vendredi 9 novembre 2018

Pour une réhabilitation de l’authenticité des Mémoires historiques de Fanny de Montcairzin.


 Pour une réhabilitation de l’authenticité des Mémoires historiques de Fanny de Montcairzin.
 Parmi les enfants du prince de Bourbon-Conti, Stéphanie de Montcairzin de Bourbon- Conti nous a laissé  ses Mémoires historiques (1798, réédition de 1986), à la fois chef-d’œuvre littéraire rédigé par cette élève de Rousseau et autobiographie exacte et passionnée. Cette demi-sœur du baron de Richemont,  Amélie Gabrielle Stéphanie- Louise, appelée de Montcairzin, par allusion au nom de son père Conti et  à celui de sa mère,  la duchesse de Mazarin, est née en décembre 1762 à Paris, paroisse de saint-Eustache. Elle ne sera baptisée que beaucoup plus tard, le 7 octobre 1788, op. cit. p.160, à l’abbaye Saint-Antoine à Paris, avec pour marraine Madame de Gimel de Lentillac, abbesse de l’abbaye royale de Meaux. Elle a été reconnue par son père et légitimée par Louis XVI, protégée par Monsieur, puis nommée surintendante de la maison de la Reine par Louis XVI dans les derniers jours de son règne. Elle a été victime d’un complot odieux ourdi par son  frère légitime et par sa mère pour la déshériter de la plus grosse part de sa fortune. Sa mère,  la comtesse de Mazarin, est la fille de Hortensia Mancini, une nièce du cardinal et elle avait épousé en 1661 Armand Charles de Meilleray, duc de Mazarin dont elle eut des enfants légitimes : c’est pour avantager ses enfants légitimes et peut-être aussi pour dissimuler son adultère avec le prince de Conti qu’elle unit ses efforts à ceux du seul fils légitime du Prince de Conti,  issu du mariage du Prince de Conti et de Louise d’Orléans, savoir le peu intéressant comte de la Marche,  Louis François II de Bourbon- Conti (1734-1814) .
Le prince de Conti, se méfiant de son fils et de son ex-maîtresse, obtient  la légitimation de Stéphanie par le roi,   Mémoires historiques,   p.52 : « ainsi est ma volonté  de reconnaître et de légitimer la fille de M. le prince de Conti, âgée de onze ans et ayant  été élevée, de mon consentement, sous le nom de comtesse de Mont-Cair –Zain, à laquelle qualité elle peut ajouter, dès ce jour, le titre d’Altesse Sérénissime, légitimée princesse du sang ; les honneurs du Louvre lui sont accordés, et je me réserve, ainsi que son père, de lui faire l’apanage nécessaire à son rang .  Signé LOUI S». Cet acte semble sonner le glas des espérances de sa mère et de son frère légitime, qui se  voient obligés de partager avec elle un important héritage. Ils mettent au point un complot machiavélique. Ils fabriquent un faux acte de décès, à Viroflay, près de Versailles, de Stéphanie, op. cit. p. 73, en date du 7 juin 1773. Dans cet acte, les faussaires vont même jusqu’à  reconnaître que cette comtesse   de Mont Cair-Zain  était légitimée princesse du sang et fille de Louis François de Bourbon –Conti,  ce que contestent pourtant les détracteurs de la princesse, comme le comte de Barruel –Beauvert dans son ouvrage Histoire de la prétendue princesse de Bourbon-Conti.  Ils la font enlever le jour prévu pour la présentation au roi, avec la complicité de son « institutrice » privée, Madame Delorme, la droguent pour la marier,  à Viroflay,  avec un procureur de Lons-le- Saulnier,  un dénommé Billet, intéressé par la dot laissée à Stéphanie à défaut de l’héritage auquel elle avait droit.  Le procureur n’était pas regardant et désirait  consommer le mariage alors que Stéphanie n’avait que onze ans et s’y refusait absolument,  Ils donnent à Fanny l’identité de Anne Louise Françoise Corméo,fille d’Etienne Corméo et de Madame Delorme (nom qui n’était que le pseudonyme d’une  Grillet épouse  Martin) ,  née le 30 juin 1756 à Saint-Sulpice,  et la marient à Viroflay,  le  18 janvier 1774 , avec ce procureur complaisant et cupide de Lons-le-Saunier,   sous l’identité de  Louise Françoise Delorme, prétendument née à Saint-Sulpice le 30 juin 1756, op. cit.,  p.105-106. « On mariait une fille de Madame Delorme et Madame Delorme ne comparaissait pas plus dans l’acte de ce prétendu mariage qu’elle n’avait comparu au contrat quelques jours auparavant ; on mariait Anne Louise Françoise Delorme ; ce n‘était donc pas moi ; je n’étais donc pas mariée ; car j’étais et je suis Bourbon- Conti. », s’indigne Stéphanie, op. cit. ,  p.106.
 Ils éliminent  tous ceux dont ils craignent les révélations, empoisonnant Madame Delorme,   éliminant un garçonnet de 12 ans qui s’était attaché à Stéphanie, de  peur qu’il ne parle. Sous la Révolution, ils paieront une prostituée demi-folle, Marie Rosine Mornay demeurant  rue Sébastien- Pont- aux- Choux  quand elle n’est pas enfermée à l’hospice d’aliénés de Sainte-Pélagie, op.  cit. ,  p.214 afin de lui faire usurper le nom et le rôle de Stéphanie. Ils réussissent ainsi à la discréditer auprès du comité révolutionnaire qui l’avait autorisée à pénétrer au Temple et à rendre visite à  la sœur du Dauphin. Il est curieux de voir des historiens épouser le parti de son frère légitime sans se donner la peine de vérifier ses affirmations, peut-être  parce qu’elle est réellement  princesse du sang  et se revendique comme telle,  et déclarant   son mari forcé,  le procureur de Lons-le- Saulnier, indigne d’elle et de son sang.  J’ai voulu vérifier quelques détails de son récit : elle parle du lieu  de Faille près du canal d’Orléans au château du prétendant de Madame Delorme, M.  Jacquet. Il s’agit de Fay- aux- Loges (Loiret) et la famille Jacquet  est présente à Fay (prononcé faille) dès 1694.
Autre détail :  op. cit. , p.145, Stéphanie cite par sa seule initiale B… un complice de son mari qui, à Lons-le-Saunier, chercha à l’outrager. Il s’agit du comte Barruel-  Beauvert qui, en 1811, publia , pour se venger du soufflet qu’elle lui avait administré en présence de son pseudo-« mari »,une Histoire de la prétendue princesse Stéphanie de Bourbon- Conti, -in-8°, que Napoléon fit mettre au pilon immédiatement, mais dont  certains historiens s’inspirent.



La sœur de Louis XVII.


                           La sœur de Louis XVII.
Selon les historiens allemands (cf. Noëlle Destremau, agrégée de l’Université,dans  Madame Royale et son mystère, Nouvelles Editions Latines, 1990), ce n’est pas   celle qui est connue comme l’Orpheline du Temple et qui épousera le duc d’Angoulême ;la vraie  aurait été cloîtrée pour la sauver des menaces de Louis XVIII au château d’Eishausen avec d’abord un tuteur suisse appelé Philippe Hans  Scharre , puis un tuteur flamand qui se faisait appeler Vavel de Versay (en réalité Leonardus Cornelius Van der Valck, né le 22 septembre 1769 à Amsterdam,  mort à Eishausen  le 8 avril 1845, un ami de Benjamin Constant, de Rouget de Lisle et de Talleyrand ;  Hitler, en publiant les archives secrètes de la maison d’Autriche,  a révélé que Talleyrand était stipendié par l’Empereur d’Autriche  et on a les bordereaux depuis 1803 ). .Les deux tuteurs successifs  sont  catholiques et Vavel est riche.  La « comtesse ténébreuse », ainsi que l’appellent les historiens allemands, est morte le 28 novembre  1837 à Berggasten , en Saxe, sous le nom de Sophie Botta, anagramme du (chevalier de)  Batz, son amant et le père de son enfant.
Qui est la personne substituée à Madame Royale et qui épousera le duc d’Angoulême, lui apportant la fortune de celle-ci ?  Notons qu’elle n’a pas les yeux bleus de faïence comme la fille de Marie-Antoinette, mais noirs. Ce serait  Ernestine Lambriquet,  la fille naturelle du comte de Provence, le futur  Louis XVIII,  et d’une Madame Lambriquet qui aurait été chargée de l’éduquer.
 Une autre jeune fille intervient dans cette affaire : Catherine Lambriquet, fille naturelle de Marie-Antoinette et de Fersen ( ?), blonde aux yeux bleus tendrement aimée de Marie-Antoinette à qui elle ressemblait étonnamment, morte en 1813 à Paris. Marie-Antoinette l’appelait : « Ma fille ».Catherine  aimait beaucoup sa demi-sœur Marie-Thérèse.  Le mariage prévu avec le fils du frère du roi, le duc d’Angoulême fut un mariage sans postérité, ce  qui arrangeait bien les choses. La fille de Fersen et de Marie-Antoinette   pressentie pour jouer ce rôle dans la substitution refusa, tandis que sa demi-sœur Ernestine, la fille du Comte d’Artois, futur Louis XVIII,    l’accepta et devint Madame Royale, duchesse d’Angoulême.
Voici ce que j’ai trouvé sur Ernestine, la fille  du futur Louis XVIII,  dans G.  Lenôtre, La fille de Louis XVI, p.  69 : Marie – Thérèse [la fille de Marie-antoinette et de Louis XVI ]« s’était intéressée, dès les premiers jours [de sa détention au Temple], au sort d’une de ses compagnes d’enfance, Melle Lambriquet, fille d’un serviteur de la famille Royale [ Jean Lambriquet], naguère attaché à la maison de Monsieur [le futur louis XVIII]. On se renseigna : Lambriquet avait été guillotiné ; sa fille avait disparu : on ne pouvait pas découvrir sa retraite (Archives du département des Affaires étrangères, Vienne, 364). Et une note : «  Jean Lambriquet, « valet de chambre de la ci-devant cour de Capet et du ci-devant Monsieur », compris dans la fournée du 14 juillet 1794 (25 Messidor an II), W.Wallon. Tribunal révolutionnaire, V, p.34. Aussi, p. 101 : « « le directoire rendit, le 27 novembre 1795, un arrêté en cette forme : « Les ministres de l’Intérieur et des Relations extérieures sont chargés …de nommer, pour accompagner jusqu’à Bâle la fille du dernier roi, un officier de gendarmerie décent et convenable à cette fonction, … de lui donner,  pour l’accompagner une jeune fille de son âge, nommée Lambriquet, qu’elle désire emmener…. Signé Rewbell, président » et  p. 110, note des Archives du département des affaires étrangères : « L’empereur [d’Autriche] a demandé en outre, qu’il fût permis à la princesse d’emmener avec elle une jeune personne avec laquelle elle a été élevée et qu’elle affectionne particulièrement : cette jeune personne se nomme Ernestine Lambriquet ; son père était garçon de la chambre de Monsieur [le futur Louis XVIII], il a péri dans le cours de la Révolution : sa mère, morte il y a quelques années, était femme de chambre de la princesse .
«  Mesdames de Mackau et Madame de Soucy  ont pris soin de cette jeune personne [Ernestine Lambriquet], elles sauront où elle est présentement. » Toutefois, Madame de Mackau, qui a plus de 60 ans, fut jugée trop âgée,  et on lui préféra Madame de Soucy , mais on n’entend plus parler d’Ernestine. A-t-elle été substituée à ce moment, avec la complicité de Madame de Soucy pour devenir Madame Royale, duchesse d’Angoulême ?
Un acte de baptême suisse, à Aarberg, canton de Berne, en date du 21 mai 1796 (correction de Louis Hastier pour 1793, tertia,  d’ailleurs incorrect, dans l’original pour sexto [anno]), indique la naissance le 2 mai d’une fille française, Anne Marie Joséphine, du soi-disant médecin Joseph Thiollier : les historiens allemands pensent qu’il s’agit de la fille de Marie-Thérèse, conçue au Temple, et du baron de Batz.  En effet, dans l’acte de baptême de la fille, le père est mentionné comme Français, de Lons-le-Saulnier, ville où Batz avait fait faire son passeport, en tant que chirurgien- major de la légion de Wattenwill. Dans Marina Grey, Le baron de Batz, p.148, nous apprenons que des royalistes  obtiennent avec l’aide du baron des sièges aux élections municipales de Lons-le-Saulnier.  Le baron de Barz était natif de Soleure en Suisse. On le retrouve à Dôle dans le Jura, à Poligny près de Lons-le-Saulnier, à Nyon dans le canton de Vaud, ville natale de son vieil ami suisse, le médecin Nathey. Il dispose d’un autre  passeport au nom de Muller, natif de Soleure en Suisse. Thiollier est la métathèse de Thilorier, le nom de la femme de Batz. Il est curieux de voir un médecin appelé Thierry, métathèse parmi d’autres de Thilorier,  venir à la prison du Temple sans motif sérieux 91 fois. Selon Marina Grey dans Le baron de Batz, le d’Artagnan de la révolution, p. 13,  Batz épousera par la suite  en 1808 son ancienne maîtresse Michelle (ou Désirée comme elle voulait qu’on l’appelât)  Thilorier, la fille d’un premier lit de Madame Thilorier : veuve de bonne heure, Madame Thilorier  avait épousé Jean-Jacques du Val d’Eprémesnil. .
 Pierre Vincent Benoist, p.180, banquier angevin, fondateur et actionnaire prévaricateur de la Compagnie des Indes (il se fera appeler Benoist d’Angers,une ville où il a des intérêts dans les ardoisières ,  puis Benoist d’Azy dans la Nièvre) , ami de longue date du baron de Batz et trempant dans ses complots, est le financier  de l’entreprise. En 1793, il se rend en Louisiane  pour y étudier les possibilités d’investissements de la Compagnie des Indes et en ramène des nègres et des négresses (de là le nègre aperçu en sa compagnie par la veuve Simon aux Incurables et le fameux tableau d’une négresse par sa femme Ghillermine de Laville-Leroux ( ce curieux nom double vient de la commune  de Le Loroux près de Fougères, en Ille -et- Vilaine, en latin villa illud  oratorium, ferme de l’oratoire au sens de chapelle,  devenu ville Loroux, en  « construction absolue » datant le patronyme du XIIIe siècle, c’est- à- dire sans la préposition de), aujourd’hui au Louvre. De là aussi les rumeurs d’une présence de l’enfant Louis XVII aux îles ou en Louisiane.
Le plan du baron de Batz consistait à devenir le « protecteur » (titre pris par Cromwell) de France en même temps que l’époux de la future duchesse d’Angoulême.

Jean-Paul Plataret (se disant de Villeneuve), avoué à Privas, aurait épousé à Lyon cette fille naturelle  de Madame Royale.
 Lorsque Louis XVIII,  après avoir reçu  une dénonciation du baron, aura connaissance   la paternité de Batz, il lui enverra l’ordre de se suicider, qui ne provient pas d’un  faux sur sa date de naissance, bien négligeable et qui ne concernait pas réellement « l’honneur » .  La duchesse d’Angoulême, évoquant «  l’affaire du médecin » , se plaindra du chantage exercé par le médecin (Thiollier),  grâce à la naissance de Suisse, l’obligeant à payer alors qu’elle n’est pas la véritable duchesse.


Le tambour de Belgiojoso, prétendant au titre de Louis XVII en qui croyaient Fouché et Joséphine, ainsi que le baron de Richemont.


Le tambour de Begiojoso, prétendant au titre de Louis XVII en qui croyaient Fouché et Joséphine, ainsi que le baron de Richemont.
L’identité du futur tambour de Belgiojoso.
Nous avons dit dans notre blog sur  le baron de Richemont, pseudonyme du   marquis de Bourbon Conti, qu’il avait deux tombes : l’une, celle du baron de Richemont,  à Gleizé (Rhône), au château de Vaurenard, chez Madame d’Apchier, datant de 1853,  et l’autre au Père Lachaise datant de 1833  , où  fut enterré sous le nom de Prince de Bourbon -Conti,  avec l’assentiment du baron de Richemont,  le faux dauphin en qui croyaient Fouché et Joséphine , ainsi que ,  peut-être,  le baron de Richemont lui-même  qui semble  avoir porté beaucoup d’affection à ce demi-frère  : il portait le nom de Jean Louis  Bourbon et fut emporté par l’épidémie de choléra qui sévit à Paris en 1832. . Comme sur Richemont on a fait de nombreuses hypothèses sur l’ identité de ce faux dauphin  : la plus sérieuse est qu’il serait  le fils adultérin (elle en eut au moins trois et, curieusement, le Directoire tenta de  la contraindre  à les reconnaître) de la femme de lettres parisienne Fanny de Beauharnais, née Marie Anne Françoise ou Fanny  Mouchard de Chaban (1737-1813), épouse de Claude de Beauharnais, et du propre père du baron de Richemont, le marquis de Bourbon -Conti, à en juger par les anagrammes dont sont truffés les pseudonymes du garçonnet .
Fanny faisait partie du groupe du révolutionnaire René Hébert. Hébert était un agent royaliste payé par les Anglais,  contrairement à ce qu’on croit généralement (voir l’ouvrage de  Marina Grey). Hébert , qui voulait instituer durant la minorité de Louis XVII un grand Juge , savoir lui-même ou le maire de Paris Pache, ou encore le baron de Batz, trempa dans plusieurs  projets d’évasion du dauphin et  eut besoin d’un garçon du même âge pour faire illusion lorsque le dauphin serait exfiltré.
 Hébert était-il l’amant de  Fanny de Beauharnais ? En tout cas, elle eut de nombreux amants, comme les hébertistes Michel de Cubières et  un Corse (ils seront assez nombreux dans son entourage et tous favorables aux Anglais comme   Mororo [pseudonyme  de Salicetti ?] et Mattéï. R .Chantelauze, dans L’Illustration N° 2124 du 10 novembre 1883, écrit que le 9 octobre 1793, le citoyen Matteï, concierge du Temple , devenu suspect, fut arrêté et remplacé par Coru, membre du Conseil général, qui fut en même temps nommé économe aux gages de 4000 francs par an. Matteï était un agent de Salicetti, lui-même agent anglais.  On trouve des Matteï dans la région de Bastia :  à Giocatojo ,  à Erbalunga (Brando),  à Maccinaggio-Rogliano sur le Cap Corse et nous retrouverons le futur tambour à Bastia jusqu’à la mort de Mattéï.  
Tous les amis de Fanny  cherchèrent à faire évader Louis XVII et, lorsque Jacques René Hébert sera guillotiné, Fanny de Beauharnais sera inquiétée et devra quitter précipitamment Paris. De là le nom d’Hébert que prendra par la suite le faux dauphin.
  L’enfant qu’on projetait de substituer au dauphin fut vite   trouvé : ce fut le fils du Prince de Bourbon et de Fanny de Beauharnais, enfant  blond, aux yeux bleus, du même âge et  qui lui ressemblait,   ce qui s’explique par sa parenté réelle , car c’était un Bourbon.  On invita celui-ci à entrer dans un cheval de carton que le cocher Genès  Ojardias amena du logement de Simon dans la cour des écuries au Temple pour opérer la substitution et l’y cacher,  ceci se passant  le 5 janvier 1794, mais l’ordre final de Hébert, inquiet à juste titre pour sa propre sécurité, n’arriva pas. On a  deux témoignages crédibles de Voisin et de la veuve Ladrée qui ont aperçu ce cheval de carton. Les témoignages sont cités par Marina Grey dans Enquête sur la mort de Louis XVII, Le prince et le savetier, p.108,  dans le chapitre intitulé Le cheval de carton. Le déménagement de Simon,  qui avait été révoqué par Chaumette, a lieu en direction de son nouvel appartement, au-dessus des écuries,  à l’angle ouest de l’Enclos, près des cuisines, de la caserne et du cloître, aménagés pour des artisans  . C’est là qu’attendait le futur tambour de Belgiojoso destiné à  remplacer le dauphin.
Le projet échoua,  mais le garçonnet en garda le souvenir.
Vers 1800, Fouché, ministre de la police, vint trouver Napoléon Bonaparte pour lui apprendre l’affaire dite du tambour de Belgiojoso. Joséphine de Beauharnais,  bien informée grâce à sa grand- tante Fanny  de Beauharnais  et grâce à Madame Campan, d’une famille créole comme elle, intervint auprès de Fouché pour qu’il protège ce garçonnet de 14 ans qui avait été condamné pour une peccadille à un traitement cruel, celui de passer trois fois par les baguettes, et qui, pour tenter d’y échapper, avait déclaré à son colonel qu’il était  le fils de Marie-Antoinette. Le colonel l’envoie à Turin et, en chemin, à Asti, il est reconnu par un Suisse du château de Versailles, ainsi que par diverses personnes qui avaient séjourné à la cour de France, notamment, dit-on, à cause d’une cicatrice au bas de la mâchoire gauche provenant de la morsure d’un lapin blanc que le Prince élevait. Selon son récit, après être sorti du temple dans un cheval de carton,  il aurait été élevé par Madame Fanny de Beauharnais et se serait rendu d’abord à Bordeaux,
  Pourquoi Bordeaux ? Le corse Cipriani  y avait un allié, le compatriote corse François- Marie  Jean-Baptiste d’Ornano, chevalier de Saint Louis, général de brigade, maréchal de camp et gouverneur de Bayonne en 1768.  Il avait épousé à Saint-Domingue en premières noces Charlotte Maingart, fille de riches colons de l’île Maurice. Ses accointances avec les créoles le firent nommer tuteur de Theresa Cabarrus, la future Madame Tallien.  Madame Ouvrard, et princesse de Chimay. .En secondes noces, il épousa la fille de Jean-Baptiste de Campennes, marquis d’Amon, gouverneur de Bayonne, et de Marie-Charlotte de Menou, dont il eut une fille unique, Victoire, mariée au vicomte  André- Guy du Hamel, plus tard maire de Bordeaux. Elle mourut en 1796. François- Marie  Jean-Baptiste d’Ornano était installé à Versailles où la révolution décida de l’arrêter ; Prévenu ; il voulut fuir vers Bordeaux, mais il fut arrêté en chemin au château de Castels  près de Langon en Gironde, en décembre1793. Enfermé au Luxembourg, il fut guillotiné le 6 juillet 1794, pour avoir entretenu une correspondance avec les princes étrangers, l’Angleterre en particulier.
De Bordeaux, Cipriani et son protégé  se rendirent à Bastia où  le jeune adolescent  apprit  l’italien, un italien mâtiné de corse. Il affirme  qu’il devint garçon limonadier à Bastia.
De  Bastia, le faux dauphin  gagne l’Italie   cherchant à gagner Vienne, mais,  dès son arrivée en Italie, il est enrôlé dès son arrivée en Italie comme tambour dans un régiment autrichien du général  Mélas, juste avant Marengo (14 juin 1800). Notre tambour fut condamné pour une peccadille à un traitement cruel : celui de passer trois fois par les baguettes. Pour tenter d’y échapper, il  avait déclaré à son colonel qu’il était le fils de Marie-Antoinette. Joséphine l’apprit  et intervint auprès de Fouché pour qu’il protège ce garçonnet de 14 ans,  Le colonel l’envoie à Turin et, en chemin, à Asti, il est reconnu par un Suisse du château de Versailles, ainsi que par diverses personnes qui avaient séjourné à la cour de France, notamment, dit-on, à cause d’une cicatrice au bas de la mâchoire gauche provenant de la morsure d’un lapin blanc que le Prince élevait. L’enquête affirmera  qu’il aurait été le fils d’un militaire, français ou suisse,  horloger à ses heures, appelé Dauphin,  qu’il  s’appelait Jean -Louis Dauphin, dit Bourlon,  en italien Giovanno- Ludovico Delfino. R .Chantelauze, dans L’Illustration 2124 du 10 novembre 1883,  évoque le fait que Simon avait obtenu du Conseil du Temple qu’une  cage avec un automate représentant un serin qui jouait la Marche du Roi  fût installée dans la chambre de  Louis XVII . Mais, comme le mécanisme de la cage était dérangé, on la confia à un horloger-mécanicien , qui la mit en état moyennant la somme de 300 livres que le ministre de l’intérieur ,sans élever la moindre difficulté, fit payer par la trésorerie nationale. C’est sans doute cet horloger que nous retrouvons  comme « parrain » du tambour de Belgiojoso. Précisons que le patronyme de Dauphin vient d’un surnom du Moyen Age signifiant gros, à cause de la taille du dauphin confondu avec d’autres cétacés comme la baleine. Le comte d’Albon, de Vienne,  est surnommé le dauphin (le gros) et donna son nom au Dauphiné, puis au fils du roi de France dont le Dauphiné est l’apanage à sa naissance.
  Ce qui nous intéresse ici, c’est que Joséphine, sa tante Fanny de Beauharnais et surtout Fouché ont  cru que Jean Louis Bourlon  était le dauphin évadé du Temple. Napoléon avait dit  à Fouché de le faire retenir dans un lieu secret pour ne pas alimenter la curiosité ou l’espoir du peuple. Fouché aurait cherché à s’en  débarrasser,  mais le prétendant  lui échappe  et  regagne l’Italie où, en 1810, le général Radet l’appréhende à Civita Vecchia. Il est  devenu alors carbonaro et gagne l’ancienne  Slovaquie et la Hongrie, qui faisaient partie de l’Autriche.
Une rencontre en1810 avec Werg- Naundorff.
Naundorff a raconté dans les  termes que voici  ses  aventures dans un récit  dicté en 1824 au greffier du tribunal de Brandebourg, récit  certes égaré mais conservé par Otto Jork (texte intégral de la seconde déclaration, dans Decaux, Louis XVII retrouvé, Naudorff roi de France, p. 131) : « Après beaucoup de détours, j’arrivai à la frontière de Bohême [en Slovaquie] et j’entrai comme officier dans l’armée du duc de Brunswick- Oels, qui avait obtenu connaissance de ma condition.. En 1810, à la tête d’un détachement de 25 hommes, je pris part à une escarmouche [contre les Français] près de Dresde, et mes gens furent en partie tués, en partie  faits prisonniers. Je fus moi-même grièvement blessé et tombai en captivité. Les troupes françaises  m’escortèrent avec les autres prisonniers, mais me laissèrent à Magdebourg, parce que j’avais une fièvre nerveuse. Avant que je ne fusse complètement rétabli, on nous embarqua pour la France [le bagne de Toulon]. Là je réussis avec un certain Friedrich  à m’échapper par un caveau qui se trouvait dans une église où on nous avait mis pour nous reposer. Nous allâmes alors tout droit à Berlin pour y entrer dans l’armée comme hussards .A cause de ma qualité d’étranger [de Français],  je ne fus pas admis, mais le Président de la Police Le Coq me permit de m’établir comme horloger et je m’établis Schützenstrasse n°52..Un an après, j’allai à Spandau où je séjournai jusqu’en 1822 Signé Ludwig Burbong »
Le dénommé Friedrich pourrait être notre ancien tambour de Belgiojoso, Louis Bourbon, à qui Naundorff emprunte son identité (il signe la déclaration, gauchement : Ludwig Burbong),  ses prétentions et ses papiers d’identité (de là sa qualité d’étranger, -entendons de français , comme l’était  le tambour de Belgiojoso).  
 L’ancien tambour à Budapest en 1815
L’ancien tambour aimait vagabonder : il quitte la Prusse pour la  Hongrie si bien que  le 3-09-1815, on a l’acte de naissance d’une Marie Antoinette de France  , Marie Manczer, paroisse de Saint- Benoit de Hron au nord de Budapest,  ville de Erzergom. Dans les observations en marge de l’acte, il est porté en latin : «le nom de famille et le   nom de baptême du père sont ceux de Louis Charles Bourbon, prince de la Couronne de la France sauvée,  selon les annotations secrètes des archives du monastère forteresse (de Hron).» 
Le sort ultérieur de l’ancien  tambour (1819-1824) sous le nom de Bourlon ou de Bourbon à la prison de Milan.

Il a été aperçu à Arles le 21 juillet 1819, à Marseille le 22 juillet 1819 (il y laisse ostensiblement un couteau marqué Louis XVII), puis en Corse à Bastia à nouveau. Il se rend à Ancône, d’où il prend la route de Parme en passant par Forli et Bologne. Il couche dans le hameau de San Benedetto del Quercote, près de Bologne et le 12 avril 1818 y est arrêté, transféré le 25 août 1819  à Modène, puis à la prison de Milan où Silvio Pellico l’apercevra. Ce dernier nous dit qu’il a des idées anticléricales (ce ne peut donc être Richemont).
  Dès 1818, Metternich dont dépendait la prison de Milan s’énerve d’avoir à payer pour l’entretien d’un prisonnier à qui l’Autriche  n’a rien à reprocher .Aussi réclame-t-il avec insistance que la France rembourse les frais et prenne en charge ce prisonnier, menaçant de le libérer ! 34 lettres sont échangées à son sujet. Voici qui  ne fait pas les affaires de Louis XVIII. Le 23 mai 1823,  Vienne reçoit du Ministère de l’Intérieur parisien  un avis avec dans la marge à gauche « Il est extrêmement désirable que le gouvernement autrichien puisse garder Bourlon le plus longtemps possible afin d’éviter à la France un procès scandaleux » avec une information officieuse  selon laquelle  Bourlon (adaptation de l’italien burlone, imposteur) était le vrai dauphin. Le marquis de Nicolaï et l’abbé Perreau , cités par Mme J. Ducassé , op. cit,  p.208, avaient reçu séparément du Comte Bolza, intendant général de la police de Lombardie,la confidence  que le prisonnier de Milan était le dauphin  .
A l’approche de sa libération,  Richemont, qui ignorait alors l’identité réelle de son demi-frère, reçut la mission de servir le roi en devenant prisonnier volontaire à Milan de façon à pouvoir se substituer au tambour de Mélas  Voici qui explique peut-être pourquoi Louis XVIII ne lui a pas, le 29 avril 1824, délivré de  lettres patentes constitutives de ses titres de noblesse comme à son cadet puisqu’il le croyait  prisonnier à Milan.
Mais plutôt que de se faire enfermer à son tour dans la même prison, il y avait une autre solution qui consistait à  tenter de capter la confiance du carbonaro à sa sortie de prison . C’est la seconde solution que, selon moi, choisit Richemont,  faisant jouer , pour  la libération du carbonaro , son cousinage avec le duc d’Este- Modène , -ce qui lui permet peut-être d’apprendre de lui qu’il  n’est pas le dauphin, malgré ses yeux bleus.. .
   Au procès de Richemont où sont convoqués Silvio Pellico et le Français Andryane en tant que témoins de ce qui s’est passé à la prison de Milan où ils ont tous deux  été emprisonnés, Andryane déclare [Madame Ducassé , op. cit. ,  p.127] : « L’accusé [Richemont] donne des détails qui ne peuvent avoir été connus que d’un prisonnier ».A quoi l’avocat général réplique : « Ou d’un homme qui les tiendrait d’un prisonnier et qui aurait intérêt à bien les connaître…. » Andryane réplique : « Non, Messieurs, il faut avoir été là, renfermé dans le local, et ma conviction que l’accusé est le prisonnier de Milan est pleine et entière (profonde sensation). » Mais nous croyons que,  de bonne foi,’il se trompe.
Sous le nom d’Hébert, qu’il donnera ensuite au prisonnier de Milan,  le baron s’est installé à Toulon d’où il écrit à Milan  à l’ancien tambour de Belgiojoso encore enfermé  dans sa prison milanaise. Selon Madame Ducassé, op. cit.  p.79, dans le dossier de Milan, se trouve une lettre de Bourlon (l’ancien tambour) à Rastouin, un tanneur  chez qui loge le baron à Toulon,  où il dit qu’à sa libération il se retirera à Toulon.  A sa libération en 1824, il se rallie au baron et, devenu aussi Hébert (Henry), apparaît le 5  décembre 1825,  maigre et fatigué,  à Genève à l’arrivée de la diligence de Milan. A Genève où il s’est rendu pour l’accueillir,  le baron   a pris le nom de M. Julienne, hôtelier. L’ex-prisonnier  se rend à Toulon avec lui  comme annoncé, puis à Rouen.
Le Bourlon emprisonné à Milan, savoir Giovanno- Ludovico Delfino,  avait aussi comme pseudonyme Aldo Cardoni.
Explication de toutes ces anagrammes du prisonnier de Milan
Bourlon vient entre autres de l’italien burlone, farceur, mystificateur, cf burlesque et le mot est paronymique de Bourbon, l’imposteur étant une allusion à Louis XVIII. Mais,  pour  Bourlon, outre la paronymie évidente  avec Bourbon, on retrouve  le b et le on ro  de carbonaro (comme  pour onr dans Cardoni) et le l de Ludovico ainsi que  le u.   
On  retrouvera les lettres de carbonaro, Delfino ou Dauphin, Ludovico (Louis) et Jean dans les trois pseudonymes anagrammatiques de l’ancien tambour de Belgiojoso, Aldo Cardoni, Bourlon, Henry Hébert.
Aldo Cardoni est l’anagramme de carbonaro, membre d’une société secrète puissante en France comme en Italie, visant à l’unité italienne et hostile au pape à cause de ses  Etats Pontificaux notamment.  Le double  d est pris à Delfino , ou à Dauphin,  et à Ludovico.  Dans Aldo Cardoni  le  do et  le l  de Ludovico sont aussi utilisés.
Quant à Henry Hébert, dont le baron de Richemont s’était aussi  servi ,  nous y retrouvons le b , le n et  le r  de carbonaro ;  le e, le n,   le i (=j)  de Henri sont peut-être pris à Jean .
Le carbonaro et le baron de Richemont se confondent souvent, sous le pseudonyme de Henry Hébert, dans l’affaire du procès de Rouen et surtout à Toulon, initiés tous deux dans des loges. La différence de couleur d’yeux dans les signalements ne semble pas être déterminante, ayant pu être modifiée.  
 Toulon et les loges maçonniques.
Henry  Hébert , de Genève,  passe par Ferney et se dirige vers Toulon où les amis francs-maçons du baron l’accueillent. Puis il  accompagne le baron en Normandie où il monte une verrerie qui fait faillite.
 Dans sa région natale, le baron consulte les archives des procès des deux faux dauphins, Charles de Navarre et Hervagault.     En 1828, le baron  se rend à Paris et fait paraître,  en 1831,  deux ouvrages, éditeur Labreli de Fontaine., imprimeur David  Boucher [Lemaistre], les Mémoires du duc de Normandie. Au Luxembourg le baron  fait paraître  une proclamation qui est saisie. Il voyage à Besançon, en Belgique, aux Pays-Bas.
Mais il s’est aussi installé à Toulon où il loge chez un carbonaro, qui est de son métier tanneur, un dénommé  Rastouin. Il obtient le 32e degré d’une loge maçonnique, les Vrais amis d’Egypte, qui succède à une loge militaire et relève , non pas du Grand orient, mais d’une société secrète catholique initiatique, les Chevaliers de la Foi localement appelée  Ordre des Aga (dignitaires égyptiens) ou Ordre de Toulon. Il  fait admettre aussi l’ancien tambour  dans deux autres loges toulonnaises, la Réunion de Toulon et les Sept Ecossais Réunis, cette dernière dépendant du Grand Orient parisien. 




QUI FUT LE BARON DE RICHEMONT,? CE MYSTÉRIEUX PRÉTENDANT A , ’IDENTITÉ DE LOUIS XVII (VERSION DÉFINITIVE ET RETOUCHÉE)?


CE MYSTERIEUX PRETENDANT A lQUI FUT LE BARON DE RICHEMONT, ’IDENTITÉ DE LOUIS XVII (VERSION DEFINITIVE ET RETOUCHEE)?
Parmi les prétendants au titre de Louis XVII, le baron de Richemont est absolument à part, parce qu’il était  riche et   ne  cherchait  pas  à vivre aux dépens  de gens crédules, parce qu’il bénéficiait de hautes  protections surprenantes et parce que la police  n’a jamais réussi à percer  de façon certaine son pseudonyme. Il s’agit donc bien d’un agent secret  en mission, d’un James Bond du XIX e siècle. . Ainsi ne s’étonne-t-on pas trop de le voir à Lyon, sous le nom du Colonel Julien,  pousser  les canuts à la révolte contre Louis-Philippe.  C’est aussi le seul prétendant à avoir eu l’honneur  d’être reçu par le pape en audience privée  durant deux heures. Pourquoi a-t-il eu cet honneur ? La décoration, qu’il ne craignait pas d’arborer  sur ses portraits, l’Ordre de la Toison d’Or selon Madame Jacqueline  Ducassé, dans Louis XVII et ses agents politiques d’après des documents inédits,  p. 14 (1984, chez l’auteur Le Marquisat, 47390 Layrac), livre  qui, malgré son titre, est consacré au baron de Richemont,  lui avait été  remise par l’Empereur d’Autriche dans les armées duquel il avait  servi avec les émigrés contre la France et contre la Révolution : elle  aurait pu conduire à percer son secret, mais elle n’a jamais fait l’objet d’étude.  La  police secrète,  op. cit .  p. 123 et 139, , avait déjà eu des doutes et s’était intéressée aux agissements du marquis de Bourbon- Conti. Celui-ci avait cherché à joindre  le fils du Conventionnel Courtois,  susceptible d’avoir  hérité de son père, des confidences et des documents intéressants sur Louis XVII.  D’autre part, il désirait lnterroger Madame de Monteymart au sujet des fouilles du cimetière de Sainte –Marguerite concernant la dépouille de Louis XVII, par l’intermédiaire de l’abbé Veyron.  Madame la marquise de Monteymart était la fille d’un intime de Louis XVIII, son ancien maître de cérémonies, le marquis de Dreux-Brézé.
  Après son évasion de la prison de Sainte-Pélagie en 1834, le baron de Richemont se rendra au château de Tencin, au nord-est de Grenoble, où,, ainsi que le raconte dans ses Mémoires, Sosthène de La Rochefoucauld- Doudeauville, la châtelaine accordera l’hospitalité au baron de Richemont qu’elle avait connue sous son nom véritable de marquis de Boubon-Conti et le présentera à l’abbé Veyron, curé de Goncelin,  son voisin , qui deviendra l’in des correspondants les plus réguliers du baron.  Lorsque le baron de Richemont parle de l’accueil que lui réserve son royal cousin lorsqu’il arrive dans la principauté de Modène, il faut se rappeler que le marquis de Bourbon- Conti était effectivement le cousin du prince d’Este- Modène. Celui-ci appartenait à la maison de Bourbon- Conti (son père était Louis François -Joseph, 1734-1804). De même pour ses aventures à Rio de Janeiro où le prince Juan , fils de Pierre de Bourbon -Bragance mort en 1812 à Rio de Janeiro, est bien le cousin du marquis de Bourbon- Conti, alias le baron de Richemont.  Il avait aussi été décoré en 1815 par le roi d’Espagne (encore un parent !) de l’Ordre de Charles III en qualité d’officier d’état –major du duc de Bourbon.  En 1815, il fut également  décoré  de l’Ordre de Saint Louis de Malte par Louis XVIII. 
  Madame Jacqueline Ducassé, une descendante d’un faux dauphin,  a présenté une hypothèse séduisante, dont nous nous  inspirerons  librement. Selon elle, ce n’est pas, -bien entendu, - le dauphin Louis XVII échappé du Temple, puisqu’il n’avait pas les yeux bleus comme celui-ci mais noirs ;  ce n’est pas non plus, comme le voulait la police et  Louis Veuillot, le fils d’un boucher de Lagnieu dans l’Ain (près de Belley),  Claude Perrin, clerc de procureur et faussaire. Ce qui a induit en erreur la police, c’est qu’il existait avant 1789 à Saint-Domingue une famille de propriétaires fonciers appelée Perrin de Richemont (Louis et Louis Marie, liste de Griech). Elle n’a bien entendu rien à voir avec notre baron, mais c’est l’origine de l’identification erronée de la police du baron et de Claude Perrin. Le baron de Richemont est en réalité un prince du sang, cousin de Louis XVII, savoir François Claude  Fauste, marquis de Bourbon –Conti et  marquis de Rémoville, fils de Louis François de Bourbon- Conti Ier (1717-1776) et de sa maîtresse Marie-Claude Gaucher –Dailly, dite  Madame de  Brimont (de Brimont dans la Marne, près de Reims),   née vers 1745. Fauste Louis est né  le 21 mars 1771 à  Gonneville -lès- Rouen et il a été baptisé le 21 mars 1773 à Saint-Pierre de Gonneville -lès- Rouen. Il a été doté du marquisat de Rémoville près de Neufchâteau dans les Vosges et a eu deux morts et deux sépultures,  la première officielle en 1833, l’autre réelle sous le nom de baron de Richemont en 1853 à Gleizé dans le Rhône près de Villefranche. Il avait été reconnu par son père et,  à la Restauration, son frère cadet Félix et lui furent accueillis comme parents par Louis XVIII. Ils avaient eu leurs terres confisquées sous la Révolution  et,  par lettres patentes du 17 novembre 1815,  le roi  les avait rétablis dans leurs titres ;   l’ordonnance du 29 avril 1824  les confirme dans leurs  titres sous condition que les lettres patentes constitutives leur seraient délivrées dans les deux mois.
Un indice : les deux  sceaux  du marquis de Rémoville.
 Le marquis de Rémoville possédait  un  cachet avec un  aigle  et  un cachet à fleur de lis. .Son identité avec un homme portant le pseudonyme de Hébert et avec le baron de Richemont est confirmée par le fait que Hébert touchait de l’argent chez son banquier Clavelan en utilisant son cachet à aigle ou son cachet à fleur de lis (en ce dernier  cas l’argent venait du trésor royal de France, ce qui est étonnant, mais peut s’expliquer par le fait qu’il était colonel et touchait une pension).
 Or, en 1834, le 26 octobre, devant la cour d’assises de la Seine, l’avocat général déclare : « un individu se nommant Hébert âgé de 46 ans qui maintenant dit se nommer Baron de Richemont et être enfant naturel appartenant à une famille distinguée et étrangère et que l’honneur lui défendait d’en dure davantage (on remarque la présentation , ici, de Louis XVII comme le fils  adultérin du Suédois Axel de Fersen et de l’Autrichienne Marie-Antoinette) avait, avant la révolution de 1830, élevé la prétention d’être Louis XVII . Il faisait valoir ses prétendus titres dans de nombreuses  publications et écrits. On suppose que Richemont en est l’auteur, mais la calligraphie est de la main de Colliard [un imprimeur parisien], celui précédemment employé par Hullin, impliqué dans le premier procès de la Société des Droits de l’Homme.…. Il cherche à exciter certaines gens [comme les canuts de Lyon] et à lever une milice. Le 18 juillet, il passe chez Coquardon pour prendre ses cachets dont un à aigle. On lui trouve un autre cachet à fleur de lis. On a saisi chez lui une correspondance chiffrée, qui a été traduite par des experts et qui provient de son principal agent, la femme Duru. On a saisi chez lui une espèce de presse et un poignard. »
L’histoire du cachet à l’aigle.
  L’histoire de ce cachet mérite d’être contée. En janvier 1792, Crawford, cité dans  Louis XVII, p.19, écrit : « Ce jour là, la reine, remarquant une pierre gravée que j’avais au doigt, me demanda si j’y étais bien attaché. Je lui répondis que non. « Je vous le demande, me dit-elle, car si j’avais besoin de vous écrire de ma main, le cachet vous servirait d’indication. » Cette pierre représentait un aigle portant dans son bec une couronne d’olivier .Sur quelques mots que ce symbole me suggéra, elle secoua la tête en me disant : « Je ne  me fais pas d’illusion, il n’y a plus de bonheur pour moi. ». Puis, après un moment de silence, « le seul espoir qui me reste, c’est que mon fils pourra du moins être heureux. » Avant le 10 août, « Monsieur de Goguelat … se trouvant auprès de Sa Majesté, elle lui donna cette bague en disant : « Si vous voyiez jamais Monsieur Crawford, vous la lui remettrez de ma part. » Son intention a été remplie,  Monsieur de Goguelat me l’ayant remise à Vienne », avec en note : « J’ai perdu cette bague avec d’autres effets qui m’ont été volés chez moi. » Le marquis de Rémoville l’a récupérée et l’a pieusement conservée en tant que souvenir de Marie-Antoinette.
La fratrie du baron
  Il eut pour frère Félix, comte de Bourbon- Conti (1772-1840), chevalier d’Hattonville (dans la Meuse, commune de Vigneulles-lès-
 Hattonchâtel) et de Groslieu ,  fils également de Madame Gaucher- Dailly.  Sosthène de La Rochefoucauld -Doudeauville possédait une terre voisine de Hattonville dans la Meuse et épousa la veuve du chevalier de  Hattonville, Herminie de la Brousse de Verteillac, ce qui explique le chapitre élogieux consacré au baron de Richemont (vol. XII) dans ses Mémoires : il connaissait l’identité du baron à cause du voisinage de son frère et de sa veuve qu’il avait épousée.  
Il eut pour demi-frère Louis François Véronèse, dit le chevalier , puis le comte de Vauréal,  fils de Marie –Anne Véronèse et de Louis François de Bourbon- Conti Ier,  né à Paris  en 1761 et mort à Melun en 1785. Sa veuve, la comtesse de Vauréal, nous intéresse, parce que Madame Ducassé (op. cit. p.146) a découvert une lettre de Richemont de 1842, dans laquelle il adresse ses amitiés à « Madame la Comtesse de Vauréal ainsi qu’à sa famille », à sa demi- belle- sœur, ce qui confirme l’identité du baron. J’ai consacré un blog à sa demi-sœur, Stéphanie de Montcairzin.  
L’origine du pseudonyme Richemont.
D’abord, Richemont est l’anagramme des noms du père et de la mère du Baron,  Conti et Brimont , en ajoutant l’anagramme de son marquisat de Rémo (ville).  Parmi les autres origines possibles de son  pseudonyme, citons le fait qu’à la mort de Jeanne d’Arc c’est le colonel de Richemont qui reprit le flambeau contre les Anglais, comme le baron estimait qu’il le faisait contre la monarchie de Juillet : le prince de Bourbon-Conti d’ailleurs était lui-même colonel et il est intervenu  sous le nom du  colonel Julien à Lyon où il excita les canuts révoltés,
  Autre allusion historique dans le pseudonyme de Richemont : Henry Tudor, duc de Richmond chassa l’usurpateur Richard III qui avait assassiné ses neveux pour régner à leur place et pour ravir leur fortune. Comment entendre cette allusion ? Je crois qu’il s’agit d’une allusion à Madame Royale, Marie-Thérèse, duchesse d’Angoulême,   héritière des grandes richesses de ses parents, fortune que son oncle Louis XVIII convoitait. Voir mon blog sur la sœur de Louis XVII.

L’édifiant  pseudonyme du baron pour les intimes : o.
Il s’agit de l’hymne antiphonique : O Virgo virginum, ô vierge des vierges ! que l’on chantait pendant les sept jours qui précédaient Noël. Notre-dame du O se célébrait autrefois le 18 décembre.  C’était la fête de l’Expectatio Partus Beatae Virginis Mariae (l’attente de l’accouchement de la bienheureuse Vierge Marie).Ce pseudonyme montre la ferveur sincère du baron.  

Les mobiles de Richemont et son appartenance à une société secrète  initiatique de la Restauration, qui avait pour but la restauration de l’ordre monarchique d’avant 1789, les Chevaliers de la Foi.
 Les membres de la société secrète des Chevaliers de la Foi, procédant d’une autre société secrète,  la Congrégation, hiérarchisée à l’exemple de la franc-maçonnerie et  étudiée par le Père Guillaume de Bertier de Sauvigny, étaient des intégristes catholiques et le baron de Richemont en fait partie. C’est cette appartenance qui permet au  baron de Richemont  d’être  reçu en audience privée par le pape à Gaëte ; c’est elle aussi qui explique que le baron s’intéresse aux apparitions de la Salette.  Le baron  et ses associés étaient  gênés  par ses yeux marron et non pas bleus comme ceux du Dauphin qui les tenait  de Marie- Antoinette. Aussi ont-ils l’ingénuité mystique  de demander à Dieu un miracle pour changer la couleur des yeux du baron ! Houzelot , cité par Madame Ducassé, op. cit, . p.177, écrit à l’abbé Veyron à propos d’un pèlerinage à la Salette : « Il a été convenu qu’une neuvaine sera faite à Notre Dame de la Salette pour lui demander d’accorder trois choses à O (pseudonyme du baron) :
1) qu’elle lui remette les yeux dans leur état naturel… ;
3) qu’elle lui accorde également toutes les grâces nécessaires afin qu’il puisse remplir la mission qui lui a été confiée [détrôner l’usurpateur Louis-Philippe] ;
P. S. Quant au premier motif de la neuvaine, c’est entre nous. Il ne faut nullement parler des yeux à personne. Il faut expliquer le premier motif de manière qu’il ne soit pas intelligible car certains en tireraient un mauvais parti, ne comprenant pas qu’il y a quelque chose de mystérieux dans ce phénomène ».
Comme le remarque Madame Ducassé, il y avait différents niveaux d’initiation et seuls les plus élevés savaient que le baron, avec ses yeux noirs, n’était pas Louis XVII ! Et dans une lettre de Richemont de 1849 à la comtesse Henriette d’Apchier de Vabre (née Corteilles de Vaurenard, sa maîtrese op. cit, p. 146, également  membre de la société secrète) : « Il est fâcheux que les yeux noirs vous aient échappé. »
  Mais c’est pour une autre raison, plus personnelle,  que le baron  participe à la procession  annuelle de la Confrérie des Pénitents blancs au Bois d’Oingt –en- Beaujolais du 4 au 10 octobre 1850. Il s’agit de la  Confrérie du Gonfalon (mot d’origine francique, doublet de gonfanon, désignant l’étendard contre les musulmans)   destinée à racheter les esclaves de race blanche  et de religion chrétienne  faits par les musulmans, originellement dans les Etats pontificaux et liée aux capucins (franciscains). Le baron  avait,   au cours de sa vie mouvementée, été pris comme esclave, vendu dans le grand marché d’esclaves d’Alep, et rapidement, -heureusement pour lui, -racheté par la confrérie du Gonfalon. Mais son honneur l’a amené à passer sous silence cette période,  qu’il jugeait humiliante pour un prince du sang descendant de Louis XV .Voici son récit :
 « Arrivé à Paris en août 1815, j’en partis en mai 1816. Je m’embarquai à Marseille pour Gibraltar; de là pour Londres ; ensuite je débarquai à Edimbourg où je trouvai Tancrède de Hauteville [anagramme d’un autre faux dauphin ,  Hervagault et de Grimaldi de Monaco, le père naturel de Hervagault étant Honoré IV Grimaldi de Monaco, duc de Valentinois], mon secrétaire, le même qui avait été arrêté pour moi à Saint-Malo [Il est intéressant de voir ici que le baron qui avait longuement étudié les archives du procès de Rouen  -sa région natale,- identifie , comme le font certains historiens, Hervagault et Charles de Navarre, arrêté à Saint-Malo et à qui fut substitué le  sabotier Mathurin Bruneau : Hervagault était un blondinet aux yeux bleus, d’allure et de moeurs  très efféminées…]… Partis de là [avec de Hauteville] pour le Cap de Bonne Espérance, nous embarquâmes sur un bateau portugais qui cinglait vers Ormuzd. En passant à Goa [où il est certain que le « colonel de Richemont » a combattu pour les Portugais catholiques], Tancrède y fut assassiné par des brigands. [Ce sont des pirates,  qui, tandis que le substitué Bruneau décède au Mont Saint Michel,  tuent le vrai Hervagault, par accident ou bien , peut-être, en raison de ses mœurs et de son aspect efféminés, et  prennent le baron comme esclave.]
…Arrivé à Ormus [les fers aux pieds], j’attendis l’arrivée de la caravane des Indes et je partis avec elle pour le pèlerinage de la Mecque, en passant par Bassora, Bagdad, Alep [où il est vendu comme esclave], Damas [ où il est racheté et libéré par les confrères du Gonfalon], Jérusalem et Suez. Remonté jusqu’à Jérusalem, je quittai la caravane, changeai de costume et entrai dans le Saint Sépulcre… »


Les deux tombes du baron.
Il a eu deux morts et deux sépultures,  la première officielle au Père Lachaise datant de 1833  comme prince de Bourbon -Conti, l’autre réelle comme baron de Richemont en 1853 à Gleizé dans le Rhône près de Villefranche,  au château de Vaurenard, chez Madame d’Apchier. Au Père Lachaise,  fut enterré à sa place ,  avec l’assentiment du baron de Richemont,  le faux dauphin en qui croyaient Fouché et Joséphine, savoir le tambour de Belgiojoso, voir mon blog sur le Tambour de Belgiojoso. .Le baron de Richemont  semble  avoir porté beaucoup d’affection à ce demi-frère qui portait le nom de Jean Louis  Bourbon .Il fut  emporté par une épidémie de choléra qui sévit à Paris à cette époque. On a fait de nombreuses hypothèses sur son identité : il est  le fils adultérin (elle en eut au moins trois et, curieusement, le Directoire tenta de la forcer à les reconnaître) de la femme de lettres parisienne Fanny de Beauharnais, née Marie Anne Françoise ou Fanny  Mouchard de Chaban (1737-1813), épouse de Claude de Beauharnais, et du père du baron de Richemont, le marquis de Bourbon -Conti, à en juger par les anagrammes dont sont truffés les pseudonymes de ce Louis XVII qui fut probablement le seul des prétendants à y croire, en raison de l’ entourage de son enfance.  Parmi les nombreux amants de Fanny de Beauharnais, il nous faut citer les hébertistes Michel de Cubières et Mororo .Lorsque Jacques René Hébert sera guillotiné, Fanny de Beauharnais sera inquiétée et devra quitter précipitamment Paris. De là le nom d’Hébert que prendra le faux dauphin, car Hébert était un agent royaliste, contrairement à ce qu’on croit généralement (voir mes blogs sur le tambour de Belgiojoso et Un agent anglais d’origine corse) .

Les revenus du baron de Richemont
Le baron de Richemont était colonel et avait donc droit à cette  pension du trésor royal qu’il touchait avec son sceau fleurdelisé, à Rouen par exemple, et de plus il avait des revenus personnels qu’il touchait avec son sceau à l’aigle.  Aux Archives Nationales, archives privées, T170 papiers Rémoville et Hattonville, nous apprenons que le marquis de Bourbon –Conti avait été , comme son frère , ancien élève de la Marine et pupille de l’avocat au parlement  Charles Louis Clausse. Du dénombrement de leurs biens, je retiens concernant le marquis de Rémoville , outre  le fief vosgien de Rémoville près de Neufchâteau et un hôtel parisien situé rue d’Artois partagé avec son frère, le Mesnil-sur-Vair près de Neufchâteau dans les Vosges    et Auvilliers, ainsi que , tous près de Neufchâteau,  Aouze,  Balléville,   Viocourt ,Tilleux, Certilleux, Aroffe , Jainvillotte  et Soncourt .  Le cadet, sans postérité, avait des biens en Essonne : Morigny-Champigny, Corbreuse,  et, dans les Yvelines Groslieu (Allainville) et Hattonville (commune de Vigneulles-lès-Hattonchâtel dans la Meuse).
La famille proche du baron
Son héritière,  née le 4 septembre1833 à Paris dans le
8e arrondissement,  est Melle Louise  Charlotte Virginie Worff, qui porte le nom de sa nourrice. Elle avait pour curateur Joseph Chevrier,  négociant, habitant 16 rue Thévenot (aujourd’hui rue Réaumur, 2e arrondissement). Il avait trois autres filles : l’aînée épousa le comte de Riccio, une autre le Comte hongrois de Goritz, neveu du comte Batthiany, une troisième un basque M. Iturbide. Marie-Antoinette de France (Marie Manczer) me semble  être plutôt  la fille de l’ancien tambour de Belgiojoso.
A noter que le baron touchait 1200 francs  par an de Madame veuve Picqué de Strasbourg, qui  se disait  veuve du professeur de dessin de Louis- Charles, duc de Normandie et habitait 12, rue de Condé, 6e,  à Paris, où résidait  aussi le baron.
 Son exécuteur testamentaire était le médecin Louis Balthazar Caffe,  chevalier de Saint Louis, demeurant 49, rue de la Ferme des Mathurins, 8e,  fils d’un sénateur de Chambéry, Louis Charles Caffe, qui  avait participé, en automne 1793, avec Michonis , Pierris et Marino, à un complot destiné à faire évader la reine (Madame Ducassé, op. cit., p.52).
Le but de la mission secrète du baron
Le prince, comme la Société secrète, était persuadé de l’évasion, de  la survivance de Louis XVII et peut-être  de son identité avec le  Bourbon de Milan, le tambour de Belgiojoso. . Mais, pour eux, Louis XVII n’était qu’un bâtard issu de Fersen et capable de l’ignominie d’accuser sa mère d’attouchements sexuels.  Richemont  devait donc l’éliminer du trône, sans le tuer, de façon à assurer la sécurité du trône de Louis XVIII, puis de Charles X et éventuellement  du Comte de Chambord. Le baron de Richemont est naturellement très opposé à Louis - Philippe, « l’infâme régicide », comme il l’appelle, par allusion à son père qui avait voté  la mort de Louis XVI. 
Richemont lui aussi a cru , au moins au début, à cause des yeux bleus entre autres,  que le prisonnier de Milan était le vrai dauphin. Les ordres étaient  de le neutraliser à son inévitable libération de prison.  Pour cela,  une solution consistait à se faire emprisonner lui-même à Milan, mais une seconde consistait à  capter la confiance du carbonaro et à lui donner de nouveaux ordres. C’est la seconde solution que, selon moi, choisit Richemont,  faisant jouer pour la rencontre et la libération du carbonaro son cousinage avec le duc d’Este- Modène.  

QUI ÉTAIT RÉELLEMENT NAUNDORFF ?


        QUI ÉTAIT RÉELLEMENT NAUNDORFF ?
  Après avoir traité dans mes blogs sur le baron de Richemont et sur un agent anglais d’origine corse des prétendants, je compte maintenant revenir dans trois blogs successifs  sur les imposteurs qui se sont prétendus  Louis XVII, à commencer par Naundorff, puis le baron de Richemont,  et celui qu’on peut appeler le tambour de Belgiojoso.
  On peut consulter ce qu’en en pense Sosthènes de La Rochefoucauld-Doudeauville, bien renseigné par son parent  le baron de Rochemont , car , après les journées de Juillet 1830, Sosthènes de La Rochefoucauld resta en relation avec la famille royale en exil. La duchesse d’Angoulême, sœur présumée de Louis XVII (voir mon blog sur la sœur de louis XVII), lui demanda d'enquêter sur Karl-Wilhelm Naundorff, qui prétendait  être son frère mort à la prison du Temple (Mais pourquoi ne pas l’avoir elle-même interrogé et regardé ?). Il publiera cette correspondance avec la duchesse d’Angoulême dans le volume 12 de ses Mémoires.

Rappelons d’abord que les imposteurs sont souvent animés par un fantasme d’enfant trouvé, de bâtard d’origine princière, que ce soit véritable ou fantasmé. Ainsi du faux dauphin Hervagault, fils naturel du duc Grimaldi de Monaco.
Selon moi, il y a deux   problèmes fondamentaux concernant Naundorff :
1Quel est son acte de naissance et quelle est donc son identité réelle ?
2 D’où vient ce curieux nom de Naundorff ? Pourquoi ce métier d’horloger ?

1 L’état -civil de Naundorff.
Qui est Naundorff ? Nous avons,  grâce aux recherches de l’érudit français   Georges Pinet de Manteyer à qui il faudra  toujours revenir (Les faux Louis XVII, le roman de Naundorff et la vie de Carl Werg, tiré de 700 pièces d’archives, 1926,2  volumes, plus de 1000 pages),  l’acte de naissance du futur  Naundorff sous le nom de Werge à Halle-sur-Saale en Prusse, p. 282 : « Du 9 mai 1777 : Carl-Benjamin [ Werge], né le 3 [mai 1777] , à quatre heures du matin, baptisé [protestant] à la maison, fils de M. Johann-Gottfried Werge, bourgeois et brasseur –associé, jadis marchand de chevaux, 7, Gross-Ulrich strasse, et de sa femme Catharina –Friederica née Zinck . Parrains [et marraines]:
1°M. Benjamin-Hermann Dryander, conseiller de la Cour royale de Prusse et officier de justice dans le district royal de Giebichenstein [Tel est le père biologique de Naundorff et cette paternité naturelle  illustre , plus ou moins pressentie sans précision,  sera à l’origine de  son fantasme d’une origine « princière » et du fait que,  même à son mariage, il se déclare orphelin et se vêt tout de noir pour porter le deuil de son père « imaginaire » . On ne comprend pas comment un aussi grand personnage que ce conseiller auprès du roi de Prusse eût pu s’abaisser à parrainer le fils d’un ex-maquignon et brasseur de bière, pas plus que les autres parrains et marraines. A Dryander , qui lui donnera son prénom de Benjamin, succèdera en 1812 un Prussien d’origine française Paul-Louis Le Coq, conseiller intime de légation et conseiller rapporteur  au ministère des Affaires étrangères, devenu président de la police de Berlin en 1812, l’homme qui, en possession des papiers et correspondances de son prédécesseur établissant sa filiation naturelle, se portera garant pour Naundorff à Berlin en 1812 : nous en avons la trace dans les Archives de la Présidence de Police de Berlin, litt. N, n°48, pièce 68 : du Ministre de l’Intérieur et de la Police von Rochow à Berlin, le 1er mai1836  à M.  le baron de Gerlach, Président de la Police royale: « Il résulte des archives de mon Ministère qu’à cette époque [en 1810], à l’ancienne intendance de Police, furent poursuivies, relativement au susdit Nauendorff [sic], des négociations dont je désire prendre connaissance. » Ces documents semblent bien, hélas ! avoir disparu, alors que selon Naundorff il aurait durant son séjour berlinois apporté au président de police de l’époque, Lecoq, des preuves de sa naissance. ]
 2° Madame Elisabeth [Godhagen, femme de  M.  le docteur Johann-Friedrich Godhagen, professeur de médecine, médecin de la ville et du pays[qui a dû accoucher sa mère discrètement] ;
3°M. Carl-Gottlieb-Büttner, avocat ordinaire, qui lui donnera son prénom courant de Carl; ;
4° Madame Johanna-Maria-Elisabeth [Wuckerer], femme de M. Matthaeus Wuckerer, commerçant. “
 Louis XVII est né  le 27 mars 1785 ;  c’est dire que notre « Naundorff-Werge » est plus âgé que Louis XVII de 8 ans. Il dira à son mariage qu’il a 43 ans, alors qu’il a en réalité  41 ans.
2 D’où vient ce curieux nom de Naundorff ? Pourquoi ce métier d’horloger ?

L’identité de Werge et de Naundorff est confirmée par Naundorff lui-même, car il a raconté dans les  termes que voici  ses  aventures dans un récit  dicté en 1824 au greffier du tribunal de Brandebourg, récit  certes égaré mais conservé par Otto Jork (texte intégral de la seconde déclaration, dans Decaux, Louis XVII retrouvé, Naudorff roi de France, p. 131) : « Une nuit,  je fus réveillé [en France] par mon père nourricier
( Mantorff ? [Altération  du nom luxembourgeois  Mondorff, qui signifie originaire de Mondorf-les-Bains, entre la France et le Luxembourg] et je vins en Allemagne. C’est de lui qui, pour passer le temps, s’occupait d’horlogerie, que j’appris ce métier [d’horloger]. » Mondorf,ou Maundorff, a été altéré en Nauendorff ou Naundorff.  
Il ne prendra ce nom de guerre et les prénoms de Karl –Wilhelm au lieu de Karl-Benjamin qu’après son évasion du bagne de Toulon, où il avait été emprisonné par Napoléon comme déserteur appartenant aux bandes de Schill et Brunswic, ce changement de nom par rapport à Werge s’expliquant comme destiné à échapper aux recherches de la police impériale. Un fils de son père nourricier, mort très jeune  à Halle,   portait  les prénoms de Karl-Wilhelm et le nom de Maundorff. Par désir d’identification au fils de l’horloger luxembourgeois qui avait épousé Madame Sonnenfeld, il lui empruntera ses nom et prénom .Le même désir d’identification, faute d’imago paternelle, l’amènera à  prendre aussi sa succession comme mari de Madame Sonnenfeld à la mort de celui-ci. 
Tentative de biographie de l’horloger luxembourgeois  Godefroy Maundorff.
Peu après sa naissance, son père Werge mourut et sa veuve fit appel à la générosité de son père biologique, qui lui procura un père nourricier, un horloger, le luxembourgeois Naundorff. Mais à  la mort de sa mère, l’horloger se mit en ménage avec Madame Sonnenfeld qui servit de gouvernante pour l’enfant,- c’est Naundorff qui emploie le mot de « gouvernante » à propos de Madame Sonnenfeld.
Voici comment notre Naundorff parle de Madame Sonnenfeld: “Cette jeune dame n’était pas la soeur de Naundorff, elle n’était pas veuve non plus, mais elle était en réalité la femme d’un horloger établi à Roshweil- sur-le- Necke [Sonnenfeld]. Celui-ci l’avait abandonnée, et, depuis, elle avait entretenu avec Naundorff, du moins j’eus lieu de le supposer, une de ces liaisons  de cœur que les mœurs de notre siècle ne tolèrent que trop, mais que la morale, plus encore que les convenances, ne pardonnent jamais.  J’abandonnai complètement à Madame Sonnenfeld la direction de mes affaires. » Madame Sonnenfeld était née Hassert, à Halle, la ville natale de Werge en 1774, elle se  maria en 1795 (elle avait 21 ans) à un soldat, Sonnenfeld, qui déserta, puis l’abandonna. Elle vécut ensuite avec un autre soldat, savoir l’horloger Godefroy  Naundorff, le tuteur de notre Karl Werge-Naundorff. Elle eut deux enfants de ce Naundorff qui portèrent le nom de son mari légitime  Sonnenfeld, savoir Christian, né le 16 août 1797 et une fille, née en 1798 et morte en 1799. Quand elle eut divorcée d’avec Sonnenfeld, elle se remaria en 1800 avec un 3e soldat, Jean –Christian Muller, dont elle eut un fils, mort en 1802. Muller l’abandonne un peu plus tard et elle eut encore  d’autres  liaisons.
  En 1810, elle se met en ménage avec le garçon qu’elle a élevé, soit Karl-Benjamin Werge qui prend alors le nom de son « beau-père » horloger et tuteur en le modifiant un peu,  Naundorff.  Elle-même mourut en. 1818.
Notre Naundorff fait en1818  la connaissance d’une jeune fille de 16 ans à peine, Jeanne Einert, orpheline de père, qu’il épouse moins d’un mois après l’avoir rencontrée, soit le 19 novembre 1818 ; l’acte de mariage indique qu’il est Charles –Guillaume  Naundorff, bourgeois   et horloger en cette ville [de Spandau], fils unique et légitime de feu le sieur Godefroy Naundorff, bourgeois, fabricant [de montres]  et propriétaire près Weimar. C. –G. Naundorff, âgé de 43 ans, a été  rendu veuf par la mort de sa femme [Sonnenfeld, en 1818].
 C’est sous le nom de Naundorff que Werge  prête  serment, en 1812, comme bourgeois  de Spandau et c’est  sous ce même nom de Naundorff qu’il exerce son  activité d’  horloger en 1827 à Brandebourg, 
  En somme, selon moi, le chemin du pseudo- Naundorff, alias Werge,  a croisé celui du tambour de Belgiojoso , qui signait Louis Bourbon, ce qui  a donné à Naundorff  l’idée de s’identifier à lui et de se  dire Louis XVII : à la prison de Brandebourg, il signe Ludwig Burbong, alors qu’ en réalité son nom de baptême était  Werg ,  protestant et bourgeois. « Après beaucoup de détours, j’arrivai à la frontière de Bohême [en Slovaquie] et j’entrai comme officier dans l’armée du duc de Brunswick- Oels, qui avait obtenu connaissance de ma condition. En 1810, à la tête d’un détachement de 25 hommes, je pris part à une escarmouche [contre les Français] près de Dresde, et mes gens furent en partie tués, en partie  faits prisonniers. Je fus moi-même grièvement blessé et tombai en captivité. Les troupes françaises  m’escortèrent avec les autres prisonniers, mais me laissèrent à Magdebourg, parce que j’avais une fièvre nerveuse. Avant que je ne fusse complètement rétabli, on nous embarqua pour la France [le bagne de Toulon]. Là je réussis avec un certain Friedrich (est-ce le tambour de Belgiojoso, voir mon blog sur le tambour de Belgiojoso, qui se disait Louis XVII ?] à m’échapper par un caveau qui se trouvait dans une église où on nous avait mis pour nous reposer. Nous allâmes alors tout droit à Berlin pour y entrer dans l’armée comme hussards .A cause de ma qualité d’étranger [de Français ?],  je ne fus pas admis, mais le Président de la Police Le Coq me permit de m’établir comme horloger [à Berlin, sous le nom de guerre, -Naundorff,- du père nourricier que son père biologique lui avait choisi à la mort de sa mère, la maîtresse du conseiller auprès du roi] et je m’établis Schützen strasse,  n°52.Un an après, j’allai à Spandau où je séjournai jusqu’en 1822 Signé Ludwig Burbong »