudin) qu’on aurait aperçu une boussole  et plusieurs pistolets, -c’est donc entre Todu et Naghir que le survivant  a partagé son temps, -tandis qu’à Mairee on aurait vu 2 sabres et  des  chiens d’origine européenne .
A-T -ON  DES NOUVELLES DE M. DE LAPEROUSE  (paroles prêtées à  Louis XVI peu d’instants avant de monter à la guillotine) ?
De M. de Lapérouse  non. Mais d’un   mousse surnuméraire de l’Astrolabe, originaire de Tréguier (Côtes-d’Armor),  François Mordelle, oui, selon l’universitaire australien Garrick Hitchcock (2017): Manuscript XXXII The Final Fate of the La Pérouse Expedition?The 1818 Account of Shaik Jumaul, A Lascar Castaway in Torres Strait, The Journal of
Pacific History, DOI: 10.1080/00223344.2017.1335370, publié en ligne le 29 août 2017.
En réalité, l’affaire n’est pas nouvelle depuis l’information donnée dans son Supplément par The Madras Courrier du 29 décembre 1818. Dans Au-delà d’un naufrage, Les survivants de l’expédition Lapérouse, de Jean-Christophe Galipaud et Valérie Jauneau, mai 2012, p.226, sous le titre Les rumeurs s’intensifient, on peut lire : « avant la localisation du naufrage au sud des Salomon, d’autres récits circulent sur le  passage de survivants français de l’expédition Lapérouse  au nord de l’Australie et au nord des Salomon. Un journal anglais, publié en octobre 1819,  raconte les aventures d’un Indien contraint de vivre dans l’île de Murray, aux Torrès, après le naufrage de son bateau, l’Etoile du Matin. Pendant ce séjour forcé de plusieurs années aux côtés des insulaires, le Lascar Shaïk Djamal affirme avoir vu  des fusils, une boussole marine ,   des sabres et même une montre en or dans l’île de Todd [ou Tudu ou île du Guerrier]. L’ancien employé de la compagnie des Indes orientales parle de son expérience à l’équipage du bateau  qui vient de le secourir, la Claudine, et livre des informations détenues par les indigènes .Ils lui ont appris qu’un bateau avait naufragé près de leur île, trente ans auparavant, et que ses passagers, des Blancs, avaient été massacrés lors de leur descente à terre .Une partie de ces hommes, aux vêtements bleus, aurait fui vers une île voisine et rencontré le même sort funeste. La tradition  orale rapporte encore que seul un enfant aurait eu la vie sauve après s’être échappé à bord d ‘un canot avec deux jeunes filles .Comme dans le cas de la rumeur sur Lepaute d’Agelet, il apparaît délicat de se fier à ce témoignage qui mélange visiblement plusieurs récits  se rapportant à ce détroit redouté des navigateurs. »



Ci-dessus, l’’île Murray (photo datant de 2016 prise  par Garrick Hitchcock.



François Mordelle, de Tréguier, mousse à bord de  l'Astrolabe. serait, selon l’universitaire australien, le jeune homme échappé . En effet, les vêtements bleus peuvent être ceux d’un matelot français de l’époque,  comme ces armes dont le Lascar nous dit qu’elles n’étaient pas de type anglais. La Dépêche du Midi , le Journal de bord d’Albi (numéro 73, d’automne 2017)ont repris cette rumeur qui s’est répandue dans les médias comme  une traînée de poudre .
  Mais, parmi les autres navires français passant dans ce détroit au début du XIX e  siècle, il y a les deux navires de l’explorateur français  bien méconnu  Nicolas Baudin, le Naturaliste et le Géographe, qui nous a laissé la première carte d’ensemble de l’Australie. On pourrait alors songer, plutôt qu’à  François Mordelle, à n’importe  lequel des 17 mousses du Naturaliste, ou bien surtout, en raison du boîtier doré de montre  avec un verre démodé qui suppose un état de fortune supérieur à celui d’un simple mousse, à Timothée Armand Thomas Joseph Ambroise  Vasse, né le 27 février 1774 à Dieppe, alors âgé de 26 ans, matelot, gabier de seconde classe du Naturaliste.
Thomas Vasse.
Baudin, qui avait quitté le Havre le 19 octobre 1800, explora l'Australie à partir de  juillet 1801.  Sur Internet, on peut lire ,  à propos de Vasse « Il fut laissé pour mort au large de l’Australie le 8 juin 1801, mais aurait peut-être échappé à la noyade et survécu quelque temps sur les côtes de ce qui est aujourd’hui l’Australie occidentale selon plusieurs témoignages d’aborigènes. »  L’arrière-petit-neveu de TimothéeThomas Vasse , ancien élève de l’ENA et créateur de l’Association France- Australie  , a fait paraître en 2001 , pour le bicentenaire de l’expédition Baudin , une oeuvre initiatique somptueuse , dans la ligne du Jean Mariotti de La conquête du Séjour paisible,, mais se rapportant non plus au canaque, Poindi, mais à son propre  ancêtre métamorphosé en aborigène :  Wonnerup, La Dune sacrée qui décrit la vie de T. Vasse au sein d’une tribu australienne (« Wonnerup Vasse »  étant le nom d’un estuaire australien de l’Australie occidentale, ainsi nommé vers 1830 en l’honneur du navigateur français) .
On raconte qu’il était descendu à terre en compagnie d’autres hommes à la baie du Géographe  au sud -est de l’Australie Occidentale ,près de la ville actuelle de Busselton et du cap Leeuwin ,à des fins exploratoires , avec ses savants ; que la nuit, par vent de tempête, il voulut regagner le bord du Naturaliste . C’est alors qu’il disparut et qu’on le supposa noyé, alors que c’était un excellent nageur. Peron dans Voyage aux terres australes  (1807) écrit , p ;98 sqq.: « [le 8 juin 1801] ce qu’il y eut de plus déplorable dans ce dernier désastre,ce fut  la perte d’un des meilleurs matelots du Naturaliste.le nommé Vasse, de la ville de Dieppe.En,traîné trois fois par les vagues au moment où il cherchait à se rembarquer, il disparut au milieu d’elles sans qu’il fût possible de lui porter aucun secours, ou même de s’assurer de sa mort, tant la violence des flots était grande alors, tant l’obscurité de la nuit était profonde. Cependant, toutes les circonstances se réunissant pour rendre cette mort inévitable, aucun individu de l’expédition  ne con,servait le moindre doute à cet égard, lorsqu’un article reproduit dans tous les journaux français vint fixer l’intérêt et rappeler l’espoir dans le cœur de ses compagnons .
« On assurait danscet article qu’échappé comme par miracle à la fureur des flots, Vasse, après le dé^part des deux navires,s’était joint aux sauvages de cetyte partie de la terre de Leeuwin (le lion en hollandais, nom du navire qui le premier le découvrit),avait adopté leurs mœurs, appris leur langage , et qu’il avait ainsi passé deux ou trois ans avec eux ; puis, sans expliquer en rien la chose, on le faisait rencontrer àtrois ou quatre cent lieues dans le sud de son naufrage, par un bâtiùent américain , à bord duquel il avait été reçu, et quelque temps après arrêté par un croiseur anglais : on ajoutait même qu’il venait d’arriver en Angleterre où, contre le droit des gens,il se trouvait détenu. Quelque invraisemblable que pût être une aventure de ce genre , nous ne crûmes pas , cependant devoir, MM. Freycinet, Lesueur et moi, négliger cette rumeur publique, et nous nous empressâmes d’appeler l’attention du Ministère sur un événement qui, sous tous les rapports,aurait été d’un si grand intérêt, s’il eût été véritable ; malheureusement,cette douce erreur se trouve détruite par le résultat des recherches ordonnées à cet égard par Son Excellence le ministre de la Marine ; tous les détails de l’article concernant l’infortuné Vasse sont controuvés. »
L’objectivité doit nous amener à dire que Vasse avait à sa disposition les objets abandonnés par les savants précipitamment rembarqués en raison de la tempête : « indépendamment de la chaloupe, écrit Péron, on avait été contraint d’abandonner sur le rivage une trentaine  de fusils,beaucoup de sabres,de pistolets, deux espingoles, un baril de poudre, beaucoup de cartouches, toute la voilure de la chaloupe, tous les cordages, les tonneaux,les palans, les caliornes [gros palans]  apportés successivement pour la déséchouer, outre une petite quantité de vivres, ainsi qu’un excellent chien de chasse. »
Enfin le lieu était fréquenté à cette saison de baleines que, deux jours plus tard, Péron  aperçoit : « le 10, nous eûmes  la vue de plusieurs grosses baleines qui se jouaient au milieu des flots courroucés » et par conséquent de baleiniers américains ; Vasse avait vis-à-vis d’eux de quoi monnayer son passage avec la chaloupe,  les palans, sabres et pistolets divers. Il n’a pas attendu longtemps pour laisser les sauvages et embarquer sur ces baleiniers qui se rendaient à Coupang, sur le comptoir portugais de Timor, après avoir franchi le détroit de Torrès entre la Papouasie et l’Australie. Malheureusement pour Vasse, son baleinier fit naufrage dans l’archipel Murray de ce détroit. Il réussit à s’échapper encore une fois. Il  épousa la fille du chef de l’île de Naghir , au sud-ouest de Todd (île du Mont Ennel) et s’enfuit avec elle : ici on perd sa trace .On voit ce qu’il y avait de vrai dans l’article cité par Peron et comment l’Endeavour Channel, le chenal de l’Endeavour entre la Papouasie et l’Australie découvert par Cook et auquel on donna le nom de son bâtiment, est devenu le Channel, la Manche, par incompréhension ! 
 Le survivant du détroit de Torrès est donc , selon moi,, Vasse et n’a rien à voir avec Lapérouse. .Le boîtier doré d’une montre d’un modèle ancien aperçu à Tod peut lui avoir appartenu, ce qui est  moins étonnant que pour un mousse. De même, les deux sabres, le vêtement de laine bleue, typique des matelots français à l’époque, vus à murray , les espingoles et pistolets abandonnés par l’expédition Baudin sur la plage, la boussole laissée par les savants du naturaliste et récupérés par Vasse,  et même le chien de chasse   se sont retrouvés dans le détroit de Torrès. De même, le demi- dollar d’argent trahit la présence d’un baleinier américain et non pas la présence d’un mousse de Lapérouse.
Telle est sans doute la raison pour laquelle  Jean Guillou .dans Lapérouse …et après, Dernières nouvelles du mystère de l’Astrolabe (2011), consacré aux survivants de l’expédition Lapérouse  n’en fait pas état, alors qu’il se soucie très sérieusement du chirurgien –major de l’Astrolabe,  Simon Lavo, le seul survivant dont l’existence soit assurée dans les îles de l’Amirauté.   
2  Une autre  fausse piste, liée à la première : l’épave de Temple island au nord de  la côte oust de l’Australie.
Jean Guillou, dans Moi, Jean Guillou, second chirurgien de l’Astrolabe, s’est penché sur les restes découverts  près de Temple Island, sur le cap Pamerston , en Australie sur une côte déserte (la ville de Mackay où Jean Guillou s’est rendu en personne  n’existait pas encore), le nord de la  côte ouest ,  aperçus en 1802 par Flinders. Ce sont les restes d’une chaloupe en chêne européen, avec des trous prêts à recevoir des chevilles : les trous de chevilles dénotent que les planches ont servi à  une construction antérieure. Jean Guillou  a attribué cette épave mystérieuse à des survivants de l’expédition  Lapérouse, mais il se peut qu’elle provienne d’un baleinier américain qui, après avoir pris à son bord Vasse  et probablement récupéré  la chaloupe abandonnée par l’expédition Baudin , perdit une chaloupe sur cette côte avant de  faire  naufrage dans le détroit de Torrès ou Endeavour channel, entre la Nouvelle-Guinée et l’Australie.

3) L’origine vraisemblable de la rumeur tenace concernant Lepaute d’Agelet, astronome de la Boussole.
Dès 1795, un ouvrage anonyme, Découvertes dans la mer du Sud : Nouvelles deM. de La Peyrouse jusqu’en 1794. Traces de son passage trouvées en diverses îles de l’Océan Pacifique ; grande île peuplée d’émigrés français. Paris : Everat. Imprimeur libraire, n°3 , rue Montorgueil, près le passage de Saumon.397, 8°et la réédition de 1796 font état d’une rumeur , rapportée avec des traits invraisemblables et mensongers,concernant la découverte par un Portugais nommé de Grisalva (?) de l’astronome Lepaute d’Agelet de la Boussole,  mourant,  en une île ont on ne nous dit pas le nom, bien entendu. De Lesseps, dans son édition de 1831, Le voyage de Lapérouse, annoté par J. B. B ; de Lesseps (réédition de 2005), p .177 à 180, publie ce texte, en disant : « le document  suivant est d’une telle importance qu’on s’étonne q u’aucun des écrivains qui ont parlé du naufrage de Lapérouse, n’e n ait fait mention … Le silence des marins  sur cette relation  doit rendre circonspect celui qui paraît la citer pour la première fois .».
 Le 14 mai 1794, ils secourent Lepaute d’Agelet, mais celui-ci meurt le 24 mai 1794. Celui-ci leur raconte qu’un incendie de la Boussole le 16 mars 1792 (sic ! plutôt 1788) les oblige à descendre à terre et à abandonner le navire. Ils y restent trois mois ; ils coupent des arbres  bois pour  construire un bâtiment avec lequel ils espéraient regagner l’Europe , ce qui occasionne une rixe avec les indigènes où meurt Lapérouse. Lepaute d’Agelet avec 8 hommes s’enfuit sur une embarcation et tous sauf lui meurent de faim au bout de 18 mois sur cette terre. « Nous vîmes , écrit le Portugais, distinctement un homme qui se promenait sur la cime d’un rocher, et qui faisait des gestes pour nous appeler. » Quelle était cette île ? Il s’agit, selon moi, de Kapingamarangi, en Micronésie, nom qui signifie l’île du Français (marangi) au chapeau pointu (pinga) .  Or, -et Jean Guillou me l’avait  fait remarquer, -ce n’est qu’en 1797 que Millet- Mureau fit paraître le récit des voyages de Lapérouse, il y a donc des détails troublants qu’on ne pouvait connaître à l’époque.
La source de l’ouvrage.
Nous supposons qu’un capitaine portugais toucha Coupang à Timor,  ou bien deux comptoirs  portugais Macao , tous deux  comptoirs  portugais,  et raconta ce qu’il avait découvert en Micronésie, sur l’île Kapingamangi et sur  l’ile Pohnapeï ,savoir,  sur cette dernière , un canon fleurdelysé laissé par un rescapé de la Boussole . Les Français attribuèrent l’aventure, à Lepaute d’Agelet l’aventure, alors qu’elle revient à celui qui était connu comme le chef Mathew par  les indigènes de Vanikoro, savoir Mouton ( –Laprise)  dont le nom avait été altéré en Mathew .  
Un  indice : le canon fleurdelisé  trouvé à Pohnapéï.
 En lisant La Pérouse … Et après ? de Jean Guillou ,  p.137   j’appris la présence  en Micronésie d’un canon fleurdelisé: l’embarcation portant 8 hommes , savoir  le rescapé de la Boussole ,  le chef polynésien et  6  de ses hommes,  après son escale à Nutt, sur le chemin de  Kapingamarangi , fut envoyée par un sérieux coup de vent sur le récif entourant Pohnapéï et  Laprise-Mouton réussit   à sauver un canon fleurdelisé , en cuivre,    ressemblant à celui que Dillon  avait  rapporté (« un canon de 2 pouces avec fleur de lis ».Edmond Jurien de La Gravière,  dans son Voyage en chine (1854) ,  mentionne la présence  à Pohnapeï, d’après Rosamel,  d’ « un petit pierrier de bronze frappé d’une fleur de lys  » que l’amiral  supposait provenir du navire de secours construit par les rescapés de l’expédition Lapérouse [en réalité d’une chaloupe  de secours]».  Un  héritier de l’amiral, Charles Jurien de La Gravière, fit  des recherches sur ce canon. Ne trouvant rien dans les papiers familiaux, il  eut l’idée de consulter les archives d’un arrière-petit-neveu de Rosamel et y découvrit le manuscrit de Joseph de Rosamel, catalogué sous le nom anglais de Pohnapeï (île de l’Ascension  prise pour l’île homonyme de l’Atlantique). J. C. Galipaud a donné, en 2005,  une excellente édition de ce manuscrit. 
En 1840, Rosamel ,  p.35 , avait pris ses informations auprès du Français  Louis Corgat, qui vivait avec une Micronésienne et avait aperçu  le canon à Kiti sur l’île de Pohnapé.  « Un [des passagers] descendit à terre à la nage tenant un pierrier (bouche à feu, ancien mortier de marine) d’une main et nageant de l’autre ; il maniait cette arme comme un fusil. C’est ce pierrier ou canon de cuivre qui fut porté dans l’intérieur et taboué par les indigènes. Le capitaine Dudoit le vit en 1834 et 1835. La corvette anglaise le Larne qui vint à Bonnebey [Pohnapeï] en janvier 1838 le fit transporter à bord et l’emporta. Le canon avait eu la culasse sciée par les naturels, la chambre pouvait avoir un diamètre double de la bouche et une fleur de lys, mal gravée, était sur  le bourrelet de la culasse qui n’avait pas été enlevé. ».  Le canon fleurdelysé fut apporté à Macao, où on perd sa trace.
 Autre trace : le nom de Kapingamarangi, l’île du  Français à chapeau pointu, une « exclave » polynésienne en Micronésie.
Le chef polynésien de Vanikoro, de la tribu de Paukori , continua sa route avec 6 autres Polynésiens et son « captif » vers  une autre  île  de Micronésie, voisine de  Nukuoro,  nommée Kapingamarangi,  où l’on peut reconnaître le mot signifiant Français,   marangi (Farani en tahitien, altération du mot  Français, marang à Vanikoro), ka signifiant celui qui,  pinga signifiant  en forme de  courbe et faisant allusion au chapeau , au bicorne d’officier).
Ces  îles sont les seules  « exclaves» polynésiennes en Micronésie et les linguistes rangent leur langue  dans un  sous-groupe  comprenant Ouvéa (Loyalty), Futuna du Vanuatu et Wallis et Futuna. Kapingamranangi  se trouve  dans l’Etat de  Pohnapeï dont une ville  s’appelle Palikir. Dans ce dernier toponyme  on reconnaît une forme voisine de Paukori, le nom de l’endroit de Vanikoro d’où est parti le  chef polynésien  :  Palikir  signifie le pays  du serpent (likir cf. le nom de l’île Riger en Papouasie, où un autre survivant , Simon Lavo, trouva refuge ) enroulé en entonnoir (comme les Engyralis australis de Lifou ou les Morelia viridis de Papouasie, pythons sacrés ayant la curieuse habitude de tendre un piège aux oiseaux dont ils se nourrissent en recueillant l’eau de pluie dans une sorte d’entonnoir qu’ils forment en se lovant pour les attirer). Le nom de l’île, Nukuoro est d’ailleurs  un emploi métaphorique  du nom de ce serpent  (Nigoro),  formant un  entonnoir plein d’eau, utilisé  pour désigner un atoll avec  une  lagune circulaire au centre, comme précisément l’atoll de Nukuoro.


Les deux  rescapés de la Boussole  et ses compagnons polynésiens quittèrent Vanikoro sur une  défaite à Tanema, à bord d’une biscayenne probablement à un mât, et émigrèrent  en Micronésie, vers Nutt et Pohnapé ,précisément  Kiti où le canon a   été trouvé, puis vers Nukuoro et enfin vers  Kapingamarangi.
 .


Un autre  indice de l’odyssée de Laprise- Mouton : l’île de Nutt en Micronésie.
James O’Connell, dans A ressidence of eleven years in New Holland and the Caroline Islands (réédition, p .201) écrit que selon ses calculs c’est  environ quarante ans (une génération ou deux) avant son arrivée en 1826, c’est-à-dire vers 1790, qu’un blanc moustachu présenta un couple de poules européennes à un chef de Nutt. Il était arrivé sur un bâtiment à un mât. Pour moi, l’introducteur de ces volailles de Vanikoro à Nutt était Laprise- Mouton, notre rescapé.
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Un autre bâtiment européen, deux siècles plus tôt : le naufrage de la  Santa Catalina en 1595
Dans la nuit du  10 au 11 décembre 1695, la frégate Santa Catalina, de l’expédition de Mendana et Quiros , toutes voiles hissées, avec le cadavre de Mendana et les hommes d’équipage morts et décomposés pour la plupart (est-ce une généralisation à partir du cadavre de Mendana ?), échoua à Ponapé en Micronésie. Certains rescapés, des Péruviens et des femmes, selon Langdon, s’échappèrent aux îles Truk. Interrogeons O’Connell sur les restes européens qu’il a pu connaître à Ponapé.
« Le sujet d’un autre chant était une figure de poupe d’un vaisseau qui fit naufrage et qui fut conservé dans le hangar à bateaux de Nutt. C’était le buste d’une femme » auprès de laquelle on voyait  un bras brisé.    La figure de poupe  peut être celle de sainte Catherine et appartenir à la Santa Catalina ;  lorsque Rosamel écrit, p. 36 : « Il y a trois ans [en 1837], l’étrave de cette jonque existait encore dans la maison d’un chef de Métaloline,  elle a été détruite dans un incendie de cette case »,
Le  déplacement de la figure de proue depuis Kiti à Métaloline  est intervenu avant  1836, car le naufrage de la Santa Catalina s’est produit devant le port  de Ronkti, Lohd ou Rohr ou Lohn Kiti,  nom signifiant le chien (kiti) qui aboie (rohr) et renvoyant à l’anecdote rapportée par O’Connell qui évoque un chant célébrant l’aboiement d’un chien à bord d’un vaisseau européen : les chiens indigènes n’aboyaient pas, et les aboiements des chiens européens ont surpris les natifs.  Cité par les éditeurs de Joseph de Rosamel, savoir  J. C. Galipaud et Pierre de Rosamel, Hambruch parle  d’habit noir, de crucifix en or, de pièces de monnaie espagnoles en argent  et d’un cercle en argent trouvés à Métaloline et qui appartenaient à la frégate.
Conclusion.

Jérôme Mouton et  Simon Lavo (voir mes blogs pour ce dernier, celui sur Lapérouse , celui sur Lavongaïe et celui sur l’ouvrage de John Fairhead concernant le capitaine Morrell avec, en particulier  le nom du blanc qui se dit peruco, de lapérouse) sont les survivants dont l’identité et l’existence sont le mieux établies.

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