vendredi 15 décembre 2017

lLes noms de Tjibaou (tribu de Tiendanit) et de Thiéou (tribu de Oué Hava) ?

  D’où viennent les  noms  de Tjibaou  (tribu de Tiendanit) et de Thiéou (tribu de Oué Hava) ?
 La tribu isolée de Tiendanit
 Ma mère étant née à Tipindjé et connaissant Ty Venceslas, chef de Tiendanit et   père de Tjibaou, il était naturel que je m’intéresse à cette tribu  voisine. Remarquons d’abord que ceux qui parlent pamale comme les gens de Tiendanit sont indépendants de toute chefferie : faute de le savoir, le conseil coutumier et Gabriel Païta, son président, se sont attirés de sérieux ennuis, cf. Le livre  G. Païta témoignage kanak, de Cazaumayou et Decker . Ce sont les premiers et plus anciens  habitants de la Calédonie, débarqués sur un îlot du Nord, Yandé, puis émigrés jusqu’à l’embouchure de la Ti -Ouandé et enfin repoussés dans la chaîne à Tiendanit.
Leurs voisins, les  Pinjés,  ont d’abord été refoulés par les mêmes  migrants Hawekes de Pouébo (le nom de Pidjo , à la Conception, rappelle leur  victoire sur les Pinjés)  comme en témoigne le nom de Oué Hava (de oué, rivière, et de  Haweke ou Kawéke,  nom de la tribu de Papouasie d’où ils viennent,  cf. le nom du chef Kahavéke-at  avec suffixe –at de provenance )  . Oué Hava, la rivière des Haweke,   détrône l’ancien nom Tipindjé, de ti, rivière, et de Pidjé, la rivière des Pinjé.  
Les langues des  tribus catholiques  de Ouélis parlant le  pwamei et de   Tiendanit parlant  le   pwamalé et  de la tribu protestante  de Ouanache, chef Nea Galet ,  parlant  le   pwamalé  , sont des variétés dialectales du  pwamale  . Cette langue   fait partie du groupe Na-Ndene en Amérique du nord, voir une carte de la répartition linguistique américaine dans  Rivet, L’origine de l’homme.  Migrants les plus anciens d’Amérique, ils se sont installés, une fois franchi le détroit de Behring, fort haut dans le nord de l’Amérique. Le nom du  groupe linguistique Na-Ndene qui est à rapprocher du nom indigène de l’île de Santa Cruz,aux Salomon,  Ndeni, et de Ti –N’danit en Calédonie  , peuplés tous deux originellement  de cousins  proto- polynésiens originaires du littoral de l’Asie (l’homme de Kenwick datant d’environ 13000 hommes  a été rapproché des Aïnouset des Polynésiens). C’est le plus vaste des groupes linguistiques nord-américains, qui s’étend depuis la côte arctique où il est contigu des Eskimos dont il est parent jusqu’au sud du Mexique et qui comprend aussi les Tonguiens.  Tonguiens et gens de Tiendanit sont des protopolynésiens qui, d’Asie, ont passé par N’deni aux Salomons.

Quant au  pindjé,  que mon oncle parlait parfaitement, c’est une langue mourante parlée dans la haute et la basse Tipindjé, qui est à rapprocher du tipintjara en Australie (tipitjara ou mindi ou dragon, nom à rapprocher de ligura, le serpent enroulé) et du nindé parlé à Malekula au Vanuatu. Les Siningone , premiers habitants de Maré, leur sont apparentés. Le nom de  Biganda  ou Puyganda, venant de liguri, le serpent divin enroulé,  à Hienghène,  désigne également  ce redoutable dragon.  A noter que les noms de pays africains Ouganda et  Ruanda et les sites mégalithiques d’Afrique noire, par exemple, au Zimbabwé, le site de Tambacounda (anaconda, serpent), qui comprend   un monument   circulaire, ou ceux  du Niger, du Togo, du Tchad, de  Sénégambie, de Mauritanie, du Mali, de République Centrafricaine pourraient bien être apparentés.
En Australie existe la légende du mindi, python- diamant, originellement confiné sur la région côtière.  Avant le python -diamant ou plus tard le serpent arc-en-ciel, le mot mindi (de li guri) devait désigner le calmar monstrueux.
Les Pinjés ont  été refoulés par leurs cousins plus récemment arrivés, les  Hawekes papous.

Venons-en maintenant à la signification du nom de Tjibaou à Tiendanit ou de Tiéou à Oué Hava. Tjibaou  avait raison dans sa polémique avec G. Païta sur l’étymologie de son nom, voir le livre  G. Païta témoignage kanak, de Cazaumayou et Decker, p. 21,  où Gabriel Païta interprète à tort  le nom de Tjibaou comme se décomposant en ti ou tibawe =ethnonyme  peuple arrivé de la mer+ ba=peuple et we, la mer , donc Tjibaou comme l’appel lancé au peuple Ti, « ou » étant une onomatopée qui exprime l’idée du son émis en soufflant dans la conque. Après que G.  Païta, au cours d’une émission télévisée, eut rendu publique cette interprétation, Tjibaou la contesta, mais Gabriel Païta maintint ses  explications.
 En réalité, le  nom Tjibaou ou  Tjubaou , comme le nom de Tibawé, est à rapprocher du  nom tonguien désignant un chef militaire   héréditaire , dont le sens a évolué ensuite en chef religieux,comme l’atteste le nom de   Thubaou, « l’un des premiers chefs de cette île [Pangimodou près de Vavao, aux Tonga ] et que les naturels croient être parents de leurs dieux » selon Dillon, voir La malédiction Lapérouse, Journal de Dillon, p .785 , 796 et 807 et Rienzi, Océanie, tome 3 ,  sous les orthographes toubo-ou, toubou, toubo (+ hou, roi . Thubaou , tjibaou , le chef militaire -roi,  se décompose en touba , sorcier, noble, +hou, roi,  cf toubib, de l’arabe d’Algérie  thib, sorcier,  toubab,  blanc en Afrique noire.
Dans Rienri, op. cit. , p.117, le tableau des principaux chefs de Tongatabou  nous donne les noms de  Touboou pour le district de Nougalofa, et Toubou- Néafou pour le  district de Olong- Ha .  Les noms génériques de chefs ont été pris pour leur patronyme, comme toui- tonga.
Le navigateur espagnol Morillo nomme Toubou un homme âgé de Vavao, chef de la famille des Toubo, le même que celui de Cook (Journal de Dillon, op . cit. , p. 81 et 108)  . La hiérarchie était la suivante en1781 : 1 le touitonga, 2 les parents du touitonga comme Finau, son cousin ; 3  le toubou, nommé alors Mari- Wagni, beau-frère de Poulaho et oncle du  Finau, dont parle Cook, mort peu après son 3è voyage, ,Rienzi, op . cit. , , p. 81. Citons encore  les noms de Toubo- toa et de  Toubo  –tatai.  La famille des Toubo à Niokou-Lafa (Nougalofa) fut chassée par Finau  de Vavao.
Pour compléter cette constellation sémantique tonguienne, il faut rapprocher :
a)  le nom de l’île d’Opao , cher à Gabriel Païta , pour la Grande Terre, conservé à Ouvéa et datant de la première migration des Aveke en provenance de Papouasie (voir mes blogs), où le coup de glotte initial s’est amuï, de Topao, l’île indiquée aux migrants par le chef- prophète, la Calédonie, l’île du prophète ;
b) les Toupap haou terrifiants de Gauguin et de  mes amis polynésiens et les haou  de Canala en Calédonie chers à Mariotti   sont les témoins d’une évolution sémantique liée au culte des morts  et des ancêtres : toubab , chef religieux , joint à haou, roi , donc le chef -sorcier -roi des morts,  a pris le sens de fantôme persécuteur menaçant ;   
c) le mot polynésien tabou. Le nom de Tongatabou est étonnant, voir Rienzi, op.  cit. , p. 45, « Le toui -tonga ou  souverain pontife, chef suprême, est issu des dieux qui visitèrent jadis l’île de Tonga (mot qui signifierait l’est, le levant), mais on ignore s’il eut pour mère une déesse ou une femme du pays. Son titre  toui- tonga signifie chef, noble, seigneur de Tonga  [toui, cf .  ti dans le nom même de Ti-endanit , qui signifie les nobles Ndanit ou dans le nom de Tye Venceslas, le père de Tjibaou )] . Tonga a toujours été regardée comme la plus noble de ces îles et celle où,  de temps immémorial, les plus grands chefs ont tenu leur cour et où ils ont été enterrés après leur mort .  On qualifie  aussi  Tonga  d’île noble ,  mais  c’est par erreur  que,  sur plusieurs cartes,  on l’indique sous le nom de Tonga- tabou, ce dernier mot n’étant qu’une épithète qu’on y joint quelquefois. »
d) Tein-arhou en Calédonie  ou polynésien Te-ariki , au sens de chef religieux ;
d) Rienzi a justement comparé le régime tonguien à celui du shogun, maire du palais japonais près de l’empereur ou daïri , lequel shogun était  appelé anciennement koubo, équivalent phonologique de toubo, chef militaire.
Le nom du chef de Oué Hava : Tiéou, variante dialectale de Tjibaou.

Tiéou  vient de Tiébo -hou ;  le b entre deux voyelles disparaît comme dans Touho, de tubo. Ce nom seul  désigne d‘abord le chef militaire héréditaire, puis,  accompagné de hou  qui signifie roi, le chef religieux –roi  toubo (+ hou, roi) et donne  Tjibaou  , aussi bien que   Thiéou . 

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